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17/11/2022 | FRANCE | N°20/00001

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 17 novembre 2022, 20/00001


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 17 NOVEMBRE 2022



N° RG 20/00001

N° Portalis DBV3-V-B7E-TVL4



AFFAIRE :



[Y] [J]



C/



Fondation A. MEQUIGNON













Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 novembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de RAMBOUILLET

N° Section : AD

N° RG :

f 18/00187





















Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Olivier CABON



Me Nicolas PERRAULT



le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'ap...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 17 NOVEMBRE 2022

N° RG 20/00001

N° Portalis DBV3-V-B7E-TVL4

AFFAIRE :

[Y] [J]

C/

Fondation A. MEQUIGNON

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 novembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de RAMBOUILLET

N° Section : AD

N° RG : f 18/00187

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Olivier CABON

Me Nicolas PERRAULT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [Y] [J] épouse [N]

née le 21 novembre 1979 à [Localité 5] (92)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Olivier CABON, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 218

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANTE

****************

Fondation A. MÉQUIGNON

N° SIRET : 785 062 910

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Nicolas PERRAULT de la SCP BOULAN KOERFER PERRAULT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 31

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 octobre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier placé lors des débats : Madame Virginie BARCZUK

Vu le jugement rendu 29 novembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Rambouillet,

Vu la déclaration d'appel de Mme [Y] [J] du 31 décembre 2019,

Vu les conclusions de Mme [Y] [J] du 14 septembre 2020,

Vu les conclusions de la fondation A. Méquignon du 15 juin 2020,

Vu l'ordonnance de clôture du 28 septembre 2022,

EXPOSE DU LITIGE

La fondation A. Méquignon, dont le siège est situé [Adresse 1], est spécialisée dans l'hébergement social pour enfants en difficulté. Elle emploie plus de dix salariés.

La convention collective nationale applicable est celle du travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.

Mme [Y] [J] épouse [N], née le 21 novembre 1979, a été engagée par la fondation A. Méquignon par contrat de travail à durée indéterminée en date du 18 avril 2010 en qualité d'assimilée monitrice éducatrice.

Au cours de l'année 2015, Mme [J] épouse [N] s'est régulièrement vu délivrer des arrêts de travail pour cause de maladie.

Le 6 septembre 2016, à l'issue d'une visite médicale de reprise sollicitée par la fondation A. Méquignon, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude de Mme [N] à son poste.

L'avis du médecin du travail mentionnait en ce sens une : « contre-indication médicale aux tâches d'éducatrice spécialisée » et préconisait « une étude de poste et des conditions à faire pour proposition d'aménagement technique ou opérationnel et/ou organisationnel ».

Le 7 septembre 2016, la fondation A. Méquignon a convoqué Mme [N] née [J] à une visite médicale auprès des services de la médecine du travail fixée au 21 septembre 2016.

A l'issue de cette visite, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude rédigé dans les termes suivants :

« 1. Inapte au poste d'éducatrice spécialisée dans l'entreprise A. Méquignon de la ville d'[Localité 4].

2. D'après l'étude au poste et des conditions de travail réalisée le 20 septembre 2016 et compte tenu de l'état de santé du salarié, inapte à tout poste dans l'entreprise.

3. Indications en vue d'un reclassement : serait apte à tout poste respectant les contre-indications médicales mentionnées au point 2. »

Par courrier recommandé avec accusé de réception envoyé le 13 octobre 2016, la fondation A. Méquignon a indiqué à Mme [Y] [N] l'impossibilité de procéder à son reclassement au sein de la structure et des associations environnantes, l'informant de la procédure de licenciement.

Par courrier recommandé avec accusé réception envoyé le 14 octobre 2016, la fondation A. Méquignon a convoqué Mme [Y] [N] à un entretien préalable à son licenciement fixé au 26 octobre 2016.

Par courrier recommandé avec accusé réception envoyé le 31 octobre 2016, la fondation A. Méquignon a notifié à la salariée son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Les 20 octobre 2016, 27 octobre 2016 et 30 novembre 2016, ces lettres sont revenues à la fondation A. Méquignon avec la mention « destinataire inconnu à l'adresse ».

Par courrier recommandé avec accusé réception du 5 décembre 2016, Mme [Y] [J] épouse [N] [sic] a indiqué à la fondation A. Méquignon qu'elle disposait d'un mois pour lui proposer un reclassement et qu'à défaut, elle était tenue de reprendre le versement de son salaire ou de procéder à son licenciement.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 7 décembre 2016 adressé à Mme [Y] [J] épouse [N] [sic], la fondation A. Méquignon a indiqué à cette dernière avoir réagi avec diligences en procédant aux envois de courriers suivants :

. le 13 octobre 2016, sur l'impossibilité de procéder à son reclassement au sein de la structure et des associations environnantes.

. le 14 octobre 2016, sur la convocation à un entretien préalable à son licenciement fixé au 26 octobre 2016.

. le 31 octobre 2016, sur la notification du licenciement,

lui précisant que les courriers envoyés, à la seule adresse connue, ont été retournés avec le motif 'destinataire inconnu à l'adresse', lui adressant à nouveau copie desdits courriers et lui indiquant que le solde de tout compte est quérable auprès du service des ressources humaines.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 20 décembre 2016, Mme [Y] [J] épouse [N] [sic] conteste que les courriers litigieux lui aient été adressés en recommandé avec accusé réception, indique n'avoir jamais reçu les justificatifs de dépôt, les copies des enveloppes en retour portant la mention 'destinataire inconnu à l'adresse', estime qu'elle n'a pas été licenciée, réclame le paiement de ses salaires du 21 octobre 2016 à la date de son courrier et exige la mise en oeuvre de la procédure de licenciement pour inaptitude.

Par requête reçue au greffe le 24 septembre 2018, Mme [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Rambouillet aux fins de contester la rupture de son contrat de travail et de voir condamner la fondation A. Méquignon au versement de diverses sommes.

La fondation A. Méquignon a, quant à elle, conclu au débouté de la salariée et sollicité sa condamnation à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 29 novembre 2019, la section activités diverses du conseil de prud'hommes de Rambouillet a :

- condamné l'association [sic] A. Méquignon à verser à Mme [J] les sommes suivantes :

. 1 874,69 euros au titre des salaires dus à compter du 21 octobre 2016 au 8 décembre 2016,

. 187,47 euros au titre des congés payés afférents,

- condamné l'association A. Méquignon à remettre à Mme [J] l'ensemble des documents sociaux et bulletins de salaire sous astreinte de 30 euros par jour pour l'ensemble des documents dans le délai de 15 jours à compter du prononcé du jugement,

- condamné l'association A. Méquignon à verser à Mme [J] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [J] du surplus de ses demandes,

- débouté l'association A. Méquignon de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'association A. Méquignon aux entiers dépens y compris les frais éventuels d'exécution du présent jugement à intervenir.

Par déclaration du 31 décembre 2019, Mme [Y] [J] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions en date du 14 novembre 2020, Mme [Y] [J] épouse [N] demande à la cour de :

-infirmer le jugement,

statuant de nouveau, :

- condamner l'association A. Méquignon à payer à Mme [J] les sommes suivantes :

. 38 824,74 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 4 313,86 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et la somme de 431,38 euros au titre des congés payés y afférents,

. 3 451,08 euros outre la somme de 345,10 euros au titre des congés payés, correspondant aux salaires dus à compter du 22 octobre 2016 et jusqu'au 09 décembre 2016,

. 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance,

- condamner l'association A. Méquignon à adresser à Mme [J] l'intégralité des documents sociaux (attestation Pôle emploi, certificat de travail, solde de tout compte), ainsi que les bulletins de salaire conformes qui lui font défaut, sous astreinte de 20 euros, par document et par jour de retard, passé le délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir.

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, ainsi que la capitalisation des intérêts.

Aux termes de ses conclusions en date du 15 juin 2020, la fondation A. Méquignon demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter Mme [J] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Mme [J] à verser à la fondation A. Méquignon la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [J] aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions rappelées ci-dessus.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- sur la cause réelle et sérieuse du licenciement pour inaptitude

Aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail dans sa version applicable à la présente espèce, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

Mme [J] épouse [N] conteste la notification du licenciement, le contenu de la lettre de licenciement et le respect par l'employeur de l'obligation de reclassement.

- sur la notification du licenciement

Mme [J] épouse [N] soutient que, s'agissant de la notification du licenciement l'employeur est tenu à une obligation de résultat concernant les modalités d'acheminement et la vérification des données postales concernant la salariée et a, en l'espèce, agi de façon déloyale. Les courriers ont été adressés à Mme [N] alors que l'employeur a toujours correspondu en s'adressant à Mme [J] ou à ce nom auquel était accolé le nom de [N] qui est le nom marital.

La fondation A. Méquignon fait valoir que l'ensemble des courriers a été adressé à l'adresse postale de la salariée, que celle-ci, contrairement à ses dires, utilise également pour ses envois le nom de [N], que l'employeur ne peut être tenu pour responsable d'un dysfonctionnement de la poste.

Il résulte de l'article L. 1232- 6 que lorsque l'employeur décide de licencier un salarié il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec accusé de réception.

La notification du licenciement produit ses effets lorsque la lettre est adressée par l'employeur à la dernière adresse connue de ce dernier.

La chambre sociale de la Cour de cassation considère, dans une espèce où la lettre de licenciement avait été retournée par la Poste à l'expéditeur avec la mention erronée 'défaut d'accès ou d'adressage', que lorsque l'employeur notifie le licenciement à l'adresse exacte du domicile du salarié, le licenciement n'est pas privé de cause réelle ou sérieuse (Soc., 30 novembre 2017 n°16-22.569).

Cette décision confirme une jurisprudence ancienne de la chambre sociale ayant jugé que l'employeur ne saurait être condamné pour inobservation de la procédure de licenciement au seul motif que la lettre de convocation d'un salarié à l'entretien préalable et celle de notification du licenciement lui ont été retournées avec la mention "n'habite plus à l'adresse indiquée" alors que l'adresse à laquelle ces lettres ont été envoyées est celle indiquée par le salarié lui-même qui déclare encore y être domicilié (Soc., 19 décembre 1978, n°77-40.904)

En l'espèce, les courriers adressés en lettres recommandées avec accusé de réception et en lettres simples à la salariée par l'employeur datées des 12 octobre, 13 octobre et 31 octobre 2016 l'informant respectivement des raisons s'opposant à son reclassement, de la date de l'entretien préalable et du licenciement pour inaptitude, ont bien été envoyées à l'adresse qui est celle du domicile de la salariée.

Elles ont été retournées cependant avec la mention erronée 'destinataire inconnu à l'adresse' par les services de la poste.

Il est établi que les courriers de l'employeur et de la salariée antérieurs et postérieurs aux courriers litigieux, notamment celui contemporain du 7 décembre 2016 de l'employeur répondant à celui de la salariée du 5 décembre 2016, les documents de la médecine du travail, la procédure devant le conseil de prud'hommes et la présente cour, attestent que l'adresse de la salariée est bien celle mentionnée sur les courriers litigieux.

En conséquence, le retour des courriers n'est pas la conséquence d'une erreur dans l'adressage commise par l'employeur dont il pourrait être tenu responsable.

Le retour des lettres par les services de la poste résulte donc soit d'une erreur d'acheminement de ces services, soit de l'absence de toute mention sur la boîte à lettres de la salariée de son nom ce qu'elle conteste, affirmant aux termes de ses écritures (p.3) que tant son nom de naissance [J] que son nom marital [N] étaient mentionnés sur sa boîte aux lettres.

La salariée ne peut en outre sérieusement reprocher à l'employeur d'avoir adressé les courriers litigieux au seul nom de [N] et non à son nom patronymique [J] ou les deux accolés.

En effet, outre que cette affirmation est en contradiction avec ses propos sur les mentions des deux noms sur la boîte à lettres, il résulte des pièces produites que la salariée, mariée depuis 2014, écrivait elle-même à l'employeur en indiquant son seul nom marital. Ainsi, son courrier manuscrit du 2 août 2016 adressé à l'employeur (pièce intimée n°12) porte en en-tête le nom '[W] [Y]' et au-dessus de sa signature 'Me [N]'.

L'employeur, ayant reçu les courriers litigieux en retour 20 et 27 octobre et 30 novembre 2016, alors même qu'ils étaient adressés à la bonne adresse et non à une adresse erronée, n'était pas tenu de faire signifier par huissier lesdits courriers, étant observé en outre le très court délai entre la réception en retour des trois courriers, notamment de la lettre de licenciement, et la réception du courrier de la salariée du 5 décembre 2016.

Dans ce contexte, la salariée ne justifie pas d'un comportement déloyal de l'employeur.

De même, il est établi que dès le 7 décembre 2016, la fondation A. Méquignon, répondant au courrier du 5 décembre 2016 de la salariée, a adressé à celle-ci, l'ensemble des courriers litigieux.

L'absence d'envoi dans la lettre du 7 décembre 2016, des justificatifs des mentions figurant sur les lettres litigieuses, réclamés par Mme [N] dans son courrier du 5 décembre, ne peut être reprochée à l'employeur qui apportait la preuve par cet envoi de l'adresse à laquelle elles avaient été envoyées, Mme [J] épouse [N] n'ayant pas réitéré sa demande avant d'engager la procédure près de deux ans après sa requête.

La notification du licenciement à l'adresse exacte de la salariée, sans faute de l'employeur, a donc produit ses effets.

- sur le contenu des lettres adressées à la salariée

La salariée fait valoir que ces lettres ne répondent pas à l'obligation de formalisme qui s'impose à l'employeur dans le cadre d'un licenciement pour inaptitude, notamment que la lettre du 12 octobre 2016 ne fait référence qu'incidemment à l'impossibilité de reclassement et reprend de manière tronquée l'avis du médecin du travail. Il en est de même de la lettre de licenciement.

L'employeur soutient que le formalisme a été respecté par l'envoi des différents courriers des 12, 13 et 31 octobre 2016, que la lettre de licenciement est suffisamment motivée, faisant référence à l'avis du médecin du travail.

La lettre de licenciement qui précise l'impossibilité de reclassement dans un poste compatible avec l'avis du médecin du travail est suffisamment motivée, l'employeur n'étant pas tenu de reprendre mot à mot ledit avis.

En l'espèce, l'employeur a adressé à la salariée un courrier faisant état de l'avis du médecin du travail qui l'a déclarée 'inapte au poste occupé dans l'entreprise inapte à tout poste dans l'entreprise' après deux visites médicales, l'étude de poste et des conditions de travail au sein de la fondation, de la recherche de reclassement auprès des associations environnantes, de l'absence de proposition de reclassement en adéquation avec les recommandations médicales. Il y est constaté qu'aucun poste adapté n'est actuellement disponible ni dans la Fondation, ni dans les associations environnantes.

Ce courrier est parfaitement motivé, l'employeur n'étant pas tenu de reprendre in extenso l'avis du médecin du travail.

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

'A la suite des visites médicales du 6 septembre 2016 et du 21 septembre 2016 et après étude de poste et des conditions de travail dans la fondation A. Méquignon, le médecin du travail vous a déclaré inapte 'au poste occupé dans l'entreprise, inapte à tout poste dans l'entreprise.'

Il s'est avéré qu'aucun poste vacant ne pouvait faire l'objet d'une proposition de reclassement au sein de la fondation.

Nos recherches ont également été menées auprès des associations environnantes dont les activités, l'organisation, où lieu d'exploitation permet de permuter tout ou partie du personnel, sans qu'aucune association ne puisse établir une proposition de reclassement en adéquation avec les recommandations du médecin du travail.

Pour conclure, après un examen et des recherches approfondis, il s'est avéré qu'aucun poste adapté n'était actuellement disponible, ni dans la fondation, ni dans les associations environnantes.

Le 13 octobre 2016, nous vous avons convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 26 octobre 2016. Vous ne vous êtes pas présentée à cet entretien.

A l'issue de cette procédure, nous sommes contraints de vous licencier en raison de l'impossibilité de reclassement suite à votre déclaration d'inaptitude à votre poste de Monitrice éducatrice.'

La lettre de licenciement qui fait référence à l'avis du médecin du travail concluant à l'inaptitude de la salariée à tout poste dans l'entreprise et indique les raisons qui s'opposent à son reclassement, respecte également l'exigence de motivation.

Le moyen sera rejeté.

- sur le reclassement

Mme [J] épouse [N] fait valoir qu'elle n'a pas reçu de lettre aux termes de laquelle l'employeur l'avisait de l'impossibilité de son reclassement, qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve des recherches entreprises, que l'avis du médecin du travail porte sur la restriction concernant uniquement l'entreprise Fondation Méquignon de la ville d'[Localité 4], que le médecin du travail n'a pas mentionné expressément que le maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé ferait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, de sorte que l'employeur aurait dû chercher à reclasser la salariée ou solliciter l'avis du praticien. Elle fait état de l'existence de plusieurs entités au sein de la fondation formant un groupe. Elle reproche également à l'employeur des tentatives de reclassement non personnalisées.

La fondation A. Méquignon soutient au contraire qu'elle a bien adressé à la salariée une lettre l'informant des motifs s'opposant à son reclassement, que l'avis d'inaptitude a indiqué que les recherches de reclassement devaient s'effectuer en tenant compte des contre-indications, que l'avis mentionnait également que la salariée était inapte à tout poste dans l'entreprise et non pas seulement aux postes de l'établissement d'[Localité 4]. Elle indique que la fondation n'est pas un groupe de sorte que les recherches devaient se limiter au périmètre de l'entreprise mais qu'elle a cependant interrogé mais en vain plusieurs associations par des courriers qui précisent le poste de Mme [J], ainsi que les préconisations du médecin du travail.

L'article L. 1226-4 du code du travail dispose que 'lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.

Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail.

En cas de licenciement, le préavis n'est pas exécuté et le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement. Le préavis est néanmoins pris en compte pour le calcul de l'indemnité mentionnée à l'article L. 1234-9. Par dérogation à l'article L. 1234-5, l'inexécution du préavis ne donne pas lieu au versement d'une indemnité compensatrice.'

Il sera rappelé les termes de l'avis d'inaptitude du médecin du travail concernant la salariée :

« 1. Inapte au poste d'éducatrice spécialisée dans l'entreprise A. Méquignon de la ville d'[Localité 4].

2. D'après l'étude au poste et des conditions de travail réalisée le 20 septembre 2016 et compte tenu de l'état de santé du salarié, inapte à tout poste dans l'entreprise.

3. Indications en vue d'un reclassement : serait apte à tout poste respectant les contre-indications médicales mentionnées au point 2. »

Il a été statué précédemment sur l'envoi de la lettre de l'employeur à la salariée concernant l'impossibilité de reclassement, laquelle a produit ses effets, l'employeur n'étant pas responsable de la non-réception de la lettre.

En l'espèce, l'avis d'inaptitude indique clairement que la salariée, monitrice spécialisée au sein de l'entreprise (fondation) située à [Localité 4], est inapte à tout poste dans l'entreprise compte tenu de son état de santé après étude du poste et des conditions de travail et qu'elle serait apte à tout poste respectant les contre-indications médicales mentionnées au point 2, de sorte que la conclusion du médecin est une éventuelle aptitude à un poste autre que dans l'entreprise respectant les restrictions médicales.

L'article L. 1226-2 du code du travail rappelé ci-dessus doit être pris dans sa version applicable à la présente espèce, soit antérieurement aux ordonnances n°2017-1387 du 22 septembre 2017 et 2017-1718 du 20 décembre 2017, lesquelles ordonnances ont imposé à l'employeur une recherche de reclassement au niveau du groupe.

En conséquence, outre que la fondation ne constitue pas un groupe d'entreprises, la salariée ne peut alléguer que l'employeur n'a pas effectué des recherches au niveau du groupe, alors que cette obligation n'était pas à la charge de tout employeur à la date du licenciement.

Le médecin du travail ayant considéré que la salariée était inapte à tout poste au sein de la fondation, l'employeur, au delà de son obligation de reclassement, justifie de tentatives auprès d'associations et fondations à proximité (12 au total).

Contrairement à ce qu'affirme la salariée, les lettres adressées dès le 22 septembre 2016 ne sont ni vagues ni imprécises : elles indiquent l'emploi de la salariée et l'avis d'inaptitude tel que rappelé ci-dessus, contenant notamment les contre-indications médicales, afin que la proposition de poste soit compatible avec son état de santé.

Le fait que la classification du poste occupé par la salariée ne soit pas mentionnée sur ces lettres est sans conséquence, s'agissant d'une classification conventionnelle (convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées).

L'employeur a donc effectué une recherche sérieuse et loyale, au delà même de ses obligations.

En conséquence, le licenciement pour inaptitude a été prononcée pour une cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé par substitution de motifs.

2- sur les demandes de Mme [J]

Le licenciement pour inaptitude repose sur une cause réelle et sérieuse, l'employeur ayant en outre respecté la procédure par l'envoi d'une lettre relative à l'avis d'inaptitude et l'impossibilité de reclassement, d'une lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement et d'une lettre de licenciement pour inaptitude, l'employeur n'étant pas responsable de la non-réception par la salariée de ces courriers.

Il en résulte que les demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de rappel d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents conformément à l'article L. 1226-4 précité et de rappel de salaire et arriérés de congés payés afférents correspondant à la période du 21 octobre au 9 décembre 2016 (8 décembre selon le jugement) ne sont pas justifiées.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de rappel d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents.

Selon les pièces produites (pièce appelante n°16 : solde de tout compte; pièce intimée n°11 : bulletin de salaire), l'employeur a réglé à la salariée une somme de 8 961,10 euros net dont notamment le salaire entre le 22 octobre 2016 et le 31 octobre 2016. En effet, l'avis d'inaptitude ayant été établi le 16 septembre 2016, l'employeur était tenu de reprendre le paiement du salaire à compter du 22 octobre 2016 conformément à l'article L. 1224-6 précité. Il a également réglé une indemnité compensatrice de congés payés de 1 663,56 euros.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement de la somme de 1 874,69 euros au titre des salaires dus à compter du 21 octobre 2016 au 8 décembre 2016 et la somme de 187,46 euros au titre des congés payés afférents.

De même, l'employeur, selon les pièces produites par la salariée, a remis l'attestation de Pôle emploi, le certificat de travail, le solde de tout compte et le bulletin de salaire, lesquels sont conformes, le licenciement ayant pris effet au 31 octobre 2016.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

3- sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement sera infirmé sur les frais irrépétibles et les dépens.

Mme [J] épouse [N] sera condamnée à payer à la fondation A. Méquignon la somme de 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour l'ensemble de la procédure.

Elle sera déboutée de sa demande à ce titre, étant rappelé en outre qu'elle bénéficie de l'aide juridictionnelle totale, et condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Rambouillet le 29 novembre 2019, sauf en ce qu'il a condamné la fondation A. Méquignon :

- à payer à Mme [Y] [J] la somme de 1 874,69 euros au titre des salaires dus à compter du 21 octobre 2016 au 8 décembre 2016 et celle de 187,47 euros au titre des congés payés afférents,

- à remettre à Mme [J] l'ensemble des documents sociaux (attestation Pôle emploi, solde de tout compte rectifié, certificat de travail), bulletins de salaire sous astreinte de 30 euros par jour pour l'ensemble des documents dans le délai de 15 jours à compter du prononcé du jugement,

- à payer à Mme [J] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- à supporter les entiers dépens y compris les frais éventuels d'exécution du jugement.

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute Mme [Y] [J] épouse [N] de ses demandes de rappel de salaire et congés payés pour la période du 21 octobre 2016 au 9 décembre 2016,

Déboute Mme [Y] [J] épouse [N] de sa demande de remise de l'intégralité des documents sociaux et bulletins de salaire conformes sous astreinte,

Condamne Mme [Y] [J] épouse [N] à payer à la fondation A. Méquignon la somme de 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure.

Déboute Mme [Y] [J] épouse [N] de sa demande à ce titre,

Condamne Mme [Y] [J] épouse [N] aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine BOLTEAU-SERRE, président, et par Mme Virginie BARCZUK, greffier placé, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER placé, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 20/00001
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;20.00001 ?
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