COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 13 OCTOBRE 2022
N° RG 20/00634
N° Portalis DBV3-V-B7E-TZGB
AFFAIRE :
[F] [V]
C/
S.N.C. INEO POSTES ET CENTRALES SNC
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 février 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOULOGNE- BILLANCOURT
N° Section : I
N° RG : 18/00428
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Juliette MASCART
Me Florence MERCADE-CHOQUET
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TREIZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [F] [V]
né le 03 mars 1982 à [Localité 4] (25)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Juliette MASCART, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1125
APPELANT
****************
S.N.C. INEO POSTES ET CENTRALES SNC
N° SIRET : 419 212 840
[Adresse 5]
Le [Adresse 5]
[Localité 2]
Représentant : Me Laurent CLEMENT-CUZIN de la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER, Plaidant, avocat au barreau de GRENOBLE, vestiaire : B20 et Me Florence MERCADE-CHOQUET de la SELARL LMC PARTENAIRES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 220
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 septembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,
Greffier placé lors des débats : Madame Virginie BARCZUK
Vu le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 14 février 2020,
Vu la déclaration d'appel de M. [F] [V] du 3 mars 2020,
Vu les conclusions de [F] [V] du 22 juin 2022
Vu les conclusions de la société Ineo postes et centrales du 4 juillet 2022,
Vu l'ordonnance de clôture du 6 juillet 2022.
EXPOSE DU LITIGE
La société Ineo postes et centrales, filiale du groupe Engie, dont le siège social est situé [Adresse 5], à [Localité 6], est spécialisée dans les travaux d'installation électrique. Elle emploie plus de dix salariés.
La convention collective nationale applicable est celle des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992.
M. [F] [V] a été engagé par la société Ineo postes et centrales par contrat de travail à durée déterminée à compter du 1er février 2010 en qualité de monteur électricien.
Le 1er août 2010, la relation de travail s'est poursuivie selon contrat de travail à durée indéterminée.
Au début de l'année 2017, M. [V] s'est régulièrement vu délivrer des arrêts de travail pour cause de maladie.
Le 15 septembre 2017, à l'issue d'une visite médicale sollicitée par la société Ineo postes et centrales, le médecin du travail a conclu à l'aptitude de M. [V] avec aménagement de poste.
Le médecin du travail préconisait en ce sens : « apte avec aménagement de poste, éviter de tirer des câbles, de porter ou de transporter des charges de plus de 15 kg, d'utiliser la nacelle, envisager un poste évitant tous ces risques, envisager un autre poste sans ces risques : administratif chantier ».
Le 27 octobre 2017, M. [V] a été déclaré apte par le médecin du travail à la conduite d'engins de chantier mais inapte aux travaux en hauteur ainsi qu'à la conduite de nacelle.
Le 18 décembre 2017, à l'issue d'une visite médicale de reprise, le médecin du travail a déclaré M. [V] inapte à son poste, précisant qu'une formation bureau d'études ou administratif d'électrotechnicien était souhaitable.
Par courrier en date du 30 janvier 2018, la société Ineo postes et centrales a convoqué M. [V] à un entretien préalable à un licenciement fixé au 12 février 2018.
Par courrier en date du 15 février 2018, la société Ineo postes et centrales a notifié à M. [V] son licenciement pour inaptitude dans les termes suivants :
« A la suite de votre visite de reprise en date du 18 décembre 2017, le médecin du travail vous a déclaré inapte au poste de monteur électricien que vous occupez au sein de notre société depuis le 1er février 2010.
Le médecin du travail a rendu les conclusions suivantes : « Inapte à son poste actuel de monteur électricien (article L.4624-4 du code du travail) ».
Cet avis a été rendu suite à des études de poste et des conditions de travail réalisées par le médecin du travail en date du 29 novembre 2017.
Le médecin nous précise dans l'avis et dans son courrier électronique daté du 8 janvier : «Formation bureau d'études ou administratif d'électrotechnicien souhaitable », « Technicien en bureau d'études ou un poste administratif dans un bureau, sans déplacement, et après une formation adaptée lui serait nécessaire ».
Comme nous vous en avions informé dans notre courrier du 11 janvier 2018 ainsi que lors de l'entretien préalable du 12 février 2018, nous avons tenté de rechercher des postes de reclassement à l'échelle de notre entreprise mais également de notre groupe en tenant compte des conclusions du médecin du travail, mais cette recherche a été vaine.
En effet, les seuls postes correspondant aux indications de la médecine du travail sont pourvus ou trop éloignés de vos compétences professionnelles.
Vous avez notamment évoqué la possibilité d'être reclassé sur des postes de dessinateur, mais il s'agit d'un métier tout à fait différent du vôtre et qui nécessiterait une formation initiale et des compétences techniques spécifiques dont vous ne disposez pas.
Nous avons informé les délégués du personnel de cette impossibilité de reclassement et leur constat a rejoint le nôtre.
Devant cette situation, nous vous informons par la présente que nous devons procéder à votre licenciement pour impossibilité de reclassement suite à inaptitude médicalement constatée. ».
Par requête reçue au greffe le 30 mars 2018, M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt aux fins de contester son licenciement et de voir condamner la société Ineo postes et centrales au versement de diverses sommes indemnitaires et salariales.
La société Ineo postes et centrales a quant à elle conclu au débouté du salarié et sollicité sa condamnation à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'issue de l'audience du bureau de jugement du 8 octobre 2018, les conseillers se sont mis en partage de voix. L'affaire a ainsi été évoquée à l'audience du 13 décembre 2019, sous la présidence du juge départiteur.
Par jugement rendu le 14 février 2020, la section industrie du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt a :
- débouté M. [V] de l'ensemble de ses demandes,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [V] aux dépens.
M. [V] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 3 mars 2020.
Aux termes de ses conclusions du 22 juin 2022, M. [F] [V] demande à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement
Statuant de nouveau de :
A titre principal,
- juger le licenciement nul, en conséquence,
- condamner la société Engie Ineo postes et centrales à payer à M. [V] la somme de 35 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,
A titre subsidiaire,
- juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, en conséquence,
- condamner la société Engie Ineo postes et centrales à payer à M. [V] la somme de 25 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause,
- condamner la société Engie Ineo postes et centrales à payer à M. [V] les sommes suivantes :
. 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation et d'adaptation,
. 5 754,10 euros à titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement,
. 5 700 euros à titre de solde de l'indemnité compensatrice de préavis,
. 570 euros au titre des congés payés y afférents,
. 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- assortir les condamnations des intérêts légaux à compter de la demande,
- ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,
- débouter la société Engie de ses demandes,
- condamner la société Engie Ineo aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions du 4 juillet 2022, la société Ineo postes et centrales demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- débouté M. [V] de l'ensemble de ses demandes,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [V] aux dépens.
Y ajoutant,
- condamner M. [V] à verser à la société Ineo postes et centrales la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [V] aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l'audience et rappelées ci-dessus.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- sur la demande de nullité du licenciement
Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, dans sa version applicable à la présente espèce, 'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison [...] de son état de santé [...]'.
L'article 1134-1 dudit code dispose que 'lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.'
M. [V] soutient que son licenciement est nul car prononcé, non pas en raison d'une impossibilité matérielle de reclassement qu'il juge inexistante, mais en raison de son état de santé ce qui constitue une discrimination prohibée.
La société Ineo postes et centrales fait valoir que M. [V] ne présente aucun élément laissant supposer l'existence d'une discrimination, le seul manquement de l'employeur à l'obligation de reclassement ne permettant pas d'établir à lui seul une discrimination liée à l'état de santé.
A l'appui de sa demande de nullité du licenciement pour discrimination, M. [V] s'appuie sur les termes d'un avertissement notifié par l'employeur le 27 juillet 2017 alors qu'il se trouvait en arrêt de travail entre le 23 janvier et le 31 mars 2017 de façon presque continue à l'exception d'une semaine entre le 7 et le 13 février, puis d'une semaine entre le 25 février et le 3 mars 2017.
L'avertissement a été adressé certes pendant l'arrêt de travail de M. [V] du 18 juillet au 2 août 2017, M. [V] ayant donc été en activité du 1er avril au 17 juillet 2017, mais pour des faits reprochés s'étant déroulés le 11 juillet pour l'un (refus d'effectuer un travail), la semaine du 10 au 13 juillet pour l'autre (mauvaise exécution d'un travail, en l'espèce raccordement de câble à quartes à l'envers, ayant pour conséquence un retard des travaux du chantier).
Le motif général visé par l'avertissement lequel précise de façon détaillée les faits reprochés, est le comportement du salarié, un changement d'état d'esprit depuis plusieurs mois se traduisant par un refus d'effectuer convenablement la prestation de travail et un manque de solidarité vis-à-vis des collègues de travail.
Si le salarié a contesté la sanction au motif que le changement d'état d'esprit était en fait un changement d'état de santé, il n'est pas établi qu'il ait informé l'employeur d'un problème de santé pouvant justifier le refus d'exécuter le travail demandé. Aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que le médecin du travail ait émis à l'époque, entre avril et juillet 2017, de réserve concernant l'aptitude physique du salarié.
En conséquence, il n'est pas établi que M. [V] ait été licencié en raison de son état de santé et ainsi victime d'une discrimination justifiant sa demande de nullité du licenciement pour ce motif
Le jugement sera confirmé en ce que les premiers juges ont rejeté la demande de nullité du licenciement de M. [V] et sa demande d'indemnisation sur ce fondement.
2- sur la demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse
Aux termes de l'article L.1226-2 du code du travail, 'lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.
Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.'
M. [V] fait valoir que le licenciement est dépourvu de motif réel et sérieux en l'absence de mise en place des aménagements de poste préconisés par le médecin du travail le 15 septembre 2017, l'absence de consultation des délégués du personnel, l'absence de recherche sérieuse de reclassement et en dépit de son obligation de formation et d'adaptation.
La société Ineo postes et centrales soutient qu'aucun manquement à l'obligation de consultation des délégués du personnel de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse n'a été commis, qu'elle justifie avoir satisfait à son obligation de reclassement, obligation de moyen, qui n'implique pas l'obligation d'assurer une formation pour occuper un nouveau poste relevant d'un autre métier.
- sur la consultation des délégués du personnel
Conformément au 3ème alinéa de l'article L.1226-3 précité, la proposition de reclassement est soumise à l'avis du comité social et économique. En l'absence de comité, elle est soumise aux délégués du personnel.
En l'espèce, il résulte d'une note du 25 janvier 2018 en vue de la réunion des délégués du personnel du 29 janvier 2018 que l'avis de ces derniers a bien été sollicité sur les possibilités de reclassement. La note rappelle les différents avis et conclusions du médecin du travail dont les dernières conclusions du 8 janvier 2018 déclarant M. [V] inapte à son poste actuel de monteur électricien, les recherches de reclassement effectuées cependant vaines.
S'il résulte notamment d'un écrit de M. [N] délégué du personnel que ce dernier reproche à l'employeur d'avoir pris une décision sur l'impossibilité de reclassement hors sa présence et celle de M. [M], autre délégué, il est établi qu'ils ont bien été consultés préalablement à la décision, aucun formalisme n'étant en outre exigé pour leur consultation, laquelle peut être effectuée par message électronique, comme en l'espèce, ce dont il est justifié par M. [V] lui-même qui produit le message aux délégués du 25 janvier 2018.
En outre, il est établi par un message envoyé le 29 janvier en réponse à la convocation, que M. [R], délégué du personnel, a indiqué avoir pris connaissance de l'inaptitude de M. [V], relevant que ce dernier ne l'avait pas consulté ou sollicité. Il mentionne ne pas avoir de 'réclamations ni d'information des DP ouvriers', ni de 'remarques sauf son avis favorable sur la procédure de reclassement de M. [V] qui est aujourd'hui un échec.'
Comme le relèvent les premiers juges, l'absence des délégués à la réunion ou l'absence d'avis ne peut être imputée à l'employeur qui justifie avoir satisfait à son obligation de consultation en informant les délégués et en les conviant à la réunion du 29 janvier 2018.
Aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que la réunion des délégués du personnel n'a pas eu lieu ou que leur avis n'a pas été recueilli comme l'affirme M. [V] dans ses écritures, le message de M. [R] démontrant le contraire.
Le jugement sera confirmé en ce que les premiers juges ont considéré qu'aucune irrégularité tirée de l'absence de consultation des délégués du personnel n'était établie.
- sur l'adaptation du poste et le reclassement
S'agissant de l'adaptation, M. [V] fait grief à l'employeur de ne pas avoir mis en place des aménagements de poste préconisés par le médecin du travail le 15 septembre 2017 ce qui démontrerait selon lui que l'employeur n'avait pas l'intention d'apporter des adaptations nécessaires à son état de santé.
Suite à une visite médicale du 15 septembre 2017 sollicitée par l'employeur, le médecin du travail a conclu le même jour que M. [V] était apte avec aménagement de poste de monteur électricien : 'éviter de tirer des câbles, de porter ou transporter des charges de plus de 15 kg, d'utiliser la nacelle, envisager un autre poste sans ces risques : administratif chantier.'
En l'espèce, M. [V] n'a repris son activité qu'entre le 3 août et le 22 octobre 2017, dont une partie de congés payés selon les documents produits. Aucun élément du dossier n'établit que M. [V] a été contraint d'effectuer des tâches contraires aux prescriptions du médecin du travail entre le 15 septembre et le 22 octobre 2017. Ni à cette période ni même postérieurement à son licenciement aux termes de sa lettre contestant le motif de son licenciement, M. [V] n'a dénoncé un comportement de l'employeur préjudiciable au salarié pendant cette courte période.
En tout état de cause, il est établi que l'employeur a, dès le 9 novembre 2017, sollicité la médecine du travail pour l'étude du poste de M. [V] comme en atteste l'échange de messages avec la médecine du travail que produit l'employeur.
Après études de poste réalisées par un ergonome, le médecin du travail, par déclaration du 18 décembre 2017, a conclu à l'inaptitude de M. [V] à son poste actuel de monteur électricien avec la mention 'formation bureau d'étude ou administratif d'électronicien souhaitable.'
En réponse à une demande de précision de l'employeur, le médecin du travail, par message du 8 janvier 2018, a indiqué 'pour la fiche d'aptitude de M. [F] [V], je précise de technicien en bureau d'étude ou un poste administratif dans un bureau sans déplacement et après une formation adaptée lui serait nécessaire.'
Il en résulte qu'aucun aménagement du poste de monteur électricien n'était possible, compte tenu des restrictions ordonnées et du descriptif du poste de monteur électricien, le médecin du travail envisageant un poste administratif.
En conséquence, seul le reclassement de M. [V] sur un autre poste était possible, de sorte que les premiers juges ont à bon droit considéré qu'aucun reproche ne pouvait être fait à l'employeur sur l'adaptation du poste.
S'agissant du reclassement, conformément aux dispositions précitées de l'article L.1226-2 du code du travail, l'employeur doit proposer un emploi aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé. Il peut être amené ainsi à assurer une formation complémentaire au salarié pour permettre le reclassement dans un autre poste même plus qualifié.
Cependant, l'obligation de reclassement n'implique pas l'obligation d'assurer une formation de base différente de la sienne pour occuper un nouveau poste relevant d'un autre métier.
En l'espèce, il résulte des pièces produites notamment des messages accompagnés d'une lettre explicative de la situation du salarié - conclusions du médecin du travail, prise en charge par la société Ineo postes et centrales des frais de formation à une éventuelle adaptation à un poste de reclassement proposé -, adressés par l'employeur que, dès le 11 janvier 2018, des recherches ont été entreprises auprès des responsables RH du groupe Engie aux fins de reclassement de M. [V] (pièce n°11 intimée : message adressé à 67 personnes chez Ineo, Engie, EDF, GRDF, GRT gaz, Endel, Axima).
Il est justifié des réponses négatives émanant des sociétés du groupe (absence de poste, poste déjà pourvu ...).
De même, il est justifié que les offres d'emploi communiquées par M. [V] n'étaient plus disponibles, le poste ayant été pourvu par une mutation interne ou le recrutement gelé du fait de la vacance de la direction d'agence.
M. [V] affirme que son reclassement aurait pu être envisagé sur un poste de dessinateur en bureau d'études, avec une formation complémentaire, se prévalant d'un message adressé par l'inspecteur du travail à l'employeur du 15 février 2018 aux termes duquel il est indiqué que le salarié disposait d'une formation de base comme électricien, la formation pour le poste en bureau d'étude constituant une formation complémentaire et qu'un poste similaire en bureau d'études lui avait été proposé auparavant.
Par des motifs que la cour adopte, les premiers juges ont considéré à juste titre que l'appréciation portée par l'inspecteur du travail sur les compétences requises pour occuper un tel poste ne saurait en soi démontrer l'adéquation entre les compétences de M. [V] et le poste en cause et qu'en outre, la précédente proposition évoquée par l'inspecteur du travail n'était pas produite.
De même, il est suffisamment établi par les fiches postes de dessinateur produites par la société Ineo que le niveau d'études exigé est au minimum un BTS électrotechnique ou génie civil, un DUT ou à défaut une expérience professionnelle d'au moins trois ans dans un bureau d'études.
Or, M. [V] selon son curriculum vitae n'avait que le niveau BAC électrotechnique et aucune expérience en bureau d'études.
M. [V] affirme que selon les fiches qu'il produit le métier de dessinateur en bureau d'études est accessible à un niveau d'étude BAC, ce que démentent les fiches métiers de l'employeur lequel est en droit d'exiger un certain niveau de diplôme ou d'expérience dans le métier de dessinateur bureau d'études.
Il s'agit de fait de métiers différents, de statuts différents - ouvrier pour le poste de M. [V], agent de maîtrise ou employé pour les postes bureau d'études - de sorte qu'une simple formation complémentaire était insuffisante pour accéder à un poste en bureau d'études et qu'une formation initiale de base était indispensable mais ne pouvait être imposée à l'employeur dans le cadre de son obligation de reclassement.
Le fait que M. [V] ait obtenu après son licenciement fin 2018/2019, une formation de dessinateur en alternance sur 12 mois (pièce n°24 appelant), démontre l'importance de la formation, qui ne pouvait être imposée à l'employeur dans le cadre de son obligation de reclassement s'agissant d'un autre métier que celui pour lequel M. [V] avait été déclaré inapte.
M. [V] soutient également que d'autres salariés placés dans la même situation que la sienne, ont obtenu un reclassement à des postes en bureaux, citant M. [I] électricien et M. [T] correspondant QSE (qualité sécurité environnement). Cependant, il résulte notamment des avis du médecin du travail que les deux salariés n'ont pas été déclarés inaptes à leur poste initial respectif et n'étaient pas placés dans la même situation que M. [V].
L'employeur produit également le livre d'entrées et de sorties du personnel jusqu'à fin mai 2018 dont il ressort que les recrutements effectués après l'avis d'inaptitude de M. [V] correspondent à des postes que ce dernier ne pouvait occuper (monteur électricien, acheteur, câbleur, dessinateur études, assistant responsable d'affaires), soit du fait de son inaptitude, soit de l'absence de compétences requises, nécessitant une formation initiale comme en atteste notamment la fiche de poste d'assistant responsable d'affaires.
Enfin, le court délai entre l'entretien préalable et la lettre de licenciement ne permet pas de démontrer l'absence de recherches sérieuses de reclassement, les pièces versées aux débats justifiant des démarches effectuées auprès des sociétés du groupe dès le 11 janvier 2018.
Le jugement sera donc confirmé en ce que les premiers juges ont considéré que la société Ineo postes et centrales avait rempli son obligation de reclassement, en conséquence que le licenciement avait une cause réelle et sérieuse et ont débouté M. [V] de ses demandes indemnitaires.
3- sur l'obligation de formation
L'article L.6321-1 du code du travail, dans sa version applicable à la présente espèce, dispose notamment que 'l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail.
Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations [...]'
M. [V] soutient que l'employeur n'a pas respecté son obligation de formation tout au long de l'exécution du contrat de travail et réclame à ce titre une indemnisation.
La société Ineo postes et centrales fait valoir que M. [V], avant ses problèmes de santé, n'avait pas montré de difficultés dans l'exécution de ses missions, comme en attestent les entretiens professionnels et la lettre du salarié du 30 juillet 2017 contestant l'avertissement du 27 juillet 2017.
Il résulte des termes de cette lettre que M. [V] a reconnu avoir 'passé des formations avec succès'.
Il indique dans ses conclusions avoir bénéficié de 9 formations depuis son embauche qu'il décrit. Il s'agit bien de formations liées à son poste de monteur électricien ayant contribué à l'évolution de son emploi (nouvelles normes), à de nouvelles habilitations ou formations. La société Ineo produit en outre les attestations de stage avec les feuilles de présence signées par le salarié.
Le seul fait que M. [V] ait sollicité en 2014 une formation en fibre optique, demande qui n'a pas été suivie d'effet selon le salarié, est insuffisant pour affirmer que l'employeur n'a pas respecté son obligation d'adaptation et de formation puisqu'il est établi qu'à la même période M. [V] a suivi d'autres formations. M. [V] ne justifie pas s'être plaint de sa situation avant sa lettre du 30 juillet 2017 où il reproche à l'employeur une absence de promotion.
La lettre de l'employeur du 21 septembre 2017, en réponse au courrier de M. [V], précise ainsi que depuis son embauche le salarié occupe certes toujours la même fonction car aucune responsabilité supplémentaire permanente ne justifie une promotion à un niveau supérieur, son expérience et son expertise ayant été cependant prises en compte par des augmentations de salaires constantes.
Il en résulte que l'employeur a respecté son obligation de formation et d'adaptation du salarié.
Le jugement sera confirmé en ce que les premiers juges ont débouté M. [V] de sa demande d'indemnisation pour manquement à l'obligation d'adaptation et formation.
4- sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement sera confirmé de ces chefs.
M. [V] sera condamné à payer à la société Ineo postes et centrales la somme de 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.
Il sera, de ce fait, débouté de sa demande à ce titre.
Il sera également condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 14 février 2020,
Y ajoutant,
Condamne M. [F] [V] à payer à la société Ineo postes et centrales la somme de 300 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,
Déboute M. [F] [V] de sa demande de condamnation à ce titre,
Condamne M. [F] [V] aux dépens d'appel.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code procédure civile et signé par Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président et par Madame Virginie BARCZUK, Greffier placé, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER placé, LE PRÉSIDENT,