COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 51A
1re chambre 2e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 18 OCTOBRE 2022
N° RG 21/05230 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UWKB
AFFAIRE :
S.C.I. FAMAX
C/
M. [G] [M] [F]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Juin 2021 par le Tribunal de proximité de COURBEVOIE
N° RG : 11-20-0486
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 18/10/22
à :
Me Christophe DEBRAY
Me Katia DEBAY
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX HUIT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.C.I. FAMAX société civile immobilière représentée par son administrateur de biens, la SARL SIMS PARIS sise [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de son représentant légal, Monsieur [R] [C]
Ayant son siège
[Adresse 4]
[Adresse 4]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 21325
Représentant : Maître Karyn WEINSTEIN de la SELEURL WEINSTEIN AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E0997 -
APPELANTE
****************
Monsieur [G] [M] [F]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentant : Maître Katia DEBAY de la SELARL DEBAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 541 -
Représentant : Maître Stéphane LE BUHAN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C 1029
Madame [N] [E] [D] épouse [F]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentant : Maître Katia DEBAY de la SELARL DEBAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 541 -
Représentant : Maître Stéphane LE BUHAN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C 1029
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Juillet 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Agnès PACIONNI, Vice-présidente placée et Monsieur Philippe JAVELAS, président, chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
Madame Agnès PACCIONI, Vice-présidente placée,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé du 7 décembre 2015, la société Famax a donné à bail à M. [G] [F] et à son épouse, Mme [E] [D], pour une durée de trois ans renouvelable à compter du 1er février 2016, un logement et ses accessoires situés [Adresse 2], moyennant le paiement d'un loyer mensuel révisable initialement fixé à la somme de 4 800 euros, outre une provision sur charges mensuelle initialement fixée à la somme de 500 euros et le versement d'un dépôt de garantie d'un montant de 4 800 euros.
Suivant courrier recommandé en date du 18 juin 2017, M. et Mme [F] ont délivré à la bailleresse un congé des lieux loués et ont quitté les lieux le 20 juillet 2017, date à laquelle les parties ont établi un état des lieux contradictoire.
Par acte d'huissier de justice délivré le 8 juillet 2020, la société Famax a assigné M. et Mme [F] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Courbevoie aux fins de :
- condamner solidairement, à défaut in solidum, M. et Mme [F] à lui payer la somme de 4 108,88 euros au titre des loyers et charges impayés au 20 juillet 2017, après déduction du dépôt de garantie d'un montant de 4 800 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2017, date du courrier de mise en demeure,
- condamner solidairement, à défaut in solidum, M. et Mme [F] à lui payer la somme de 2 800 euros au titre des travaux de remise en état des lieux loués, avec intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 2018, date du courrier de mise en demeure,
- condamner solidairement, à défaut in solidum, M. et Mme [F] à lui payer la somme de 4 800 euros au titre de la privation de jouissance subie,
- condamner solidairement, à défaut in solidum, M. et Mme [F] à lui payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts,
- condamner solidairement, à défaut in solidum, M. et Mme [F] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre la charge des dépens de l'instance,
- rappeler que la décision est exécutoire de droit à titre provisoire.
Par jugement contradictoire du 3 juin 2021, le tribunal de proximité de Courbevoie a :
- déclaré la société Famax irrecevable en sa demande en paiement du loyer et des charges impayés pour la période du 1er au 20 juillet 2017 et restant dus en vertu du contrat de bail du 7 décembre 2015, cette demande étant atteinte par la prescription,
- débouté la société Famax de sa demande en paiement au titre du loyer et des charges impayés pour la période du 1er au 30 juin 2017 et restant dus en vertu du contrat de bail du 7 décembre 2015,
- dit que M. et Mme [F] étaient tenus solidairement de payer à la société Famax la somme de 500 euros au titre de réparations locatives effectuées dans les lieux, objet du contrat de bail du 7 décembre 2015,
- dit que M. et Mme [F] étaient tenus solidairement de payer à la société Famax la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts en raison de leur résistance abusive au paiement des loyers et charges dus en vertu du contrat de bail du 7 décembre 2015,
- débouté la société Famax de sa demande en dommages-intérêts en réparation d'une privation de jouissance formée à l'encontre de M. et Mme [F],
- déclaré M. et Mme [F] irrecevables en leur demande de dommages-intérêts en réparation de troubles de jouissance subis lors de l'exécution du contrat de bail du 7 décembre 2015 formée à l'encontre de la société Famax du fait de l'acquisition de la prescription de l'action,
- après compensation entre les dettes réciproques des parties à due concurrence, condamné la société Famax à payer à M. et Mme [F] la somme de 448,52 euros à titre de restitution du solde du dépôt de garantie prévu par le contrat de bail du 7 décembre 2015,
- condamné la société Famax d'une part et M. et Mme [F] d'autre part, à conserver la charge des dépens de l'instance qu'ils ont respectivement engagés,
- dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et, en conséquence, débouté la société Famax, d'une part, et M. et Mme [F] d'autre part, de leur demande formée à ce titre,
- rappelé que la décision était de droit exécutoire à titre provisoire,
- débouté la société Famax d'une part et M. et Mme [F] d'autre part de toutes autres demandes plus amples ou contraires au dispositif de la décision.
Par déclaration reçue au greffe le 10 août 2021, la société Famax a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 21 avril 2022, la société Famax, appelante, demande à la cour de :
- infirmer la décision attaquée en ce qu'elle :
* l'a déclarée irrecevable en sa demande en paiement du loyer et des charges impayés pour la période du 1er au 20 juillet 2017 et restant dus en vertu du contrat de bail du 7 décembre 2015, cette demande étant atteinte par la prescription,
* l'a déboutée de sa demande en paiement au titre du loyer et des charges impayés pour la période du 1er au 30 juin 2017 et restant dus en vertu du contrat de bail du 7 décembre 2015,
* l'a déboutée de sa demande en dommages-intérêts en réparation d'une privation de jouissance formée à l'encontre de M. et Mme [F],
* l'a condamnée à conserver la charge des dépens de l'instance qu'elle a engagés,
* a dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et en conséquence l'a déboutée de sa demande à ce titre,
* l'a condamnée à payer à M. et Mme [F] la somme de 448, 52 euros à titre de restitution du solde du dépôt de garantie prévu par le contrat de bail du 7 décembre 2015,
Statuant à nouveau,
- juger que M. et Mme [F] ont avoué judiciairement être débiteurs de l'arriéré de loyers réclamé,
- condamner solidairement M. et Mme [F] au paiement de la somme de 8 908,88 euros au titre de l'arriéré de loyers à son profit,
- dire que cette somme doit être ramenée à 4 108,88 euros compte tenu de la compensation intervenue entre la dette locative et le dépôt de garantie de 4 800 euros versé lors de la conclusion du contrat de bail,
- dire que la somme de 4 108,88 euros produira intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure de payer du 14 novembre 2017,
- condamner in solidum M. et Mme [F] au paiement de la somme 4 800 euros au titre de la privation de jouissance causée pendant la durée des travaux,
- condamner M. et Mme [F] à lui payer in solidum la somme de 2 000 euros de frais irrépétibles exposés en première instance et 5 000 euros à hauteur d'appel en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel,
- confirmer la décision attaquée pour le surplus et débouter les époux [F] de leur appel incident,
Y ajoutant,
- condamner solidairement M. et Mme [F] au paiement de la somme de 2 800 euros à son profit, au titre des travaux de remise en état de l'appartement avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de payer du 17 septembre 2018,
- condamner in solidum M. et Mme [F] au paiement de la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts à son profit.
Aux termes de leurs conclusions signifiées le 4 février 2022, M. et Mme [F], intimés et appelants à titre incident, demandent à la cour de :
- confirmer le jugement en date du 3 juin 2021 du juge du contentieux de la protection du tribunal de proximité de Courbevoie en ce qu'il a déclaré prescrit le loyer du mois de juillet 2017,
- confirmer le jugement en date du 3 juin 2021 du juge du contentieux de la protection du tribunal de proximité de Courbevoie en ce qu'il a déclaré non exigible le loyer de juin 2017,
- débouter la société Famax de sa demande au titre d'un prétendu aveu judiciaire de leur part d'être débiteurs de l'arriéré locatif des mois de juin et juillet 2017,
- confirmer le jugement en date du 3 juin 2021 du juge du contentieux de la protection du tribunal de proximité de Courbevoie en ce qu'il a débouté la société Famax de sa demande de dommages-intérêts pour privation de jouissance pendant la durée des travaux qui auraient été réalisés par l'entreprise de bâtiment CZUBA,
- débouter la société Famax de sa demande de dommages-intérêts pour privation de jouissance pendant la durée des travaux qui auraient été réalisés par l'entreprise de bâtiment CZUBA,
- infirmer le jugement en date du 3 juin 2021 en ce qu'il :
* les a condamnés à verser la somme de 500 euros au titre de réparations locatives,
* les a condamnés à verser la somme de 500 euros à titre de résistance abusive,
* a déclaré irrecevable leur demande au titre des troubles de jouissance subis,
Statuant à nouveau,
- dire et juger que les frais de remise en état du logement relèvent de la vétusté,
- débouter la société Famax de sa demande de condamnation à leur encontre au paiement d'une somme de 2 800 euros pour des prétendues dégradations,
- débouter la société Famax de sa demande de condamnation à leur encontre au paiement d'une somme de 1 000 euros pour résistance abusive,
- dire et juger que la signification d'une assignation en recouvrement de loyers à une date proche de la prescription interrompt la prescription pour faire valoir des troubles de jouissance subis par les locataires,
- dire et juger que la société Famax a manqué à son obligation d'entretenir les lieux loués,
- dire et juger qu'ils ont subi des troubles de jouissance pendant la durée du bail,
- condamner la société Famax à leur verser :
* la somme de 10 605,36 euros de dommages-intérêts en réparation des troubles de jouissance subis et de la violation de ses obligations,
*la somme de 4 800 euros à titre de remboursement du dépôt de garantie,
- dire et juger que la société Famax reste tenue de la somme de 15 405,36 euros au titre du dépôt de garantie et des dommages-intérêts en réparation des troubles de jouissance subis,
- leur donner acte de ce qu'ils reconnaissent devoir la somme de 5 302,68 euros correspondante au loyer du mois de mai 2017 à titre d'arriérés de loyers,
- par compensation, condamner la société Famax à leur verser la somme de 10 102,68 euros,
- condamner la société Famax à leur verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Famax aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 23 juin 2022.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I) Sur la demande en paiement des loyers des mois de juin et juillet 2017 (4 108, 88 euros)
La société Famax, bailleresse appelante, expose que le montant des loyers impayés au titre des mois de juin et juillet 2017, s'élève à la somme totale 8 908, 88 euros, soit, après déduction du dépôt de garantie de 4 800 euros, un montant de 4 108, 88 euros.
Elle fait grief au premier juge d'avoir déclaré prescrite la demande en paiement du loyer du mois de juillet 2017, en faisant valoir que les époux [F] avaient reconnu devoir cette somme dans leurs premières écritures devant le premier juge, et que cet aveu judiciaire était irrévocable.
Elle soutient, par ailleurs, que le premier juge a commis une erreur en condamnant les époux [F] à payer la somme de 3 351, 48 euros au titre du loyer du mois de juin 2017, alors que cette somme correspond, en fait, à l'échéance du mois de juillet 2017.
Les époux [F] s'opposent à la demande et concluent à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a :
- déclaré prescrite la demande en paiement des loyers du mois de juillet 2017, en faisant valoir que cette demande se heurte à la prescription triennale de l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989 et qu'il n'y a pas, contrairement à ce que soutient la bailleresse, eu d'aveu judiciaire, dès lors que le premier jeu de conclusions n'a jamais été développé devant le tribunal de proximité ni déposé entre les mains du juge de ce tribunal,
- leur règlement de la somme de 5 500 euros, effectué le 4 juillet 2017, a été imputé par la bailleresse sur le loyer du mois de juin 2017, en sorte que c'est à bon droit que le premier juge a débouté la bailleresse de sa demande en paiement du mois de juin 2017.
Réponse de la cour
a) Loyer du mois de juin 2017.
Il ressort de l'analyse de l'historique du compte produit par la société bailleresse que le montant du loyer s'élève, pour le mois de juin 2017, à la somme de 5 302,68 euros et non de 3 351,48 euros, comme indiqué par erreur par le premier juge, ce dernier montant correspondant au loyer dû pour la période du 1er au 20 juillet 2017 et calculé donc au prorata de la durée d'occupation.
L'exception de prescription n'est pas soulevée concernant le loyer du mois de juin 2017.
Par suite, les époux [F] doivent être condamnés à payer la somme de 5 302,68 euros.
b) Loyer du mois de juillet 2017
La bailleresse, sans contester l'application combinée des dispositions de l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989 et des ordonnances n°2020-306 et n° 2020-666 des 25 mars et 03 juin 2020 portant prorogation des délais de prescription, soutient que le premier juge aurait néanmoins dû accueillir sa demande en paiement en raison du fait que les époux [F] ont reconnu dans un premier jeu d'écritures devoir cette somme et que cet aveu judiciaire fait pleine foi contre eux.
Les époux [F] répliquent que l'aveu figurant dans le premier jeu de conclusions n'a pas été fait devant le juge puisque ce premier jeu d'écritures n'a pas été soumis au tribunal de proximité et qu'il ne constitue pas, dès lors, un aveu judiciaire au sens de l'article 1356 ancien du code civil.
La règle selon laquelle l'aveu judiciaire est irrévocable fait obstacle à la prescription invoquée ( Soc. 2 décembre 1970 ' Bull.Civ.nº680 p.554 ; Civ.1 25 octobre 1972 ' Bull.Civ.1 nº216 p.187 ' Civ.1 17 janvier 1995 ' Bull.Civ.1 nº38 p.26).
Conformément aux dispositions de l'article 1356 ancien du code civil, devenu 1383-2, l'aveu judiciaire est la déclaration que fait en justice la partie ou son représentant spécialement mandaté; il fait foi contre celui qui l'a fait ; il ne peut être divisé contre son auteur ; il est irrévocable, sauf en cas d'erreur de fait.
Il revient à la société Famax de justifier du bien fondé du moyen qu'elle soulève tiré de l'aveu judiciaire.
L'aveu doit émaner de la partie à laquelle on l'oppose. Il peut être exprès ou tacite s'il émane du débiteur. Les déclarations d'un tiers ne peuvent valoir aveu, mais constituent un simple témoignage.
La déclaration d'une partie ne peut être retenue contre elle, comme constituant un aveu, que si elle porte sur des points de fait et non sur des points de droit.
La reconnaissance en justice d'une dette à son créancier portant sur une somme déterminée constitue un aveu portant sur un point de fait, à savoir le montant de la somme restant due, et non sur un point de droit.
L'aveu exige de la part de son auteur une manifestation non équivoque de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques.
En il est produit deux jeux de conclusions prises en première instance par les époux [F], défendeurs à l'instance :
- la première, qui s'intitule ' conclusions responsives' indique, page 11, ' les époux [F] reconnaissent être redevables de la somme de 8 654, 40". Cette somme inclut les termes des mois de juin et juillet 2017. Il est demandé, dans le ' par ces motifs' au juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Courbevoie de ' donner acte aux époux [F] de ce qu'ils reconnaissent devoir la somme de 8 525, 84 euros au titre des arriérés de loyers',
- la deuxième, qui s'intitule ' conclusions responsives n°2", qui indique, page 11, ' les époux [F] reconnaissaient être redevables de la somme de 8 654, 40 euros, avant qu'il ne leur soit opposé la prescription de trois ans'. Il est demandé, dans le ' par ces motifs' au juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Courbevoie de
A titre principal ' donner acte aux époux [F] de ce qu'ils reconnaissent devoir la somme de 8 525, 84 euros au titre des arriérés de loyers',
A titre subsidiaire ' Vu la prescription des trois ans quant à l'exigibilité des loyers prévue par l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989....'
- Dire et juger prescrite l'action pour recouvrer les loyers avant le 8 juillet 2017,
- Dire et juger que les époux [F] ont subi des troubles de jouissance sur la période du 8 au 20 juillet 2020,
- Débouter la SCI Famax de sa demande de condamnation à verser les loyers antérieurs au 8 juillet 2017,
- Dire et juger que la partie du loyer du 8 au 20 juillet 2020 ne saurait être supérieure à 2 080 euros,
- Débouter la SCI Famax de sa demande de condamnation à verser les loyers du 8 au 20 juillet 2017"
Dans le jugement déféré, les époux [F] ont demandé le bénéfice de leurs dernières écritures et le premier juge relève, dans l'exposé du litige, reprenant les conclusions des époux [F] :
' Sur les comptes entre les parties, ils (les époux [F]) confirment qu'ils doivent être arrêtés au 20 juillet 2017, date à laquelle ils ont quitté les lieux, objet du contrat de bail du 7 décembre 2015, et reconnaissent être redevables de la somme de 8 654, 40 euros au titre des loyers et charges impayés. Ils considèrent, à titre principal, que, par compensation, la SCI Famax, qui leur est redevable de la somme de 10 605, 36 euros à titre de dommages et intérêts et de la somme de 4 800 euros à titre de restitution du dépôt de garantie, doit donc être condamnée à leur payer la somme de 6 750, 96 euros. Subsidiairement, dans l'hypothèse où la prescription de leur demande en dommages et intérêts au titre des troubles de jouissance serait retenue, ils font valoir que la même prescription devrait être appliquée aux demandes formées par la SCI Famax pour les sommes échues antérieurement au 8 juillet 2017 et que, du fait des troubles de jouissance subis durant la période du 8 au 20 juillet 2017, la bailleresse doit être déboutée de ses demandes portant sur les sommes échues durant cette période'.
Il s'ensuit que les époux [F] ont reconnu être redevables des loyers du mois de juillet dans leurs premières conclusions, que cet aveu judiciaire, qui a été fait dans le cadre de l' instance judiciaire les opposant à la société Famax, même si les conclusions libellées à l'intention de Mme le président du tribunal de proximité de Courbevoie n'ont été signifiées qu'au conseil de la partie adverse, est irrévocable, d'autant plus, qu'il a été réitéré devant le premier juge, à qui les époux [F] ont demandé, à titre principal, de leur donner acte de ce qu'ils reconnaissaient être redevables des loyers du mois de juillet 2022 et qu'ils n'ont soulevé la prescription qu'à titre subsidiaire, et sur la seule période allant du 1er au 8 juillet 2017.
Par suite et du fait de cet aveu judiciaire, les loyers du mois de juillet 2017 - 3 421, 08 euros- sont dus.
La société Famax produit un décompte faisant apparaître que les époux [F] demeurent redevables de la somme de 8 908, 88 euros.
Partant les époux [F] seront condamnés à payer, au titre de l'arriéré locatif et déduction opérée du dépôt de garantie et des frais de relance qui ne constituent pas une dette locative (120 + 120 +14,40) , une somme de 3 854, 48 euros (8 908,88 - 4 800 - 120 -120 - 14,40).
Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 8 juillet 2020, date de l'assignation valant sommation de payer, dès lors que les accusés de réception des mises en demeure antérieures des 5 décembre 2017 et 17 septembre 2018, ne sont pas versés aux débats par la bailleresse qui ne justifie pas, de ce fait, de la réception par ses locataires des lettres de mise en demeure.
II) Sur la demande de la bailleresse au titre des réparations locatives (2 800 euros)
La société bailleresse fait grief au premier juge d'avoir limité la condamnation de ses locataires à lui payer une somme de 500 euros sur les 2 800 euros qu'elle réclamait au titre des réparations locatives.
Elle souligne que le premier juge n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de la présomption de responsabilité qui pèse que les époux [F].
Les époux [F], formant appel incident, concluent au débouté des époux [F] de leur demande en paiement en soulignant, comme devant le premier juge, que les dégradations alléguées par la bailleresse sont imputables à la vétusté.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire doit user paisiblement des lieux loués et répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d'un tiers qu'il n'a pas introduit dans le logement. Il existe ainsi une présomption de responsabilité qui pèse sur le locataire.
Le locataire est, en outre, tenu de restituer les locaux dans un état n'appelant pas d'observations par rapport à leur délivrance.
L'article 1731 du Code civil dispose que, s'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire.
En l'espèce, le premier juge a pertinemment relevé que, de 2011 à 2015, les époux [F] n'avaient pas la qualité de locataire mais étaient occupants du chef de la société Carterpillar, et que, lorsqu'ils ont acquis la qualité de preneurs en titre par la signature d'un nouveau bail, en 2015, aucun état des lieux d'entrée n'a été établi, de sorte qu'ils doivent être réputés avoir pris les lieux en bon état, en application des dispositions de l'article 1731 du code civil.
Toutefois, la société Famax produit devant la cour - pièce n°4 de l'appelante - un état des lieux de sortie, composé de tableaux, accompagnés de nombreuses de photocopies en noir et blanc de photographies, de si médiocre qualité que la cour n'est pas en mesure d'apprécier, au vu de ce document en grande partie inexploitable, la nécessité de procéder au nettoyage complet de la cuisine et de ses équipements pour un montant de 1 200 euros, au remplacement des plaques de cuisson, de la hotte, de la crédence et au ponçage du plan de travail pour un montant de 2 000 euros.
Dès lors, la preuve des dégradations alléguées n'étant pas rapportée par la bailleresse, cette dernière sera déboutée de sa demande d'indemnisation, le jugement déféré étant infirmé en ce qu'il a condamné les époux [F] à payer à la société Famax une somme de 500 euros.
III) Sur la demande indemnitaire au titre de la privation de jouissance de la bailleresse pendant la durée des travaux (4 800 euros)
La société Famax fait grief au premier juge de l'avoir déboutée de sa demande d'indemnité et fait valoir que l'importance des travaux l'a empêchée de relouer le bien immédiatement et qu'il en est résulté pour elle une perte de jouissance.
Les époux [F] concluent à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la bailleresse de cette demande en faisant valoir que la privation de jouissance n'est pas établie.
Réponse de la cour
La société Famax produit une facture de travaux d'un montant de 39 600 euros toutes taxes comprises.
Toutefois elle ne rapporte pas la preuve, lui incombant, que les travaux effectués après le départ des preneurs et, partant la privation de jouissance qui en est résultée pour elle selon ses dires, seraient imputables à des dégradations commises par les époux [F], de sorte que le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Famax de sa demande en paiement de ce chef.
IV) Sur la demande d'indemnisation du trouble de jouissance invoqué par les époux [F]
Les époux [F], formant appel incident, font grief au premier juge d'avoir déclaré prescrite leur demande en indemnisation de leur préjudice de jouissance.
Il font valoir que la prescription a été interrompue par l'assignation délivrée par la bailleresse en limite de prescription, en soulignant que ' la signification d'une assignation en recouvrement des loyers proche de la date de prescription emporte interruption de la prescription quant aux troubles de jouissance subis par ls locataires'.
La bailleresse conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré la demande prescrite, motif pris de ce que l'assignation n'interrompt le délai de prescription qu'à l'égard de celui qui prescrit.
Réponse de la cour
Le premier juge a exactement relevé que la demande indemnitaire des époux [F] se prescrivait par trois ans en application de l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989, que le point de départ de la prescription, s'agissant d'un fait continu dans le temps, se situait au jour où le trouble de jouissance avait cessé, soit le 20 juillet 2017, et que la demande reconventionnelle ayant été formée pou rla première fois, lors de l'audience du 8 avril 2021, la demande se trouvait prescrite.
Les époux [F] ne peuvent faire valoir utilement à hauteur de cour que l'assignation délivrée le 8 juillet 2020 par leur bailleresse a interrompu la prescription qui leur est opposée, l'assignation n'interrompant la prescription qu'à l'égard de celui qui l'a formée, en l'occurrence, la société civile immobilière Famax.
Le jugement déféré sera, par suite, confirmé, en ce qu'il a déclaré prescrite la demande indemnitaire des époux [F].
V) Sur la demande de dommages et intérêts de la bailleresse pour résistance abusive (1000 euros)
La société Famax fait valoir qu'elle a subi un préjudice, évalué à 1 000 euros, du fait de la résistance opposée par ses locataires, consistant en :
- un préjudice moral du fait de l'exécution défectueuse par ses locataires de leurs obligations contractuelles, évalué à 500 euros,
- un préjudice matériel du fait de l'envoi de deux mises en demeure pour un montant de 500 euros.
Les époux [F] répliquent que leur condamnation au paiement de la somme de 500 euros pour résistance abusive est injustifiée, dès lors que le décompte locatif qui leur a été adressé par la bailleresse est erroné, que leur demande de communication d'un décompte locatif s'est heurté à un refus de la société Famax, qu'enfin leur résistance était parfaitement justifiée, en raison de la vétusté des équipements locatifs.
Réponse de la cour
Il résulte de l'article 1382, devenu 1240, du code civil que l'action en justice constitue un droit qui ne dégénère en abus qu'en cas de faute.
En l'espèce, la faute des époux [F], dont les objections aux demandes indemnitaires de leur bailleresse sont, en partie, bien fondées, n'est pas caractérisée.
Leur résistance aux demandes en paiement de leur bailleresse ne peut, par suite, être qualifiée de fautive et donc d'abusive.
Le jugement sera par suite infirmé en ce qu'ils a condamné les époux [F] à payer une indemnité de 500 euros à la société Famax à titre de dommages et intérêts.
VI) Sur les demandes accessoires
Chacune des parties succombant partiellement, il sera fait masse des dépens de la procédure d'appel qui seront partagés par moitié entre les parties ; les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens de première instance et aux frais irrépétiblese non compris dans ces mêmes dépens, seront, par ailleurs, confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'exception de celles ayant :
- déclaré la société civile immobilière Famax irrecevable en sa demande en paiement des loyers dus pour la période allant du 1er au 20 juillet 2017,
- débouté la société civile immobilière Famax de sa demande en paiement d'un arriéré locatif pour la période allant du 1er au 30 juin 2017,
- condamné M. [G] [F] et Mme [N] [F] née [D] à payer à la société civile immobilière Famax une somme de 500 euros au titre des réparations locatives et une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés
Condamne solidairement M. [G] [F] et Mme [N] [F] née [D] à payer à la société civile immobilière Famax une somme de 3 854, 48 euros au titre de l'arrriéré locatif, avec intérêts au taux légal à compter du 8 juillet 2020, date de l'assignation valant sommation de payer ;
Déboute la société civile immobilière Famax de ses demandes en paiement au titre des réparations locatives et en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute M. [G] [F] et Mme [N] [F] née [D] et la société civile immobilière Famax de leur demande en paiment ;
Fait masse des dépens de la procédure d'appel et dit qu'ils seront partagés par moitié entre, d'une part, M. [G] [F] et Mme [N] [F] née [D], et d'autre part, la société civile immobilière Famax.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Anne-Sophie COURSEAUX, Faisant Fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffierLe président,