COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 50G
3e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 03 NOVEMBRE 2022
N° RG 20/06357
N° Portalis DBV3-V-B7E-UG3H
AFFAIRE :
S.A.S. CPC
C/
[S] [U]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Septembre 2020 par le TJ de Pontoise
N° Chambre : 2
N° RG : 20/00026
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Stéphanie TERIITEHAU
Me Julien AUCHET
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.S. CPC
N° SIRET : 794 44 2 8 55
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire 619 - N° du dossier 20200444
Représentant : Me Représentant : Me Tristan HERRERA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS substituant Me Victoria DAVIDOVA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0699
APPELANTE
****************
Monsieur [S] [U]
né le 15 Juillet 1943 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentant : Me Julien AUCHET de la SCP EVODROIT-SCP INTER BARREAUX D'AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 13 -
Représentant : Me Sébastin PINGUET, avocat Plaidantn, substituant Me Angélique ALVES, avocat au barreau du VAL D'OISE, vestiaire : 13
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Septembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence PERRET, Président et Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence PERRET, Président,,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
Madame Gwenael COUGARD, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte reçu le 15 janvier 2019 par Me [B], notaire à [Localité 4] (Yvelines), M. [S] [U] a consenti à la société CPC une promesse unilatérale de vente portant sur une maison d'habitation située [Adresse 1], formant le lot n°8 du lotissement dénommé 'Résidence des Noyers', moyennant le prix de 464 000 euros.
Le projet d'acquisition de la société CPC comportait la création d'un second pavillon sur la parcelle de M. [U].
La promesse a été consentie pour une durée expirant le 15 novembre 2019, et sous diverses conditions suspensives, dont l'obtention, avant le 15 juillet 2019, d'un permis de construire pour la réalisation sur le terrain vendu d'un pavillon de 150 m² minimum, la demande devant être déposée avant le 15 avril 2019, ainsi que l'obtention d'un prêt.
Les parties ont fixé l'indemnité d'immobilisation à la somme de 46 400 euros, le bénéficiaire de la promesse étant dispensé du versement immédiat. Ce dernier s'est toutefois obligé irrévocablemcnt au versement de cette indemnité à première demande du promettant dans le cas où, toutes les conditions suspensives ayant été réalisées, il ne réaliserait pas l'acquisition dans les délais et conditions de la promesse.
La société CPC a déposé la demande de permis de construire le 15 avril 2019. Par courrier du 7 mai 2019, réceptionné le 10 mai suivant, la mairie a indiqué à la société CPC que sa demande était incomplète et lui a demandé de lui faire parvenir des précisions ainsi qu'un complément de pièces dans un délai de 3 mois, faute de quoi la demande ferait l'objet d'une décision tacite de rejet.
Par lettre recommandée du 9 juillet 2019, la société CPC a informé M. [U] qu'elle ne donnerait pas suite à l'acquisition au motif que l'association syndicale libre s'opposerait à la construction d'un logement supplémentaire.
Le 14 août 2019, M. [U] a réclamé à la société CPC le versement de l'indemnité d'immobilisation de 46 400 euros.
Le 22 août 2019, la mairie de [Localité 5] a indiqué à la société CPC que, faute de réception dans le délai de 3 mois des éléments demandés, une décision d'opposition était intervenue le 11 août 2019.
Le 7 octobre 2019, le notaire a réitéré auprès de la société CPC la demande de M. [U] du versement de la somme de 46 400 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation. Cette demande est demeurée sans réponse.
Par acte du 17 décembre 2019, M. [U] a fait assigner la société CPC devant le tribunal de grande instance de Pontoise aux fins de versement de l'indemnité d'immobilisation.
Par jugement réputé contradictoire du 28 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Pontoise a :
- condamné la société CPC à payer à M. [U] la somme de 46 400 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2019,
- ordonné la capitalisation des intérêts échus dus au moins depuis une année entière,
- condamné la société CPC à verser à M. [U] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la société CPC aux dépens.
Par acte du 18 décembre 2020, la société CPC a interjeté appel.
Aux termes de ses dernières écritures du 22 décembre 2021, elle demande à la cour de :
- déclarer son appel recevable et bien fondé, y faisant droit infirmer le jugement déféré,
Y faisant droit,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
condamné la société CPC à payer à M. [U] la somme de 46 400 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2019,
ordonné la capitalisation des intérêts échus dus au moins depuis une année entière,
condamné la société CPC à verser à M. [U] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procedure civile,
ordonné l'exécution provisoire du jugement,
condamné la société CPC aux dépens,
Statuant à nouveau,
- déclarer la société CPC recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et prétentions,
- rejeter l'ensemble des demandes et prétention contraires de M. [U],
En conséquence,
- à titre principal, prononcer la caducité de la promesse de vente en raison de la défaillance des conditions suspensives,
- à titre subsidiaire, prononcer la nullité de la promesse de vente en raison du dol et de la réticence dolosive commise par M. [U],
- à titre plus subsidiaire, prononcer la nullité de la promesse de vente en raison de l'erreur excusable commise par la société CPC,
- à titre très subsidiaire, prononcer la nullité de la promesse de vente en raison du manquement de M. [U] à son devoir précontractuel d'information, ou a minima, condamner M. [U] sur ce même fondement à payer à la société CPC la somme de 46 400 euros et ordonner une compensation entre les condamnations des parties,
- en tout état de cause, condamner M. [U] à payer à la société CPC la somme de 46 400 euros pour manquement à son devoir de bonne foi et ordonner une compensation entre les condamnations des parties,
- en tout état de cause, condamner M. [U] à payer à la société CPC la somme de 24 000 euros au titre des frais humains et d'architectes qu'elle a dû engager,
- en tout état de cause, condamner M. [U] à payer à la société CPC la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec recouvrement direct.
Par dernières écritures du 6 mai 2021, M. [U] demande à la cour de :
- déclarer recevable mais mal fondé l'appel de la société CPC,
- débouter la société CPC de toutes fins, moyens et prétentions,
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions
Y ajoutant,
- condamner la société CPC à verser à M. [U] une indemnité de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 en cause d'appel,
- condamner la société CPC en tous les dépens de première instance et d'appel, avec recouvrement direct.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 juin 2022.
SUR QUOI
Le tribunal a retenu, sur les conditions suspensives, au visa de l'article 1304-3 du code civil, d'une part, que la condition suspensive tenant à l'obtention d'un permis de construire devait être réputée accomplie dès lors que le rejet de la demande de permis résulte de la carence délibérée de la société CPC qui a empêché volontairement la réalisation de ladite condition en déposant la demande un jour après la date limite prévue à la promesse unilatérale de vente et en s'abstenant de répondre aux demandes de transmission de précisions et de pièces complémentaires formulées par la mairie de [Localité 5]. Il a retenu, d'autre part, que la condition suspensive tenant à l'obtention d'un prêt devait également être réputée accomplie, la société CPC n'ayant jamais justifié dans les délais de ses diligences aux fins d'obtenir ledit prêt.
Sur l'indemnité d'immobilisation, au regard de la clause 'Indemnité d'immobilisation' de la promesse unilatérale de vente prévoyant le versement d'une somme d'un montant de
46 400 euros dans le cas où, toutes les conditions suspensives ayant été réalisées, le bénéficiaire ne réalisait pas l'acquisition dans les délais et conditions contractuels, le tribunal a jugé que le promettant était bien fondé à solliciter le paiement de l'indemnité d'immobilisation convenue, les conditions suspensives étant réputées réalisées.
La société CPC, qui n'avait pas constitué avocat en première instance, expose que :
- pour obtenir le permis de construire, objet d'une condition suspensive, elle devait prévoir un accès supplémentaire au terrain acquis,pour permettre la construction d'une autre maison, accès qui ne pouvait se faire que par l'allée appartenant à l'association syndicale libre (ASL) qui desservait la propriété de M. [U], lui-même membre de cette ASL
- M. [U] lui ayant indiqué avant la vente qu'elle n'aurait aucune difficulté à obtenir ce droit de passage de la part de l'ASL, lui-même connaissant très bien son président ainsi que le maire, elle lui a fait confiance et a déposé la demande de permis de construire,
- il s'est avéré qu'en réalité M. [U] lui avait menti puisque l'ASL n'entendait pas lui donner cette autorisation de passage, en sorte que le terrain ne disposant pas d'accès, il était inutile qu'elle poursuive l'opération qui ne pouvait aboutir qu'à un refus de la part de la mairie.
Elle invoque donc successivement la caducité de la promesse de vente, faute de réalisation de la condition suspensive d'obtention du permis de construire, le dol et la réticence dolosive commis par M. [U], son erreur sur un critère déterminant du contrat et enfin le manquement de M. [U] à son devoir précontractuel d'information.
***
La société CPC est une professionnelle de l'immobilier, son activité est : 'l'achat revente de biens immobiliers, regroupement et ou division de parcelles de terrain, division de lots mise en valeur marchand de biens, lotissement, aménagement, promotion, construction, montage d'opérations immobilières, aménagement foncier'. Elle est donc particulièrement mal fondée à se prévaloir d'un défaut d'autorisation de création d'un nouvel accès de la part de l'ASL (qu'elle ne justifie même pas avoir contactée), alors que cette contrainte, à la supposer incontournable (M. [U] indiquant qu'un accès par son garage était possible) ne pouvait lui échapper. En admettant même que M. [U] lui ait laissé croire oralement que l'ASL accepterait d'accorder une servitude de passage au profit d'une maison supplémentaire entraînant un surcroît de circulation sur ses voies privées (ce qui n'est pas démontré), sa connaissance des règles en la matière et la plus élémentaire prudence attendue d'un professionnel devaient la conduire à solliciter de l'ASL qu'elle lui donne son accord pour créer ce nouvel accès ou à faire de cette autorisation une condition suspensive de la réalisation de la vente, ce qu'elle n'a pas fait.
Contrairement à ce que soutient l'appelante la clause de la promesse de vente relative aux conditions suspensives ne saurait être interprétée comme applicable au cas d'espèce. En effet, cette clause prévoit : 'les titres de propriété antérieurs, les pièces d'urbanisme ou autres, ne doivent pas révéler de servitudes, de charges, ni de vices non indiqués aux présentes pouvant grever l'immeuble et en diminuer sensiblement la valeur ou le rendre impropre à la destination que le bénéficiaire entend lui donner', Or, l'autorisation de l'ASL, dont la nécesité était connue de l'appelante avant la promesse de vente, ne constitue ni une servitude, ni une charge, ni un vice.
L'appelante se prévaut également de la clause suivante : 'Le promettant s'engage à fournir au bénéficiaire une copie du cahier des charges susvisé dans un délai de trois mois à compter des présentes. Les présentes sont soumises à la condition suspensive qu'aucune clause dudit cahier des charges n'interdise le projet du bénéficiaire ou rende le projet plus onéreux pour le bénéficiaire'. Or, aucune des clauses du cahier des charges de l'ASL n'interdit la construction d'une nouvelle maison sur un terrain appartenant à un de ses membres. Fort classiquement en revanche, ce que l'appelante savait, la création d'un nouvel accès sur ses parties communes nécessitait une autorisation.
Dans son courrier à M. [U] du 9 juillet 2019 elle écrit qu'elle ne donnera pas suite au projet d'acquisition et précise : 'en effet, l'association syndicale libre, et plus largement certains riverains, s'opposent à la construction d'un logement supplémentaire. Nous ne pouvons donner une suite favorable à notre projet'.
Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il n'est pas produit la moindre pièce justifiant qu'elle ait contacté l'ASL.
Aucune réticence dolosive, aucun manquement au devoir d'information ou de loyauté ne saurait être imputé à M. [U] qui n'a rien dissimulé à l'appelante, parfaitement informée de ce que son projet nécessitait une autorisation de l'ASL.
Ainsi il s'avère que l'appelante a attendu le dernier jour pour déposer sa demande de permis de construire, que celle-ci était très incomplète (ce que ne pouvait ignorer une professionnelle de l'immobilier) comme cela résulte de la demande de pièces de la mairie du 7 mai 2019. Le 22 août 2019 l'élu chargé de l'urbanisme l'a informée que faute d'avoir fait parvenir les documents sollicités dans le délai de trois mois, une décision d'opposition était intervenue le 11 août 2019.
La non obtention du permis de construire lui est donc exclusivement imputable.
Or, comme le rappelle la promesse de vente : 'toute condition suspensive est réputée accomplie lorsque sa réalisation est empêchée par la partie qui y avait intérêt et ce aux termes du premier alinéa de l'article 1304-3 du code civil'.
En conséquence, et étant précisé que s'agissant de la condition suspensive d'obtention d'un prêt, l'appelante ne justifie pas de la moindre démarche pour obtenir le financement prévu, le jugement sera confirmé en ce qu'il a jugé que les deux conditions suspensives étaient réputées réalisées et que, par voie de conséquence, l'indemnité d'immobilisation était due par la société CPC.
Le jugement sera ainsi confirmé en toutes ses dispositions, les demandes formées par l'appelante étant rejetées.
Succombant, la société CPC sera condamnée aux dépens et versera à M. [U] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement ;
Rejette les demandes de la société CPC.
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Ajoutant :
Condamne la société CPC à payer à M. [U] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
Condamne la société CPC aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Florence PERRET, Président, et par Madame Claudine AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Président,