COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 89E
5e Chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 24 NOVEMBRE 2022
No RG 21/00183
No Portalis
DBV3-V-B7F-UII7
AFFAIRE :
S.A.S. BOUYGUES BATIMENT ILE DE FRANCE
C/
CPAM DE L'ESSONNE
Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 10 Décembre 2020 par le Pole social du TJ de VERSAILLES
No RG : 14/01915
Copies exécutoires délivrées à :
la SELEURL Anne-Laure Denize
Me Florence KATO
Copies certifiées conformes délivrées à :
S.A.S. BOUYGUES BATIMENT ILE DE FRANCE
CPAM DE L'ESSONNE
le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT QUATRE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.S. BOUYGUES BATIMENT ILE DE FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Anne-laure DENIZE de la SELEURL Anne-Laure Denize, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D276 - No du dossier BY 14-12 substituée par Me David BODSON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0881 - No du dossier BY 14-12
APPELANTE
****************
CPAM DE L'ESSONNE
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1901 substitué par Me Lucie DEVESA de la SELARL KATO ET LEFEBVRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1901
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente,
Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller,
Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Clémence VICTORIA, greffière placée
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 15 juillet 2014, la société Bouygues bâtiment Ile-de-France (la société) a souscrit, auprès de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne (la caisse), une déclaration d'accident du travail survenu le 11 juillet 2014 dont a été victime un de ses salariés, M. [H] [J] [S], ouvrier, qui "a reçu l'extrémité d'une poutrelle bois au niveau du casque".
Le certificat médical initial du 11 juillet 2015 fait état d'une "entorse du rachis cervical".
Le 31 juillet 2014, la caisse a pris en charge l'accident subi par M. [J] [S] au titre de la législation sur les risques professionnels.
La société a contesté la décision de la caisse devant la commission de recours amiable puis le tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles.
Par jugement contradictoire en date du 10 décembre 2020 (RG no 14/01915), le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles a :
- débouté la société de sa demande en inopposabilité des décisions de prise en charge des lésions, soins et arrêts de travail liés à l'accident dont M. [J] [S] a été victime le 11 juillet 2014 ;
- débouté la société de sa demande aux fins d'expertise ;
- déclaré opposable à la société les soins et arrêts de travail observés par M. [J] [S] relatifs à l'accident du travail du 11 juillet 2014 ;
- condamné la société aux dépens.
Par déclaration du 14 janvier 2021, la société a interjeté appel du jugement et les parties ont été convoquées à l'audience du 27 septembre 2022.
Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé complet des moyens, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour :
- de la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;
Y faisant droit,
Sur la mise en oeuvre d'une expertise médicale judiciaire en présence d'une difficulté d'ordre médical,
- de constater qu'elle conteste le caractère professionnel des lésions, soins et arrêts de travail pris en charge au titre de l'accident du travail du 11 juillet 2014 ;
- de constater que la caisse ne justifie pas d'une continuité de lésions, soins et arrêts de travail au titre de l'accident du travail du 11 juillet 2014 ;
- de constater qu'il existe un différend d'ordre médical portant sur l'imputabilité des lésions, prestations, soins et des arrêts de travail indemnisés au titre de l'accident du travail du 11 juillet 2014 de M. [J] [S] et la date de consolidation ;
En conséquence,
- d'infirmer le jugement et statuant à nouveau :
- d'ordonner, avant dire-droit, une expertise médicale judiciaire, le litige intéressant les seuls rapports caisse/employeur, afin de vérifier la justification des lésions, prestations, soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse au titre de l'accident du travail du 11 juillet 2014 ;
- d'enjoindre à la caisse et / ou à son service médical de communiquer à l'expert et au docteur [M], médecin conseil de la société l'ensemble du dossier médical de M. [J] [S] au titre l'accident du travail du 11 juillet 2014 et notamment l'ensemble des certificats médicaux et les différents rapports établis par le médecin conseil ;
L'expert désigné aura pour mission de :
1o - prendre connaissance de l'entier dossier médical de M. [J] [S] établi par la caisse ;
2o - fixer la durée des arrêts de travail, prestations et des soins en relation directe et exclusive avec l'accident du travail du 11 juillet 2014 ;
3o - dire notamment, si pour certains soins et arrêts de travail, il s'agit d'un état pathologique indépendant de cet accident du travail ou d'une pathologie indépendante évoluant pour son propre compte ;
4o - fixer la date de consolidation de l'accident du travail du 11 juillet 2014 à l'exclusion de tout état pathologique indépendant ;
5o - ordonner à l'expert de soumettre aux parties un pré-rapport avant le dépôt du rapport définitif ;
- de renvoyer l'affaire à une prochaine audience afin qu'il soit débattu du rapport d'expertise ;
En tout état de cause
- débouter la caisse l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
La société expose que la présomption d'imputabilité ne peut s'appliquer, la caisse ne rapportant pas la preuve d'une continuité de symptômes et de soins, la durée de prise en charge étant de 295 jours, alors qu'il existe des états pathologiques antérieurs.
Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé complet des moyens, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la caisse demande à la cour :
- de déclarer la société mal fondée en son appel ;
- de confirmer le jugement rendu le 10 décembre 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles.
La caisse soutient que la matérialité de l'accident est établie et qu'elle peut se prévaloir de la présomption d'imputabilité de l'accident au travail qui demeure lorsque l'accident aggrave un état pathologique préexistant.
Concernant les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, la caisse demande le versement de la somme de 1 500 euros. La société ne formule aucune demande à ce titre.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il résulte des articles L. 411-1 du code de la sécurité sociale et 1353 du code civil que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et qu'il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire.
En l'espèce, il ressort des pièces du dossier qu'une poutrelle en bois a heurté la tête de M. [J] [S], au temps et au lieu de son travail. Cet accident, survenu le 11 juillet 2014, lui a occasionné une entorse du rachis cervical, selon le certificat médical initial établi le même jour. Un arrêt de travail a été prescrit au terme de ce même certificat jusqu'au 20 juillet 2014.
Les pièces versées aux débats par la caisse, constituées des certificats médicaux de prolongation, font état d'un arrêt de travail qui s'est poursuivi jusqu'au 31 août 2015, à l'exception d'une période de soins du 8 septembre 2014 au 8 janvier 2015.
Tous les certificats médicaux de prolongation font état d'une contusion à la tête et/ou d'une cervicalgie.
La caisse a fixé au 31 août 2015 la date de consolidation de l'état de santé de la victime, sans séquelles indemnisables.
La présomption d'imputabilité des soins et arrêts de travail jusqu'à la date de consolidation de l'état de la victime doit ainsi bénéficier à la caisse.
Il appartient alors à la société de rapporter la preuve que ces arrêts ou soins sont sans rapport avec l'accident initial.
La société produit le rapport d'expertise judiciaire du docteur [C] [D], ordonnée par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Seine saint Denis du 20 mars 2018 dans le cadre d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur du fait de l'accident du travail du 11 juillet 2014, expertise contradictoire à l'égard de la société et de la caisse.
L'expert précise que du fait de l'accident, M. [J] [S] a été victime d'un traumatisme crânio-cervical avec perte de connaissance à la suite de la chute de deux mètres d'une poutrelle.
Il relève trois antécédents : un traumatisme facial, vraisemblablement majeur puisque M. [J] [S] a perdu un oeil en 1985 ; une tuberculose pulmonaire en 1988 ; une arthrose du rachis cervical, dégénérative.
Il précise : "L'arthrose du segment vertébral cervical est l'élément important des déficits de M. [J] [S], l'accident du 11 juillet 2014 a été, quels qu'aient été le mécanisme, le scénario traumatique bénin, sans lésion ostéo-articulaire sinon une hypothétique entorse cervicale, non démontrée radiologiquement, mais il a eu le mérite, si l'on peut dire, sans doute, de révéler la réalité de l'état du segment vertébral cervical."
L'expert note la date de consolidation sans séquelles indemnisables ainsi que la poursuite des arrêts de travail après cette date et un licenciement pour inaptitude. M. [J] [S] a bénéficié d'une arthrodèse C5-C6 et C6-C7 en 2016.
L'expert a ainsi fait la part des choses entre les conséquences de l'accident et une arthrose cervicale dégénérative antérieure à l'accident et prise en charge en ALD puis en invalidité deuxième catégorie.
Il s'en déduit que les conséquences d'états antérieurs ne se sont pas confondus avec la cervicalgie invoquée dans le cadre de l'accident du travail du 11 juillet 2014, la date de consolidation du 31 août 2015 sans séquelles indemnisables n'ayant pas pris en compte les douleurs et raideurs subies par M. [J] [S] au-delà de cette date.
L'expertise distinguant les antécédents médicaux de M. [J] [S] des conséquences de l'accident du travail, les points retenus par la société ne sont pas de nature à écarter la présomption, étant observé que le siège des contusions initialement constatées coïncide avec celui des lésions mentionnées dans les certificats de prolongation.
De surcroît, la société ne justifie pas avoir contesté la date de consolidation fixée par la caisse, sa saisine de la commission de recours amiable, le 10 septembre 2014, étant antérieure à la décision de la caisse du 21 août 2015, fixant date de consolidation de l'état de santé de M. [J] [S].
Les éléments avancés par la société ne sont ainsi pas de nature à justifier la mise en oeuvre d'une expertise.
Le recours formé par la société sera donc rejeté.
Le jugement sera, dès lors, confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et les demandes accessoires
La société, qui succombe à l'instance, est condamnée aux dépens d'appel et condamnée à payer à la caisse la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement rendu le 10 décembre 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles (RG no 14/01915) en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société Bouygues bâtiment Ile-de-France aux dépens d'appel ;
Condamne la société Bouygues bâtiment Ile-de-France à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sylvia LE FISCHER, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,