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02/11/2022 | FRANCE | N°20/01890

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 02 novembre 2022, 20/01890


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 2 NOVEMBRE 2022



N° RG 20/01890

N° Portalis DBV3-V-B7E-UBHD



AFFAIRE :



SASU STALLERGENES



C/



[E] [P]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 juillet 2020 par le Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : I

N° RG : F 18/00440



Copies exéc

utoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Martine DUPUIS



Me Jean-Michel DUDEFFANT







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DEUX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suiv...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 2 NOVEMBRE 2022

N° RG 20/01890

N° Portalis DBV3-V-B7E-UBHD

AFFAIRE :

SASU STALLERGENES

C/

[E] [P]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 juillet 2020 par le Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : I

N° RG : F 18/00440

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Martine DUPUIS

Me Jean-Michel DUDEFFANT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SASU STALLERGENES

N° SIRET : 808 540 371

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Charles DAUTHIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J011, substitué à l'audience par Me Sabine SMITH-VIDAL, avocat au barreau de Paris

APPELANTE

****************

Monsieur [E] [P]

né le 17 août 1983 à [Localité 3]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Jean-Michel DUDEFFANT, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0549

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 septembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Aurélie PRACHE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [P] a été engagé en qualité de technicien de fabrication, initialement sous contrat à durée déterminée à compter du 1er février 2012, puis sous contrat à durée indéterminée à partir du 1er juillet 2013, par la société Stallergenes.

Cette société est un laboratoire pharmaceutique spécialisé dans le traitement des maladies allergiques respiratoires par immunothérapie allergénique. Elle emploie plus de 500 salariés et applique la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique.

M. [P] a sollicité plusieurs entretiens avec la responsable des ressources humaines, Mme [F], et son supérieur hiérarchique, M. [W], afin de formaliser une rupture conventionnelle de son contrat de travail.

Par lettre du 22 novembre 2017, le salarié a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 5 décembre 2017, avec mise à pied à titre conservatoire.

Il a été licencié par lettre du 3 janvier 2018 pour faute lourde en raison de son refus de participer à une opération sur la chaîne de production sauf à obtenir la signature de la rupture conventionnelle qu'il sollicitait, l'employeur assimilant cette démarche à du chantage ou de l'extorsion motivée par 'une intention de nuire en mettant en balance une somme exorbitante issue d'un lot perdu si non facturé'.

Le 5 avril 2018, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt pour voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de salaire de mise à pied pour la période du 22 novembre 2017 au 3 janvier 2018 ainsi que diverses sommes de nature indemnitaire.

Par jugement de départage du 31 juillet 2020, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, a :

- dit que la faute lourde fondant le licenciement de M. [P] n'est pas caractérisée ;

- dit que le licenciement de M. [P] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société Stallergenes à verser à M. [P] les sommes de :

* 3 150,84 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire,

* 315,08 euros au titre des congés payés afférents,

* 8 017,98 euros euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 801,79 euros au titre des congés payés afférents,

* 6 325,27 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- dit que les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement produiront intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2018, date de présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation, et que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du présent jugement conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil,

- ordonné à la société Stallergenes de remettre à M. [P] un bulletin de salaire, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes au présent jugement dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement et ce sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard et par document passé ce délai pendant une durée de quatre mois;

- débouté la société Stallergenes de toutes ses autres demandes,

- condamné la société Stallergenes à verser à M. [P] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Stallergenes aux dépens.

Par déclaration adressée au greffe le 7 septembre 2022, la société Stallergenes a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 14 juin 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 mai 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Stallergenes demande à la cour de :

- la recevoir en ses conclusions et les déclarant bien fondées,

A titre principal,

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement pour faute lourde n'est pas caractérisé,

statuant à nouveau :

- constater qu'elle a parfaitement rempli ses obligations contractuelles à l'égard de M. [P],

- constater que le chantage de M. [P], animé par une intention de nuire à son employeur, s'analyse bien en une faute lourde et que, par conséquent, son licenciement pour faute lourde est parfaitement justifié,

en conséquence,

- déclarer que le licenciement de M. [P] repose sur une faute lourde,

- ordonner le remboursement à la société de l'intégralité des sommes perçues par M. [P] en exécution du jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 31 juillet 2020,

A titre subsidiaire,

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

statuant à nouveau,

- dire que l'insubordination de M. [P] constituant à refuser d'exécuter une tâche compatible avec son service et sa qualification, doublée d'une tentative manifeste de faire chanter son employeur, doit être qualifiée de faute grave,

- déclarer que le licenciement de M. [P] repose sur une faute grave,

- ordonner le remboursement à la société Stallergenes de l'intégralité des sommes perçues par M. [P] en exécution du jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 31 juillet 2020,

A titre infiniment subsidiaire,

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à des frais irrépétibles,

- débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [P] à verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 23 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [P] demande à la cour de :

- dire la société Stallergenes mal fondée en son appel,

- la débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la faute lourde fondant le licenciement n'est pas caractérisée et en ce qu'il a :

° condamné la société Stallergenes à lui verser les sommes suivantes :

* 3 150,84 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire et 315,04 euros d'incidence congés payés,

* 8 017,98 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 801,79 euros d'incidence congés payés

* 6 325,27 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

° dit que la créance salariale ainsi que les sommes allouées à titre d'indemnité de licenciement produiront intérêt au taux légal à compter du 6 avril 2018, date de présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le Bureau de conciliation et d'orientation et que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du jugement rendu en première instance, conformément aux dispositions de l'article 1231-6 et 1231-7 du code civil,

° ordonné à la société Stallergenes de lui remettre un bulletin de salaire, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes au jugement rendu dans un délai de 15 jours à compter de sa notification et sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard et par document, passé ce délai et pendant une durée de 4 mois,

° condamné la société Stallergenes à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire et juger recevable et bien fondé son appel incident et y faisant droit :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

- condamner en conséquence la société Stallergenes à lui payer à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de 16 035,96 euros,

- condamner également la société Stallergenes à lui payer la somme supplémentaire de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner enfin la société Stallergenes aux entiers dépens.

MOTIFS

La preuve des faits constitutifs de faute lourde incombe à l'employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d'apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, d'une gravité suffisante empêchant le maintien du salarié dans l'entreprise et s'ils procèdent d'une intention de nuire.

L'intention de nuire à l'employeur implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise.

Au vu des éléments versés aux débats, il apparaît que, en formation de départage les premiers juges, à la faveur d'une exacte appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits, non utilement critiquée en cause d'appel, ont à bon droit écarté dans les circonstances particulières de l'espèce la qualification de faute lourde mais retenu l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En effet, ils ont d'abord relevé à juste titre que le salarié ne disposait pas de l'habilitation requise pour assurer l'opération extrêmement normée (cf pièce 2 de l'employeur) demandée par son supérieur hiérarchique. Sur ce point, il suffira d'ajouter que l'employeur reconnaît lui-même ce défaut d'habilitation de l'intéressé.

Ainsi, selon la pièce 9 de l'employeur intitulée 'Activités de production sans personnel habilité sur la ligne 1 de l'unité 2 lors de la centrifugation d'un lot (...) le 22 et 23 nov 2017' (p. 8), 'le technicien présent l'après-midi n'était habilité qu'à l'utilisation de la laverie et à la répartition / calibrage. Et non au process d'extraction.

Aucun personnel habilité disponsible pour pouvoir réaliser les tâches du process d'extraction d'après-midi. La root cause main d'oeuvre est retenue.', la page 10 indiquant que 'le root cause identifié est une cause main d'oeuvre lié à l'absence de ressources habilitées à la réalisation de l'activité extraction. Les ressources nécessaires ont été allouées aux services de fabrication de l'unité 2 et sont en cours d'habilitation'.

Il en résulte que le salarié était bien-fondé à refuser de procéder à une opération d'extraction pour laquelle il n'était pas habilité, peu important ses propos conditionnant sa participation dans cette opération à la signature d'une rupture conventionnelle par le directeur des ressources humaines.

Les premiers juges ont également retenu à juste titre que l'employeur était en mesure et a fait appel à un autre salarié de l'entreprise, M. [I], pour continuer le process et éviter la perte de production.

Aucune intention de nuire ne saurait procéder du refus d'un salarié d'effectuer une opération pour laquelle il n'était pas habilité et pour laquelle l'employeur pouvait solliciter d'autres salariés.

En revanche, ainsi que l'ont jugé les premiers juges, ce refus caractérise une insubordination de la part de l'intéressé dès lors qu'il s'agissait pour lui de participer, à la demande expresse de son supérieur hiérarchique et de façon exceptionnelle à une opération importante pour le lot en cours de production au sein de l'entreprise.

Dans la mesure où il s'agit d'un acte isolé de la part d'un salarié sans antécédent disciplinaire c'est à bon droit que les premiers juges, écartant la faute grave, ont retenu une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions relatives au bien-fondé de la rupture et à la condamnation de l'employeur au paiement des différentes indemnités et rappels de salaires afférents.

Le jugement sera également confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles, et de condamner l'employeur aux dépens d'appel.

L'équité commande de condamner l'employeur à payer au salarié une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

RAPPELLE que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances salariales et à compter du jugement pour les créances indemnitaires,

CONDAMNE la société Stallergenes à payer à M. [P] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société Stallergenes aux dépens d'appel.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Aurélie Prache, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

'''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 20/01890
Date de la décision : 02/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-02;20.01890 ?
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