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02/11/2022 | FRANCE | N°20/01572

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 02 novembre 2022, 20/01572


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 02 NOVEMBRE 2022



N° RG 20/01572

N° Portalis DBV3-V-B7E-T63B



AFFAIRE :



[E] [K] [M]



C/



Société CARGLASS SAS









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Février 2020 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de CERGY PONTOISE

Section : C

N° RG : F 16/00296>


Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Ghislain DADI



Me Jérôme WATRELOT







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DEUX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a ren...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 NOVEMBRE 2022

N° RG 20/01572

N° Portalis DBV3-V-B7E-T63B

AFFAIRE :

[E] [K] [M]

C/

Société CARGLASS SAS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Février 2020 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de CERGY PONTOISE

Section : C

N° RG : F 16/00296

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Ghislain DADI

Me Jérôme WATRELOT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [E] [K] [M]

de nationalité française

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentant : Me Ghislain DADI de la SELAS DADI AVOCATS, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0257

APPELANT

****************

Société CARGLASS SAS

N° SIRET : 425 050 556

[Adresse 1]

[Adresse 4]

Représentant : Me Jérôme WATRELOT de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0100 et Me Juliette POUYET de la SCP SELCA CHASSANY WATRELOT ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K100, substitué à l'audience par Me Jérémie THIERRY, avocat au barreau de Paris

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 septembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. [M] a été engagé en qualité de préparateur de commandes par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 juillet 2013 par la société Carglass.

Cette société applique la convention collective des services de l'automobile et emploie plus de 10 salariés.

En dernier lieu, le salarié était affecté en équipe de nuit en qualité de préparateur de commandes sur le site de [Localité 5] qui comptait environ 80 salariés, et il percevait une rémunération brute mensuelle de 1 899,18 euros.

Le 18 avril 2015, le Syndicat Anti-Précarité (le SAP) a créé une section syndicale sur le site de [Localité 5] et a désigné M. [J] en qualité de responsable de section.

M. [Y] était le chef de l'équipe de nuit A, M. [J] étant son adjoint, M. [M] étant un des membres de cette équipe.

En décembre 2015, des salariés ont alerté l'employeur du fait que M. [M] quittait son poste de travail en avance, ce qui ne ressortait pas de son compteur d'heures de modulation.

Par lettre du 20 janvier 2016, M. [M] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 1er février 2016, avec mise à pied à titre conservatoire.

Le 25 janvier 2016, un salarié de l'équipe de nuit A a informé l'employeur qu'il était victime de moqueries au sein de l'équipe A et se sentait exclu par certains salariés et managers faute d'avoir adhéré au SAP.

M. [M] a été licencié par lettre du 9 février 2016 pour cause réelle et sérieuse dans les termes suivants:

« Le 10 décembre 2015, nous avons été alertés par plusieurs de vos collègues de votre attitude consistant à quitter votre poste de travail très en avance par rapport à la fin de l'activité. Ils s'en sont étonnés dans la mesure où vous affirmiez à qui voulait bien l'entendre, que votre compteur d'heures de modulation était quasiment à l'équilibre.

En vérifiant l'évolution de votre solde d'heures, nous avons constaté que ce dernier accusait un débit de ' 19h32 au 4 octobre 2015 et était en effet remonté à ' 5h29 au 6 décembre 2015.

Ce constat était en totale contradiction avec les dires de vos collègues. En effet, comment auriez-vous pu assainir votre compteur d'heures en partant plus tôt que le reste de votre équipe, et surtout avant l'horaire défini de votre fin de journée théorique ' Pour rappel, vos horaires de travail sont de 16h à 23h30, incluant ¿ h de pause.

Suite à ces remontées, nous avons donc édité l'ensemble de vos badgeages quotidiens entre le 28 septembre 2015 et le 10 décembre 2015. Et nous avons constaté, qu'à de très nombreuses reprises, vous n'aviez pas badgé lors de vos entrées et/ou sorties de l'Entreprise.

Ainsi, nous avons pu découvrir qu'entre les deux dates mentionnées, vous n'avez pas badgé a à117 reprises. Or, a chaque fois, votre absence d'émargement électronique a été très souvent corrigée le lendemain par votre hiérarchie directe à l'heure théorique d'arrivée, de pause ou de fin de journée.

Au vu de ces différents éléments contradictoires, nous avons décidé, de regarder la vidéo surveillance a des fins de vérification sur les jours précédents.

Nous avons donc regardé les bandes enregistrées des 8 et 9 décembre 2015.

- le 8 décembre 2015, nous constatons que vous quittez l'entreprise a 23h03 sans badger. Le badgeage fait état d'un départ a 23h30, soit 27 minutes d'écart.

- le 9 décembre 2015, nous constatons que vous quittez l'entreprise a 22h21 sans badger. Le badgeage fait également état d'un départ à 23h30, soit 1h09 d'écart.

Or, le 11 janvier 2016, alors que nous avions l'intention de vous convoquer à entretien préalable à sanction éventuelle pour ces faits, de nouvelles remontées nous ont incités à visionner les enregistrements vidéo des jours précédents.

- le 6 janvier 2016, nous constatons que vous quittez l'entreprise à 22h18 sans badger. Le badgeage fait état d'un départ à 23h30, soit 1h12 d'écart.

- le 7 janvier 2016, nous constatons que vous quittez l'entreprise à 22h06 sans badger. Le badgeage fait également état d'un départ à 3h30, soit 54 minutes d'écart.

- le 8 janvier 2016, nous constatons que vous quittez l'entreprise à 21h15 sans badger. Le badgeage fait état d'un départ à 23h, soit 2h15 d'écart.

Ainsi, au vu de ces enregistrements il est clair que sur ces cinq dates, l'état de vos badgeages sur notre logiciel de gestion des temps (GTA) ne correspond pas à vos heures réelles de sortie.

Par conséquent, suite à ce nouvel épisode, et en affinant notre analyse, nous avons constaté qu'a ces dates, les badgeages de fin de journée vous concernant ont été ajoutés par votre manager, Mr [Y], Chef d'équipe. Il peut arriver de manière très exceptionnelle qu'un collaborateur oublie de badger et que la rectification soit effectuée par le manager le jour même ou bien le lendemain.

Lors de notre entretien, vous nous avez affirmé qu'il vous arrivait effectivement de partir plus tôt, mais que vous préveniez toujours votre manager. Vous avez dit que vous gériez bien votre modulation et qu'il vous arrivait de venir travailler plus tôt pour « rattraper » votre compteur.

Cependant, vous savez parfaitement que si vous prenez votre poste 1h plus tôt, mais que vous partez une heure ou plus d'une heure avant la fin de votre horaire théorique, cela ne peut avoir aucun effet positif sur votre compteur de modulation. Vous ne pouvez donc pas affirmer que vous « rattrapez » vos heures, sachant que vous partez plus tôt que la fin de l'activité.

Sur les 5 dates que nous avons vérifiées, le mode opératoire est le même. Vous quittez le travail sans badger et votre manager corrige votre « oubli ». Cependant, et comme évoqué plus haut, vos heures de départ ne correspondent pas a celles indiquées sur GTA et l'écart constaté représente presque 6 heures sur ces 5 jours. Nous avons également constaté que vos collègues de l'équipe partent beaucoup plus tard que vous, tout en badgeant eux même leur sortie de l'Entreprise.

Vous ne pouvez ignorer qu'en agissant de la sorte, vous gonflez frauduleusement votre compteur de modulation puisque vous déclarez plus d'heures que vous n'en faites réellement en bénéficiant néanmoins de votre rémunération habituelle at des majorations d'heures de nuit non effectuées.

En outre, en ce qui concerne votre obligation de badgeage, nous avons effectué une nouvelle extraction des données entre le 28 septembre 2015 et le 17 janvier 2016.

Entre ces deux dates, vous n'avez pas badgé a 164 reprises.

Cela représente un taux de badgeage modifié de près de 51%. A titre de comparaison, ce taux est de 36,5% pour les collaborateurs composant votre équipe (vous non compris), et de 23,5% pour l'ensemble du site de [Localité 5].

En réalisant un focus sur vos badgeages de fin de journée, nous avons constaté que, sur cette période, 39 badgeages sont manquants, ce qui représente presque 60% des badgeages de cette catégorie.

Vous connaissez pourtant parfaitement la règle applicable à l'ensemble des salariés de la Société en matière de temps de travail (hormis les cadres au forfait) : vous avez l'obligation de badger 4 fois par jours.

- Une fois le matin, en entrée

- Une fois pour prendre votre pause repas, en sortie

- Une fois à l'issue de votre pause repas, en entrée

- Une fois à la fin de votre journée de travail, en sortie

Ces quatre étapes sont nécessaires et obligatoires pour mettre à jour et calculer au plus juste l'ensemble de vos compteurs sociaux, et notamment ceux de la gestion de vos heures (modulation, heures supplémentaires éventuelles...).

Lorsque nous vous avons demandé pourquoi vous ne badgiez que par intermittence, vous nous avez répondu qu'il vous arrivait effectivement d'oublier de le faire.

Or compte tenu de la répétition des faits, il ne peut pas s'agir de simples oublis mais bien plutôt d'une volonté délibérée de votre part de ne pas badger.

L'ensemble de ces éléments démontrent un irrespect et une volonté frauduleuse à l'encontre de vos obligations professionnelles, or un tel comportement est inacceptable au sein de notre entreprise.

Par conséquent, et compte tenu des éléments ci-dessus énoncés, nous vous notifions, par le présent courrier, votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. »

Le 24 février 2016, le CHSCT de la société Carglass a ouvert une enquête sur tous les postes du site de [Localité 5] pour dégradation des conditions de travail et atteinte à la santé physique et mentale des collaborateurs. Le CHSCT a rendu son rapport d'enquête le 24 mars 2016.

Le 4 avril 2016, le cabinet PsyFrance Assistance a réalisé un audit interne de la santé au travail sur le site de [Localité 5] à la demande de l'employeur.

Le 18 mai 2016, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise afin de voir juger son licenciement nul, à titre principal, sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire, et d'obtenir le paiement de rappels de salaires ainsi que diverses sommes de nature indemnitaire.

Par ordonnance du 29 septembre 2016, le bureau d'orientation et de conciliation a ordonné une mesure d'instruction. Cette mission a été menée par deux conseillers rapporteurs sur la plate-forme logistique de [Localité 5] et ils ont déposé leur rapport le 4 novembre 2016.

Le 4 octobre 2017, M. [M], ainsi que d'autres salariés, se sont constitués partie civile devant le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Pontoise pour discrimination syndicale et entrave à l'exercice du droit syndical.

Par jugements avant-dire droit des 14 mars 2018 et 27 mars 2019, le conseil de prud'hommes a dit n'y avoir lieu à attendre l'issue de l'instruction en cours et a rejeté la demande de sursis à statuer du salarié.

Par jugement contradictoire du 26 février 2020, le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise a:

- dit ne pas y avoir de discrimination syndicale à l'encontre de M. [M],

- dit que le licenciement de M. [M] repose bien sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [M] de l'ensemble de ses demandes,

- mis les entiers dépens de l'instance à la charge de M. [M].

Par déclaration adressée au greffe le 21 juillet 2020, le salarié a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 14 juin 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 21 octobre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [M] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- fixer le salaire moyen brut à la somme de 1 899,18 euros brut,

à titre principal,

- prononcer la nullité du licenciement,

- ordonner la remise en l'état du contrat de travail, à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et se réserver le pouvoir de liquider cette astreinte,

- ordonner le paiement de la totalité des salaires et accessoire depuis le 11 avril 2016, date de fin du préavis, sans aucune déduction, ainsi que toute autres sommes comme s'il n'avait jamais été licencié (notamment intéressement et participation),

- condamner la société Carglass à lui délivrer les fiches de salaire depuis avril 2016, en tenant compte des augmentations intervenues depuis, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et se réserver le pouvoir de liquider cette astreinte, sauf à nommer tout expert qu'il plaira à la cour, avec mission de procéder au calcul des salaires dus, et mettre la provision de frais d'expertise à charge de la société,

- condamner la société Carglass à lui payer le salaire net résultant des fiches de salaire sus évoquées, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et se réserver le pouvoir de liquider cette astreinte,

- condamner la société Carglass à lui payer la somme suivante à titre de provision :

. 90 000 euros de salaire net pour la période couverte par la nullité la rupture,

à titre subsidiaire,

- condamner la société Carglass à lui payer les sommes suivantes :

. 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (6 mois minimum : L. 1235-5 CT = 11 395 euros),

- condamner la société Carglass à lui payer les sommes suivantes :

. 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour entrave à l'activité syndicale,

. 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

. 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

. 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- prononcer l'anatocisme,

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 janvier 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Carglass demande à la cour de :

à titre principal,

- dire que la cour n'est pas saisie et renvoyer M. [M] à se pourvoir ainsi qu'il en avisera,

subsidiairement,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

en tout état de cause,

- condamner M. [M] à lui verser les sommes de :

. 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

. 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile,

- condamner M. [M] en tous les dépens.

MOTIFS

Sur la régularité de la saisine de la cour d'appel

L'employeur fait valoir qu'au niveau de la Cour d'appel, la demande en justice a nécessairement pour objet la réformation/infirmation du jugement ou bien encore son annulation, qu'il appartient à l'appelant d'inscrire l'une de ces mentions dans l'acte qui saisit la cour, et qu'écrire, dans la déclaration d'appel, que certains des chefs du jugement sont « critiqués » ne saisit pas la juridiction du second degré.

Le salarié ne formule dans les motifs de ses conclusions aucun moyen en réplique.

Aux termes de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n 2022-245 du 25 février 2022, à peine de nullité, la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité notammentles chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité.4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Contrairement à ce que soutient la société, qui invoque l'article 54 du code de procédure civile, les textes spécifiques régissant la procédure d'appel, et plus particulièrement l'article 901 précité et les article 542 et 954 du code de procédure, ne prévoient pas que la déclaration d'appel indique qu'elle a pour objet la réformation, l'infirmation du jugement ou bien son annulation, cette indication devant en revanche figurer dans le dispositif des conclusions de l'appelant, en application des articles 542 et 954 du code de procédure civile.

L'arrêté du 25 février 2022, modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication électronique, précise en son article 4 : '' lorsqu'un document doit être joint à un acte, le dit acte renvoie expressément à ce document. ''

En l'espèce, la déclaration d'appel mentionne en objet/portée de l'appel : ' Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués. Cf pièce jointe '. La pièce jointe, constitutive d'une annexe, précise les chefs de demande du jugement expressément critiqués, dont la cour d'appel est donc saisie.

Ainsi la déclaration d'appel du salarié, à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs du jugement expressément critiqués et à laquelle elle renvoie expressément, constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 dans sa nouvelle rédaction, et l'indication de ce que l'appel tend à l'infirmation du jugement figure bien dans le dispositif des conclusions de l'appelant.

Le moyen tiré de l'irrégularité de la saisine de la cour d'appel n'est, dès lors, pas fondé.

Sur les demandes de nullité du licenciement pour discrimination à raison des activités syndicales du salarié et de dommages-intérêts au titre de cette discrimination

Le salarié fait valoir que les griefs de la lettre de licenciement sont dénués de tout fondement et même 'complètement faux' et que la rupture a un lien direct avec son engagement syndical au sein du SAP.

Il explique que l'employeur a immédiatement mis en place un stratagème visant à éliminer la section syndicale du SAP dès sa constitution, les responsables du site de [Localité 5] ayant développé une ' visible détestation à l'encontre des syndicats.'. Il soutient que l'employeur a marqué son opposition à la création du syndicat et à son maintien dans l'entreprise notamment en se séparant de cinq salariés, dont lui-même, en raison de leur affiliation au syndicat. Il précise qu'un contrôle resserré a été mis en place et que l'employeur, à l'instar du directeur de site, a trouvé, dans un premier temps, un prétexte pour le licencier ainsi que M. [Y] en raison de fraude sur les heures de pointage puis, dans un second temps, a licencié M. [J], M. [T] et M. [H] pour s'être rendus coupables de harcèlement moral.

L'employeur réplique que le salarié avait pris l'habitude régulière de ne pas badger lors de son départ du site et que son responsable, M. [Y] l'a sciemment ' couvert' en enregistrant uniquement dans le logiciel GTA les heures théoriques prévues par le planning. Il affirme que le salarié ne fournit pas la moindre démonstration de faits dont il déduit l'existence d'une 'discrimination syndicale', et que, à partir de deux pièces mises en perspective avec l'enquête des conseillers rapporteurs, le salarié ne démontre ni entrave ni discrimination. Il ajoute que le salarié présente des faits généraux et se contente de faire état d'allégations sur sa prétendue situation ainsi que celle des quatre autres collègues de travail.

* *

Aux termes des articles L.1132-1 et L. 2141-5 du code du travail, aucune personne ne peut notamment être licenciée en raison de ses activités syndicales et il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de mesures de disciplines et de rupture du contrat de travail.

Selon les dispositions de l'article L. 1134-1, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance de ces dispositions, il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de présenter au juge des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que les mesures prises sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Enfin, la discrimination syndicale ne peut être retenue dans le cas d'un salarié, simple adhérent d'un syndicat, lorsqu'il n'est pas établi que son engagement syndical était connu de l'employeur.

Au cas présent, les parties s'opposent sur la réalité de l'engagement syndical actif du salarié et sa connaissance par l'employeur.

Le salarié affirme avoir adhéré au SAP en décembre 2015 et participé activement à la vie de la section syndicale, l'employeur indiquant qu'il a pas eu connaissance de l'obédience du salarié ni de son éventuel souhait de se présenter aux élections professionnelles prévues au printemps 2017.

Le salarié établit que M. [J] a été désigné représentant de section syndicale (RSS) le 18 avril 2015 par le SAP et a communiqué à la direction de l'établissement de [Localité 5], le nom des personnes syndiquées, à savoir M. [T], M. [Y], M. [J] et M. [H], 'également candidats aux prochaine élections'.

M. [M] n'était donc pas cité dans cette lettre.

En outre, il ne ressort pas des attestations des cadres et des salariés du site communiquées par chaque partie que la direction du site, et également la société Carglass, ont eu connaissance de l'appartenance de M. [M] et de son engagement au sein du SAP lors de l'engagement de la procédure de rupture puis lors de la notification du licenciement.

Au surplus, le compte rendu de mission du cabinet Psy France Assistance, intervenu à la demande de la société Carglass, à la suite de la procédure d'alerte auprès du CHSCT de deux salariés du site, indique notamment que ' les trois quarts des personnes interrogées soulignent un changement au sein de l'entrepôt à la suite de la création d'un nouveau syndicat' mais à aucun moment, les personnes entendues ne citent M. [M] comme appartenant à la section syndicale ou ayant un engagement syndical.

Quand bien même le nom des personnes entendues n'est pas indiqué, ce document est à prendre en compte avec l'ensemble des autres pièces.

L'imprimé Cerfa de compte rendu d'enquête rédigé par le CHSCT le 24 mars 2016 ainsi que tous les procès-verbaux de réunion ne mentionnent pas davantage le nom de M. [M] lorsque le CHSCT analyse les causes de la situation de risque grave dénoncée par plusieurs salariés à l'encontre d'adhérents du SAP auxquels étaient reprochées leurs pressions.

Les échanges, en juillet 2015, entre le SAP et la direction du site, évoquent uniquement les candidatures de MM. [J], [T], [H] et [Y] aux prochaines élections professionnelles.

Enfin, dans certains de ces documents, puis dans le rapport des conseillers rapporteurs, M. [M] est cité uniquement lorsqu'il s'agit de son licenciement et des modalités d'émargement pour contrôler les horaires de travail.

En définitive, le salarié ne produit aucun élément de nature à établir la connaissance par l'employeur de son appartenance au SAP au mois de décembre 2015 puis lors de l'engagement de la procédure de licenciement.

Il n'est donc pas établi que la réalité de son activité militante aurait été connue de l'employeur lors de la rupture, de sorte que le licenciement ne peut avoir été prononcé par l'employeur en considération de l'engagement syndical du salarié.

Le salarié n'invoquant pas d'autres éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale à l'appui de sa demande de dommages-intérêts au titre d'une discrimination syndicale, le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de nullité du licenciement pour discrimination syndicale et de ses demandes financières subséquentes, ainsi que sa demande de dommages-intérêts.

Sur la demande de dommages-intérêts pour entrave à l'activité syndicale

Selon les dispositions de l'article L. 2316-1 du code du travail sa rédaction alors applicable jusqu'au 1er janvier 2018, le fait de porter ou de tenter de porter atteinte à la libre désignation des délégués du personnel ou à l'exercice régulier de leurs fonctions caractérise le délit d'entrave.

Le salarié ne rapportant pas la preuve de l'exercice d'une activité syndicale pendant la relation contractuelle ni qu'il a été désigné délégué du personnel, il n'établit donc pas que l'employeur a porté ou tenté de porter atteinte à sa libre désignation en qualité de délégué du personnel ou à son exercice régulier de ses fonctions.

Dès lors, le délit d'entrave n'est pas caractérisé.

Il sera donc débouté de sa demande de dommages-intérêts à ce titre et le jugement déféré sera confirmé en ce sens.

Sur le licenciement

Selon les articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, énoncée dans une lettre notifiée au salarié.

Il est reproché au salarié de nombreuses omissions de badgeages et d'avoir bénéficié d'un régime de faveur, son responsable modifiant le système d'enregistrement pour décaler les horaires de départ de M. [M] afin que ce dernier effectue la totalité des heures dues.

S'agissant du premier grief, il ressort des pièces versées au dossier qu'à plusieurs reprises, les heures de sortie du salarié mentionnées sur sa fiche individuelle comparées à celles indiquées sur le relevé de ses heures de sortie de son véhicule du site ne sont pas identiques.

Le relevé des heures a été établi à partir du visionnage, non contesté, des enregistrements vidéo des entrées et sorties des salariés.

A chaque fois, le salarié a quitté les lieux avant l'heure déclarée par son responsable sur la fiche individuelle en décembre 2015 et janvier 2016, et ce au moins une heure, voire deux heures, avant l'heure de sortie mentionnée sur le listing.

Le salarié, qui produit pourtant de nombreuses attestations de collègues, ne justifie pas que la direction du site acceptait que les salariés quittent l'atelier avant l'heure prévue en application de la méthode dite ' fini-parti' et que la hiérarchie rectifiait le badgeage en indiquant l'heure de sortie théorique.

Le salarié n'établit pas davantage que, parce que la direction et les responsables d'équipe avaient accès au logiciel d'enregistrement, le système de badgeage était ni fiable ni infalsifiable, le détournement du système notamment par le responsable de M. [M] ne pouvant pas être présumé par l'employeur.

Enfin, la matérialité des faits est confirmée lors de la mission par les conseillers rapporteurs sur le site qui ont visionné les enregistrements de vidéo surveillance et constaté que le salarié quittait les locaux sans badger.

Le rapport des conseilleurs rapporteurs, dont la partialité est seulement alléguée par le salarié mais non établie, conclut notamment que : ' concernant le bidouillage des heures entre M. [M] et son responsable, M. [Y], la vidéo montre toutes les phases du départ anticipé de M. [M] étant rappelé que ces enregistrements vidéo sont connus de l'ensemble du personnel.'.

Cette conclusion s'appuie sur plusieurs témoignages dont celui de :

- M. [V], qui indique que ' [M] partait avant l'heure, pas de mail, il ne badgeait pas, il allait dans le bureau dire au revoir aux chefs et partait. Tout le monde le savait. Si je ne badge pas, le lendemain je suis convoqué.'.

- M. [O], qui indique que ' on savait que [M] partait tôt sans badger avec l'accord des chefs d'équipe. Les gens qui ne pointent pas et les chefs qui badgent à leur place, ce n'est pas normal. J'ai demandé pourquoi ils ne pointaient pas tous, mes chefs m'ont dit que ce n'était pas normal. Ceux qui ne pointaient pas appartenaient à l'autre équipe.'.

- M. [G], indique que ' Si on oublie de badger, ils ( les manager) badgent pour nous. Ils rectifient tout en rappelant de ne pas oublier; aucune idée si beaucoup de personnes oublient de badger; moi quand je partais avec l'accord des chefs d'équipe, les heures étaient retirées.Concernant [M], je ne sais pas mais il y avait des jours où il était avant l'heure.'.

Le premier grief tiré de la déclaration d'un nombre d'heures plus important que celles effectivement réalisées est donc établi.

Le second grief porte sur l'omission par le salarié de badger à 164 reprises entre septembre 2015 et janvier 2016, soit un taux de 61% d'omissions comparé à celui de l'ensemble de l'équipe de 36,5% et 23,5% pour tout le site.

M. [Y], le responsable a saisi à la place du salarié son heure de sortie, de sorte qu'au vu de ce qui précéde, il n'est pas assuré que les horaires déclarés ont été ceux de sortie du salarié.

Dans ce contexte, c'est à juste titre que l'employeur soutient qu'il ne s'agit pas d'étourderies de la part du salarié mais d'une volonté réelle de ne pas badger, ce qui est confirmé par les enregistrements vidéo qui ont été conservés et visionnés pour la fin de l'année 2015 et le début 2016 par les conseillers rapporteurs.

Le salarié ne conteste pas le caractère obligatoire du badgeage et n'explique pas ces omissions.

Le second grief est également établi.

Ces deux griefs sont suffisamment sérieux pour constituer une cause de licenciement.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et rejeté la demande de dommages-intérêts afférente.

Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral

Le salarié ne présente dans les motifs de ses conclusions aucun moyen de fait ou de droit au soutien de cette demande.

La décision des premiers juges, qui l'en a débouté, sera confirmée.

Sur la demande reconventionnelle de l'employeur

L'employeur ne développe pas cette demande dans la motivation de ses conclusions et ne caractérise pas le motif de sa demande de dommages-intérêts.

Ajoutant au jugement, il convient de rejeter cette demande.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le salarié qui succombe, doit supporter la charge des dépens exposés et ne saurait bénéficier de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance et qu'en cause d'appel ; toutefois, pour des raisons d'équité, il n'y a pas lieu de faire application à son encontre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

DIT régulière la saisine de la cour d'appel,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Y ajoutant,

REJETTE la demande de dommages-intérêts de la SAS Carglass,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes en application de l=article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [E] [K] [M] aux dépens d'appel.

. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, président et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 20/01572
Date de la décision : 02/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-02;20.01572 ?
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