COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
19e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 26 OCTOBRE 2022
N° RG 20/02503
N° Portalis DBV3-V-B7E-UEO6
AFFAIRE :
ASSOCIATION POUR L'ACCES A LA MEDECINE ET A LA SANTE
C/
[M] [G]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Septembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section : E
N° RG : F18/01282
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
l'AARPI OHANA ZERHAT
la SELARL LEXAVOUE [Localité 6]-[Localité 7]
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SIX OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de [Localité 7] a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
ASSOCIATION POUR L'ACCES A LA MEDECINE ET A LA SANTE
N° SIRET : 792 085 292
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT, Postulant, avocat au barreau de [Localité 7], vestiaire : 731
Représentant : Me Pierre CHICHA de la SELEURL Cabinet Pierre CHICHA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0980
APPELANTE
****************
Monsieur [M] [G]
né le 20 Avril 1947 à MEDEA (ALGÉRIE)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de [Localité 7], vestiaire : 625
Représentant : Me Sophie-laurence VIDAL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1107
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 Septembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle MONTAGNE, Président,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Madame Laure TOUTENU, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,
EXPOSE DU LITIGE
[M] [G], médecin radiologue domicilié au Etats-Unis, né le 20 avril 1947, a été engagé par l'Association pour l'Accès à la Médecine et à la Santé (ci-après l'Ams), qui gère le centre de santé polyvalent Jean Jaurès à [Localité 5], suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 27 avril 2016, en qualité de médecin spécialiste en radiodiagnostic et imagerie médicale, l'activité étant prévue pour être 'exclusivement exercée dans les locaux du centre et selon le planning ci-après : mercredi de 9 heures à 19 heures avec une heure de pause déjeuner, ce jour une semaine sur deux', le planning pouvant être modifié en fonction des contraintes de chaque partie avec un délai de prévenance de quinze jours, moyennant une rémunération établie sur la base de 450 euros par jour de travail effectif.
Les relations de travail étaient soumises aux dispositions de la convention collective nationale du personnel des cabinets médicaux.
Le 27 avril 2016, un contrat de prestation de services a également été conclu entre les parties pour encadrer la pratique à distance d'actes de radiodiagnostic médical.
Un différend s'est élevé entre les parties quant à l'exécution du contrat de travail.
A l'issue d'une réunion devant le conseil départemental de l'ordre des médecins de [Localité 6], saisi par [M] [G] le 29 octobre 2016, les parties ont conclu un accord le 28 avril 2017 qui n'a cependant pas mis fin à leur différend.
Le 29 mai 2018, [M] [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin d'obtenir la requalification du contrat de prestation de services en un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'Ams, ainsi que la condamnation de cette dernière au paiement de diverses indemnités et rappels de salaires.
Par jugement mis à disposition le 25 septembre 2020, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, les premiers juges ont :
- fixé le salaire mensuel à 900 euros brut,
- débouté [M] [G] de sa demande de requalification du contrat de prestation de services en contrat de travail,
- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de [M] [G],
- condamné l'Ams à verser à ce dernier :
* 40 500 euros à titre de rappel de salaires de septembre 2016 à juin 2020,
* 2 700 euros à titre d'indemnité de préavis,
* 270 euros à titre de congés payés afférents au préavis,
* 450 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
* 900 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné la remise des bulletins de salaires, documents de fin de contrat et attestation Pôle emploi,
- débouté [M] [G] de sa demande de paiement de salaires de juin à août 2016 et de ses autres demandes,
- débouté l'Ams de sa demande reconventionnelle,
- dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens,
- dit qu'il n'y a pas lieu de condamner au remboursement des indemnités Pôle Emploi, [M] [G] n'ayant pas fait la preuve de cette indemnisation.
Le 16 novembre 2020, l'Ams a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 13 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, l'Ams demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté [M] [G] de sa demande de requalification de son contrat de prestation de services en contrat de travail, et des demandes afférentes,
- se déclarer incompétente pour les demandes afférentes au contrat de prestation de services de [M] [G], et le renvoyer à mieux se pourvoir,
- infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat d'exercice médical salarié aux torts exclusifs de l'employeur et en ce qu'il l'a condamnée au paiement des sommes pour les montants et les chefs retenus, à titre subsidiaire, confirmer les quantums alloués,
- en tout état de cause, infirmer le jugement en sa condamnation à paiement au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en son débouté de sa demande reconventionnelle du même chef et condamner [M] [G] au paiement des sommes de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance et de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en appel, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 19 septembre 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, [M] [G] demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a prononcé et qualifié la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'Ams,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes :
. de requalification du contrat de prestations de services en contrat de travail, statuant à nouveau, requalifier le contrat de prestations de services en contrat de travail,
. de salaires pour la période de juin 2016 à août 2016, statuant à nouveau, condamner l'Ams au paiement de la somme 29 252 euros à titre de salaires pour cette période,
. sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les éventuels dépens, statuant à nouveau, condamner l'Ams au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens tant de première instance que d'appel,
- réformer le jugement sur les chefs de demandes énoncés ci-après, statuant à nouveau, condamner l'Ams au paiement des sommes suivantes :
* 438 788,70 euros à titre de rappel de salaires de septembre 2016 à juin 2020,
* 29 252,58 euros à titre d'indemnité de préavis,
* 2 925,25 euros au titre des congés payés afférents au préavis,
* 4 875,43 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
* 39 003 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- débouter l'Ams de l'intégralité de ses demandes.
Une ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 20 septembre 2022.
MOTIVATION
Sur la requalification du contrat de prestation de services en un contrat de travail
Au soutien de son appel incident, [M] [G] conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de requalification du contrat de prestation de services en un contrat de travail en faisant valoir que :
- en application de l'article L. 6323-1 du code de la santé publique, il ne pouvait être lié avec l'Ams qui gère un centre de santé que par un contrat de travail ;
- le contrat de prestation de services est un contrat de travail déguisé, au regard de la manière dont il exerçait la médecine pour le centre de santé, et ce, même lorsqu'il exerçait à distance.
L'Ams conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté [M] [G] de sa demande de ce chef en faisant valoir que :
- la conclusion d'un contrat de travail salarié avec un médecin exerçant au centre de santé n'exclut pas la conclusion d'un contrat de prestation de services ;
- les missions d'expertise et d'interprétation de clichés radiologiques à distance se sont déroulées dans les conditions d'une prestation de services, sans la moindre sujétion quant à l'accomplissement et l'organisation du travail de [M] [G] qui n'était pas intégré dans un service organisé et conservait une activité rémunérée parallèle.
En premier lieu, si l'article L. 6323-1 du code de la santé publique prévoit en son 9ème alinéa que les médecins qui exercent en centre de santé sont salariés, force est de constater d'une part que [M] [G] bénéficiait d'un statut salarié pour l'exercice de son activité professionnelle au sein du centre de santé et d'autre part que cette disposition légale n'a pas pour effet d'empêcher l'exécution par un médecin qui n'exerce pas d'activité au sein d'un centre de santé, de prestations de télédiagnostic dans le cadre de relations contractuelles prenant la forme d'un contrat de prestations de services.
Il est par ailleurs rappelé que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur. Il appartient à celui qui se prévaut d'un contrat de travail de rapporter la preuve qu'il exécute une prestation de travail en contrepartie d'une rémunération sous la subordination juridique de l'employeur. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
En l'espèce, le contrat de prestation de services litigieux prévoit que le praticien s'engage à assurer à distance du centre, l'interprétation, par le renvoi d'un fichier numérique de compte-rendu après réception de tous clichés de radiodiagnostic qui lui seront adressés par voie numérique entre 13h30 et 20h (heure française) selon un calendrier mis en place conjointement entre le centre et le praticien, et strictement en dehors des jours de présence effective du praticien au centre tels que convenus à son contrat d'exercice médical salarié, au plus tard à 7 heures, heure française du jour suivant l'envoi du cliché ou bien une heure après l'envoi du cliché dans les cas d'urgence, notamment pour les cas relevant d'une traumatologie, que la rémunération du praticien est établie sur la base d'une note d'honoraires établie mensuellement par le praticien calculée sur la base de 28 % du montant total des actes de radiodiagnostic médical effectués mensuellement par le praticien au centre et par téléradiologie et sur la base de 32 % du montant total de l'ensemble des actes d'échographie effectués par le praticien au centre, déduction faite de la base salariale brute mensuelle versée au praticien au titre de son contrat de travail, que le praticien assure posséder les équipements nécessaires à l'interprétation de clichés à distance.
En l'absence de contrat de travail apparent, il appartient à [M] [G], au soutien de sa demande de requalification du contrat de prestation de services en un contrat de travail, de rapporter la preuve du lien de subordination juridique avec l'Ams.
Au soutien de sa demande, [M] [G] produit aux débats :
- un courriel du 15 juillet 2016 de [H] [D], le directeur du centre de santé, aux termes duquel celui-ci lui adresse son bulletin de paie pour avril-mai 2016 et ses feuilles d'activité jusqu'en juin 2016, en lui indiquant : 'Nous nous soucierons de juin début août lorsque j'aurai la fiche de paie qui ira avec. Pour l'instant réglons avril-mai. Vous avez donc votre bulletin de paie qui concerne vos présences et vous devez donc m'émettre une facture (...)' ;
- des échanges de courriels intervenus en août et septembre 2016 avec [H] [D] aux termes desquels [M] [G] indique notamment le 18 août 2016 : 'par ailleurs qu'en est-il de mes fiches de paies car je voudrais évaluer le montant de mes honoraires pour ce qui est de la télétransmission' et le 12 septembre 2016 se plaint de ne jamais avoir reçu de décompte de ses salaires pour pouvoir calculer ses honoraires au titre de la télétransmission ;
- le procès-verbal de la réunion de conciliation du conseil de l'ordre des médecins du 28 avril 2017 aux termes duquel il est indiqué : 'La médiation a été rendue possible par les décisions suivantes:
1) Le directeur du centre remet au docteur [G] ce jour les comptes-rendus des actes et d'activité du mois d'août 2016 et s'engage à remettre les mêmes documents pour juin et juillet 2016. Dès confirmation par le docteur [G] des actes réalisés, le directeur règlera les sommes dues.
2) Le docteur [G] estime avoir été lésé notamment dans le retard de paiement des honoraires et dans sa relation avec le centre de santé. Ce point sera clarifié entre les deux parties' ;
- trois relevés d'activité adressés par le centre de santé pour le mois d'août 2016 : si le premier recense l'activité globale par acte réalisé et mentionne un chiffre d'affaires global sans le détail des actes pratiqués par patient, les deux autres relevés détaillent les actes et les montants par patient avec la date de l'acte et l'identification du patient.
Dans ses écritures, [M] [G] développe l'essentiel de son argumentation relative au lien de subordination juridique qu'il entend faire reconnaître avec l'Ams sur le fait que celui-ci résulterait de la formalisation de deux contrats aux dispositions 'imbriquées' quant au paiement des salaires et honoraires.
Il ressort des dispositions contractuelles rappelées ci-dessus que la note d'honoraires mensuelle que devait transmettre [M] [G] à l'Ams pour le règlement de ses prestations d'interprétation de clichés à distance était établie sur deux pourcentages d'une part du montant total des actes de radiodiagnostic médical qu'il effectuait mensuellement au centre et par téléradiologie et d'autre part du montant total de l'ensemble des actes d'échographie qu'il effectuait au centre, déduction faite de la base salariale brute mensuelle versée au praticien au titre de son contrat de travail.
Si cette méthode de calcul impliquait pour [M] [G] d'avoir connaissance de données en possession du centre de santé, d'une part, celui-ci y avait cependant accès lors de ses prestations de travail au centre de santé, d'autre part, il avait été rendu destinataire de codes informatiques lui permettant un accès au logiciel Galaxie permettant de consulter en temps réel son activité et la facturation associée (cf pièce 37 du salarié : courriel du 7 mai 2016 de [H] [D] lui adressant ses codes d'accès) et celui-ci n'a pas élevé de contestation sur ce fait dans le temps des relations contractuelles. Il s'ensuit qu'il ne peut être déduit du mode de calcul de ses honoraires contractuellement prévu l'existence d'un lien de subordination juridique avec l'Ams.
L'analyse des autres pièces et éléments produits par [M] [G] ne permet pas de retenir que, sous couvert de l'exécution du contrat de prestations de services, celui-ci aurait accompli des prestations de travail sous la subordination juridique de l'Ams. La cour relève ici en particulier que l'Ams n'a jamais donné de directives à [M] [G], n'a jamais contrôlé l'exécution de ses tâches et n'avait pas le pouvoir de sanctionner d'éventuels manquements. Il résulte ainsi de courriels adressés par [M] [G] à l'Ams que celui-ci a par exemple indiqué le 8 août 2016 qu'il était disposé à interpréter des clichés 'quand il aurait le temps' ou 'beaucoup plus tard' car il avait d'autres activités et que l'Ams n'a pas réagi à ces courriels, ce dont il s'ensuit que [M] [G] organisait librement son activité d'interprétation des clichés sans contrôle de l'Ams.
Sans qu'il y ait lieu à se déclarer incompétent, il y a donc lieu de débouter [M] [G] de sa demande de requalification du contrat de prestation de services en un contrat de travail et de sa demande consécutive de rappel de salaires sur la période de juin à août 2016. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
Au soutien de son appel, l'Ams conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts en faisant valoir :
- en cause d'appel, que la résiliation judiciaire du contrat de travail est sans objet au motif que d'une part, le contrat de travail a été rompu le 20 avril 2017 par la mise à la retraite d'office de [M] [G], âgé de 70 ans et que d'autre part, la période d'essai contractuellement fixée n'était pas arrivée à son terme, la saisine équivalant selon elle à une rupture de période d'essai à l'initiative du salarié ;
- que la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts n'est pas fondée alors qu'aucun manquement grave de nature à empêcher la poursuite du contrat ne lui est imputable.
Elle produit une 'attestation' établie par [K] [E], directrice médicale du centre de santé, qui ne respecte pas les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, indiquant que le salarié a été absent les 11 mai, 1er, 15 et 29 juin et 13 et 27 juillet 2016 et qu'elle n'a plus eu de nouvelles de sa part à partir du mois d'août 2016, ainsi qu'une attestation établie par [S] [N], manipulateur en électroradiologie, mentionnant des absences du docteur [G] les 1er et 15 juin 2016 et 13 et 27 juillet 2016. L'Ams précise que [M] [G] n'a en réalité travaillé que le mercredi 25 mai 2016 de 14h à 18h, le mardi 31 mai 2016 de 14h à 18h et le mardi 7 juin 2016 de 14h à 18h, de sa propre initiative et sans respecter les plannings et ayant de son fait cessé de venir au centre après son dernier jour travaillé le 7 juin 2016, que celui-ci n'a pas souhaité travailler davantage en France compte-tenu de ses activités professionnelles aux Etats-Unis et celui-ci ayant perçu la rémunération qui lui était contractuellement due et que les griefs sont anciens.
[M] [G] conclut à la confirmation du jugement sur ce chef en faisant valoir que :
- son contrat de travail était toujours en cours d'exécution à la date de la résiliation judiciaire, l'Ams ne rapportant pas la preuve de l'avoir mis d'office à la retraite, ni de lui avoir adressé un courrier lui signifiant le démarrage du préavis de sa période d'essai comme contractuellement prévu à l'article 6 ;
- l'Ams a manqué gravement à ses obligations en s'abstenant de lui fournir tout travail depuis le 1er septembre 2016 et ce, jusqu'à l'audience du bureau de jugement du 26 juin 2020 et par ailleurs en mettant tout en oeuvre pour ne pas régler les salaires et honoraires qui lui étaient dus, pendant quarante-cinq mois.
Il produit à cet égard un courriel adressé le 2 septembre 2016 au docteur [H] [D] sollicitant en vain le planning pour le mois de septembre 2016, des échanges de courriels du 8 septembre 2016 avec le docteur [C] [D], un courriel du docteur [H] [D] du 9 septembre 2016 aux termes duquel celui-ci a écrit : '(...) après consultation avec [S] (manipulateur radiologique ou technicien, devant toujours travailler sous les ordres et en présence d'un radiologue) le planning des radiologues était suffisant et que votre présence physique n'était pas nécessaire sur la période de septembre/octobre, car nous avons déjà des praticiens qui travaillent le lundi, mardi, mercredi (jours que vous m'aviez initialement proposés) ... vous faites par contre toujours partie de notre effectif, c'est-à-dire qu'en cas de maladie, et autres congés d'un praticien, nous nous réjouissons d'avoir un praticien expérimenté comme vous à qui envoyer nos clichés (...)', des échanges de courriels des 9, 10 et 12 septembre 2016 avec l'Ams.
Un salarié est fondé à poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquement, par ce dernier, à ses obligations.
Il appartient au juge de rechercher s'il existe à la charge de l'employeur des manquements d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail afin de prononcer cette résiliation, lesquels s'apprécient à la date à laquelle il se prononce.
S'agissant de la rupture du contrat de travail par la mise à la retraite d'office de [M] [G]
Force est de constater qu'il n'est produit strictement aucun élément établissant que l'Ams aurait procédé à la mise à la retraite d'office de [M] [G] le 20 avril 2017.
Le contrat de travail n'était pas rompu au moment de la saisine du conseil de prud'hommes en mai 2018.
Ce moyen n'est pas fondé.
S'agissant de l'exécution de la période d'essai à la date de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail
L'Ams allègue plus précisément que le contrat de travail aurait été suspendu à compter du 7 juin 2016, date à laquelle [M] [G] ne s'est plus présenté à son poste de travail, de sorte qu'en mai 2018, au moment de la saisine du conseil de prud'hommes, la période d'essai n'était pas expirée et que le contrat n'était pas devenu ferme.
Il n'est produit strictement aucun élément au soutien de cette argumentation relative à la suspension du contrat de travail alors qu'il résulte des pièces du dossier que l'Ams connaissait la situation de [M] [G] qui exerçait une activité aux Etats-Unis dès la conclusion du contrat de travail, que les jours et heures de présence de [M] [G] au centre de santé n'ont pas fait l'objet d'observations de l'Ams sur la période d'avril à juin 2016, que l'Ams a été informée par [M] [G] par courriel du 22 avril 2016 de ce qu'il était 'à [Localité 6] depuis le 20 avril et ce jusqu'à fin mai-début juin'. Il s'ensuit que le contrat de travail n'a pas été suspendu. Il s'ensuit qu'il ne peut être retenu que la saisine du conseil de prud'hommes équivalait à une rupture de période d'essai à l'initiative du salarié.
En tout état de cause, l'article 6 du contrat de travail prévoit que si les parties sont libres de se séparer au cours de la période d'essai, c'est 'sous la seule réserve du respect d'un préavis d'une durée de dix jours calendaires, signifié par courrier recommandé avec accusé de réception'. Or, il n'est pas établi ni même d'ailleurs allégué qu'un courrier recommandé notifiant le préavis relatif à la fin de la période d'essai aurait été notifié.
Le moyen n'est pas fondé.
S'agissant des manquements de l'employeur
L'employeur est tenu de payer sa rémunération et de fournir un travail au salarié qui se tient à sa disposition. Pour se soustraire à ces obligations, l'employeur doit démontrer que le salarié a refusé d'exécuter son travail ou ne s'est pas tenu à sa disposition.
En l'espèce, il résulte des pièces et éléments produits aux débats que :
- dès la conclusion du contrat de travail, l'Ams était informée du fait que [M] [G], médecin radiologue, exerçait une activité aux Etats-Unis ;
- les jours et heures de présence de [M] [G] au centre de santé n'ont fait l'objet d'aucune observation de l'Ams sur la période d'avril à juin 2016 ;
- l'Ams était informée de ce que celui-ci ne serait plus à [Localité 6] à compter de début juin 2016 et n'a pas manifesté de réaction auprès du salarié ;
- l'Ams ne lui a notamment adressé aucune mise en garde quant à son absentéisme ni ne l'a mis en demeure de reprendre son poste de travail ;
- l'Ams ne fournit aucun élément, ni ne produit aucune pièce démontrant que [M] [G] a refusé d'exécuter son travail ou ne s'est pas tenu à sa disposition pendant l'ensemble de la relation de travail ;
- le salarié a à plusieurs reprises dès le 18 août 2016 et en septembre 2016 interrogé son employeur sur ce qu'il en était pour son activité radiologique et par courriel sus-cité du 9 septembre 2016, [H] [D] lui a écrit : 'votre présence physique (n'est) pas 'nécessaire' sur la période de septembre/octobre car nous avons déjà des praticiens qui travaillent le lundi/mardi/mercredi (...)';
- [M] [G] n'a jamais manifesté d'intention claire et non équivoque de démissionner ;
- celui-ci n'a pas été payé de l'intégralité des salaires contractuellement dus avant l'engagement de son action en justice et notamment à compter de septembre 2016 alors que le contrat de travail n'a pas été rompu.
Il résulte de ce qui précède que l'Ams s'est abstenue de payer l'intégralité des salaires à [M] [G] pour l'ensemble de la relation de travail et lui a notifié que sa présence au centre de santé n'était plus nécessaire en septembre et octobre 2016, ce dont il se déduit l'absence de fourniture de travail et constitue des manquements graves de l'employeur tenant au paiement du salaire et à la fourniture de travail empêchant par là-même la poursuite des relations de travail.
La résiliation judiciaire du contrat de travail doit par conséquent être prononcée aux torts de l'employeur et celle-ci produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du jugement qui l'a prononcée, soit le 25 septembre 2020.
Sur la demande de rappel de salaire
[M] [G] fonde toutes ses demandes d'indemnités de rupture et de rappel de salaire sur la base d'un salaire de référence d'un montant brut mensuel de 9 750,86 euros, correspondant à un temps complet alors que sa durée contractuelle de travail est à temps partiel.
Il est rappelé qu'en application notamment de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées ; qu'après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures complémentaires en cas de contrat à temps partiel ou supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, le contrat de travail stipule un mercredi de travail de 9h à 19h avec une heure de pause déjeuner, une semaine sur deux, et une rémunération établie sur la base de 450 euros par jour de travail effectif.
Au soutien des heures de travail qu'il allègue avoir exécutées pour le compte de l'Ams, [M] [G] ne produit strictement aucun élément et notamment aucun décompte des heures travaillées, ses simples allégations n'étant pas suffisantes et de surcroît générales et insuffisamment précises.
Sa demande de rappel de salaire à hauteur d'un temps de travail complet pour les périodes tant de juin à août 2016 que de septembre 2016 à juin 2020 n'est pas fondée. Il en sera débouté et le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail
En raison de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, [M] [G] a par conséquent droit à une indemnité compensatrice de préavis, assortie de l'indemnité compensatrice de congés payés incidents, à une indemnité légale de licenciement ainsi qu'à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il sera fait droit à ses demandes sur ces chefs et le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux indemnités de rupture (préavis et congés payés et indemnité de licenciement) et au rappel de salaire pour la période de septembre 2016 à juin 2020, pour les montants retenus par les premiers juges dont les montants sont exacts.
S'agissant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-2 du code du travail, [M] [G] a droit, au regard de son ancienneté de quatre années complètes, à une indemnité dont le montant peut être compris entre trois et cinq mois de salaire.
Au regard du salaire contractuel, de l'ancienneté et de l'absence de production d'élément sur sa situation professionnelle postérieurement à la rupture du contrat de travail, il lui sera alloué une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 2 700 euros que l'Ams sera condamnée à lui payer. Le jugement sera infirmé sur ce point.
[M] [G] a droit au paiement de son salaire sur la période comprise entre septembre 2016 et jusqu'à la résiliation judiciaire du contrat de travail, ainsi qu'à l'indemnité compensatrice de congés payés incidents.
Il sera fait droit à sa demande sur la base du salaire contractuellement fixé pour la période de septembre 2016 à juin 2020 comme retenu par les premiers juges.
L'Ams établissant que [M] [G] a été réglé de ses salaires conformément aux dispositions contractuelles, celui-ci sera débouté de sa demande de rappel de salaire entre juin et août 2016.
Le jugement sera confirmé sur tous ces points.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement sera infirmé en ce qu'il statue sur les dépens et confirmé en ce qu'il statue sur les frais irrépétibles.
Au regard de la solution du litige, l'Ams sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer à [M] [G] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement en ce qu'il condamne l'Association pour l'Accès à la Médecine et à la Santé (Ams) à payer à [M] [G] la somme de 900 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il statue sur les dépens,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE l'Association pour l'Accès à la Médecine et à la Santé (Ams) à payer à [M] [G] la somme de 2 700 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONFIRME le jugement pour le surplus des dispositions,
CONDAMNE l'Association pour l'Accès à la Médecine et à la Santé (Ams) aux entiers dépens,
CONDAMNE l'Association pour l'Accès à la Médecine et à la Santé (Ams) à payer à [M] [G] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Morgane BACHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,