COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 78F
16e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 03 NOVEMBRE 2022
N° RG 21/03955 - N° Portalis DBV3-V-B7F-USZS
AFFAIRE :
S.C.I. SALAV
C/
SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD)
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Juin 2021 par le Juge de l'exécution de NANTERRE
N° RG : 19/12212
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 03.11.2022
à :
Me Bénédicte FLECHELLES-DELAFOSSE, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Claire RICARD, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.C.I. SALAV INVEST
N° Siret : 508 544 681 (RCS Paris)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Benoit DE BOYSSON de la SELARL BERNASCONI - ROZET - MONET-SUETY - FOREST - DEBOYSSON, Plaidant, avocat au barreau de l'AIN - Représentant : Me Bénédicte FLECHELLES-DELAFOSSE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 428 - N° du dossier 21-154, substitué par Me Théo RENAUDIE, avocat au barreau de VERSAILLES -
APPELANTE
****************
SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD) Venue aux droits de la Société Banque Patrimoine & Immobilier à la suite de la fusion par absorption selon déclaration de régularité et de conformité constatant la réalisation définitive de la fusion en date du 1er mai 2017
N° Siret : 379 502 644 (RCS Paris)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Delphine DURANCEAU de la SELARL DURANCEAU - PARTENAIRES & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de GRASSE, vestiaire : 236 - Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2211443
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Septembre 2022, Madame Sylvie NEROT, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Fabienne PAGES, Président,
Madame Sylvie NEROT, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,
Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Banque Patrimoine & Immobilier (ci-après BPI) a consenti à la SCI Salav Invest deux prêts destinés à financer des investissements dits de type Robien, à savoir, d'une part, un prêt n°2108577 d'un montant de 441.500 euros aux fins d'acquisition en l'état futur d'achèvement d'un appartement à usage locatif dans un immeuble situé à Mandelieu (06), selon offre acceptée le 25 novembre 2008, et, d'autre part, un prêt n°2110174 d'un montant de 312.675 euros pour acquérir en l'état futur d'achèvement un appartement à usage locatif dans un immeuble sis à [Localité 3] (06) selon l'offre acceptée le même jour.
Ces prêts ont été réitérés par actes authentiques reçus le 25 novembre 2008.
Monsieur [D] [P] et sa mère, seuls porteurs de parts, se portaient cautions solidaires de ces engagements.
Lesdits biens ont été livrés et mis en location par la SCI.
A la suite de premiers incidents de paiement survenus en 2014, régularisés après mises en demeure, et au constat de nouveaux impayés en 2019 puis de vaines mises en demeure adressées tant à la débitrice qu'aux cautions, la société Crédit Immobilier de France Développement (ci-après : CIFD) qui vient aux droits de la BPI, agissant en vertu de la copie exécutoire de l'acte notarié précité, a fait pratiquer deux saisies-attribution à l'encontre de la SCI, le 29 octobre 2019, entre les mains du gérant d'immeuble, la société Esprit d'Azur, pour avoir paiement des sommes de 51.106,48 (saisie n°194423) et de 36.564,89 euros (saisie n°192422) représentant le montant des échéances impayées au titre de chacun des prêts.
Les deux comptes bancaires saisis ont permis d'appréhender deux soldes créditeurs à hauteur de 4.357,41 et de 6.819,68 euros.
Ces actes ont été dénoncés le 05 novembre 2019 à la SCI, laquelle a assigné la banque en contestation de ces mesures par exploit du 05 décembre 2019.
Par jugement contradictoire rendu le 03 juin 2021 le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre a :
constaté que la créance du Crédit Immobilier de France n'est pas prescrite,
s'est déclaré compétent pour statuer sur la validité de l'acte notarié conclu le 25 novembre 2008 entre la Banque Patrimoine et Immobilier et la SCI Salav Invest,
dit que l'acte notarié conclu le 25 novembre 2008 entre la Banque Patrimoine et Immobilier et la SCI Salav Invest n'est pas entaché de nullité,
validé les saisies-attribution pratiquées le 29 octobre 2019 à la demande du Crédit Immobilier de France entre les mains de la Sarl Esprit d'Azur au préjudice de la SCI Salav Invest pour paiement de la somme de 51.106,48 euros (sic),
condamné la SCI Salav Invest aux dépens,
condamné la SCI Salav Invest à verser au Crédit Immobilier de France la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
rappelé que les décisions du juge de l'exécution bénéficient de l'exécution provisoire de droit par provision.
La SCI Salav Invest a relevé appel de ce jugement selon déclaration reçue au greffe le 23 juin 2021.
Saisi par l'appelante d'un incident aux fins de sursis à statuer motivé par l'existence d'une action en référé pendante devant le délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris destinée à obtenir la désignation d'un expert chargé de rechercher d'éventuels manquements de la banque prêteuse lors du montage financier susceptibles d'engager sa responsabilité, le président de la présente chambre a rejeté la demande par ordonnance rendue le 10 février 2022 qui n'a pas fait l'objet d'un déféré.
Par dernières conclusions au fond (n° 3) notifiées le 18 octobre 2021 la société civile immobilière Salav Invest demande à la cour, visant les articles L 211-4 et R 211-10 du code des procédures civiles d'exécution, L 137-2 ancien du code de la consommation, 1110 et 1134 anciens du code civil :
d'accueillir la SCI Salav Invest en son appel, régulier en la forme, et sur le fond y faisant droit,
de débouter le Crédit Immobilier de France Développement de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
d'infirmer le jugement (entrepris) en toutes ses dispositions excepté en ce qu'il s'est déclaré compétent pour statuer sur la validité de l'acte, statuant à nouveau,
de (la) recevoir en sa contestation,
de dire et juger prescrite la créance de la société Crédit Immobilier de France Développement,
d'annuler les saisies-attribution pratiquées le 29 octobre 2019 et notifiées le 05 novembre 2019,
subsidiairement,
de dire et juger que la société Banque Patrimoine & Immobilier n'a pas contracté de bonne foi,
de dire et juger nuls et de nuls effets les contrats de crédit invoqués par la société Crédit Immobilier de France Développement,
d'annuler les saisies-attribution pratiquées le 29 octobre 2019 et notifiées le 05 novembre 2019,
en tout état de cause
de condamner la société Crédit Immobilier de France Développement à payer la somme de 3.000 euros à la SCI Salav Invest au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la même en tous les dépens de première instance et d'appel.
Par dernières conclusions au fond notifiées le 30 août 2022 la société anonyme Crédit Immobilier de France Développement (CIFD) venant aux droits de la société Banque Patrimoine & Immobilier prie la cour, visant les articles 1130 et 2224 du code civil, L213-6 du code de l'organisation judiciaire, 462 et 700 du code de procédure civile :
in limine litis,
de rectifier la décision prononcée le 8 juin 2021 (RG n°19/12212),
de remplacer «Valide les saisies attributions pratiquées le 29 octobre 2019 à la demande du Crédit Immobilier de France Développement entre les mains de la Sarl Esprit d'Azur au préjudice de la SCI Salav Invest pour le paiement de la somme de 51.106,48 euros» par : «Valide les saisies attributions pratiquées le 29 octobre 2019 à la demande du Crédit Immobilier de France Développement entre les mains de la Sarl Esprit d'Azur au préjudice de la Sci Salav Invest pour le paiement de la somme de 51.106,48 euros et de 36.564,89 euros»,
d'ordonner que la décision rectificative sera mentionnée sur la minute et sur les expéditions de la décision rectifiée,
de dire que les dépens seront à la charge du Trésor public,
à titre principal
de confirmer le jugement (entrepris) en ce qu'il a : déclaré la créance de la banque à l'égard de la SCI Salav Invest non prescrite // validé les saisies-attribution pratiquées le 29 octobre 2019 à la demande du Crédit Immobilier de France Développement entre les mains de la Sarl Esprit d'Azur au préjudice de la SCI Salav Invest // condamné la SCI Salav Invest à verser à la société CIFD somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance,
statuant à nouveau sur appel incident :
à titre principal,
d'infirmer le jugement (entrepris) en ce qu'il s'est déclaré compétent pour statuer sur la validité de l'acte notarié conclu le 25 novembre 2008 entre la Banque Patrimoine & Immobilier et la Sci Salav Invest et de se déclarer incompétente,
à titre subsidiaire,
de débouter la SCI Salav Invest de sa demande de nullité de l'acte notarié conclu le 25 novembre 2008 avec la Banque Patrimoine & Immobilier,
y ajoutant,
de débouter la SCI Salav Invest de toutes ses demandes, fins et conclusions,
de condamner la SCI Salav Invest à verser à la société CIFD la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés par maître Ricard, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande aux fins de rectification d'erreur matérielle
La demande à cette fin, telle qu'explicitée ci-avant dans la reprise des conclusions de la société CIFD intimée, concerne un élément du dispositif du jugement entrepris et l'examen des motifs de cette décision conduit la cour à observer qu'il n'y est question que de la saisie pratiquée entre les mains du gérant d'immeuble « pour paiement de la somme de 51.106,48 euros » alors que la SCI demanderesse à l'action avait saisi le juge de l'exécution d'une contestation de la validité des deux saisies-attribution pratiquées le 29 octobre 2019.
Il convient de considérer, en raison de l'effet dévolutif de cet appel, que la chose jugée est remise en question devant la cour qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur le fondement de l'article 462 du code de procédure civile mais qu'il sera ci-après statué sur la validité de cette seconde saisie contestée, de la même façon que la première, par la SCI.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription des créances
Alors que pour rejeter ce moyen le premier juge a d'abord considéré que la SCI Salav Invest ne pouvait se prévaloir de la prescription biennale prévue par le code de la consommation du fait qu'elle devait être regardée comme un professionnel puis jugé que la prescription quinquennale applicable n'était pas acquise au moment de la saisie-attribution car la créance était constituée d'échéances impayées entre les mois de janvier et septembre 2019, la SCI appelante conteste chacun de ces points.
Elle revendique sa qualité de profane en se prévalant de son absence de connaissance et d'expérience en matière de défiscalisation, à l'instar de son associé monsieur [P], du caractère unique de l'opération ainsi que de sa nature.
Elle soutient également que les premiers incidents de paiement remontent à l'année 2014 et qu'il est donc « vraisemblable » que les créances invoquées soient prescrites, ajoutant que la régularisation invoquée de ces incidents n'est pas établie.
Ceci étant rappelé, il est constant que la qualité de non-professionnel d'une personne morale s'apprécie au regard de son activité et non de celle de son représentant légal ou associé, comme l'est monsieur [P].
La SCI Salav Invest qui se prévaut de sa qualité de non-professionnelle, au sens de l'article liminaire du code de la consommation, pour bénéficier de ses dispositions protectrices et à qui il appartient, par conséquent, de démontrer l'absence de rapport direct entre son activité professionnelle et l'objet des contrats de prêt en cause, ne verse pas aux débats ses statuts, lesquels sont en revanche produits par la BPCI pièce n° 11).
Il ressort de leur article 5-1 relatif à son objet social que
« La société a pour objet, dans la limite d'opérations de caractère strictement civil et de toutes opérations à caractère commercial, en France et dans tous pays :
L'acquisition, la propriété, la gestion, l'entretien et la mise en valeur par tous moyens, de tous immeubles et biens et droits immobiliers.
Leur location, soit en bloc, soit par fractions.
Tout emprunt par voie d'hypothèque ou autrement, nécessaire à la réalisation de l'objet social.
La réalisation de tous travaux d'amélioration et de toutes installations nouvelles sur lesdits immeubles ou biens et droits immobiliers.
Tout placement de capitaux sous toutes formes y compris la souscription ou l'acquisition de toutes actions et obligations, parts sociales.
Se constituer cautions hypothécaires au profit d'un ou des des associés »
L'objet social de cette SCI, personne morale, étant par conséquent, non point une acquisition à caractère familial à travers la constitution de cette SCI, mais l'investissement et la gestion immobiliers, et notamment la mise en location d'immeubles dont elle a fait l'acquisition au moyen des prêts litigieux, avec la circonstance mise en relief par la banque que cet investissement s'inscrivait dans une opération de défiscalisation, l'appelante ne saurait prétendre à la qualité de non-professionnelle ainsi qu'en a jugé le tribunal en en déduisant justement que la prescription quinquennale avait seule vocation à trouver application.
S'agissant, en l'espèce, d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance.
Il en résulte, en l'espèce, que l'action en paiement des échéances impayées des deux prêts en cause ne pouvait se prescrire qu'à compter de leurs dates d'échéance respectives et qu'en mettant en 'uvre des mesures d'exécution forcée à la date du 29 octobre 2019 pour avoir paiement des échéances de janvier à juillet 2019, la banque ne peut se voir opposer la prescription pour aucune d'entre elles.
Par suite, le jugement sera confirmé en ce qu'il rejette cette fin de non-recevoir.
Sur la compétence du juge de l'exécution pour connaître de la validité d'un acte notarié
Sur appel incident, la banque demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il s'est déclaré compétent pour statuer sur la validité des actes notariés et fait valoir que l'article L 213-6 du code de l'organisation judiciaire lui donne compétence pour connaître des difficultés relatives au titre exécutoire et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée mais non point des demandes tendant à remettre en cause le titre en son principe ou la validité des droits et obligations qu'il constate.
Il convient toutefois de considérer que selon le premier alinéa de cet article L 213-6 le juge de l'exécution connaît des difficultés relatives au titre exécutoire et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
Le juge de l'exécution ne peut donc refuser de se prononcer sur la validité d'un acte notarié dans le cadre de la contestation, comme en l'espèce, d'une mesure d'exécution, ainsi que cela résulte, d'ailleurs, de la doctrine de la Cour de cassation (Cass civ 2ème, 18 juin 2009, pourvoi n° 08-10843 // 16 décembre 2021, pourvoi n° 20-16713, publiés au Bulletin), étant observé que l'avis rendu par la Cour de cassation le 16 juin 1995 (n° 0950008P) lu en son entier et dont se prévaut la banque ne dit pas autre chose.
Cette demande ne saurait par conséquent prospérer.
Sur la contestation du titre au fondement des mesures d'exécution
Sur la contestation de son caractère exécutoire
Afin de voir invalider les mesures d'exécution litigieuses, comme demandé en première instance, la SCI appelante invoque à titre subsidiaire un nouveau moyen (auquel la banque ne réplique pas) tenant à l'absence de caractère exécutoire de l'acte notarié.
Renvoyant la cour à vérifier si les originaux communiqués par la banque sont revêtus de la formule exécutoire, elle fait valoir que les versions dont elle dispose en sont dépourvues et que les versions numérisées produites par la banque, supportant une formule exécutoire mais sans pagination, rendent impossible la vérification de son apposition sur les actes.
Ceci étant exposé, selon l'article L 111-3 (4°) du code des procédures civiles d'exécution, les actes notariés revêtus de la formule exécutoire constituent des titres exécutoires permettant de procéder à des mesures d'exécution forcée.
La SCI appelante ne prétend pas que ces mesures ont été pratiquées en vertu d'une simple expédition (soit une copie de l'acte non revêtue de la formule exécutoire) mais jette la suspicion sur la copie numérique de la copie exécutoire (revêtue d'une formule exécutoire) dont l'article 1379 du code civil présume pourtant qu'elle a force probante.
S'il lui appartient néanmoins, pour faire échec à cette présomption de démontrer, par l'administration de la preuve contraire, l'absence de fiabilité de cette copie numérique au sens du décret du 05 décembre 2016, force est de considérer qu'elle s'en abstient alors que les dispositions des articles 1435 et suivants du code de procédure civile mettent à mal l'impossibilité dont elle se prévaut.
Surtout, il résulte des actes notariés versés aux débats par la banque que la mention exécutoire figure bien sur ces actes (« délivrée sur 40 » et « délivrée sur 48 pages » respectivement), précédant la signature du notaire instrumentaire.
Ce moyen ne saurait par conséquent, prospérer.
Sur la demande de nullité des contrats de prêt fondée sur le vice du consentement
Le premier juge ayant rejeté la demande de nullité des contrats de prêt fondée sur l'erreur sur leurs qualités essentielles ayant vicié le consentement de la SCI au motif qu'ils détaillaient précisément les modalités de remboursement, en particulier la durée du report d'entrée en amortissement qui ne présentait aucun caractère de complexité ou d'originalité, l'appelante reprend subsidiairement ce moyen de nullité de ces conventions en vertu desquelles les voies d'exécution litigieuses ont été pratiquées.
Elle soutient qu'elle s'est inexactement représenté la réalité, qu'elle pensait que le report initial de 24 mois conduirait par l'effet d'un « lissage » à accroître les remboursements ultérieurs, qu'en réalité ces 24 mois d'intérêts intercalaires ont été imputés par la banque dans le capital en l'aggravant anormalement (puisque, selon ses calculs, après avoir remboursé 405.528,96 euros, le capital est encore de 835.271 euros et qu'elle n'a emprunté que 754.175 euros), qu'il ne s'agit pas, comme le prétend la banque, d'une imputation classique, que cette anomalie l'empêche aujourd'hui de se refinancer, et enfin qu'elle n'aurait pas contracté si cette situation, déterminante de son consentement, lui avait été présentée.
Ceci étant dit, il convient toutefois de rappeler que pour constituer une cause de nullité l'erreur doit être la fois déterminante (ce caractère s'appréciant eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné) et excusable ; elle doit, en outre, porter sur la substance de la chose qui en est l'objet.
S'il ne fait pas de doute que le taux et les conditions d'amortissement entrés dans le champ contractuel peuvent être tenus pour déterminants du consentement de la SCI contractant deux prêts immobiliers et que l'erreur sur les modalités de remboursement invoquée, dont elle aurait eu connaissance lors de la mise en 'uvre de l'amortissement différé, peut constituer une cause de nullité, il n'en reste pas moins que les éléments soumis à l'appréciation de la cour la conduisent à retenir le caractère inexcusable de l'erreur alléguée.
La banque établit, en effet, qu'au moment de la formation de ces contrats, la SCI avait connaissance des caractéristiques des prêts consentis, formulés dans les contrats de manière claire, précise et parfaitement intelligible par cette personne morale qui ne peut revendiquer la qualité de non-professionnelle.
Ainsi qu'elle le fait valoir en en justifiant (pièce n° 2), à s'en tenir au prêt consenti pour un montant de 441.500 euros, au TEG de 6,114%, il était notamment indiqué que le remboursement mensuel devait s'effectuer en 240 échéances ainsi détaillées : 24 échéances de 125,09 euros // 96 échéances de 2.441,64 euros // 120 échéances de 5.501,68 euros ; les dates d'échéances étaient également précisées, à savoir : une première échéance sans amortissement le 15 janvier 2009, puis un premier remboursement le 15 janvier 2011 et un dernier remboursement convenu à la date du 15 décembre 2028, la date d'effet de péremption de l'inscription hypothécaire, le 15 décembre 2029, étant en outre précisée, de même que le coût total du crédit (soit : 463.101,20 euros)..
L'identité des deux prêts quant à la présentation de leurs modalités n'est pas contestée.
Reprochant à la SCI de se prévaloir, à tort, d'un montant excessif de mensualités exigibles à l'issue d'une période de 24 mois qu'elle prétend n'avoir pu prévoir en lui opposant le fait que le chiffre qu'elle avance au titre d'un prêt représente, en fait, le cumul des mensualités des deux prêts consentis, la banque produit en outre les tableaux d'amortissement annexés à l'acte authentique qui sont paraphés et signés par les associés de la SCI.
Faute, par conséquent, de ne pouvoir prétendre que l'erreur qu'elle invoque peut être tenue pour excusable dès lors qu'elle disposait de tous les éléments utiles sur le report d'entrée en amortissement convenu et sur l'augmentation corrélative du montant des échéances, la SCI Salav Invest doit être déboutée de sa demande de nullité des contrats de prêt litigieux fondée sur vice ayant affecté son consentement qui n'est que prétendu et le jugement confirmé en ce qu'il en dispose ainsi..
Sur le moyen tiré du manquement de la banque à son devoir de mise en garde
Le juge de l'exécution l'ayant déboutée de sa demande de nullité des contrats de prêt aux motifs qu'elle n'invoquait aucun fondement juridique et que le code de la consommation ne sanctionnait la violation du devoir de mise en garde que par la déchéance du droit aux intérêts, la SCI réitère sa demande de nullité du contrat en citant diverses décisions de la Cour de cassation mettant à la charge du dispensateur de crédit une telle obligation.
Pour ce faire, elle se prévaut du caractère irréalisable de l'opération, le montage proposé et validé de facto parla banque étant « totalement défaillant », ainsi que de son caractère ruineux puisqu'elle était dans l'incapacité de faire face aux emprunts souscrits.
Ceci étant exposé, la banque est certes tenue à un devoir de mise en garde si tant est qu'elle soit en présence d'un emprunteur non averti et que l'emprunteur démontre, de plus, que le crédit consenti est à l'origine d'un endettement excessif en regard de ses facultés financières.
Toutefois, à supposer un tel manquement établi, sa sanction ne peut-être recherchée que sur le terrain de la responsabilité contractuelle par l'octroi de dommages-intérêts réparant la perte de chance d'éviter le préjudice invoqué. Et la SCI ne se prévaut d'aucun texte sanctionnant par la nullité du contrat un tel manquement.
Or, il convient de relever que la cour, statuant au demeurant dans les limites des pouvoirs du juge de l'exécution, n'est pas saisie d'une demande indemnitaire, la seule sanction poursuivie par l'appelante dans le dispositif de ses conclusions - qui seul saisit la cour par application de l'article 954 du code de procédure civile ' étant de « dire et juger nuls et de nuls effets les contrats de crédits invoqués par la société Crédit Immobilier de France Développement ».
Il n'y a donc pas lieu de statuer sur cet autre moyen.
Ainsi, les deux saisies-attribution en cause mises en 'uvre par la société CIFD pour avoir paiement des sommes de 51.106,48 euros et de 36.564,89 euros au titre de chacun des deux prêts consentis par la société BPI, n'étant pas autrement contestées, il convient de rejeter la contestation de leur validité en conséquence de ce qui précède.
Le jugement sera confirmé en sa disposition qui « valide les saisies-attribution pratiquées »sauf à y ajouter la créance dont la banque poursuit le recouvrement au titre du second prêt.
Sur les autres demandes
L'équité commande de condamner la SCI Salav Invest à verser à la société CIFD la somme complémentaire de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboutée de ce dernier chef, la SCI qui succombe supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe ;
CONFIRME le jugement entrepris et, y ajoutant ;
Déboute la SCI Salav Invest de sa contestation du caractère exécutoire du titre au fondement des saisies-attribution pratiquées ;
Valide les saisies-attribution pratiquées le 29 octobre 2019 à la demande de la société Crédit Immobilier de France Développement entre les mains de la Sarl Esprit d'Azur au préjudice de la SCI Salav Invest pour paiement, s'agissant du second prêt, de la somme de 36.564,89 euros ;
Condamne la SCI Salav Invest à verser à la société Crédit Immobilier de France Développement la somme complémentaire de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel avec faculté de recouvrement par application de l'article 699 du même code.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,