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10/11/2022 | FRANCE | N°20/00101

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 10 novembre 2022, 20/00101


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 59D



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 10 NOVEMBRE 2022



N° RG 20/00101 - N° Portalis DBV3-V-B7E-TV2R







AFFAIRE :



SAS COMPASS GROUP FRANCE

...



C/



SA CONSORTIUM STADE DE FRANCE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Décembre 2019 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre : 6

RG : 2016F01077



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Martine DUPUIS



Me Margaret BENITAH



TC NANTERRE









RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59D

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 NOVEMBRE 2022

N° RG 20/00101 - N° Portalis DBV3-V-B7E-TV2R

AFFAIRE :

SAS COMPASS GROUP FRANCE

...

C/

SA CONSORTIUM STADE DE FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Décembre 2019 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre : 6

N° RG : 2016F01077

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS

Me Margaret BENITAH

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS COMPASS GROUP FRANCE

RCS Nanterre n° 632 041 042

[Adresse 1]

[Adresse 1]

SAS EUREST SPORTS & LOISIRS

RCS Nanterre n° 622 039 477

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentées par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Antoine CHATAIN de l'AARPI Chatain & Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R137

APPELANTES

****************

SA CONSORTIUM STADE DE FRANCE

RCS Bobigny n° 399 452 564

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Margaret BENITAH, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.409 et Me Christophe FOUQUIER de l'ASSOCIATION De CHAUVERON VALLERY-RADOT LECOMTE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R110

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 31 Mai 2022, Monsieur François THOMAS, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Véronique MULLER, Conseiller,

Madame Rose CHAMBEAUD, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT

EXPOSE DU LITIGE

La société Eurest Sports et Loisirs (ESL) et la société Compass Group France exposent que le groupe Compass est spécialisé dans la restauration collective et que la société ESL, filiale de Compass Group France, a spécialement en charge la restauration événementielle de grands événements sportifs et culturels.

Par contrat de concession du 29 avril 1995, la société Consortium Stade de France (le Consortium) a été chargée par l'Etat français du financement, de la conception, de la construction, de l'entretien et de l'exploitation du Stade de France situé à [Localité 5] (93) pour une durée de 30 ans.

La société ESL a été retenue en 1998 pour assurer les prestations de restauration événementielle du Stade de France.

A l'approche du terme du contrat initial fixé au 30 juin 2014, le Consortium a lancé le 30 septembre 2013 un appel d'offres au titre du marché de la restauration événementielle grand public dans l'enceinte même du Stade de France ('in stadia') et en périphérie extérieure des grilles du stade ('ex stadia').

L'offre commerciale, émise le 31 octobre 2013 par les sociétés Compass et ESL, et complétée le 14 novembre 2013, a été retenue par le Consortium.

Le 28 novembre 2013, les parties signent un 'term sheet', ou lettre-accord, pour une durée de 5 ans à compter du 1er juillet 2014, au terme duquel ESL s'engage

(i) à régler une redevance composée d'une partie variable égale à 16 % du chiffre d'affaires et d'un minimum garanti annuel de 800.000 € HT sur la base d'une fréquentation de 1.354.239 spectateurs, révisable en fonction de la fréquentation réelle, et,

(ii) à réaliser des investissements à hauteur de 3.297.926 € HT dont 1.000.000 € sous forme de leasing pour le périmètre 'ex stadia'.

La lettre-accord / Term Sheet stipule aussi que les parties se rencontreront dans les 3 mois précédant le terme de la 3ème année de l'accord afin de discuter des modalités d'exécution des deux années restantes.

Elle prévoit enfin la signature d'un contrat dit 'longform', le 31 décembre 2013 au plus tard, reprenant les termes et conditions de la lettre-accord, du cahier des charges CSDF ainsi que de l'offre commerciale émise par ESL dans leurs dispositions non contraires à celles de la lettre-accord.

Le 17 juin 2015 la société ESL a indiqué au Consortium être dans l'impossibilité de procéder au paiement de la redevance 2014/2015 et demandé la révision des conditions financières du contrat, en faisant état d'une programmation inférieure à 24 manifestations par an, ce qui serait de nature à modifier l'équilibre économique du contrat. Plusieurs échanges sont intervenus entre les parties.

Par courrier du 11 mars 2016, le Consortium a mis en demeure les sociétés Compass France et ESL d'appliquer le dispositif commercial tel que défini dans la lettre-accord /Term Sheet pour les futures manifestations prévues au Stade de France.

Par acte du 12 mai 2016, le Consortium a assigné les sociétés Compass Group France et ESL devant le tribunal de commerce de Nanterre en paiement de la somme de 175.304,82 € TTC.

Par courrier du 19 mai 2017, le Consortium a informé la société Compass Group France de sa décision de cesser les relations contractuelles et de résilier le Term Sheet à effet au 30 juin 2017.

Saisi par les sociétés Compass Group France et ESL d'une demande tendant à contraindre le Consortium à la poursuite de l'exécution du contrat, le président du tribunal de commerce de Bobigny, par ordonnance de référé du 20 juin 2017 a, constatant que la résiliation unilatérale et anticipée du Term Sheet par le Consortium ne constitue pas une résiliation abusive et ne caractérise pas un trouble manifestement illicite, dit n'y avoir lieu d'ordonner les mesures sollicitées par les demandeurs, et n'y avoir lieu à référé pour les demandes reconventionnelles.

Par jugement du 4 décembre 2019, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- condamné solidairement les sociétés Compass et Eurest à payer la société Consortium la somme de 1.298.149,46 €, outre intérêts calculés au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points, à compter du 12 mai 2016 pour les factures dont la date d'échéance était antérieure à cette date et à compter de leur date d'échéance pour les autres factures restées impayées ;

- condamné la société Consortium à payer à la société Eurest la somme de 328.700,68€, outre intérêts calculés au taux légal, à compter du 22 mars 2016 pour les factures dont la date d'échéance était antérieure à cette date et à compter de leur date d'échéance pour les autres factures restées impayées ;

- ordonné la compensation de la créance de 328.700,68 €, avec celle d'un montant de 1.298.149,46 € au paiement de laquelle les sociétés Compass et Eurest sont solidairement condamnées ;

- condamné solidairement les sociétés Compass et Eurest à payer la société Consortium une indemnité de 150.000 € au titre du préjudice pour pertes de redevances et de rémunérations et une indemnité de 50.000 € au titre du préjudice d'image et de notoriété;

- débouté les sociétés Compass et Eurest de leur demande visant à faire juger abusive la résiliation de la relation née de la lettre-accord mise en 'uvre par la société Consortium ainsi que des demandes indemnitaires afférentes des sociétés Compass et Eurest au titre de la perte de marge et du préjudice d'image ;

- débouté les sociétés Compass et Eurest de leur demande visant à voir la société Consortium condamnée à payer à la société Eurest la somme de 1.267.578,52 € HT soit 1.487.790,24 € TTC au titre des investissements réalisés, à hauteur de leur valeur comptable non amortie ;

- donné acte à la société Consortium de ce qu'elle offre à la société Eurest Sports et Loisirs de venir récupérer l'ensemble des matériels lui appartenant et étiquetés en vert par les soins de cette dernière ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement sans constitution de garantie, à l'exclusion des montants relatifs aux indemnités de 150.000 € et de 50.000 € auxquelles les sociétés Compass et Eurest sont solidairement condamnées respectivement au titre des préjudices pour pertes de redevances et de rémunérations et au titre du préjudice d'image et de notoriété ;

- condamné in solidum les sociétés Compass et Eurest à payer à la société Consortium la somme de 20.000 € au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration du 7 janvier 2020, les sociétés Compass et ESL ont interjeté appel du jugement.

Par arrêt du 14 octobre 2021, la cour d'appel de Versailles a :

- Constaté que le Préfet des Hauts de Seine a retiré son déclinatoire de compétence,

- Renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 18 novembre 2021 pour programmation.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 1er mars 2022, les sociétés Compass group France et ESL demandent à la cour de :

A titre liminaire,

- Relever d'office son incompétence et se reconnaître incompétente pour connaître du présent litige au profit de la juridiction administrative ;

En conséquence,

- Renvoyer cette affaire au tribunal administratif territorialement compétent ;

Subsidiairement et si par impossible la cour d'appel de céans se reconnaissait compétente pour statuer, sur le fond, il lui est demandé de,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Consortium à payer aux sociétés Eurest et Compass la somme de 328.700,68 €, correspondant à la créance de ces dernières sur la société Consortium outre intérêts calculés au taux légal, à compter du 12 mai 2016 pour les factures dont la date d'échéance était antérieure à cette date, et à compter de leur date d'échéance pour les autres factures restées impayées ;

- Infirmer le jugement entrepris en ses autres dispositions ;

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

En premier lieu,

- Dire et juger que la société Consortium a gravement manqué à ses obligations contractuelles d'organiser 22 événements annuels au sein du Stade de France et de préserver l'exclusivité à l'égard des sociétés Eurest et Compass ;

En conséquence,

- Déclarer recevable et bien fondée l'exception d'inexécution opposée par les sociétés Eurest et Compass ;

- Débouter la société Consortium de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre des sociétés Eurest et Compass ;

- Condamner la société Consortium à payer aux sociétés Eurest et Compass la somme de 2.139.032 € HT au titre du préjudice subi à raison des manquements de la société Consortium à ses obligations d'organiser 22 événements annuels et de préserver l'exclusivité à l'égard des sociétés Eurest et Compass et à la somme de 328.700,68 € correspondant à la créance des sociétés Eurest et Compass sur la société Consortium au titre des factures impayées ;

En deuxième lieu,

- Dire et juger que la société Consortium a commis une faute contractuelle en résiliant le contrat de manière anticipée ;

En conséquence,

- Condamner la société Consortium à payer aux sociétés Eurest et Compass la somme de 2.139.032 € HT au titre de la marge perdue en conséquence de la résiliation unilatérale fautive anticipée ;

- Condamner la société Consortium à payer aux sociétés Eurest et Compass la somme de 934.538,66 € HT au titre des investissements non-amortis par ces dernières en conséquence de la résiliation unilatérale anticipée ;

- Condamner la société Consortium à verser aux sociétés Eurest et Compass la somme de 100.000 €, chacune, au titre du préjudice d'image subi ;

En troisième lieu et en tout état de cause,

- Dire et juger que la société Consortium a manqué à son devoir de loyauté en refusant de négocier de bonne foi le contrat dont l'équilibre économique avait été bouleversé par la survenance d'un événement imprévisible ;

En conséquence,

- Condamner la société Consortium à verser aux sociétés Eurest et Compass la somme de 2.139.032 € HT en réparation du préjudice subi ;

A titre subsidiaire,

- Dire et juger que les demandes formulées par la société Consortium au titre de factures demeurées impayées sont infondées dans leur montant ;

En conséquence,

En premier lieu,

- Dire et juger que le montant restant dû à la société Consortium aux sociétés Eurest et Compass, au titre de factures demeurées impayées, ne saurait être supérieur à la somme de 627.861,19 € ;

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la compensation entre la somme de 1.298.149,46 € correspondant à la condamnation des sociétés Eurest et Compass et la somme de 328.700,68 € correspondant à la créance des sociétés Eurest et Compass sur la société Consortium ;

En deuxième lieu

- Dire et juger que les demandes indemnitaires formulées par la société Consortium sont infondées dans leur montant, et qu'à défaut de lien de causalité établi par la société Consortium, le montant de ces demandes est nul ;

- En conséquence, l'en débouter ;

En troisième lieu,

- Dire et juger que la société Consortium ne saurait à la fois être indemnisée à hauteur de toutes les factures exigibles jusqu'à la prise de fin du contrat, à savoir le 30 juin 2017, et conserver pas devers elle, les investissements réalisés par les sociétés Eurest et Compass dans une perspective d'amortissement au 30 juin 2019, date d'expiration initialement prévue ;

En conséquence,

- Ordonner la compensation entre le montant de toute condamnation qu'elle serait amenée à prononcer à l'encontre des sociétés Eurest et Compass avec la somme de 934.538,66€ HT au titre des investissements non-amortis par ces dernières en conséquence de la résiliation unilatérale anticipée mise en 'uvre par la société Consortium ;

- Débouter la société Consortium de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause,

- Condamner la société Consortium à verser la somme de 40.000 €, chacune, aux sociétés Eurest et Compass sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Consortium au paiement des entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 17 février 2022, la société Consortium Stade de France demande à la cour de :

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 4 décembre 2019 sauf à l'infirmer partiellement au titre du quantum des indemnités allouées à la société Consortium du fait des manquements commis par la société Eurest;

Ce faisant, il est demandé à la cour,

A titre liminaire,

- Déclarer irrecevable et en tout état de cause, débouter les sociétés Eurest et Compass en leur « demande » de « relever d'office son incompétence au profit de la juridiction administrative » pour les motifs exposés dans les présentes écritures ; une telle «demande» étant d'ailleurs inexistante au sens procédural du terme ;

Plus subsidiairement, si la Cour devait envisager de relever d'office son incompétence par un moyen soulevé d'office,

- Réouvrir les débats afin de permettre aux parties de s'expliquer sur le moyen qu'envisage de soulever d'office la cour ;

Sur le fond du litige,

1/ Statuant sur les demandes de la société Consortium,

- Condamner solidairement les sociétés Eurest et Compass à payer à la société Consortium la somme de 1.298.149,46 € TTC au titre de l'ensemble des factures impayées à ce jour outre intérêts au taux BCE majoré de 10 points à compter du 12 mai 2016, date de l'assignation ;

- Ainsi, après compensation avec la créance revendiquée par la société Eurest au titre de ses propres factures impayées à hauteur de 328.700,68 € TTC, condamner solidairement les sociétés Eurest et Compass à payer à la société Consortium la somme de 969.448,48€ outre intérêts au taux BCE majoré de 10 points à compter de la date d'échéance de chaque facture impayée ;

- Statuant sur les demandes indemnitaires de la société Consortium, condamner solidairement les sociétés Eurest et Compass à payer à la société Consortium, d'une part, une indemnité de 969.000 € HT soit 1.162.800 € TTC au titre des pertes de redevance et de rémunération subies par la société Consortium au cours des 3ères années d'exécution du contrat et d'autre part, une indemnité de 366.000 € hors taxes soit 439.200 € toutes taxes comprises au titre du préjudice d'image et de notoriété avéré ;

2/ Statuant sur les demandes des sociétés Eurest et Compass,

- Déclarer irrecevable et, en tout état de cause, débouter les sociétés Eurest et Compass en leur exception d'incompétence et de tout moyen ou prétention en lien avec la prétendue compétence du juge administratif dans le présent litige ;

- Constater que la créance revendiquée par la société Eurest à hauteur de 328.700,68 € TTC doit se compenser avec la propre créance de la société Consortium au titre de ses factures impayées à hauteur de 1.298.149,46 € TTC ;

- Débouter les sociétés Eurest et Compass de leurs demandes d'indemnisation à hauteur de 934.538,66 € au titre de la Valeur Nette Comptable des investissements réalisés faute de justifier d'un quelconque accord de la société Consortium conformément à l'article 4.3 du Term Sheet sur la réalisation de ses investissements et faute de justification réelle de ses investissements ;

- Déclarer irrecevable et en tout état de cause, la société Compass en ses demandes présentées pour la 1ère fois en appel à hauteur de 328.700,68 € TTC, 934.538,66 € et 2.139.032 €, la société Compass n'ayant jamais présenté de telles demandes en 1ère instance et n'étant titulaire d'aucune créance à l'égard de la société Consortium ;

- Donner acte à la société Consortium de ce qu'il offre toujours à la société Eurest de venir récupérer l'ensemble des matériels lui appartenant étiquetés en vert unilatéralement par la société Eurest ;

- Débouter les sociétés Eurest et Compass de toutes leurs demandes indemnitaires pour les raisons exposées dans le corps des présentes écritures et débouter, les sociétés appelantes de leurs demandes indemnitaires à hauteur de 100.000 € chacune au titre d'un prétendu préjudice d'image ;

En tout état de cause,

- Débouter les sociétés Eurest et Compass de toute demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des dépens ;

- Condamner solidairement les sociétés Eurest et Compass à payer à la société Consortium une indemnité supplémentaire de 150.000 €, en sus de celle de 20.000 € allouée en 1ère instance, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 mars 2022.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la compétence

Les sociétés Compass Group France et ESL indiquent que la cour d'appel peut, en présence d'un contrat administratif, relever d'office son incompétence, et que le Préfet des Hauts de Seine a adressé à la cour un déclinatoire de compétence, avant de le retirer. Elles font état d'un recours en interprétation devant la juridiction administrative, pouvant influer sur la présente instance.

Elles affirment que la juridiction administrative est compétente en matière de contrat portant autorisation d'occupation du domaine public, ce d'autant que le Consortium a conclu en qualité de concessionnaire de service public. Elles contestent tout estoppel de leur part.

Elles soutiennent que le litige porte sur l'occupation d'une dépendance du domaine public, que le Consortium s'est vu confié une mission de service public, et que la juridiction administrative a déjà qualifié le contrat entre le Consortium et l'Etat de délégation de service public. EIles soulignent que le Consortium a déjà revendiqué l'existence d'une concession de service public, que les clauses du contrat le prévoient expressément. Selon elles, le contrat de restauration est un contrat de sous-concession de service public, soumis aux mêmes obligations de service public que la concession principale entre l'Etat et le Consortium, relevant de la compétence du juge administratif. Elles avancent que le Consortium est un pouvoir adjudicateur, créé exclusivement pour la conclusion du contrat de concession du Stade de France, pour satisfaire un besoin d'intérêt général autre qu'industriel et commercial ; elles ajoutent que sa gestion est soumise au contrôle de l'Etat, pouvoir adjudicateur, qui finance majoritairement son activité, et qu'il est d'une bonne administration de la justice de soumettre le litige au juge administratif.

Elles font état d'irrégularités entachant la conclusion des contrats par le Consortium, qui n'a pas respecté les conditions de leur résiliation ni l'indemnisation du sous-concessionnaire.

Le Consortium relève que les appelantes ne peuvent plus soulever d'exception d'incompétence, ne l'ayant pas fait en 1ère instance et ayant conclu au fond devant la cour d'appel avant de faire état de cette incompétence, laquelle aurait dû être soulevée devant le conseiller de la mise en état. Il ajoute que la demande tendant à solliciter de la cour qu'elle relève son incompétence n'a aucun sens procédural, qu'il ne peut s'agir que d'une initiative de la cour, et que la requête en interprétation devant la juridiction administrative dont font état les appelantes est irrecevable.

Il relève que les décisions récentes des juridictions administratives retiennent que les stades ne sont pas en charge d'une mission de service public. Selon lui, le principe de l'estoppel interdit aux sociétés intimées, qui ont saisi le juge judiciaire à deux reprises, de se contredire en faisant état de la compétence de la juridiction administrative. Il souligne que le ministère des sports a indiqué que le Consortium n'était ni un concessionnaire de service public, ni un pouvoir adjudicateur. Il avance que l'autorisation d'occupation du domaine public donnée par la ville de [Localité 5] ne constitue pas une délégation de service public de la commune au consortium, que le juge n'est pas lié par la qualification donnée au contrat par les parties, que le contrat de concession ne confie pas au consortium l'exploitation d'un service public mais seulement l'exploitation d'un ouvrage public. Il déduit du fait que l'exploitation d'un stade n'est pas un service public, que la restauration des spectateurs de ce stade n'en est pas un non plus.

Le Consortium affirme n'être pas un pouvoir adjudicateur, et que cette qualification ne donnerait en tout état de cause pas au Term Sheet un caractère administratif. Il revendique avoir été créé dans un but industriel et commercial, n'entretenir aucun lien de dépendance avec l'Etat, n'être pas soumis au contrôle d'un pouvoir adjudicateur -l'Etat-, ni avoir une activité majoritairement financée par un pouvoir adjudicateur. Il affirme que le Term Sheet est un contrat de droit privé relevant de la compétence du juge judiciaire.

*****

L'article 76 du code de procédure civile prévoit que l'incompétence peut être prononcée d'office en cas de violation d'une règle de compétence d'attribution lorsque cette règle est d'ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas. Elle ne peut l'être qu'en ces cas.

Devant la cour d'appel et devant la Cour de cassation, cette incompétence ne peut être relevée d'office que si l'affaire relève de la compétence d'une juridiction répressive ou administrative ou échappe à la connaissance de la juridiction française.

Dans son arrêt du 14 octobre 2021, la présente cour a indiqué dans le corps de sa motivation qu'elle n'entendait pas user de la possibilité prévue par l'article 76 du code de procédure civile de relever son incompétence.

Si les sociétés Compass et ESL ont saisi d'une requête en interprétation le tribunal administratif de Montreuil afin qu'il se prononce sur la nature du contrat les liant au Consortium, et qu'il reviendra à la juridiction administrative d'apprécier sa recevabilité, il est à relever qu'elles n'ont pas soulevé une exception d'incompétence devant la juridiction de 1ère instance ; elles ne contestent pas n'avoir pas saisi le conseiller de la mise en état d'une exception d'incompétence.

Pour autant, le Consortium ne peut leur opposer le principe de l'estoppel au motif qu'elles auraient à deux reprises pris l'initiative de saisir la juridiction judiciaire, ces demandes n'étant pas intervenues au cours de la même instance, de sorte que le Consortium ne peut leur reprocher d'adopter des positions contraires de nature à l'induire en erreur sur leurs intentions.

Les sociétés Compass et ESL ne démontrent pas que l'autorisation d'occupation du domaine public donnée par la ville de [Localité 5] au Consortium doive être assimilée à une délégation de service public.

Il sera relevé qu'à l'occasion d'un litige opposant la fédération française de rugby à l'Etat devant la cour administrative d'appel de Paris, le rapporteur public et le Ministère de la ville, de la jeunesse et des sports ont 'rappelé que le contrat de concession du Grand Stade n'a pas pour objet de confier au Consortium l'exploitation d'un service public, mais uniquement l'exploitation d'un ouvrage public, à savoir le Stade de France', et le Premier Ministre s'est associé aux observations faites par ledit Ministère.

Le Ministère des sports a, par courrier du 23 juin 2021, indiqué qu'il ressortait de la jurisprudence que les seules contraintes découlant de la mise à disposition d'un équipement sportif étaient insuffisantes pour caractériser une mission de service public.

La direction des affaires juridiques du Ministère de l'Economie des Finances et de la Relance, dans une note du 13 septembre 2021 intervenant dans le présent litige, a indiqué que 'le contrat liant la société Eurest Sports et Loisirs au Consortium du Stade de France n'est pas un contrat de commande publique relevant de la compétence de la juridiction administrative'. Au terme de son analyse, elle a conclu que 'l'Etat n'a pas entendu confier une mission de service public' au Consortium.

Dans ces conditions, si les sociétés Compass et ESL avancent que les sous-contrats liés au contrat de concession confiant une activité de service public sont des sous-concessions de service public, l'exploitation d'un stade comme le Stade de France ne relevant pas d'un service public, les sous-contrats ne peuvent ne peuvent en relever, et il n'est pas établi que le contrat liant le Consortium aux sociétés Compass et ESL portant sur la restauration événementielle puisse bénéficier de la qualification de sous-concession de service public.

Les sociétés Compass et ESL sont, comme le Consortium, des sociétés de droit privé ; elles soutiennent que le Consortium est un pouvoir adjudicateur afin de soutenir la compétence du juge administratif.

Au sens de l'article 3 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 aujourd'hui abrogé, 'les pouvoirs adjudicateurs ... sont :

1° Les organismes de droit privé ou les organismes de droit public autres que ceux soumis au code des marchés publics dotés de la personnalité juridique et qui ont été créés pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial, dont :

a) Soit l'activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur soumis au code des marchés publics ou à la présente ordonnance ;

b) Soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur soumis au code des marchés publics ou à la présente ordonnance ;

c) Soit l'organe d'administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur soumis au code des marchés publics ou à la présente ordonnance ;'... .

Si le Consortium répond à des besoins d'intérêt général en accueillant des manifestations sportives et des spectacles, il mène une activité à caractère industriel et commercial.

Dans son considérant n°10, la directive 2014/24/UE sur la passation des marchés public indique que ' 'un organisme, qui opère dans des conditions normales de marché, poursuit un but lucratif et supporte les pertes liées à l'exercice de son activité, ne devrait pas être considéré comme un «organisme de droit public», étant donné que les besoins d'intérêt général pour la satisfaction desquels il a été créé ou qu'il a été chargé de satisfaire peuvent être réputés avoir un caractère industriel ou commercial'.

En l'espèce, si les sociétés Compass et ESL avancent que le Term Sheet contient des clauses exorbitantes du droit commun, le Consortium poursuit un but lucratif et supporte les pertes liées à son activité.

La note précitée de la direction des affaires juridiques du Ministère des Finances retient que 'le contrôle du concessionnaire se limite à un contrôle a posteriori sur les comptes et l'exploitation de l'ouvrage' et que l'Etat n'a pas de pouvoir de gestion, et les développements des sociétés Compass et ESL ne parviennent pas à démontrer le contraire, les articles du cahier des charges qu'elles citent détaillant le contrôle du concédant ; de même n'établissent-elles pas que l'activité du Consortium est principalement financée par un pouvoir adjudicateur, en citant un rapport du Sénat retenant près de 80% de financements publics pour le Stade de France, sans distinguer le financement du stade lui-même, du coût des investissements routiers et s'agissant des transports en commun aux abords du stade.

Au vu des développements qui précèdent, la cour ne relèvera pas d'office son incompétence au profit de la juridiction administrative.

Sur les exceptions d'inexécution soulevées par les sociétés Compass et ESL

Sur le manquement du Consortium à l'obligation d'organiser 22 manifestations annuelles

Les sociétés Compass et ESL soutiennent que le Consortium a manqué à son obligation d'organiser 22 manifestations annuelles assurant un nombre de 1.354.239 spectateurs par an, données au vu desquelles le Consortium a exigé des candidats qu'ils présentent leurs offres, et qui avaient une valeur obligatoire. Elles précisent que c'est au vu de ces deux paramètres qu'elles ont construit leur offre commerciale, et calculé l'amortissement de leurs investissements, et que l'intention des parties était de conférer une valeur contraignante à la clause du cahier des charges prévoyant ces données. Elles avancent que les charges supportées par elles ne peuvent s'expliquer que par celles reposant sur le Consortium d'organiser un nombre minimum d'événements assurant un nombre de spectateurs leur permettant d'obtenir une marge. Elles déclarent que ce n'est pas du droit d'exploitation qu'ESL peut retirer un bénéfice dans le cadre du contrat, mais de la réalisation de missions de restauration lors d'événements sportifs et culturels. Selon elles, le caractère obligatoire de la programmation découle aussi des autres clauses, et le Consortium a manqué à son obligation d'organiser 22 manifestations par an au stade de France.

Le Consortium soutient que les appelantes ont à tort invoqué l'inexécution du contrat au vu du nombre des événements, le contrat n'ayant pas mis à sa charge l'organisation de 22 ou 24 manifestations par an. Il affirme qu'aucune clause d'un document contractuel ne prévoit une telle obligation, que la programmation annuelle est par nature aléatoire, et qu'il n'en a pas la totale maîtrise, ce qui explique que des mécanismes d'adaptation ont été insérés dans le contrat prenant en compte le nombre de spectateurs annuels. Il analyse les articles du Term Sheet qui montrent que c'est au vu du nombre de spectateurs, et non d'événements, que la redevance a été fixée, ainsi que le montre aussi l'évolution des rédactions de ces clauses. Il affirme ne s'être engagé qu'à diminuer la redevance si le nombre déterminé de spectateurs n'était pas atteint. Il soutient que le contrat a bien une cause, a été signé par les parties après négociations, qu'aucune contrainte n'a été exercée sur les sociétés Compass et ESL. Il conteste le décompte des manifestations avancé par les appelantes.

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L'article 1134 du code civil, dans sa version applicable aux faits, prévoit que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Les parties conviennent que le contrat est formé par le cahier des charges du 30 septembre 2013 de l'appel d'offres, l'offre de la société ESL du 31 octobre 2013 complétée le 14 novembre 2013, et le Term Sheet du 28 novembre 2013, lequel devait être suivi par un contrat 'long form' qui n'a pas été dressé.

L'appel d'offres invitait les candidats 'à construire leurs offres, quel que soit le lot concerné, sur la base d'une année type comprenant 22 événements dont les typologies et les fréquentations sont présentées ci-après. Cette année type s'appliquant à la durée totale du contrat'. Une présentation type suivait, se référant à des spectacles sportifs et culturels de natures différentes.

L'offre commerciale d'ASL contient un compte d'exploitation prévisionnel pluri-annuel dressé sur une base de 22 événements par an.

Le Term Sheet conclu le 28 novembre 2013 entre les sociétés Compass, ESL et le Consortium rappelle que ce dernier a lancé un appel d'offres le 30 septembre 2013, afin de confier à une société spécialisée l'exécution de missions de restauration destinées au grand public au Stade de France (in et ex Stadia), a alors remis le cahier des charges de l'appel d'offres comprenant notamment la description des prestations, que l'offre commerciale du 31 octobre 2013 de la société ESL a été retenue, et que le Consortium souhaite lui confier le lot 'restauration événementielle fixe et mobile'.

Ce Term Sheet ne contient pas d'engagement du Consortium quant au nombre de manifestations organisées annuellement dans le cadre de l'enceinte du Stade de France.

Son article 4.2 intitulé 'minimum garanti' prévoit qu' 'ESL s'engage à verser au consortium un minimum garanti d'un montant de 800.000 € HT par an. Ce minimum garanti est calculé sur la base d'un nombre moyen de spectateurs présents au Stade de France par an, à savoir 1.354.239 spectateurs par an. Par conséquent, le minimum garanti pourra être revu, à la baisse ou à la hausse, au prorata du nombre réel de spectateurs présents au Stade de France au cours d'une année contractuelle'.

Il s'en suit que cet article 4.2 fixe le minimum garanti en se fondant sur une seule donnée, soit un nombre minimum de spectateurs par an, et que ce n'est que si ce critère du nombre de spectateurs n'est pas atteint que le minimum garanti peut être diminué, au prorata du nombre de spectateurs présents sur une année.

Par courriel du 26 novembre 2013, la société ESL a adressé une version portant date et signature du 25 novembre 2013, la société ESL précisant dans ce courriel que 'conformément au cahier des charges et à notre offre commerciale, le minimum garanti de la redevance est calculé sur la base de 22 manifestations par an hors manifestations exceptionnelles décrites au point 1.5 du Term Sheet'.

Le 27 novembre 2013 le Consortium lui a répondu que concernant ce point, 'nous souhaitons non pas lier le minimum garanti au nombre d'événements mais plutôt au nombre de spectateurs prévisionnel indiqué dans l'appel d'offre. Merci de me confirmer votre accord sur ce point'.

Le Term Sheet du 28 novembre 2013 ayant été signé le lendemain, et portant la clause relative au minimum garanti précédemment indiquée, il en ressort que le Consortium avait expressément exprimé sa volonté de ne pas se lier par un nombre minimum d'événements organisés, et que la diminution de la redevance n'a été conditionnée qu'au seul vu du nombre de spectateurs.

Cette clause 4.2 ayant été négociée entre les parties, il s'en déduit que les parties avaient accepté que le Consortium ne soit pas lié par un nombre d'événements, mais seulement par un nombre minimum de spectateurs et les sociétés Compass et ESL, professionnelles du secteur de la restauration événementielle, ont accepté de signer le Term Sheet en ces termes.

Le Term Sheet prévoit un autre mécanisme de révision, l'article 2 indiquant que dans les trois mois précédant l'issue de la 3ème année, une rencontre doit intervenir entre les parties afin de discuter des modalités d'exécution du contrat pour les deux années restantes.

Aussi, indépendamment de la question du caractère aléatoire du nombre d'événements organisés par le Consortium, le Term Sheet n'a pas fixé un tel nombre à la charge du Consortium, et ne prévoit un mécanisme de baisse du montant de la redevance qu'en fonction du nombre de spectateurs.

L'absence d'engagement du Consortium quant à un nombre minimum d'événements organisés ne prive pas le contrat de cause, puisque par le contrat ESL dispose du droit de proposer des prestations de restauration au stade de France lors des manifestations qui y sont organisées.

Aussi, les sociétés Compass et ESL ne peuvent se fonder sur le nombre d'évènements pour soutenir que le Consortium n'aurait pas respecté ses obligations figurant au Term Sheet, et justifier l'exception d'inexécution dont elles allèguent, et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le manquement du Consortium quant à l'exclusivité

Les sociétés Compass et ESL relèvent que le Term Sheet prévoit qu'est confiée à ESL l'exclusivité d'intervention sur le lot n°1, et qu'en l'espèce elles avaient relevé de multiples atteintes à l'obligation de préserver l'exclusivité d'ESL reposant sur le Consortium. Elles ajoutent que le fait que l'inexécution provienne du débiteur de l'obligation, d'un tiers ou d'un cas de force majeure est indifférent, la seule inexécution justifiant l'exception, et que la seule présence de vendeurs sauvages ou de concurrents sur le périmètre établit l'inexécution. Elles avancent qu'il appartenait au Consortium de faire cesser la concurrence dont souffrait ESL sur la zone ex stadia, que l'organisation d'un apéritif dans l'enceinte du stade ne peut être tolérée, que le Consortium ne peut leur opposer une impossibilité d'intervenir sur l'espace public pour faire cesser les ventes des commerçants outrepassant le périmètre de leurs terrasses.

Après avoir rappelé que seule une inexécution grave peut autoriser un cocontractant à faire application de l'exception d'inexécution, et indiqué que le dispositif de sécurité imposé par la Préfecture de police avait été apprécié par les sociétés Compass et ESL, le Consortium relève que les appelantes n'établissent pas la réalité des faits qui lui sont reprochés quant au non-respect de l'exclusivité ex stadia. Il relève que son engagement d'exclusivité consiste à ne pas consentir d'autres autorisations d'exploiter l'activité de restauration, que les sociétés Compass et ESL savaient que la zone ex stadia était située sur la voie publique où elles subiraient la concurrence de commerçants déjà installés, que la présence de vendeurs sauvages ne peut caractériser un manquement à ses engagements. Il indique n'avoir aucun pouvoir coercitif pour empêcher les ventes hors du périmètre contractuel, que l'organisation d'un seul apéritif lors d'un événement ponctuel ne peut démontrer l'existence d'une concurrence illégale.

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Le préambule du Term Sheet prévoit que le Consortium souhaite confier à ESL l'exécution à titre exclusif du lot n°1 -soit la restauration événementielle fixe et mobile.

Les sociétés Compass et ESL ne visent dans leurs développements relatifs au non-respect de l'obligation de l'exclusivité qu'elles reprochent au Consortium, que deux pièces, l'une relative à l'organisation d'un apéritif avec l'autorisation du Consortium, l'autre quant au périmètre du contrat.

De plus, s'agissant de la zone ex stadia, celle-ci relève de l'espace public, le cahier des charges au vu duquel les sociétés Compass et ESL ont présenté leurs offres montrant que cette zone des abords du stade correspond à des voies publiques. La cour observe que le plan de la zone figurant dans le cahier des charges (p23) montre bien la présence de la concurrence (en ce compris restauration) dans ses abords.

Les griefs invoqués par les sociétés Compass et ESL dans leur courrier du 17 juin 2015 - soit l'installation des brasseurs de surface aux abords du stade, la vente de bières alcoolisées en dépit des arrêtés préfectoraux, les ventes sauvages- ne concernent que cette zone ex stadia ; or, les appelantes étaient informées depuis le cahier des charges de la présence de brasseurs installés sur la voie publique, constituant dans cette zone une concurrence connue, puisqu'elle était citée par les appelantes dans leur offre du 31 octobre 2013 qui tendait à 'rivaliser d'ambiance et de ventes avec les brasseries de sortie du Stade...' (page 120). Le fait que le Consortium bénéficie d'une autorisation temporaire d'occupation du domaine public accordée par la mairie de [Localité 5] pour l'installation de commerces lors de manifestations ne saurait lui conférer un pouvoir de police pour l'exploitation dudit domaine public.

S'agissant de l'espace public, le Consortium ne peut être tenu responsable par les sociétés Compass et ESL de la présence de personnes se livrant à la vente à la sauvette.

Ces sociétés n'établissent pas non plus que le Consortium aurait autorisé d'autres sociétés que ESL à proposer des services de restauration dans le périmètre de l'enceinte du stade.

Les pièces produites par les sociétés Compass et ESL ne permettent pas d'établir que la [Adresse 4] fait partie du périmètre du contrat, la cour observant que les appelantes ne versent aucune pièce autre que leurs écrits établissant l'existence d'une concurrence dans cette rue.

L'autorisation pour un apéritif ayant réuni 600 personnes lors d'une finale d'un championnat de France de rugby apparaît comme un fait unique, et le nombre de personnes y ayant assisté (600 selon les appelantes) étant sans commune mesure avec le nombre des spectateurs retenus dans le contrat (1.354.239 spectateurs), de sorte que ce fait isolé ne peut constituer une violation grave par les sociétés Compass et ESL de l'exclusivité consentie à ESL.

En conséquence, c'est à raison que le jugement a retenu que les manquements contractuels du Consortium à son obligation d'exclusivité n'étaient pas établis.

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Il résulte de ce qui précède que contrairement à ce qu'elles allèguent, les sociétés Compass et ESL n'étaient pas fondées à faire état de l'exception d'inexécution et de prendre l'initiative de diminuer le montant de la redevance tel que fixé par le Term Sheet, et elles ne peuvent le légitimer en expliquant avoir écrit au Consortium pour faire part de leurs griefs.

Leurs griefs n'étant pas justifiés, elles ne pouvaient en prendre argument pour modifier unilatéralement la rémunération et le dispositif commercial convenus.

Sur les factures impayées

Le jugement a considéré que les dires d'ESL quant à une sur facturation pour les années 2014 à 2017 étaient infondées, et que le montant de 1.298.149,36 € TTC réclamé par le Consortium était justifié au vu des factures, de sorte qu'il a condamné les sociétés Compass et ESL à le payer, assorti des intérêts.

Les sociétés Compass et ESL soutiennent que la facturation du Consortium est erronée pour les années 2015, 2016 et 2017 car pour chacune de ces années, le Consortium a retenu un minimum garanti inexact, ce qui a modifié la facture due à ce titre, et qu'il a facturé à ESL des charges et frais non prévus par le Term Sheet.

Le Consortium avance qu'à compter du 12 mai 2016 les sociétés Compass et ESL ont cessé de régler partiellement les redevances, et ont appliqué un taux de 12% au lieu de 16%. Il déclare que sa créance était au 31 décembre 2017 de 1.298.149,46 € TTC, s'étonne que les appelantes n'aient fait état qu'en 2019 d'une prétendue sur facturation remontant à 2014, et relève des inexactitudes affectant les tableaux insérés dans leurs conclusions. Il souligne que certaines prestations assurées par ESL ne sont pas prévues par le Term Sheet.

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La cour observe qu'alors que le décompte des factures impayées par ESL au titre de l'année 2014 était contesté en 1ère instance, il ne l'est plus en appel, et le Consortium produit les cinq factures correspondantes, de sorte que son comptage sera retenu pour 2014.

Au titre de l'année 2015, les sociétés Compass et ESL avancent que le minimum garanti était inférieur à celui pratiqué par le Consortium, qui a aussi sur-facturé ESL en excluant de l'assiette de calcul certaines sommes.

Le Consortium pour sa part affirme que certaines prestations non liées à la restauration événementielle n'ont pas à être intégrées dans ce calcul.

Le Consortium avance un nombre de spectateurs pour l'année 2015 de 1.019.049 et, si les appelantes soutiennent qu'il est de 1.021.723, elles ne produisent, tout comme en 1ère instance, aucun élément en cause d'appel permettant de contester celui retenu par le Consortium.

Au vu de ce montant, le minimum garanti était de 601.990,64 €.

Les sociétés Compass et ESL exposent que le total des redevances s'est élevé cette année à 612.052,65 €, soit un total supérieur au montant minimum garanti, de sorte qu'elles n'auraient pas dû se voir facturer au titre du minimum garanti la somme de 24.882,48 € ; selon le Consortium, le total facturé en 2015 a été de 577.108,16 €, ce qui explique cette redevance minimale (24.882,48 €) pour atteindre le minimum garanti de 601.990,64 €.

Les factures dont fait état le Consortium, émises au cours de l'année 2015 dont les numéros finissent par 973, 570, 592, 997, 972, 996, 1100 et 1097 présentent, au titre des redevances, un montant total de 589.750,42 € (et non 577.108,16 € comme soutenu par le Consortium).

Par ailleurs, le Consortium fait état de deux factures (numéros finissant par 798 et 800) non produites.

Les sociétés Compass et ESL font état de quatre autres factures (numéros finissant par 975, 994, 995 et 1099). Si le consortium soutient que certaines redevances ne doivent pas être prises en compte, en ce qu'elles concernent des prestations externes non liées à la restauration événementielle spectateurs, la cour observe que le term Sheet prévoit que la redevance est calculée sur le chiffre d'affaires réalisé lors des prestations visées, et qu'a été confié à ESL l'entier lot 'restauration événementielle fixe et mobile'. Dès lors, il y a lieu de retenir les redevances de prestations annexes soient les factures 975 (12.607,74 €), 995 (5.852,57 €) et 1099 (3.841,92 €). La facture 994 (2.940,50 €) portant sur des charges de manifestations, ne peut être prise en compte au titre des redevances.

Au vu de ce qui précède, les sociétés Compass et ESL se sont vues facturées au titre des redevances un montant de 612.052,57 €, ainsi qu'elles l'indiquent.

Cette somme étant supérieure au minimum garanti , le Consortium n'avait pas à leur facturer le complément de 24.882,57 € au titre du minimum garanti.

Les sociétés Compass et ESL avancent par ailleurs que leur a été facturée la somme totale de 239.929,24 € HT au titre de charges et frais non prévus au Term Sheet.

Elles visent les charges et frais qui leur ont été facturés via trois factures finissant par 570 (montant des charges facturées de 4.794,23 €), 592 (montant des charges facturées de 232.194,51 €) et 994 (montant des charges facturées de 2.940,50 €) pour un montant cumulé de 239.929,24 €.

Si le Consortium souligne que le Term Sheet n'envisage que la facturation de redevances et ne prévoit pas la facturation de charges et n'empêche pas une telle facturation, il appartient au Consortium d'apporter la preuve que le paiement de telles charges est dû, et il ne peut se fonder sur les seules factures adressées pour les expliquer. Le Consortium ne produit ni contrat ni devis pour les justifier. Les factures, qui ne spécifient pas en quoi consistaient ces charges, ne peuvent suffire, et si le Consortium soutient que le montant de 232.929,24 € résultant de la facture 592 a fait l'objet d'un avoir pour être réduite à 211.857,76 €, il ne verse pas cet avoir.

Aussi le Consortium n'établit pas que le paiement de ces charges était du par ESL.

En conséquence, les sociétés Compass et ESL sont fondées à soutenir que pour l'année 2015, le Consortium a trop facturé ESL à hauteur de 239.929,24 € HT au titre de sommes afférentes aux charges, et que le montant de 24.882,57 € HT au titre du minimum garanti n'est pas fondé.

Au titre de l'année 2016, les sociétés Compass et ESL soutiennent que le Consortium a sur-facturé 26.633,37 € HT au titre du minimum garanti, outre 5.110,53 € HT au titre de charges et frais non prévus au Term Sheet.

Le Consortium expose le calcul de la redevance minimale 2016 et avance que les appelantes font état de factures de séminaires d'entreprises non prévues par le Term Sheet, intègrent dans le calcul des factures qui n'y entrent pas, et que la contestation des charges à hauteur de 5.110,53 € n'est pas plus fondée qu'en 2015.

Le Consortium a facturé à ESL la somme de 105.301,13 € HT au titre du minimum garanti pour l'année 2016.

Le Consortium avance un nombre de spectateurs pour l'année 2016 de 834.705, les appelantes soutiennent un nombre de 839.551, sans verser d'élément permettant de contester celui du Consortium, qui sera donc retenu. Aussi, le minimum garanti était de 493.091,69 €.

Les factures dont fait état le Consortium, émises au cours de l'année 2016 dont les numéros finissent par 467,470, 720, 718, 420, 421, 548, 547 présentent, au titre des redevances, un montant total de 391.394,74 € (et non 387.790,59 € comme soutenu par le Consortium), la cour n'écartant pas deux montants de 1.719,22 € et 1.879,93 € présentés par le Consortium comme étant des séminaires d'entreprises, ces deux sommes figurant sur des factures visant la redevance.

Les sociétés Compass et ESL font état de quatre autres factures (numéros finissant par 469, 717, 404, 546), parmi lesquelles seront retenues les redevances de prestations visées aux factures 469 (9.186,12 €), 404 (1.716,63 €) et 546 (15.039,75 €). La facture 717 (5.110.53 €) portant sur des prestations, ne peut être prise en compte au titre des redevances.

Au vu de ce qui précède, les sociétés Compass et ESL se sont vues facturées au titre des redevances un montant de 417.337,24 €.

Au vu de ce montant, le complément du minimum garanti devant leur être facturé était de 75.754,45 €.

Le Consortium ayant facturé à ce titre la somme de 105.301,13 € HT au titre du minimum garanti pour l'année 2016, il a trop-facturé à hauteur de 29.546,68 €.

Au vu des développements qui précèdent pour l'année 2015, il sera fait droit à la demande présentée par les sociétés Compass et ESL au titre de la facturation des charges, à hauteur de 5.110,53 € résultant de la facture 717.

Ces sociétés sollicitant une surfacturation totale pour l'année 2016 de 31.743,9 €, cette demande sera accueillie à ce montant.

S'agissant de l'année 2017, les sociétés Compass et ESL soutiennent aussi que le Consortium a sur-facturé la somme de 36.571,4 € au titre du minimum garanti, outre des charges et frais non prévus par le Term Sheet pour 8.460,48 €.

Le Consortium relève que le décompte des spectateurs par les appelantes n'intègre pas une manifestation (France-Angleterre), et qu'elles font entrer dans l'assiette des redevances des prestations extérieures au Term Sheet.

Le Consortium a facturé à ESL la somme de 61.005,45 € HT au titre du minimum garanti pour l'année 2017.

Le Consortium avance un nombre de spectateurs pour l'année 2017 de 425.913, les appelantes soutiennent un nombre de 401.101, sans verser d'élément permettant de contester celui du Consortium, qui sera donc retenu. Aussi, le minimum garanti était de 251.602,82€.

Les factures dont fait état le Consortium, émises au cours de l'année 2017 dont les numéros finissent par 214, 217, 213, 665, 553 présentent, au titre des redevances, un montant total de 194.677,25 € (et non 190.597,45 € comme soutenu par le Consortium), la cour retenant la facture 213, visant la redevance, pour son entier montant (10.218,13€ et non 6.138,33 € comme demandé par le Consortium).

Les sociétés Compass et ESL font état de sept autres factures (numéros finissant par 211, 235, 248, 271, 551, 556, 666), parmi lesquelles seront retenues les redevances de prestations visées aux factures 211 (6.138,33 €), 566 (5.657,26 €) et 666 (5.893,10 €). Les factures 235, 248, 271 (visant des places de parking) et 551 (visant des charges) ne peuvent être prises en compte au titre des redevances.

Au vu de ce qui précède, les sociétés Compass et ESL se sont vues facturées, au titre des redevances, un montant de 212.365,94 €, ainsi qu'elles l'indiquent.

Au vu de ce montant, le complément du minimum garanti devant leur être facturé était de 39.236,88 €.

Le Consortium ayant facturé à ce titre la somme de 61.005,45 € HT au titre du minimum garanti pour l'année 2016, il a trop-facturé à hauteur de 21.768,57 €.

Comme précécemment, il sera fait droit à la demande présentée par les sociétés Compass et ESL au titre de la facturation des charges (factures 235, 248, 271 visant des places de paking de 700 € chacune, et facture 551 visant des charges de 6.360,48 €), et leur demande au titre de la surfacturation au titre de l'année 2017 sera accueillie à hauteur de 30.229,05 €.

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Aussi, et au vu du décompte des factures produites par le Consortium d'un montant total de 1.298.149,46 €, dont il convient de déduire au titre de sur facturations pour les années 2015 à 2017 la somme de 326.784,76 € (264.811,81 + 31.743,9 + 30.229,05), les sociétés Compass et ESL seront condamnées au paiement de la somme de 971.364,60 €, laquelle sera assortie d'intérêt comme indiqué au dispositif.

Sur la condamnation du Consortium au paiement de la somme de 328.700,68 €

Le jugement a condamné le Consortium à verser cette somme aux sociétés Compass et ESL outre intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2016, date de la mise en demeure.

Les sociétés Compass et ESL sollicitent la confirmation du jugement sur ce point.

Le Consortium ne conteste pas que cette somme était due à ESL, au titre de factures émises par cette société, mais souligne que la condamnation ne devrait être prononcée qu'au seul profit d'ESL et que la société Compass - société mère d'ESL- ne saurait solliciter le bénéfice d'une condamnation à son profit.

La cour observe cependant qu'à la lecture du jugement, le Consortium avait alors demandé que cette somme soit compensée avec celle due par les sociétés Compass et ESL, et qu'il ne verse aucune pièce établissant que cette somme ne serait due qu'à ESL.

Aussi, ESL et sa société mère Compass sollicitant la confirmation du jugement sur ce point, il sera fait droit à leur demande, et le jugement sera intégralement confirmé sur cette condamnation du Consortium.

Sur la résiliation

Le Consortium indique que les sociétés Compass et ESL - qui disposaient d'une exclusivité- ont essayé de lui imposer une renégociation du contrat, que les parties ont cherché amiablement à parvenir à une rupture anticipée du contrat sans y parvenir, les appelantes déclarant en janvier 2016 qu'aucun document contractuel ne liait plus les parties. Il relève que les sociétés Compass et ESL ont réduit son taux de redevance, supprimé des points de vente les caisses enregistreuses permettant d'avoir des preuves des ventes. Il ajoute qu'à l'issue de négociations vaines, il a notifié aux appelantes la fin des relations contractuelles au 30 juin 2017 et la résiliation du Term Sheet. Il fait état de la disparition de tout accord de volonté des sociétés Compass et ESL quant aux modalités d'exécution du Term Sheet, de sorte que la résiliation n'est en rien abusive. Il relève les manquements contractuels d'ESL, qui a réduit puis s'est abstenue de régler la redevance.

Les sociétés Compass et ESL avancent qu'un contrat à durée déterminée doit être mené jusqu'à son terme, que la résiliation anticipée par une partie constitue une faute engageant sa responsabilité, et qu'en l'espèce le contrat avait commencé à recevoir exécution le 1er juillet 2014 et devait s'appliquer pendant 5 ans. Elles ajoutent que les conditions d'une résiliation unilatérale ne sont pas réunies, contestent le fait que la clause de renégociation au bout de trois années puisse justifier une rupture unilatérale, comme leur volonté -selon le Consortium- de mettre un terme au contrat. Elles affirment qu'elles étaient légitimes à soulever l'exception d'inexécution au vu des manquements du Consortium à ses obligations, que les relations commerciales avaient commencé en 1998 et qu'en tout état de cause elles auraient dû se poursuivre pendant la durée du contrat. Elles déclarent avoir été contraintes de diminuer le montant de la redevance du fait du non-respect par le Consortium de ses obligations quant au nombre de manifestations, afin de garantir un équilibre entre les droits et obligations de chacun. Elles avancent avoir dû, pour limiter leurs pertes, laisser certains points de vente fermés et limiter la vente de certaines denrées, ce qui était justifié au vu des manquements du Consortium, et relèvent que cette adaptation du dispositif commercial a été retenue par le Consortium dans le contrat avec le successeur d'ESL.

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La gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls.

L'article 2 du Term Sheet indique que la date prévisionnelle de début d'exécution des missions est le 1er juillet 2014, et que les missions seront confiées à ESL pour une période de cinq ans.

Il ajoute que le Consortium et ESL se rencontreront dans un délai de trois mois précédant l'issue de la 3ème année du contrat, afin de discuter de ses modalités d'exécution pour les deux années restantes.

Comme le relèvent les sociétés Compass et ESL, cet article ne prévoit pas, en cas d'échec de la négociation prévue dans les trois mois précédant la fin de la 3ème année, la cessation des relations contractuelles.

Par courrier du 19 mai 2017, le Consortium a informé les sociétés Compass et ESL de la fin de leur relations contractuelles 'au 30 juin 2017, soit au terme de la 3ème année du contrat'.

Pour autant, par courrier du 18 janvier 2016, la société Compass Group, après avoir évoqué l'échec des discussions entre les sociétés aux fins de trouver une solution amiable pour une fin anticipée au 31 décembre 2015, et qu'aucun accord n'avait pu intervenir permettant la signature d'un contrat 'long form', a indiqué 'dans ces conditions, les relations entre les parties ne sont donc plus régies par aucun document contractuel. Si Compass poursuit l'exécution des prestations prévues et reconnaît devoir au Consortium le paiement d'une redevance, Compass estime être engagée plus par son Offre commerciale que par le Term Sheet, qui a désormais expiré'.

Ainsi, après avoir rappelé que le Term Sheet devait être remplacé par un contrat 'long form' jamais conclu, la société Compass Group a indiqué que le Term Sheet était désormais expiré.

Il apparaît, au vu des courriers produits, que des négociations sont intervenues à la fin de l'année 2016 entre les parties, placées sous le sceau de la confidentialité, de sorte qu'aucune des parties ne peut en faire état.

Le Term Sheet retient que la redevance variable, basée sur le chiffre d'affaires HT encaissé par ESL et ses éventuels sous-traitants, est d'un montant de 16% HT.

Or les sociétés Compass et ESL reconnaissent, dans leurs conclusions (p66) avoir 'été contraintes d'abaisser le montant de la redevance de 16% à 12% de leur chiffre d'affaires, puis d'arrêter les versements'. La société ESL avait ainsi écrit au Stade de France, le 17 juin 2015, 'notre société se trouve, de fait, dans l'impossibilité de verser une quelconque redevance pour la saison 2014/2015 et souhaite, en tout état de cause, revoir les conditions financières de l'exploitation de la restauration du Stade...'.

Si les sociétés Compass et ESL l'expliquent par les manquements du Consortium à ses propres engagements, il a été précédemment vu que les griefs des sociétés Compass et ESL à l'encontre du Consortium n'étaient pas justifiés, et qu'elles ne pouvaient les invoquer pour justifier une exception d'inexécution et réduire unilatéralement le montant de la redevance due.

Ainsi les sociétés Compass et ESL avaient pris l'initiative de réduire le montant de la part variable de redevance, et déclaré être dans l'impossibilité de la verser ; elles ont fait état après l'échec des discussions engagées à la fin de l'année 2015, que les relations entre les parties n'étaient plus encadrées par un document contractuel. Cette attitude manifestait l'intention des sociétés Compass et ESL de s'affranchir des termes du contrat.

Le Consortium reproche également aux sociétés Compass et ESL de n'avoir pas mis en place le dispositif commercial minimum, in stadia et ex stadia, prévu à l'article 3 du Term Sheet, en se fondant notamment sur les propres courriels d'ESL. Les procès-verbaux dressés les 13 février, 19 et 29 mars, 23 avril 2016, relèvent un certain nombre de manquements à ce dispositif commercial, qu'il s'agisse de l'absence de caisses enregistreuses des points de vente, de la fermeture de kiosques boissons, de l'absence de mise en place du dispositif 'jeton bière', de l'absence de mise en place des 'push café', de l'absence de kiosque Heineken.

Ces manquements réitérés d'ESL dans la mise en place du dispositif commercial prévu par le Term Sheet ne sont pas contestés par les sociétés Compass et ESL, et celles-ci ne peuvent faire état du fait que le contrat conclu ultérieurement entre le Consortium et le nouveau prestataire prévoit une flexibilité du dispositif, pour les justifier.

Aussi, et alors qu'il est justifié de l'envoi de courriers de mise en demeure par le Consortium, c'est à raison que le jugement a retenu que la gravité du comportement des sociétés Compass et ESL justifiait la résiliation unilatérale des relations contractuelles par le courrier du 19 mai 2017 du Consortium.

Ces relations s'inscrivaient bien dans le cadre de l'application du Term Sheet signé le 28 novembre 2013 dont la durée était de cinq années, et s'il y a été mis fin par courrier du 19 mai 2017 avec effet au 30 juin 2017, les fautes retenues contre les appelantes justifiaient qu'il soit fin mis au contrat de façon anticipée, et moyennant un préavis court.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes indemnitaires du Consortium

Le jugement a condamné les sociétés Compass et ESL à verser au Consortium 150.000€ au titre des pertes de redevances et rémunérations, et 50.000 € au titre du préjudice d'image et de notoriété.

Le Consortium fait sienne la motivation du jugement sur ce point, sauf s'agissant du quantum des indemnités qui lui ont été allouées. Il relève que les appelantes ne contestent pas n'avoir pas mis en place le dispositif commercial défini précisément par le Term Sheet, comme constaté par huissier. Il ajoute que le non-respect du dispositif commercial par les appelantes est à l'origine de leur préjudice financier, fait état des résultats obtenus par le nouveau prestataire, et en déduit une perte de redevance de 826.000 € HT. Il chiffre le manque à gagner du fait de l'absence de mise en place du système éco-cup. Il indique que les prestations de piètre qualité d'ESL, loin des engagements contractuels, et que révèlent les 'questionnaires qualité', ont porté atteinte à son image.

Les sociétés Compass et ESL soutiennent que le rapport produit par le Consortium pour justifier de son préjudice se fonde sur des bases erronées, faute d'établir un lien de causalité entre les manquements allégués et les différences de performance, et alors que ce rapport ne se fonde que sur les concerts. Elles ajoutent que le préjudice d'image n'est pas démontré, faute pour le rapport de montrer que la satisfaction du public est différente avec l'ancien et le nouveau prestataire. Elles relèvent que les pièces justifiant ce rapport ne sont pas produites, et que le préjudice prétendument subi au titre des redevances s'analyse en une perte de chance.

*****

Il résulte des pièces versées qu'ESL n'a pas mis en place lors de tous les événements le dispositif commercial tel que prévu par le Term Sheet, ce qui n'est pas contesté.

Il sera rappelé que le dispositif mentionné par l'article 3 du Term Sheet comprenait

- in stadia, l'activation d'un minimum de 567 mètres linéaires comprenant notamment 33 corners, 6 kiosques 'brioche dorée', 33 Push Café, 31 kiosques Heineken et 4 kiosques boissons dans les villages du Stade de France,

- ex stadia, l'activation d'un minimum de 274 mètres linéaires comprenant notamment 8 remorques exploitées en propre dont 5 'brioche dorée', 7 food trucks exploités en propre, 7 kiosques boissons minimum et 10 food trucks minimum en sous-traitance.

Les procès-verbaux dressés les 1er juillet, 1er août, 7 octobre et 1er décembre 2016 établissent, en plus des constats précédemment cités, l'absence de mise en place du dispositif commercial prévu par l'article 3 du Term Sheet, le nombre et le volume des installations précitées n'étant pas atteint.

Pour chiffrer son préjudice, le Consortium a produit plusieurs rapports dressés par la société Sorgem Evaluation, qui a comparé les situations réelle (qu'a connue le Consortium) et normale (qu'aurait connue le Consortium en l'absence de dommage). Cette société a notamment mis en perspective les tickets moyens de consommation lors des événements gérés par le nouveau prestataire (Sodexo) et ceux générés par ESL, pour définir le montant de redevance dont a été privé le Consortium.

Les sociétés Compass et ESL ont pour leur part également produit en 1ère instance deux rapports de la société Extent Economics, et ne versent en cause d'appel que le 2ème du 20 juin 2019, contestant les calculs de la société Sorgem Evaluation.

Y est tout d'abord relevé que les pièces justificatives des données utilisées par Sorgem Evaluation ne sont pas produites, et force est de constater qu'elles ne le sont pas en cause d'appel, la société Sorgem Evaluation indiquant s'être fondée sur les données et informations financière et comptable communiquées par le Consortium.

Y est aussi relevé que les tickets moyens pris en compte par Sorgem Evaluation ne portent que sur les concerts, lesquels ne représenteraient que 30% du chiffre d'affaires réalisé en restauration 'grand public', que cette société a pris en compte pour évaluer la restauration 'grand public' par ESL des concerts hors période d'application du Term Sheet, et a retenu le ticket médian et non le ticket moyen. Il est aussi pointé que le nouvel opérateur Sodexo a pu vendre des boissons alcoolisées lors des événements sportifs, ce qui n'était pas le cas pour ESL et qui biaise les résultats.

Dans son dernier rapport communiqué, dressé le 3 avril 2019, Sorgem Evaluation reconnaît avoir pris en compte pour la gestion ESL des données hors Term Sheet, en retenant que selon le Consortium le dispositif ESL était alors comparable à celui mis en oeuvre durant l'application du Term Sheet. Pour autant, si le dispositif est comparable, il n'en demeure pas moins que les données comptables prises en compte ne concernent pas la période entrant dans le Term Sheet, et ne peuvent donc asseoir un calcul de préjudice reposant sur le gain manqué pendant la période d'application du Term Sheet. Si Sorgem Evaluation maintient son analyse sur le recours à la médiane plutôt que la moyenne des tickets moyens, elle indique seulement qu'il n'est pas possible de corriger l'impact de l' 'effet alcool' sur les données du ticket moyen.

Il résulte de ce qui précède que les rapports Sorgem Evaluation contiennent des imprécisions ou des calculs reposant sur des données non justifiées, ou qui ne devraient pas être prises en compte pour procéder à l'évaluation du préjudice subi par le Consortium, et que le chiffrage qu'ils présentent (notamment 969.000 € au titre des gains manqués) ne prend pas en compte certains changements comme la possibilité de vente d'alcool lors de certains événements.

Pour autant, outre l'absence de mise en place du système de récupération 'Ecocups' destiné à récupérer les verres, il résulte -comme l'a relevé le jugement- des procès-verbaux produits par le Consortium qu'à de nombreuses reprises, ESL a laissé certains points de vente fermés, a procédé à un approvisionnement ne permettant pas d'offrir des boissons et denrées alimentaires à la vente en quantité suffisante aux spectateurs, ce qui a un effet direct sur les recettes de 'restauration grand public', et partant sur la redevance variable assise sur le chiffre d'affaires dégagé.

Aussi, et ayant relevé que le préjudice pour pertes de redevances et de rémunération constitue une perte de chance ne pouvant être égale à l'avantage qui aurait été procuré en l'absence de faute contractuelle, c'est par une appréciation que la cour fait sienne que le jugement a estimé, après prise en compte des compléments de redevance facturés par le Consortium et du caractère non soumis à TVA des dommages-intérêts, que le préjudice subi par le Consortium au titre des pertes de redevances et de rémunérations s'élevait à 150.000 €, et le jugement sera confirmé sur ce point.

S'agissant de la défaillance dans l'accueil des spectateurs, si les constats d'huissiers produits ont révélé la présence de files d'attente importantes observées devant les débits de boisson, qui peuvent avoir un impact négatif sur l'image du Stade de France, il est à relever que les pièces au vu desquelles la société Sorgem Evaluation a observé une proportion de clients enthousiastes plus importante avec le nouveau prestataire qu'avec ESL ne sont pas produites, de sorte que leur fiabilité ne peut être appréciée ; de même cette société fait état d'investissements 'marketing/promotion/communication' en fondant son analyse sur des chiffres transmis par le Consortium, non justifiés dans les débats. Par ailleurs, il apparait que cette étude ne retient que l'indicateur des 'clients enthousiastes', sans prendre en compte les autres catégories, comme les clients 'pas du tout satisfaits' ou 'assez satisfaits'.

Au vu de ce qui précède, les conséquences des manquements des sociétés COMPASS et ESL sur l'image du Consortium n'apparaissent pas suffisamment établies, et le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné ces sociétés à ce titre.

Sur la demande des sociétés Compass et ESL de déduction du montant de leurs investissements non amortis

Les sociétés Compass et ESL relèvent que le Term Sheet prévoyait la réalisation par ESL d'investissements en matériels et équipements qu'elle n'a pu amortir du fait de la résiliation anticipée du contrat, qui se retrouvent en possession du Consortium dont il profite injustement.

Elles ajoutent qu'ESL a demandé au Consortium de la désintéresser, ce qu'il a refusé, alors qu'il ne peut s'enrichir du fait de la procédure, en bénéficiant de l'indemnisation des factures et de la conservation des équipements réalisés par ESL.

Elles soutiennent qu'ESL a respecté l'article 4.3 du Term Sheet en faisant valider le programme d'investissements à réaliser par le Consortium, et en lui fournissant les factures liées à leurs investissements. Le Consortium a validé tous les investissements qu'elles ont effectués, et au surplus le Term Sheet ne prévoit pas de sanction à une absence de validation.

Après avoir relevé la baisse injustifiée des demandes des appelantes, qui ne peuvent toutes les deux se dire créancières de la même somme, seule ESL étant fondée à le faire, le Consortium soutient que la demande au titre de la 'VNC' est irrecevable, sauf à dénaturer le contenu du Term Sheet qui prévoit une validation des investissements, laquelle n'est jamais intervenue faute d'avoir été demandée. Il ajoute qu'il n'est pas établi que les factures lui auraient été transmises, de sorte qu'ESL ne peut revendiquer un droit à indemnisation à ce titre. Il précise que la description dans l'offre commerciale des investissements ne vaut pas validation de leur exécution, qu'aucun accord n'est intervenu sur ces investissements, qui font l'objet de chiffrages incohérents ou non justifiés. Il indique tenir à la disposition d'ESL le matériel relevé par l'huissier qu'elle avait missionné, afin qu'elle le récupère.

*****

Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L'article '4.3 Financement et Investissement' du Term Sheet dispose :

'Aux fins de l'exécution de ses missions, EUREST SPORTS ET LOISIRS s'engage à financer, au minimum, la somme de 3.297.926 € HT (trois millions deux cent quatre vingt dix sept mille neuf cent vingt six euros Hors Taxes).

Ce montant est composé de la manière suivante :

- 2.297.925 € d'investissements in et Ex Stadia au minimum,

- 1.000.000 € sous forme de leasing pour l'exploitation Ex Stadia au minimum.

Le détail de ces investissements sera présenté au Consortium pour validation et annexé au Contrat long form.

En tout état de cause, EUREST SPORTS ET LOISIRS s'engage à ce que les investissements et travaux réalisés à son initiative soient conformes à la réglementation en vigueur au Stade de France.

EUREST SPORTS ET LOISIRS s'engage à fournir au Consortium chacune des factures relatives aux travaux et aménagements effectués dans le cadre de ce programme d'investissement.

Les investissements réalisés par EUREST SPORTS ET LOISIRS sont réputés être amortis à l'issue de la durée du Contrat. Par conséquent, les équipements ln et Ex stadia achetés par EUREST SPORTS ET LOISIRS dans le cadre de l'enveloppe d'investissement désignée ci-avant (2.297.926 € HT) deviendront la propriété pleine et entière du CONSORTIUM à l'issue du Contrat'.

Il sera relevé que le Term Sheet ne prévoyant que des investissements réalisés par ESL, la société Compass n'est pas fondée à bénéficier, aux cotés d'ESL, d'une quelconque condamnation du Consortium au titre de l'indemnisation des investissements non amortis.

Si le contrat Long Form -auquel le détail des investissements devait être annexé- n'a pas été établi, il n'en demeure pas moins que l'article 4.3 prévoit la présentation du détail de ces investissements au Consortium pour validation, et les sociétés Compass et ESL ne peuvent soutenir que c'est parce que le contrat Long Form n'a pas été régularisé que la validation n'a pu être effectuée.

Si l'offre commerciale d'ESL d'octobre 2013 contient un tableau détaillant les différents investissements envisagés, le Term Sheet a été signé après cette offre commerciale, de sorte qu'il ne peut avoir été répondu à la nécessité de faire valider les investissements qu'il contient par cette offre commerciale antérieure.

Cette offre commerciale détaillait du reste (p30) une phase un 'attribution du marché : fin novembre 2013' au cours de laquelle devait intervenir un accord sur les investissements et le budget, et une phase deux intervenant en janvier-février 2014 dans laquelle étaient prévus la vérification et accord sur les travaux de construction nécessaires, et livraison des équipements culinaires des nouveaux stands.

Il ressort des courriels intervenus entre les 23 octobre et les 27 novembre 2015 qu'à la suite d'une réunion entre les parties au cours de laquelle ESL a présenté 'l'ensemble des dépenses liées à l'installation du nouveau contrat tel que vous le souhaitiez' au Consortium, celui-ci a sollicité la communication d'un fichier Excell des investissements, qui lui a été adressé, et que le Consortium a envisagé de procéder à un comptage physique du matériel, sans qu'il apparaisse qu'il y a été procédé ; le dernier courriel du 27 novembre 2015 est une invitation d'ESL au Consortium à le contacter 'pour vous apporter les éléments nécessaires à la compréhension de notre investissement'.

La veille, dans un courriel du 26 novembre 2015, le directeur général adjoint du Groupe Compass écrivait au Consortium 'concernant la vnc les éléments demandés ont été transmis à votre contrôleur à la lecture de vos propos il reste des points à éclaircir rapidement mon directeur du contrôle de gestion fait le nécessaire afin de bien comprendre les demandes et vous y apporter les réponses au plus vite', -n'étant pas contesté que la vnc désigne la valeur nette comptable des investissements-.

Au vu de ce qui précède, il n'apparaît pas que la validation de ces investissements soit intervenue au cours de ces échanges, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Compass et ESL.

Par ailleurs, si le Term Sheet prévoit la présentation au Consortium du détail des investissements pour validation, il est surprenant que ces investissements aient été présentés près de deux années après la signature du Term Sheet, alors que le contrat s'appliquait depuis près de 18 mois.

De plus, ces échanges de courriels sont intervenus alors que le litige était déjà né entre les parties puisque ESL avait informé par courrier du 17 juin 2015 être dans l'impossibilité de régler la redevance 2014/2015.

La délivrance, au demeurant non établie, des laisser-passer pour permettre l'entrée dans l'enceinte du Stade de France des entreprises chargées de réaliser les investissements ne peut valoir validation du programme de ceux-ci par le Consortium. De même les appelantes ne peuvent faire état du fait que le Term Sheet ne prévoit pas de sanction à cette absence de validation, pour écarter la nécessité d'obtenir une validation de ces investissements.

S'agissant du courrier du conseil des sociétés Compass et ESL du 28 juin 2017, outre le fait qu'une partie -notamment le total- du décompte des factures qui y est annexé est illisible, le Consortium relève sans être contesté par les appelantes que ce décompte présente un total de factures HT pour la signalétique et l'affichage dynamique de 714,752,20 € HT, alors que le montant correspondant à ce poste de dépenses dans le décompte de l'offre commerciale était de 536.450 € HT. De même le Consortium n'est pas contesté lorsqu'il souligne que plusieurs lignes d'investissements figurant au décompte, pour un montant approchant 100.000 € HT, ne sont pas justifiées par les dépenses correspondantes.

Les appelantes ne fournissent pas d'explication sur la facture contestée portant mention 'Roland Garros FFT', ou sur le 'droit d'entrée Brioche Dorée - stade de France', le Consortium soutenant n'avoir pas bénéficié d'un tel droit d'entrée.

Le procès-verbal de constat du 19 juillet 2017, auquel n'est annexée aucune photographie, permet d'établir la présence de matériels propriété du Groupe Compass, que le Consortium indique tenir à la disposition d'ESL.

Si le Term Sheet prévoit que les investissements réalisés par ESL sont réputés être amortis à l'issue de la durée du Contrat et deviennent à l'issue de celui-ci la propriété pleine et entière du Consortium, il n'a pas prévu de mécanisme d'indemnisation de ces investissements en cas de résiliation avant son terme.

Dès lors, faute de validation effective des investissements d'ESL par le Consortium, et au vu des contestations portant sur ces investissements non intégralement justifiés, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés Compass et ESL de leur demande au titre de l'amortissement des investissements réalisés.

Sur les demandes indemnitaires des sociétés Compass et ESL

Les sociétés Compass et ESL soutiennent que le Consortium a manqué à son obligation d'organiser 22 événements annuels et de préserver l'exclusivité concédée, ce qui leur a causé un préjudice de 2.130.032 € HT. Elles avancent que la résolution unilatérale du contrat à durée déterminée constitue une faute, et que le préjudice réparable consécutif correspond à la marge brute perdue jusqu'au terme du contrat. Elles font état de manquement du Consortium à ses obligations contractuelles, et que le Consortium a commis une faute en résiliant de façon anticipée et unilatérale le contrat.

Elles indiquent qu'étant toutes les deux signataires du Term Sheet, elles sont ensemble recevables à solliciter une indemnité, que le Consortium a rejeté toutes leurs demandes d'adaptation financière du contrat sans proposer de contrepartie. Elles expliquent que leurs demandes au titre de l'indemnisation pour perte de marge sont calculées sur la base d'une exécution du Term Sheet par le Consortium jusqu'à son terme, en se référant aux années à venir.

Elles font aussi état de l'impossibilité d'amortir leurs investissements du fait de la résiliation fautive, du fait que le Term Sheet ne prévoit pas de sanction à l'absence de validation des investissements par le Consortium, et que la résiliation leur a causé un préjudice d'image certain.

Elles ajoutent que le Consortium a fait montre de mauvaise foi dans la renégociation du contrat, alors que le nombre d'événements organisés par le Consortium a, du fait des événements tragiques intervenus à [Localité 3] et au Stade de France, chuté et impacté le chiffre d'affaires des appelantes, et que le Consortium a refusé toutes leurs propositions sans formuler de contre-proposition.

Le Consortium déclare que Compass Group n'est intervenue au Term Sheet que pour garantir les engagements d'ESL, de sorte qu'elle ne peut invoquer aucune créance à son encontre. Il conteste tout engagement à organiser 22 événements par an, comme toute mauvaise foi dans la négociation, la baisse de son activité ne constituant pas un événement imprévisible. Il relève que l'argument sur la baisse d'activité du fait des attentats de 2015 est soulevé pour la 1ère fois en appel et est contraire à la réalité, puisque la baisse d'activité de 2016 s'explique par l'organisation de l'Euro 2016 pour laquelle le Stade de France a été mis à disposition de l'organisateur. Il avance qu'aucune lettre ne lui a fait grief de ne pas renégocier les conditions du Term Sheet, que l'explication adverse selon laquelle les attentats auraient entraîné un bouleversement économique n'est pas démontrée, et fait état des discussions amiables tenues entre les parties. Subsidiairement, il conteste la demande indemnitaire au titre des deux dernières années de contrat, les appelantes n'étant pas assurées d'exécuter le contrat pendant ces deux années du fait de la clause de renégociation. Il souligne que les appelantes ne peuvent solliciter une indemnisation sur une perte de marge reposant sur un compte prévisionnel, alors qu'elles dénonçaient une exploitation déficitaire du contrat, leur demande ne pouvant que porte sur une éventuelle perte de chance de réaliser des profits au cours des deux dernières années de contrat. Il relève que les sociétés Compass et ESL ne justifient pas des résultats des deux dernières années d'application du contrat, qui n'auraient pas été profitables, de sorte que la rupture du contrat n'est à l'origine d'aucun préjudice. Il ajoute que les sociétés Compass et ESL sollicitent deux fois le remboursement des investissements. Il conteste tout préjudice d'image.

*****

La cour a précédemment retenu que le Consortium n'était pas tenu d'organiser 22 événements par an, et n'avait pas manqué à son engagement à garantir l'exclusivité d'ESL.

Comme déjà indiqué, la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls ; en l'espèce la décision d'ESL de réduire le montant puis de ne pas verser la redevance au Consortium justifiait que celui-ci, qui avait mis en demeure les appelantes de régler les sommes dues au titre du Term Sheet -notamment par son courrier du 1er février 2016-, puisse par courrier du 17 mai 2017 mettre un terme à son application et procéder à la résiliation du Term Sheet au 30 juin 2017.

Au surplus, il convient de retenir que l'indemnisation des appelantes ne pourrait consister qu'en une perte de chance de réaliser des profits au cours des deux dernières années d'application du Term Sheet, dont les modalités d'exécution devaient faire l'objet de discussions entre les parties (article 2). Si le Consortium indique que lors d'une rupture brutale de relations commerciales l'indemnisation du préjudice correspond à la marge brute qui aurait été réalisée pendant le préavis, au vu des chiffres d'affaires des exercices précédents, en l'espèce le montant du préjudice d'ESL correspond à celui de la marge qu'elle aurait pu réaliser.

En tout état de cause, la cour observe que les sociétés Compass et ESL ne sauraient fonder leurs demandes d'indemnisation à hauteur de 2.139.032 € sur une projection réalisée par elles (pièce 43), non validée par un expert comptable ou commissaire aux comptes, en ce qu'elles apparaissent insuffisamment fondées. Surtout, il a été vu que le Consortium était fondé à mettre un terme au Term Sheet avant l'arrivée de son terme, au vu des manquements des sociétés COMPASS et ESL.

En outre, les sociétés Compass et ESL ne justifient pas du préjudice d'image qu'elles auraient subi du fait de la rupture de la relation contractuelle.

S'agissant de la mauvaise foi contractuelle, si les sociétés Compass et ESL font état de la diminution du nombre des événements organisés au Stade de France qu'elles expliquent par les attentats de novembre 2015, il est à relever que dès le 17 juin 2015 elles invoquaient le faible nombre des événements organisés pour la saison 2014/2015 pour en déduire qu'elles étaient dans l'impossibilité de verser une redevance.

La diminution du nombre des manifestations en 2016 s'explique notamment par la tenue de l'Euro 2016, qui était prévu au Term Sheet en ces termes 'EUREST SPORTS ET LOISIRS est informée que le Contrat sera suspendu en totalité au cours de la période du Championnat d'Europe de Football « Euro 2016 '' se tenant en 2015 au Stade de France. A cette occasion, le Consortium et EUREST SPORTS ET LOISIRS conviennent d'ores et déjà de soumettre à l'Organisateur une proposition commune pour la gestion de la restauration grand public de cette Manifestation Exceptionnelle', de sorte qu'il s'agissait d'une donnée connue des sociétés COMPASS et ESL, et le Consortium n'est pas contesté en indiquant qu'elles se sont à cette occasion vues confier les services de restauration pour sept événements.

La réponse du Consortium, le 3 juillet 2015, au courrier d'ESL du 17 juin 2015 ne peut caractériser un rejet de ses demandes, apportant des éléments de réponse aux griefs invoqués et s'achevant en indiquant que ses équipes se tenaient à la disposition d'ESL pour une rencontre dans les prochains jours et une mise au point.

Les éléments du dossier montrent que les parties ont eu d'autres échanges à la fin de l'année 2015 et au début de l'année 2016 qui, si les parties n'ont pu parvenir à un accord, ne sont pas de nature à établir la mauvaise foi dont aurait alors fait montre le Consortium.

Des échanges ont aussi eu lieu à la fin de l'année 2016, placés sous le sceau de la confidentialité, de sorte qu'aucune mauvaise foi ne peut en être révélée.

Aussi, l'échec des négociations ne pouvant suffire à établir la mauvaise foi d'une partie, les sociétés Compass et ESL échouent à établir la réalité de ce grief à l'encontre du Consortium.

En conséquence, les sociétés Compass et ESL seront déboutées de leurs demandes indemnitaires, et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

Les condamnations prononcées en 1ère instance au titre des frais irrépétibles et dépens seront confirmées.

Chaque partie supportera ses dépens d'appel, il ne sera pas fait droit aux demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement, sauf s'agissant de la condamnation des sociétés Compass et ESL au paiement des sommes de 1.298.149,46 € au titre des factures impayées, et de 50.000€ au titre du préjudice d'image et de notoriété,

L'infirme de ces chefs,

statuant à nouveau,

Condamne solidairement les sociétés Compass et Eurest, au titre des factures impayées, à payer à la société Consortium la somme de 971.364,60 €, outre intérêts calculés au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points, à compter du 12 mai 2016 pour les factures dont la date d'échéance était antérieure à cette date et à compter de leur date d'échéance pour les autres factures restées impayées,

Ordonne la compensation de la créance de 328.700,68 €, avec celle d'un montant de 971.364,60 € au paiement de laquelle les sociétés Compass et Eurest sont solidairement condamnées,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 20/00101
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-10;20.00101 ?
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