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10/11/2022 | FRANCE | N°20/00179

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 10 novembre 2022, 20/00179


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 10 NOVEMBRE 2022



N° RG 20/00179

N° Portalis DBV3-V-B7E-TWMG



AFFAIRE :



[I] [E]



C/



SELARL MMJ pris en la personne de Maître [A] [H], mandataire judiciaire de la société ELTEO déclarée en liquidation judiciaire



SELARL MMJ pris en la personne de Maître [A] [H], mandataire judiciaire de la société M2S TRANSPORT décl

arée en liquidation judiciaire



Association L'UNEDIC, DÉLÉGATION AGS CGEA D'ILE DE FRANCE EST





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 décembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritair...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 NOVEMBRE 2022

N° RG 20/00179

N° Portalis DBV3-V-B7E-TWMG

AFFAIRE :

[I] [E]

C/

SELARL MMJ pris en la personne de Maître [A] [H], mandataire judiciaire de la société ELTEO déclarée en liquidation judiciaire

SELARL MMJ pris en la personne de Maître [A] [H], mandataire judiciaire de la société M2S TRANSPORT déclarée en liquidation judiciaire

Association L'UNEDIC, DÉLÉGATION AGS CGEA D'ILE DE FRANCE EST

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 décembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Section : E

N° RG : 17/00269

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Jonathan BELLAICHE

Me Corinne ROUX

Me Sophie CORMARY

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [I], [F], [W] [E]

né le 10 juin 1966 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentant : Me Jonathan BELLAICHE substitué par Me Elodie JEGOUIC de la SELEURL GOLDWIN SOCIETE D'AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0103

APPELANT

****************

SELARL MMJ pris en la personne de Maître [A] [H], mandataire judiciaire de la société ELTEO déclarée en liquidation judiciaire

N° SIRET : 841 400 468

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Corinne ROUX substituée par Me Coralie LEMAITRE de l'ASSOCIATION ASSOCIATION ROUX PIQUOT-JOLY, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 564

SELARL MMJ pris en la personne de Maître [A] [H], mandataire judiciaire de la société M2S TRANSPORT déclarée en liquidation judiciaire

N° SIRET : 841 400 468

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Corinne ROUX substituée par Me Coralie LEMAITRE de l'ASSOCIATION ASSOCIATION ROUX PIQUOT-JOLY, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 564

Association L'UNEDIC, DÉLÉGATION AGS CGEA D'ILE DE FRANCE EST

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Sophie CORMARY substituée par Me Jeanne-Maris DELAUNAY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 29 septembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier placé lors des débats : Madame Virginie BARCZUK

Rappel des faits constants

La société Eltéo, ayant son siège social au Thillay dans le Val-d'Oise, était spécialisée dans le conseil pour les affaires et autres conseils de gestion. Elle était la société holding d'un groupe de sept sociétés qui compose une unité économique et sociale.

La société M2S Transport, dont le siège social était situé au Gosier en Guadeloupe, appartenait à ce groupe et était spécialisée dans les transports routiers de fret interurbains.

La convention collective nationale applicable était celle des transports et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.

M. [I] [E], né le 10 juin 1966, a été engagé par la société M2S Transport, selon contrat de travail à durée indéterminée à effet au 14 avril 1997, en qualité de conducteur poids lourds.

Le 1er janvier 2010, le contrat de travail de M. [E] a été transféré à la société Eltéo dans le cadre d'un rachat.

Au dernier état de la relation de travail, M. [E] occupait le poste d'exploitant, statut cadre.

Le 18 janvier 2017, la société Eltéo et M. [E] ont conclu une rupture conventionnelle, laquelle a été homologuée le 7 février 2017.

M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency de plusieurs contestations, par requête reçue au greffe le 14 avril 2017.

En cours de procédure, par jugement en date du 4 septembre 2017, le tribunal de commerce de Pontoise a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire des sociétés Eltéo et M2S Transport et a nommé la société MMJ prise en la personne de Me [A] [H], en qualité de mandataire liquidateur.

La décision contestée

Par jugement contradictoire rendu le 18 décembre 2019, la section encadrement du conseil de prud'hommes de Montmorency a :

- rejeté la demande de nullité de la rupture conventionnelle,

- fixé la créance de M. [E] au passif de la liquidation judiciaire de la société Eltéo aux sommes suivantes :

. 18 824,28 euros au titre des heures supplémentaires non-payées,

. 1 882,42 euros au titre des congés payés afférents,

. 482,80 euros à titre de prime d'ancienneté,

. 42,28 euros au titre des congés payés afférents,

- ordonné l'annulation des sanctions notifiées le 11 avril 2016,

- fixé la créance de M. [E] au passif de la liquidation judiciaire de la société Eltéo aux sommes suivantes :

. 500 euros à titre de dommages-intérêts,

. 395,46 euros correspondant à la période de mise à pied du 14 et 15 avril 2016,

. 39,55 euros au titre des congés payés afférents,

- ordonné la remise de bulletins de salaires conformes,

- dit que l'exécution provisoire aura lieu dans les conditions prescrites par l'article R. 1454-28 du code du travail,

- débouté M. [E] du surplus de ses demandes,

- débouté la société MMJ prise en la personne de Me [H] de ses demandes,

- dit le jugement opposable à l'AGS CGEA dans les limites de sa garantie,

- mis les dépens au passif de la liquidation judiciaire de la société Eltéo.

M. [E] avait demandé au conseil de prud'hommes :

- heures supplémentaires : 18 824,28 euros,

- congés payés afférents : 1 882,42 euros,

- dommages-intérêts pour dépassement du contingent annuel des heures supplémentaires : 5 331,73 euros,

- congés payés afférents : 533,17 euros,

- prime d'ancienneté : 482,80 euros,

- congés payés afférents : 48,28 euros,

- annuler la double sanction notifiée le 11 avril 2016,

- condamner les sociétés Eltéo et M2S Transport à lui payer les sommes suivantes :

. 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice subi,

. 395,46 euros au titre de la mise à pied disciplinaire du 14 au 15 avril 2016,

. 39,55 euros au titre des congés payés afférents,

- constater l'existence du délit de prêt de main d''uvre illicite,

- retenir l'existence d'un contrat de travail conjoint entre la société Eltéo et la société M2S Transport,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire des sociétés la somme de 17 988 euros à titre de dommages-intérêts pour prêt de main d''uvre illicite,

- dire et juger que la société M2S Transport s'est rendue coupable de travail dissimulé,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société M2S Transport les sommes suivantes :

. 35 976 euros à titre d'indemnité forfaitaire de travail dissimulé,

. 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité,

- prononcer la nullité de la rupture conventionnelle,

. 89 940 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- ordonner la remise des bulletins de salaire conformes au jugement à intervenir,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire des sociétés M2S Transport et Eltéo les intérêts légaux sur toutes les sommes,

- entiers dépens,

- rendre opposable à l'AGS CGEA le jugement à intervenir,

- débouter l'AGS CGEA de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- débouter Me [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, sauf en ce qu'il a sollicité que soit dit et jugé que la garantie de l'Unedic est due pour l'ensemble de ces éventuelles condamnations,

- exécution provisoire.

Me [H], mandataire liquidateur des sociétés Eltéo et M2S Transport demandait pour sa part au conseil de prud'hommes de débouter M. [E] de ses demandes et de le voir condamner à verser la somme d'un euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, et un euro au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La procédure d'appel

M. [E] a interjeté appel du jugement par déclaration du 17 janvier 2020 enregistrée sous le numéro de procédure 20/00179.

Par ordonnance rendue le 21 septembre 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 29 septembre 2022.

Prétentions de M. [E], appelant

Par conclusions adressées par voie électronique le 20 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [E] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de la rupture conventionnelle et l'a débouté du surplus de ses demandes et, en conséquence :

- prononcer la nullité de sa rupture conventionnelle et faire produire à la rupture les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- constater la violation du contingent annuel d'heures supplémentaires,

- constater la situation de co-emploi, de prêt de main d''uvre illicite et de travail dissimulé,

- constater le manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur pour surcharge de travail,

y faisant droit,

- fixer sa créance au passif des liquidations judiciaires des sociétés M2S Transports et Eltéo aux sommes suivantes :

. 5 331,73 euros au titre de la violation du contingent annuel des heures supplémentaires, outre 533,17 euros au titre des congés payés afférents,

. 17 988 euros à titre de dommages-intérêts pour prêt de main-d''uvre illicite,

. 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité,

. 89 940 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 39 806,78 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

. 17 988 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 798,80 euros de congés payés afférents,

. 35 976 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé,

- ordonner la remise des documents sociaux et de fin de contrat (bulletins de salaire, reçu pour solde de tout compte, certificat de travail et attestation Pôle emploi) conforme à la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision,

- fixer au passif des liquidations judiciaires des sociétés M2S Transport et Eltéo les intérêts légaux sur toutes les sommes qu'elles seront condamnées à payer,

- fixer au passif des liquidations judiciaires des sociétés M2S Transport et Eltéo, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens,

- déclarer et rendre opposable à l'AGS-CGEA Île-de-France Est la décision à intervenir,

- dire et juger que l'AGS-CGEA Île-de-France Est garantira ces sommes,

- condamner l'AGS-CGEA Île-de-France Est à garantir ces sommes,

- débouter l'AGS-CGEA Île-de-France Est de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- débouter Me [H], en qualité de mandataire liquidateur des sociétés Eltéo et M2S Transport de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions sauf en ce qu'il sollicite que soit dit et jugé que la garantie de l'Unedic, délégation AGS-CGEA Île-de-France Est, est due pour l'ensemble de ces éventuelles inscriptions au passif.

Prétentions de la société MMJ prise en la personne de Me [H], en qualité de mandataire liquidateur des sociétés Eltéo et M2S Transport, intimée

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 23 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société MMJ prise en la personne de Me [H], en qualité de mandataire liquidateur des sociétés Eltéo et M2S Transport demande à la cour d'appel de :

- fixer la rémunération brute mensuelle moyenne de M. [E] à la somme de 4 926,60 euros,

sur la sanction disciplinaire

à titre principal,

- débouter M. [E] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions au titre de l'annulation de la sanction disciplinaire prononcée à son encontre le 11 avril 2016,

subsidiairement en cas d'annulation de la sanction,

- dire et juger que le préjudice subi par M. [E] ne saurait excéder la somme d'un euro symbolique,

sur le rappel de salaires au titre des heures supplémentaires

- dire et juger que M. [E] relève du statut de cadre dirigeant,

- débouter M. [E] de sa demande de rappel de salaires au titre des majorations des heures supplémentaires sur les années 2014, 2015 et 2016,

sur la prime d'ancienneté

- débouter M. [E] de sa demande de rappel de salaire au titre de la prime d'ancienneté,

subsidiairement,

- dire et juger que le reliquat de prime d'ancienneté dû à M. [E] ne saurait excéder la somme de 383,43 euros, outre 38,34 euros au titre des congés payés afférents,

sur le travail dissimulé, le co-emploi et le prêt de main d''uvre illicite,

- débouter M. [E] de l'intégralité de ses demandes au titre du travail dissimulé, du co-emploi et du prêt de main d''uvre illicite à l'égard des sociétés Eltéo et M2S Transport,

subsidiairement, en cas de reconnaissance du travail dissimulé,

- dire et juger que l'indemnité forfaitaire due au titre de l'article L. 8221-5 du code du travail ne saurait excéder la somme de 29 559,60 euros,

subsidiairement, en cas de reconnaissance du prêt de main d''uvre illicite,

- dire et juger que l'indemnité sollicitée par M. [E] ne saurait excéder la somme d'un euro symbolique, faute de démonstration d'un quelconque préjudice,

sur la prétendue violation de l'obligation de sécurité,

- débouter M. [E] de sa demande,

sur la rupture conventionnelle,

à titre principal,

- débouter M. [E] de sa demande,

subsidiairement, en cas d'annulation de la rupture conventionnelle,

- ordonner à M. [E] de restituer à la SELARL MMJ, prise en la personne de Me [H], liquidateur judiciaire de la société Eltéo, l'indemnité spécifique de rupture de 36 000 euros nets perçue ou ordonner la compensation avec les éventuelles inscriptions au passif prononcées,

en tout état de cause,

- inscrire au seul passif de la société Eltéo l'ensemble des créances éventuellement prononcées au bénéfice de M. [E],

- dire et juger que la garantie de l'Unedic, délégation AGS-CGEA Île-de-France Est, est due pour l'ensemble des éventuelles inscriptions au passif, dans la limite des plafonds légaux,

- condamner M. [E] à verser à Me [H], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Eltéo, la somme d'un euro symbolique à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- débouter M. [E] de sa demande au titre de la remise de bulletins de salaire conformes,

- débouter M. [E] de sa demande au titre de l'application des intérêts au taux légal sur les éventuelles condamnations prononcées à l'encontre des sociétés Eltéo et M2S Transport,

- condamner M. [E] à verser à Me [H], en qualité de liquidateur judiciaire des sociétés Eltéo et M2S Transport, la somme d'un euro symbolique sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Demandes de l'association Unedic AGS CGEA d'Île-de-France Est, intimée

Dans le cadre de la mise en état du dossier, les conclusions adressées par voie électronique le 2 octobre 2020 par l'association Unedic AGS CGEA d'Île-de-France Est ont été déclarées irrecevables.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur les heures supplémentaires

M. [E] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il lui a été alloué une somme de 18 824,28 euros au titre des heures supplémentaires non-payées, outre les congés payés afférents.

Me [H] ès qualités oppose que M. [E] avait le statut de cadre dirigeant et qu'à ce titre, il n'était pas soumis à la réglementation relative au temps de travail, sa rémunération restant totalement indépendante du temps consacré à l'exercice de ses missions.

Concernant le statut de cadre dirigeant de M. [E]

L'alinéa 2 de l'article L. 3111-2 du code du travail dispose : « Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

Aux termes de cet article, le statut de cadre dirigeant suppose la réunion de quatre conditions :

- participation à la direction de l'entreprise,

- niveau de responsabilité important et libre gestion du temps de travail,

- autonomie dans la prise de décision,

- niveau de rémunération élevé dans la pyramide salariale de l'entreprise.

S'agissant de la participation à la direction de l'entreprise

Me [H] ès qualités fait valoir à ce sujet que M. [E] faisait partie du département « Direction », qu'il n'avait pas de supérieur hiérarchique, excepté M. [R], président de la société Eltéo, que dans le cadre de ses fonctions, il jouissait des pouvoirs les plus étendus notamment lors des phases de recrutement des personnels placés sous sa supervision et dans le cadre des relations commerciales avec les clients, que M. [E] était le contact privilégié en charge de la négociation et de la représentation de la société auprès des partenaires commerciaux, de la gestion de la productivité et de la rentabilité des marchés, ou encore du management de ses équipes, concernant l'activité spécifique du transport par plateaux.

Me [H] ès qualités se limite toutefois à produire, à l'appui de ses dires, trois courriels (ses pièces 12, 13 et 14) adressés à plusieurs personnes pour information, ne permettant de retenir que de simples fonctions d'encadrement, outre une fiche récapitulative de l'activité du transport par plateau (sa pièce 15) visant M. [E] comme contact privilégié, laquelle est inopérante à établir que le salarié participait à la direction de l'entreprise.

En outre, M. [E] souligne, à juste titre, qu'il bénéficiait d'une classification de cadre de niveau 3.1 coefficient 170 de la convention collective dite Syntec définie comme suit : « Ingénieurs ou cadres placés généralement sous les ordres d'un chef de service et qui exercent des fonctions dans lesquelles ils mettent en 'uvre non seulement des connaissances équivalant à celles sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances pratiques étendues sans assurer, toutefois, dans leurs fonctions, une responsabilité complète et permanente qui revient en fait à leur chef » le plaçant sous les ordres d'un chef de service.

Ainsi, Me [H] ès qualités ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, que M. [E] participait effectivement à la direction de la société Eltéo.

En conséquence, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres conditions dans la mesure où celles-ci sont quoi qu'il en soit cumulatives, le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté le statut de cadre dirigeant au profit de M. [E].

Concernant les heures supplémentaires revendiquées

Au soutien de sa demande, M. [E] fait valoir qu'il ressort de ses bulletins de salaire qu'il travaillait a minima 39 heures par semaine, soit 169 heures par mois et que son salaire de base mensuel de 4 284 euros ne pouvait être considéré que comme étant la contrepartie de la durée légale du travail, soit 35 heures. Il revendique le paiement de son salaire de base majoré pour les 4 heures supplémentaires réalisées chaque semaine.

Me [H] ès qualités rétorque toutefois à juste titre que M. [E] ne peut réclamer que la seule majoration qui n'a pas été appliquée par la société Eltéo.

En effet, les parties sont d'accord toutes les deux pour retenir un horaire de travail mensuel de 169 heures, ainsi que cela résulte des bulletins de salaire produits. Or, il est constant que M. [E] a été rémunéré sur la base d'un horaire mensuel de 169 heures, de sorte qu'il ne lui est dû que la majoration au-delà de 35 heures et non le paiement des heures supplémentaires.

Sur la base du calcul proposé par Me [H], que la cour reprend, il est dû à ce titre à M. [E] la somme globale de 3 871,19 euros outre les congés payés afférents, correspondant aux années 2014, 2015 et 2016.

Le jugement, qui a retenu le paiement des heures en plus de la majoration, sera infirmé sur ce point.

Sur le contingent d'heures supplémentaires

M. [E] soutient que la société Eltéo a violé le contingent d'heures supplémentaires prévu à l'article 33 de la convention collective Syntec.

Mais, comme le fait valoir avec pertinence Me [H] ès qualités, l'article 33 invoqué par le salarié concerne exclusivement les ETAM et non les cadres, alors que M. [E] est cadre.

Le contingent d'heures supplémentaires applicable n'est pas de 130 heures supplémentaires par an, mais de 220 heures, conformément aux dispositions de l'article D. 3121-14-1 du code du travail.

M. [E] revendique lui-même 207,96 heures supplémentaires par an, de sorte qu'il doit être débouté de sa demande, par confirmation du jugement entrepris.

Sur la prime d'ancienneté

M. [E] sollicite un rappel de salaire sur prime d'ancienneté d'un montant de 482,80 euros outre les congés payés afférents, sur la période des années 2014 à 2016, compte tenu de la prise en compte dans la base de calcul de la majoration des heures supplémentaires.

Le contrat de travail liant les parties n'est produit par aucune d'elle mais il est admis que M. [E] percevait une prime d'ancienneté correspondant à 15 % de son salaire brut mensuel.

Compte tenu du rappel de majorations, il est dû au salarié un rappel de prime d'ancienneté de 383,43 euros outre les congés payés afférents, étant précisé que le compte établi par le salarié contient une erreur matérielle évidente qui explique la différence de résultat (au titre de l'année 2014, la prime d'ancienneté qu'il a perçue s'élève à 7 249,77 euros correspondant au montant effectivement perçu, soit un delta de 0 alors que le salarié, reprenant pourtant les mêmes chiffres retient un delta de 240,49 euros).

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a fixé la créance de M. [E] à la somme de 482,80 euros outre les congés payés afférents.

Sur la sanction disciplinaire

Conformément aux dispositions de l'article L. 1331-1 du code du travail, constitue une sanction disciplinaire « toute mesure autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ».

Par lettre du 11 avril 2016 remise en main propre, M. [E] s'est vu notifier une sanction disciplinaire dans les termes suivants :

« Objet : avertissement et mise à pied de deux jours

Monsieur,

Nous vous informons de notre décision de prononcer à votre encontre une mesure disciplinaire d'avertissement et une mise à pied de deux jours qui sont motivées par les faits suivants :

Lors d'un contrôle sur le parc, nous avons constaté qu'une remorque neuve avait subi des chocs sur la barre anti-encastrement ainsi que son feu arrière droit cassé.

En vous interrogeant, vous nous avez précisé qu'à plusieurs reprises, vous avez donné l'ordre à certains chauffeurs d'utiliser cette remorque pour effectuer des transports tout en sachant pertinemment que celle-ci ne nous appartenait pas et donc n'était pas assurée.

Vous n'avez aucunement pris en considération le risque de faire circuler une remorque non assurée en cas d'accident matériel ou corporel.

De plus sachant que cette remorque ne nous appartenait pas, vous avez pris la liberté de la faire rouler et de l'endommager.

Nous ne pouvons constater que votre manque de professionnalisme ainsi qu'un laxisme sur la gravité des faits qui auraient pu mettre en danger la vie d'autrui mais aussi la pérennité de l'entreprise.

Votre comportement constitue un manquement grave à vos obligations professionnelles et nous amène donc à vous notifier, par la présente, un avertissement et une mise à pied de deux jours les 14 avril 2016 et 15 avril 2016 qui seront versés à votre dossier personnel.

Si de tels incidents se renouvelaient, nous pourrions être amenés à prendre une sanction plus grave, voire à prononcer votre licenciement.

Espérant que vous prendrez bonne note de la présente sérieuse mise en garde,

Veuillez agréer, Monsieur, nos salutations distinguées.

Le président, M. [K] [R]. » (pièce 11 du liquidateur).

M. [E] conteste cette sanction à trois titres, d'abord en raison de l'absence d'entretien préalable, ensuite en raison de l'impossibilité de cumuler deux sanctions -avertissement et mise à pied) et enfin au motif que l'employeur n'apporte pas la preuve des faits fautifs.

Concernant la preuve des faits fautifs

En application des dispositions de l'article L. 1333-1 du code du travail, en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Il appartient à l'employeur de justifier des faits reprochés au salarié, qui fondent la sanction.

En l'espèce, Me [H] ès qualités ne produit aucun élément de nature à rapporter la preuve des faits reprochés à M. [E], déplorant qu' « à l'heure de la liquidation judiciaire de la société Eltéo, il est providentiel de pouvoir se retrancher derrière la carence probatoire du mandataire judiciaire à démontrer une faute, jamais contestée du temps de l'exécution du contrat de travail ou de sa rupture, six ans après sa commission, et alors que les opérations touchent à leur fin. La mauvaise foi de M. [E], qui invoque le bénéfice du doute, est affligeante. »

Faute de rapporter la preuve des faits reprochés au salarié, la sanction doit, à ce seul titre, être annulée par confirmation du jugement entrepris.

Par voie de conséquence, M. [E] peut prétendre au paiement du salaire dû au titre des 14 et 15 avril 2016, soit la somme de 395,46 euros outre les congés payés afférents, par confirmation du jugement entrepris.

En revanche, faute d'alléguer un quelconque préjudice, le salarié sera débouté de sa demande à titre de dommages-intérêts, par infirmation du jugement entrepris.

Sur le co-emploi

M. [E] soutient que la société M2S Transport était également son employeur.

Il fait valoir que la société Eltéo détenait l'intégralité du capital des sept autres sociétés du groupe, que les ressources humaines des huit sociétés étaient centralisées et gérées par une même personne, Mme [B], qu'un seul responsable de sécurité et de formation a été nommé pour l'ensemble des sociétés du groupe et que certains salariés, dont lui-même, intervenaient indifféremment pour le compte de plusieurs sociétés du groupe. Il souligne que cette confusion a conduit à la reconnaissance judiciaire d'une UES entre toutes les sociétés du groupe.

Me [H] ès qualités conteste l'existence d'un co-emploi.

Il est rappelé que, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de co-employeur du personnel employé par une autre, que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.

Les parties s'accordent ici pour retenir que la société Eltéo était la holding d'un groupe, spécialisé dans le transport, qui comprenait sept autres sociétés :

M2S Transport,

Transport 3 R,

TDM Transport,

MSS Modulaire Système Service,

Location Industries,

LDMI,

Transports 2B.

Les seuls éléments produits par M. [E], à savoir les photographies de la boite aux lettres (sa pièce 8) et des justificatifs de travaux (sa pièce 9) sont inopérants à caractériser une immixtion permanente de la société M2S Transport dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.

Par ailleurs, la reconnaissance d'une UES entre les sociétés, définie par le fait que l'ensemble des sociétés présentent une direction commune, des activités économiques identiques ou complémentaires et constituent, à travers cette communauté d'intérêts, une unité économique, que par ailleurs ces sociétés sont liées par une communauté d'intérêts manifestée par la volonté d'uniformiser les questions sociales et la gestion du personnel de façon à faciliter une permutabilité des salariés entre les différentes sociétés, n'est pas non plus de nature à caractériser une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.

Enfin, M. [E] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe, qu'il était lié à la société M2S Transport par un lien de subordination, caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Aucune situation de co-emploi ne sera en conséquence retenue, par confirmation du jugement entrepris.

Sur le travail dissimulé

M. [E] se prétend victime de travail dissimulé.

L'article L. 8221-5 du code du travail dispose : « Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales ».

Me [H] ès qualités oppose la prescription de l'action, subsidiairement sur le fond l'absence de toute infraction à la législation du travail.

Sur la prescription

Conformément aux dispositions de l'article L. 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Les parties revendiquent toutes les deux l'application à cette indemnité de la prescription biennale prévue par l'article L. 1471-1, alinéa 1er du code du travail relative aux actions se rapportant à l'exécution du contrat de travail.

Cette indemnité n'étant exigible qu'en cas de rupture de la relation de travail, le point de départ de la prescription ne peut être antérieur à celle-ci. La rupture du contrat de travail de M. [E] étant intervenue le 25 février 2017 et la saisine du conseil de prud'hommes datant du 14 avril 2017, avant l'expiration du délai de prescription de deux ans, la prescription de l'action en paiement de cette indemnité n'était donc pas acquise.

Cette action n'est donc pas prescrite.

Sur le fond

Il n'est pas remis en cause que M. [E] a fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche par la société Eltéo, qu'il a été déclaré auprès des organismes sociaux et fiscaux, qu'il a reçu l'ensemble de ses bulletins de salaire d'avril 1997 à février 2017 et qu'il a été rémunéré pour 169 heures de travail par mois, de sorte que l'infraction de travail dissimulé n'est pas matériellement caractérisée.

De surcroît, la volonté de l'employeur de dissimuler un emploi n'est par ailleurs pas démontrée, dès lors que la société Eltéo justifie d'une convention d'assistance conclue entre les sociétés pour permettre le regroupement des compétences de gestion dans les domaines administratif, technique ou comptable (sa pièce 2) et des refacturations des prestations d'assistance assurées par M. [E] au sein de la société M2S Transport (sa pièce 20).

Ainsi, aucun travail dissimulé n'étant prouvé, M. [E] sera débouté de cette demande, par confirmation du jugement entrepris.

Sur le prêt de main d''uvre illicite

L'article L. 8241-2 du code du travail dispose : « Les opérations de prêt de main-d''uvre à but non lucratif sont autorisées.

Dans ce cas, les articles L. 1251-21 à L. 1251-24, L. 2313-3 à L. 2313-5 et L. 5221-4 du présent code ainsi que les articles L. 412-3 à L. 412-7 du code de la sécurité sociale sont applicables.

Le prêt de main-d''uvre à but non lucratif conclu entre entreprises requiert :

1° L'accord du salarié concerné ;

2° Une convention de mise à disposition entre l'entreprise prêteuse et l'entreprise utilisatrice qui en définit la durée et mentionne l'identité et la qualification du salarié concerné, ainsi que le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés à l'entreprise utilisatrice par l'entreprise prêteuse ;

3° Un avenant au contrat de travail, signé par le salarié, précisant le travail confié dans l'entreprise utilisatrice, les horaires et le lieu d'exécution du travail, ainsi que les caractéristiques particulières du poste de travail.

A l'issue de sa mise à disposition, le salarié retrouve son poste de travail ou un poste équivalent dans l'entreprise prêteuse sans que l'évolution de sa carrière ou de sa rémunération ne soit affectée par la période de prêt.

Les salariés mis à disposition ont accès aux installations et moyens de transport collectifs dont bénéficient les salariés de l'entreprise utilisatrice.

Un salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir refusé une proposition de mise à disposition.

La mise à disposition ne peut affecter la protection dont jouit un salarié en vertu d'un mandat représentatif.

Pendant la période de prêt de main-d''uvre, le contrat de travail qui lie le salarié à l'entreprise prêteuse n'est ni rompu ni suspendu. Le salarié continue d'appartenir au personnel de l'entreprise prêteuse ; il conserve le bénéfice de l'ensemble des dispositions conventionnelles dont il aurait bénéficié s'il avait exécuté son travail dans l'entreprise prêteuse.

Le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel de l'entreprise prêteuse sont consultés préalablement à la mise en 'uvre d'un prêt de main-d''uvre et informés des différentes conventions signées.

Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'entreprise prêteuse est informé lorsque le poste occupé dans l'entreprise utilisatrice par le salarié mis à disposition figure sur la liste de ceux présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité des salariés mentionnée au second alinéa de l'article L. 4154-2.

Le comité d'entreprise et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, les délégués du personnel de l'entreprise utilisatrice sont informés et consultés préalablement à l'accueil de salariés mis à la disposition de celle-ci dans le cadre de prêts de main-d''uvre.

L'entreprise prêteuse et le salarié peuvent convenir que le prêt de main-d''uvre est soumis à une période probatoire au cours de laquelle il peut y être mis fin à la demande de l'une des parties. Cette

période probatoire est obligatoire lorsque le prêt de main-d''uvre entraîne la modification d'un élément essentiel du contrat de travail. La cessation du prêt de main-d''uvre à l'initiative de l'une des parties avant la fin de la période probatoire ne peut, sauf faute grave du salarié, constituer un motif de sanction ou de licenciement. »

Au soutien de sa prétention, M. [E] ne rapporte pas la preuve du caractère lucratif du but poursuivi, compte tenu de la convention d'assistance signée entre les sociétés et des facturations émises, au regard de l'existence d'intérêts communs liant entre elles les entreprises du même groupe.

M. [E] sera débouté de cette demande par confirmation du jugement entrepris.

Sur l'obligation de sécurité

M. [E] sollicite à ce titre l'allocation d'une somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Il allègue qu'il a été mis à la disposition de la société M2S Transport sans son accord et qu'il a assuré des missions pour le compte des autres sociétés, de sorte que cette situation a généré une surcharge de travail.

Cependant, il sera relevé ici que M. [E], qui ne fait pas état d'heures supplémentaires au-delà des 39 heures prévues contractuellement, n'établit pas une surcharge de travail susceptible de constituer un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Par ailleurs, il a été écarté précédemment une mise à disposition fautive du salarié au sein de la société M2S Transport.

Dans ces conditions, M. [E] sera débouté de sa demande, par confirmation du jugement entrepris.

Sur la rupture conventionnelle

M. [E] demande l'annulation de la rupture conventionnelle.

Il fait valoir en premier lieu qu'il ne s'est pas vu remettre d'exemplaire du document de rupture au moment de sa signature, l'empêchant d'exercer son droit à rétractation en toute connaissance de cause et l'obligeant à saisir la juridiction prud'homale.

Il résulte cependant de la convention de rupture signée entre les parties le 18 janvier 2017 que celle-ci a été rédigée sur un document distinct, en plus du formulaire Cerfa, pour sécuriser les parties, et qu'elle a été signée par M. [E] et spécialement dressée en trois exemplaires, soit un pour la société, un pour le salarié et un pour la Direccte (pièce 8 du liquidateur).

Au regard de cette mention, spécialement portée sur la convention et suivie de la signature de M. [E], il sera retenu que l'employeur rapporte la preuve de la remise d'un exemplaire au salarié. Cet argument sera en conséquence écarté.

Le salarié fait valoir en deuxième lieu et sur le fond, qu'il a fait l'objet de nombreux abus et notamment d'un prêt de main-d''uvre illicite ayant généré une surcharge de travail qui n'a cessé d'augmenter, que la société l'a alors poussé à la rupture en lui proposant une rupture conventionnelle afin de se soustraire à ses obligations légales relatives au licenciement pour motif économique, alors qu'il est patent que la société Eltéo ainsi que toutes les sociétés du groupe connaissaient des difficultés économiques puisqu'elles ont été placées en liquidation judiciaire au mois de septembre 2017.

Me [H] ès qualités conteste cette position, affirmant que le dol n'est pas établi. Il souligne que l'argumentaire de M. [E], qui consiste à prétendre que son consentement aurait été vicié du seul fait qu'il aurait été victime de travail dissimulé et qu'il serait ainsi fondé à obtenir la nullité de la rupture conventionnelle et la condamnation de son employeur à lui verser la somme de 89 940 euros, sans même déduire les 36 000 euros qu'il a perçus au titre de l'indemnité spécifique, soit une somme globale de 125 940 euros, constitue une argutie, qui dissimule l'absence d'arguments sérieux et révèle au contraire l'opportunisme du salarié.

L'article L. 1237-11 du code du travail dispose : « L'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.

La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties.

Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties. »

Il est constant que la rupture conventionnelle peut être annulée en cas de vice du consentement, à savoir pour dol, violence ou erreur.

Aux termes de l'article 1137 du code civil, « Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation. »

Au soutien de sa thèse, M. [E] ne rapporte la preuve, ni de l'existence de man'uvres destinées à emporter son consentement, ni de l'erreur qui en serait découlée, étant précisé que l'existence d'un co-emploi, d'un travail dissimulé et d'un prêt de main d''uvre illicite a été écartée précédemment. Le salarié ne rapporte pas non plus la preuve des pressions qu'il prétend avoir subies, ni même ne les explicite.

Il sera en conséquence débouté de cette demande par confirmation du jugement entrepris.

Sur la fixation au passif

En application des dispositions des articles L. 622-22 et L. 625-1 du code de commerce, les éventuelles créances du demandeur ne pourront faire l'objet, le cas échéant, que d'une fixation au passif de la liquidation judiciaire.

Compte tenu des termes de la décision rendue, cette fixation interviendra au passif de la seule société Eltéo, par confirmation du jugement entrepris.

Sur la garantie de 'AGS-CGEA d'Île-de-France Est

Aux termes de l'article L. 3253-8 du code du travail, l'assurance mentionnée à l'article L. 3253-6 couvre les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ainsi que les créances résultant de la rupture du contrat de travail intervenant pendant la période d'observation.

Compte tenu de la nature des sommes allouées, l'AGS-CGEA doit sa garantie dans les termes des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail.

Le présent arrêt sera déclaré opposable à 'AGS-CGEA d'Île-de-France Est.

Sur l'abus de procédure

En application de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un montant maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

En l'espèce toutefois, Me [H] ès qualités ne rapporte pas la preuve que M. [E] a abusé de son droit d'ester en justice pour faire arbitrer ses prétentions, de sorte que l'intimé sera débouté de cette demande par confirmation du jugement entrepris.

Sur les intérêts moratoires

Le créancier peut prétendre aux intérêts de retard calculés au taux légal, en réparation du préjudice subi en raison du retard de paiement de sa créance par le débiteur.

Les condamnations prononcées, de nature contractuelle, produisent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le Bureau de Conciliation et d'Orientation, soit en l'espèce le 24 avril 2017.

L'article L. 622-28 du code de commerce dispose : « Le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus. Les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir des dispositions du présent alinéa. Nonobstant les dispositions de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus de ces créances ne peuvent produire des intérêts.

Le jugement d'ouverture suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie. Le tribunal peut ensuite leur accorder des délais ou un différé de paiement dans la limite de deux ans.

Les créanciers bénéficiaires de ces garanties peuvent prendre des mesures conservatoires. »

En vertu de cet article, les intérêts moratoires sont dus jusqu'à l'ouverture de la procédure collective, soit en l'espèce jusqu'au 4 septembre 2017.

Sur la remise des documents de fin de contrat de travail conformes au présent arrêt

M. [E] apparaît bien fondé à solliciter la remise par Me [H] ès qualités d'un bulletin de paie récapitulatif, d'un reçu pour solde de tout compte, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi, l'ensemble de ces documents devant être conformes au présent arrêt.

Il n'y a pas lieu, en l'état des informations fournies par les parties, d'assortir cette obligation d'une astreinte comminatoire. Il n'est en effet pas démontré qu'il existe des risques que Me [H] ès qualités puisse se soustraire à ses obligations.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

Me [H] ès qualités supportera les dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, lesquels suivront le sort des frais privilégiés de la procédure collective.

Pour des considérations tirées de l'équité, partie sera déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement de première instance sera confirmé en ses dispositions concernant les dépens et les frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montmorency le 18 décembre 2019, excepté en ce qu'il a fixé la créance de M. [E] au passif de la liquidation judiciaire de la société Eltéo aux sommes suivantes :

. 18 824,28 euros au titre des heures supplémentaires non-payées,

. 1 882,42 euros au titre des congés payés afférents,

. 482,80 euros à titre de prime d'ancienneté,

. 42,28 euros au titre des congés payés afférents,

. 500 euros à titre de dommages-intérêts pour sanction annulée,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la société Eltéo au profit de M. [I] [E] les sommes suivantes :

. 3 871,19 euros au titre des majorations d'heures supplémentaires non-payées,

. 387,11 euros au titre des congés payés afférents,

. 383,43 euros à titre de prime d'ancienneté,

. 38,34 euros au titre des congés payés afférents,

. les intérêts au taux légal sur ces sommes depuis le 24 avril 2017 jusqu'au 4 septembre 2017,

DÉBOUTE M. [I] [E] de sa demande de dommages-intérêts au titre de la sanction disciplinaire notifiée le 11 avril 2016,

DIT le présent arrêt opposable à l'AGS-CGEA d'Île-de-FranceEst dans la limite de sa garantie,

ORDONNE la remise à M. [I] [E] par la société MMJ prise en la personne de Me [H], en qualité de mandataire liquidateur de la société Eltéo d'un bulletin de paie récapitulatif, d'un reçu pour solde de tout compte, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi, l'ensemble de ces documents devant être conformes au présent arrêt,

DÉBOUTE M. [I] [E] de sa demande d'astreinte,

DÉBOUTE M. [I] [E] de sa demande présentée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la société MMJ prise en la personne de Me [H], en qualité de mandataire liquidateur de la société Eltéo de sa demande présentée sur le même fondement,

DIT que les dépens de la présente instance suivront le sort des frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine BOLTEAU-SERRE, président, et par Mme Virginie BARCZUK, greffier placé, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER placé, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 20/00179
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-10;20.00179 ?
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