La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/10/2022 | FRANCE | N°20/00918

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 20 octobre 2022, 20/00918


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 82E



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 20 OCTOBRE 2022



N° RG 20/00918

N° Portalis DBV3-V-B7E-T2WL



AFFAIRE :



S.A. RTE - RESEAU DE TRANSPORT ET D'ELECTRICITE



C/



LA FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DES SALARIES DES MINES ET DE L'ENERGIE CGT 'F.N.M.E. - CGT'















Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28

février 2020 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE

N° RG : 19/04948









Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA



Me Stéphanie TERITEHAU



le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 82E

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 OCTOBRE 2022

N° RG 20/00918

N° Portalis DBV3-V-B7E-T2WL

AFFAIRE :

S.A. RTE - RESEAU DE TRANSPORT ET D'ELECTRICITE

C/

LA FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DES SALARIES DES MINES ET DE L'ENERGIE CGT 'F.N.M.E. - CGT'

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 février 2020 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE

N° RG : 19/04948

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA

Me Stéphanie TERITEHAU

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A. RTE - RESEAU DE TRANSPORT ET D'ELECTRICITE

N° SIRET : 444 619 258

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentant : Me Anne MURGIER de la SELARL CAPSTAN LMS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K20 et par Me Nelly MORICE, avocat au barreau de PARIS et Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52

APPELANTE

****************

LA FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DES SALARIES DES MINES ET DE L'ENERGIE CGT 'F.N.M.E. - CGT'

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Fabrice FEVRIER de la SCP Alain LEVY et Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0126 et Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 septembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, conseiller et Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, président chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Caterine BOLTEAU SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier placé lors des débats : Madame Virginie BARCZUK

Vu le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre le 28 février 2020,

Vu la déclaration d'appel de la société Réseau de transport et d'électricité (RTE) du 6 avril 2020,

Vu les conclusions de la société Réseau de transport et d'électricité (RTE) du 15 novembre 2021,

Vu les conclusions de la Fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT (FNME-CGT) du 22 septembre 2020,

Vu l'ordonnance de clôture du 17 novembre 2021.

EXPOSE DU LITIGE

La société Réseau de transport d'électricité (ci-après RTE) dont le siège social est situé [Adresse 4], est une filiale du groupe EDF comptant près de 8 500 collaborateurs.

La société RTE assure la gestion et le développement du réseau d'électricité en France métropolitaine et est soumise à l'application du statut national du personnel des industries électriques et gazières (IEG).

A ce titre, la structure de classification et de rémunération de la société RTE est régie par le statut national du personnel des IEG et la convention du 31 mars 1982.

Le 13 juillet 2011, la société RTE a conclu un accord collectif relatif au classement et aux structures d'emplois.

Les négociations en vue de renégocier cet accord ayant échoué, la société RTE a pris, le 13 juillet 2018, la décision unilatérale D-DRH-EM-2018-011 et, le 30 août 2018, une note intitulée 'mode opératoire de l'accord relatif au classement et aux structures d'emplois à RTE du 13 juillet 2011".

Estimant que les décisions adoptées par l'employeur avaient pour conséquence de priver les salariés et les commissions secondaires du personnel (CSP) de leurs droits et prérogatives, la Fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT (ci-après FNME-CGT) a, dans un premier temps, par acte du 26 novembre 2018, saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre.

Par ordonnance du 9 janvier 2019, ce dernier a enjoint à la société RTE de procéder à la consultation préalable des commissions secondaires du personnel pour recueillir leur avis avant toute attribution d'une 'NR mobilité', débouté la FNME-CGT de ses autres demandes, condamné la société RTE aux dépens et à la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Estimant que les décisions précitées de juillet et août 2018 méconnaissaient les dispositions conventionnelles antérieures, la Fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT (ci-après FNME-CGT) a fait assigner, par acte d'huissier en date du 16 mai 2019, la société RTE devant le tribunal de grande instance de Nanterre.

La FNME-CGT sollicitait qu'il soit constaté que les décisions unilatérales de la société RTE constituées par la décision D-DRH-EM-2018-011 intitulée 'mesure d'accompagnement au changement d'emploi « NR mobilité »'du 13 juillet 2018 et la note du 30 août 2018 sur le mode opératoire de l'accord relatif au classement et aux structures d'emplois à RTE du 13 juillet 2011 violaient ensemble la convention du 31 mars 1982, la circulaire PERS 212 du 30 novembre 1951 et l'accord collectif d'entreprise du 13 juillet 2011, ainsi que les dispositions de l'article 3 du statut national du personnel des industries électriques et gazières.

En conséquence, la FNME-CGT demandait l'annulation de tout ou partie de ces notes, ainsi qu'injonction soit faite à la société RTE de rétablir les modalités de candidatures à un poste pour les agents et les conditions matérielles de leur examen par les commissions secondaires du personnel.

La société RTE concluait quant à elle au rejet de toutes les demandes de la FNME-CGT et sollicitait sa condamnation à lui verser la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 28 février 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- annulé les dispositions du paragraphe 2b. « modalités » de la décision D-DRH-EM-2018-011 du 13 juillet 2018 intitulée « mesure d'accompagnement au changement d'emploi 'NR mobilité', prévoyant que « La commission secondaire en est informée lors de la publication du relevé de décision de nomination » et le mode opératoire de l'accord relatif au classement et aux structures d'emplois à RTE du 13 juillet 2011 en date du 30 août 2018,

- enjoint à la société RTE de :

. mettre à disposition des agents des formulaires, notamment au moyen de l'outil informatique « Click and Job », conformes au modèle 6 en annexe II de la circulaire PERS 212 du 30 novembre 1951, et notamment en ce qu'ils permettent la spécification d'un GF (groupe fonctionnel) de candidature,

. présenter aux commissions secondaires du personnel des bordereaux de candidature conformes à la circulaire PERS 212 du 30 novembre 1951, et mentionnant le(s) GF de candidature,

. d'examiner dans la commission secondaire du personnel relevant du collège concerné, l'aptitude des candidats à occuper un emploi sur le ou les GF de candidature,

- enjoint à la société RTE de procéder à la consultation préalable des commissions secondaires du personnel pour recueillir leur avis avant toute attribution d'un « NR mobilité »,

- condamné la société RTE à verser à la FNME-CGT la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte aux intérêts collectif de la profession et la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société RTE aux dépens en ce compris les frais d'assignation et de signification de la présente décision,

- rejeté les autres demandes,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

La société RTE a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 6 avril 2020.

Par conclusions adressées le 15 novembre 2021, la société Réseau de transport d'électricité (RTE) demande à la cour de :

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre sauf en ce qu'il a débouté la FNME-CGT de ses demandes tendant à la publication du jugement et à une astreinte,

- débouter la FNME-CGT de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- débouter la FNME-CGT de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la FNME-CGT au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions adressées le 22 septembre 2020, la Fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT (FNME-CGT) demande à la cour de :

- dire et juger la société mal fondée en son appel et en conséquence de la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement rendu le 28 février 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la FNME - CGT de sa demande de publication et d'adjonction d'une astreinte,

Réformant partiellement, et statuant à nouveau,

- ordonner à la société RTE de publier à l'adresse des salariés de l'entreprise un communiqué relatif à la décision à intervenir, et notamment à son dispositif,

- assortir l'ensemble des injonctions prononcées par les premiers juges et par la cour de céans d'une astreinte, à compter d'un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, de 1 000 euros par jour de retard et par infraction constatée,

- se réserver la possibilité de liquider lesdites astreintes,

- porter à la somme de 30 000 euros la condamnation de la société RTE à titre de dommages et intérêts en raison de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession qu'elle défend,

Et, y ajoutant,

- condamner la société RTE à verser à la FNME-CGT la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la présente procédure d'appel,

- condamner la société RTE aux entiers dépens de la présente instance comprenant notamment les frais de signification de l'arrêt à intervenir, dont distraction au profit de la Selarl Minault Teriitehau agissant par Me Stéphanie Teriitehau avocat et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 novembre 2021.

MOTIFS DE LA DECISION

1- sur la demande de nullité des dispositions du mode opératoire du 30 août 2018 de l'accord relatif au classement et aux structures d'emplois RTE du 13 juillet 2011

La société RTE soutient que la classification est un dispositif nécessairement évolutif, dépendant des fonctions réellement exercées par le salarié. Ce système de classification statutaire relevant de la convention du 31 mars 1982 et des circulaires PERS a dû être adapté pour tenir compte d'autres référentiels que les groupes fonctionnels (GF) du fait de la séparation des activités, ceux-ci n'étant plus révélateurs d'une qualification professionnelle dans l'emploi mais davantage d'un parcours professionnel au sein de RTE et d'un niveau de rémunération.

L'appelante indique que, dans ce contexte, est intervenu l'accord du 13 juillet 2011 définissant une classification des emplois propre à l'activité de RTE et conforme aux dispositions statutaires de branche, prévoyant notamment un classement des emplois en 7 positions d'emplois (PO), chaque position couvrant 'une plage' de GF (entre 5 et 6 GF). La décision unilatérale querellée est intervenue dans le prolongement de l'accord collectif, le système établi en 2011, source de confusion, ayant été complété par un système complémentaire appelé 'NR mobilité' [niveau de rémunération mobilité]qui ne se substitue pas au système alors en vigueur, est sans incidence sur les règles relatives à la classification, ne contrevient pas aux obligations imposant un classement par GF. Il ne porte pas atteinte aux droits des salariés à bénéficier d'une promotion professionnelle.

La FNME-CGT fait valoir au contraire qu'au regard des textes relatifs à la promotion et aux modalités de postulation à un emploi - convention du 30 mars 1982, circulaire PERS 212 du 30 novembre 1951 et accord collectif du 13 juillet 2011 -, RTE a modifié le dispositif en contradiction avec l'accord de 2011 qui prévoit que l'aptitude des candidats sur l'emploi vacant est examiné sur les GF de leur candidature et non pas sur une position ensemble de 5 GF. Elle indique que la note du 30 août 2018 sur le mode opératoire de l'accord du 13 juillet 2011 modifiant le droit de l'agent de postuler sur un niveau de GF a été décidée unilatéralement par RTE en violation des accords et textes de branche et d'entreprise et par conséquent en violation des droits des salariés, ces derniers n'ayant plus la possibilité de postuler un niveau de GF spécifique, de sorte que cette note est illicite .

Il sera rappelé que le juge doit déterminer si les normes invoquées ont été ou non respectées et non apprécier la pertinence économique ou sociale du système mis en place.

Selon la convention du 31 mars 1982 (pièce intimée n°2), les règles de fonctionnement concernent l'avancement (évolution à l'intérieur du groupe) et la promotion (changement de groupe fonctionnel). Il est ainsi prévu (article 4.2) que 'la promotion d'un groupe fonctionnel à un groupe fonctionnel de rang plus élevé se fait au niveau de rémunération immédiatement supérieur, au minimum au premier niveau du premier groupe, au maximum au dernier niveau du nouveau groupe.'

Il est également indiqué aux termes de la circulaire PERS 212 du 30 novembre 1951 (pièce intimée n°3) que toute demande d'insertion de poste vacant ou nouvellement créé devra être accompagnée de l'indication notamment de l'échelle [groupe] fonctionnel.

Aux termes de l'article 1.3 ' rattachement des emplois aux GF du système de rémunération' de l'accord relatif au classement et aux structures d'emplois à RTE signé par les partenaires sociaux le 13 juillet 2011, il est stipulé notamment: 'Sept nouvelles plages de GF appelées positions ont

été déterminées [...]. En fonction du nombre de points obtenus lors de son évaluation , chaque emploi est rattaché à une position à laquelle correspond une plage étendue de GF [...]

Par principe et pour susciter une large diversité de candidatures la publication d'un emploi vacant est réalisée sur l'ensemble des GF des positions d'emploi sauf disposition particulière prévue par le comité de suivi de l'accord. L'aptitude des candidats sur l'emploi vacant est examinée sur les GF de leur candidature.'[...]

En outre, la note d'application RTE de l'accord du 13 juillet 2011, établie le 2 juillet 2013 (pièce intimée n°6) indique 'En CSP [commission secondaire du personnel] l'aptitude du candidat est examinée sur le ou les GF de sa candidature: la mention du ou des GF indiqués par le candidat sur le modèle 6 est reportée sur le bordereau présenté (toutes les CSP) et détermine dans quelle(s) CSP le bordereau est présenté.'[...]

En l'espèce, il résulte des pièces produites (pièces intimée n°9, 10b à 13) que les anciens bordereaux antérieurs à la décision du 13 juillet 2018 et à la note du 30 août 2018 et ceux postérieurs à ces textes objet du litige, diffèrent, les seconds ne mentionnant plus comme les premiers, le GF de publication, ni la possibilité pour le candidat de préciser son GF de candidature.

Le mode opératoire de l'accord du 13 juillet 2011, établi unilatéralement par l'employeur le 30 août 2018 stipule effectivement que 'selon la philosophie de l'accord et dans une logique d'allongement des carrières un salarié qui change de position le fait à GF constant.'[...]

Il est ainsi démontré que l'employeur a modifié unilatéralement le système mis en oeuvre par l'accord collectif de 2011 lequel prévoit que l'aptitude des candidats sur le poste vacant est examinée sur les GF de candidature et non sur l'une des 7 positions correspondant à 5 à 6 GF.

Comme le relève justement le tribunal, s'il appartient à l'employeur de décider d'accorder ou non une promotion, la faculté de candidater sur un ou plusieurs groupes fonctionnels est ouverte aux candidats à une mutation alors que le mode opératoire du 30 août 2018 relatif à l'accord collectif du 13 juillet 2011 a, de façon unilatérale, privé les salariés de cette faculté comme en attestent les bordereaux de candidatures présentés aux CSP.

Les premiers juges ont ainsi, à bon droit, considéré que l'employeur n'était pas autorisé par une décision unilatérale à mettre fin à un droit des personnels prévu par un accord collectif.

S'agissant des prérogatives des représentants des salariés, l'appelante soutient que l'absence de mention du GF de candidature ne remet pas en cause la capacité des CSP à exercer leurs compétences.

L'intimée fait valoir que l'employeur a mis les CSP dans l'impossibilité d'apprécier l'aptitude des candidats au poste auquel ils candidatent et ainsi d'exercer les prérogatives confiées par le statut national du personnel des IEG.

Il résulte de l'annexe (article 3) de ce statut (pièce intimée n°1) que les commissions secondaires du personnel notamment [...] 'examinent les conditions d'aptitude des postulants aux emplois , fonctions ou postes relevant du ou des collèges concernés' [...].

L'article 2.1 de l'accord collectif du 13 juillet 2011 stipule que [...] 'le passage d'un GF à un GF supérieur au sein d'un même emploi est fonction :

du niveau de réalisation et du niveau de maîtrise des missions et responsabilités exercées par le salarié dans son emploi;

de la solidarité développée par le salarié, de sa capacité à développer des solutions innovantes et à rechercher l'intérêt collectif de l'entreprise dans ses situations de travail;

de la progression du niveau de compétences détenu dans l'emploi, progression rendue possible à la suite d'une action de formation professionnelle ou grâce à l'expérience acquise.'

Selon les pièces produites (pièces intimée précitées : bordereaux et n°10 : CSP du 19 juin 2018), avant les décisions de l'été 2018, les aptitudes en CSP étaient données sur un GF précis (GF de postulation ou à défaut de publication) et non sur une position d'emploi, chaque GF représentant un niveau de qualification.

Après ces décisions, les emplois étant positionnés sur 5 à 6 GF, il en résulte nécessairement que les CSP ont été privées de la possibilité d'exercer pleinement leur mission consistant à donner un avis sur les changements d'emploi, de poste, de classifciation, sur l'aptitude à l'emploi, en disposant des informations notamment celles visées à l'article 2.1 précité de l'accord collectif, le texte de la décision unilatérale de l'employeur ne leur permettant pas d'examiner l'aptitude sur les GF de candidature prévu à l'accord collectif.

Le jugement sera donc confirmé en ce que le tribunal a considéré que la décision unilatérale du 30 août 2018 contrevenait à l'accord collectif du 13 juillet 2011, annulé cette décision unilatérale et enjoint à l'employeur, afin de respecter l'accord collectif, d'effectuer les mesures de remise en état telles que mentionnées au dispositif du jugement.

2- sur la demande de nullité des dispositions de la note du 13 juillet 2018 relative au 'NR mobilité'

L'appelante soutient que la motivation des premiers juges sur l'attribution des 'NR mobilité' est infondée, celle-ci ne relevant pas des prérogatives statutaires des CSP. Le dispositif NR se distingue de l'avancement au choix et doit être appréhendé séparément des autres dispositifs d'octroi de NR. Il s'agit d'une mesure complémentaire d'entreprise aux dispositions statutaires destinée à récompenser les salariés engagés dans un changement d'emploi. Le champ d'attribution des CSP est strictement défini par les dispositions statutaires, de sorte qu'elles n'ont pas vocation à être saisies de ces mesures pour avis. Elle fait état également d'un système qui aurait un effet bénéfique sur la revalorisation salariale par l'attribution de NR aux agents, compléterait le classement de ces derniers par GF et ne porterait pas atteinte au droit des salariés à bénéficier d'une promotion.

L'intimée fait valoir quant à elle que les CSP doivent être consultées sur tout avancement, qu'il résulte d'un texte réglementaire ou conventionnel ou d'une décision unilatérale de l'employeur conformément au statut national (article 3) et à la circulaire PERS 212 du 30 novembre 1951. La note du 13 juillet 2018 relative à la mesure d'accompagnement au changement d'emploi NR mobilité est illicite et viole les dispositions réglementaires de branche en ce qu'elle exclut tout avis préalable des CSP. Le dispositif a vocation à se substituer au GF ouvert au moment d'un changement d'emploi et porte atteinte au droit de promotion professionnelle. Elle conteste les affirmations de l'appelante sur les bienfaits du nouveau système, rappelle que ces considérations sont hors débat s'agissant de juger de la licéité d'une décision unilatérale.

Aux termes de l'annexe (article 3) du statut national du personnel des IEG, il est prévu notamment que les CSP [...]

- 'formulent un avis sur les demandes de changements d'affectation ou de classification non liées à une maladie professionnelle ou un accident du travail pour les agents du ou des collèges concernés;'

[...]

- émettent un avis sur les propositions d'avancement pour le ou les collèges concernés;'

[...].

Selon la circulaire PERS 212 du 30 novembre 1951 relative au classement, avancement et mouvements de personnel, les CSP 'sont compétentes pour les agents des échelles [groupes] 1 à 15 (employés, ouvriers et agents de maîtrise )'.[...]

Pour ces agents, il est disposé que 'le cas de l'intéressé est obligatoirement soumis par le chef d'exploitation ou du service à l'avis de la Commission Secondaire.' Il est également prévu aux termes de la circulaire qu'en cas de requête individuelle de l'agent, la réclamation est examinée en premier lieu par la commission secondaire puis le cas échéant par la commission supérieure nationale.

La convention du 31 mars 1982 relative à la réforme de la structure des rémunérations applicables au personnel des IEG indique également en son article 41 'règles de fonctionnement' qui concernent l'avancement (évolution à l'intérieur du groupe fonctionnel) et la promotion (changement de groupe fonctionnel) que l'avancement de niveau intervient au choix au 1er janvier de chaque année.

L'accord collectif au classement et aux structures d'emplois à RTE du 13 juillet 2011 ne remet pas en cause les droits fondamentaux des CSP et du salarié tels qu'inscrits dans les deux textes susmentionnés. Il est notamment indiqué au chapitre 'dispositions relatives à l'appréciation du professionnalisme' que 'la situation individuelle de chaque salarié fait l'objet d'un échange et peut faire l'objet d'une proposition managériale de reclassement lors de l'entretien annuel de professionnalisation. La décision est prise par le management après avis de la Commission Secondaire.'

La décision du 13 juillet 2018 mettant en place une 'mesure d'accompagnement au changement d'emploi' appelée NR mobilité indique notamment à la rubrique 'principes' que le dispositif 'permet de reconnaître l'engagement et l'initiative du salarié lors du changement d'emploi. Cette mesure permet également d'encourager et d'accompagner le changement d'emploi.'

A la rubrique 'modalités' (2.b), il est indiqué : 'une fois le candidat retenu le manager décide avec l'appui du SRH dans la limite autorisée par le budget relatif aux mesures salariales de l'attribution de un ou plusieurs NR mobilité dans la limite de 4NR toutes mesures confondues. La commission secondaire en est informée lors de la publication relative aux mesures salariales de RTE fixé annuellement.'

Il résulte de l'ensemble de ces textes que la mesure 'NR mobilité' affectant la situation professionnelle du salarié, contrevient aux textes précités notamment sur les prérogatives des CSP puisque désormais, selon la décision du 13 juillet 2018, son avis n'est plus demandé, s'agissant d'une simple information - peu important la pratique actuelle dont se prévaut l'employeur au regard d'un texte qui exclut l'avis préalable - information donnée en outre à une date à la discrétion de l'employeur et postérieurement à la décision de nomination.

Selon les explications de l'employeur aux termes de ses écritures, l'existence d'un NR mobilité se distingue de 'l'avancement au choix', le 1er visant à accompagner l'engagement et l'initiative du salarié lors du changement d'emploi, le 2nd visant à reconnaître les efforts réalisés dans l'emploi.

Cependant, sans remettre en question le droit de l'employeur de décider de la situation professionnelle d'un salarié, la mesure d'accompagnement au changement d'emploi 'NR mobilité' fait partie intégrante du changement d'emploi ou d'affectation, domaines dans lesquels les CSP disposent de prérogatives, notamment celles d'être consultées et de donner leur avis.

En conséquence, la décision unilatérale de l'employeur en date du 13 juillet 2018 instituant une 'nouvelle mesure de reconnaissance au changement d'emploi avec ou sans changement de PO à RTE : NR mobilité' (point 2) contrevient aux textes précités du statut national du personnel des IEG et de l'accord collectif du 13 juillet 2011, lequel n'a pas remis en cause la circulaire PERS 212 du 30 novembre 1951 s'agissant des droits des CSP et des salariés relatifs au classement, avancement et mouvements de personnel.

En l'absence d'un accord collectif modifiant celui du 13 juillet 2011, l'employeur ne peut se prévaloir d'éventuels bienfaits du nouveau système, en outre contestés par l'intimée qui apporte la preuve contraire, s'agissant de juger la conformité de ce système décidé unilatéralement, aux normes réglementaires et conventionnelles antérieures et non de porter une appréciation sur les bienfaits dudit système.

Le jugement sera confirmé en ce que le tribunal a :

- annulé les dispositions du paragraphe 2b 'modalités' de la décision D-DRH-EM-2018-011 du 13 juillet 2018, intitulée 'mesure d'accompagnement au changement d'emploi NR mobilité' prévoyant que 'La commission secondaire en est informée lors de la publication du relevé de décision de nomination' et le mode opératoire en date du 30 août 2018, de l'accord relatif au classement et aux structures d'emplois à RTE du 13 juillet 2011,

- enjoint à la société RTE de procéder à la consultation préalable des commissions secondaires du personnel pour recueillir leur avis avant toute attribution d'un « NR mobilité ».

3- sur les demandes d'astreinte et de publication de l'arrêt à intervenir

L'intimée sollicite la réformation du jugement au motif que le tribunal n'a pas condamné l'employeur à procéder à la publication à l'adresse des salariés de la décision dont appel, ni assorti les condamnations d'une astreinte. Elle indique, à l'appui de ses demandes, que les directions persistent à contourner les textes et à se soustraire aux effets du jugement.

L'appelante fait valoir que les affirmations de l'intimée sur l'exécution du jugement sont fausses et qu'il n'est pas justifié de la nécessité d'une condamnation sous astreinte et de la publication de l'arrêt aux salariés.

La demande de publication du jugement sous forme d'un communiqué adressé par l'employeur aux salariés a été rejetée par le tribunal au motif que la FNME-CGT ne rapportait pas la preuve d'un préjudice spécifique et de circonstances particulières justifiant une telle mesure.

Aucune élément du dossier ne permet de remettre en cause cette décision dont les motifs sont adoptés par la cour.

Il sera observé que l'intimée dispose de tous les moyens pour faire connaître à l'ensemble des salariés la présente décision.

Elle sera en conséquence déboutée de sa demande de publication de l'arrêt.

S'agissant de l'astreinte, le tribunal a considéré que la société RTE avait exécuté l'ordonnance de référé du 9 janvier 2019 et jugé que les difficultés signalées par la FNME-CGT ne concernaient que quelques cas individuels et non pas une impossibilité généralisée pour les CSP de donner leur avis.

Il convient de confirmer le jugement en ce que le tribunal a rejeté la demande d'astreinte, la nécessité d'assurer l'exécution de la décision par une astreinte n'étant pas démontrée.

4- sur la demande de dommages-intérêts

Aux termes de l'article L.2132-3 du code du travail, 'les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice.

Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.'

L'existence d'un préjudice et l'évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond.

La société RTE soutient que le préjudice n'est pas démontré, les CSP n'ayant subi aucune perturbation puisqu'elles ont continué à rendre des avis.

L'intimée fait valoir que les décisions unilatérales de l'employeur ont perturbé pendant plus d'un an le fonctionnement des CSP et des représentants des salariés y siégeant, ont porté atteinte aux textes de branche et d'entreprise et à l'intérêt collectif de la profession représenté par plusieurs centaines d'agents privés de leurs droits et d'une représentation efficiente en CSP.

En l'espèce, il est établi que l'employeur a porté atteinte aux droits des salariés et aux prérogatives des CSP ainsi qu'à l'intérêt collectif de la profession que l'intimée défend, en prenant des décisions relatives à l'emploi de façon unilatérale contrevenant aux dispositions statutaires, réglementaires et conventionnelles.

Il est en outre démontré par les pièces produites par l'intimée notamment les procès-verbaux des CSP dans différentes régions (pièces intimée n°14 à 19, 31,32,34,36 à 39), que les décisions unilatérales de l'employeur ont perturbé le fonctionnement des CSP, et ce même si celles-ci n'ont pas été privées de façon générale de leur droit de donner un avis, amenant même un syndicat à dénoncer l'accord collectif du 13 juillet 2011 en raison du non-respect des engagements conventionnels pris par l'employeur (pièce intimée n°27).

Le tribunal a justement évalué le préjudice de la FNME-CGT à la somme de 3 000 euros.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

L'intimée sera déboutée du surplus de sa demande.

5- sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

L'appelante qui succombe sera condamnée au paiement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel.

Elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

Elle sera condamnée aux dépens d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre du 28 février 2020,

Y ajoutant,

Déboute la Fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT (FNME-CGT) de sa demande tendant à voir porter le montant de la condamnation à titre de dommages-intérêts à 30 000 euros,

Déboute la Fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT (FNME-CGT) de sa demande tendant à voir ordonner à la société Réseau de transport d'électricité (RTE) la publication à l'adresse des salariés de l'entreprise d'un communiqué relatif au présent arrêt, et notamment son dispositif,

Condamne la société Réseau de transport d'électricité (RTE) à payer à la Fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT (FNME-CGT) la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

Déboute la société Réseau de transport d'électricité (RTE) de sa demande à ce titre,

Condamne la société Réseau de transport d'électricité (RTE) aux dépens et autorise la Selarl Minault Teriitehau, agissant par Me Stéphanie Teriitehau avocat, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens d'appel dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine BOLTEAU-SERRE, président, et par Mme Virginie BARCZUK, greffier placé, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier placé, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 20/00918
Date de la décision : 20/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-20;20.00918 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award