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13/10/2022 | FRANCE | N°18/04435

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 13 octobre 2022, 18/04435


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 50B



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 13 OCTOBRE 2022



N° RG 18/04435 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SPAD







AFFAIRE :



SAS MAXEL FINANCE



C/



SAS VEOLIA PROPRETE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Mai 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 1

N° RG : 2016F01446



Expé

ditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Sophie WEISGERBER



Me Martine DUPUIS















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TREIZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'ar...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 50B

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 13 OCTOBRE 2022

N° RG 18/04435 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SPAD

AFFAIRE :

SAS MAXEL FINANCE

C/

SAS VEOLIA PROPRETE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Mai 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 1

N° RG : 2016F01446

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Sophie WEISGERBER

Me Martine DUPUIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TREIZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS MAXEL FINANCE

Immatriculée au RCS de Fréjus sous le n° 408 691 582

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Sophie WEISGERBER de la SELAS FIDAL, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 290 Représentant : Me Cédric PARILLAUD du cabinet FIDAL, Plaidant, avocat au barreau de BRIVE

APPELANTE

****************

SAS VEOLIA PROPRETE

Immatriculée au RCS de Paris sous le n° 572 221 034

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1860051

Représentants : Me Rémi KLEIMAN et Me Franck BOURGEOIS du cabinet EVERSHEDS SUTHERLAND (France) LLP, Plaidants, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : J014

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Juin 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique MULLER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Véronique MULLER, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSE DU LITIGE

La société Maxel Finance est une société holding qui détenait la totalité des actions composant le capital social de la société Centre de Déchets Industriels Franciliens (ci-après la société CDIF), qui exploite un centre de tri à [Localité 3].

La société Veolia Propreté est une société intervenant dans la collecte, le traitement, le recyclage et la valorisation de déchets.

Les deux sociétés Maxel Finance et Veolia se sont rapprochées en vue d'une acquisition par cette dernière des actions de la société CDIF.

Le 29 juillet 2015, la société Veolia Propreté a fait connaître à la société Maxel Finance sa volonté d'acquérir la totalité des actions de la société CDIF.

Le 1er octobre 2015, un protocole de cession ainsi qu'une convention de garantie ont été signés entre les parties. La société Veolia Propreté a donc fait l'acquisition de la totalité des actions composant le capital social de la société CDIF au prix de 14.300.000 euros. Le protocole prévoyait une clause d'ajustement du prix, à la hausse comme à la baisse, en fonction de l'endettement financier net réel au 30 septembre 2015 par rapport à un endettement conventionnellement estimé à 2.700.000 euros.

Le 30 octobre 2015, la société Veolia Propreté a transmis à la société Maxel Finance les comptes sociaux de la société CDIF arrêtés au 30 septembre 2015 ainsi que la liasse fiscale, tout en lui faisant part de certaines anomalies dans la gestion passée de la société CDIF, notamment des variations significatives des dettes fournisseurs entre les comptes au 30 septembre 2014 et au 30 septembre 2015, invoquant le non-respect des engagements de la société Maxel Finance (Convention de Garantie) quant à la tenue du besoin en fonds de roulement opérationnel.

Le 6 novembre 2015, la société Maxel Finance a contesté les variations alléguées et le non-respect de ses engagements quant à la tenue du besoin en fonds de roulement.

Le 20 novembre 2015, la société Maxel Finance a indiqué à la société Veolia Propreté que les comptes de référence étaient considérés comme définitifs. Elle a ensuite sollicité le règlement du complément de prix résultant de l'application de la clause d'ajustement.

Le 22 décembre 2015, la société Maxel Finance a relancé la société Veolia Propreté en indiquant que sa proposition amiable de limiter la révision du prix à la hausse à la somme de 990.000 euros était retirée compte tenu de l'absence de paiement spontané.

Le 14 janvier 2016, la société Maxel Finance a demandé le paiement sans délai du complément de prix de cession à hauteur de 1.402.458,96 euros.

Le 27 janvier 2016, la société Veolia Propreté a réitéré ses objections et s'est opposée au paiement du complément du prix au motif que la société Maxel Finance aurait dissimulé des éléments essentiels à son consentement, manquant à son obligation précontractuelle d'information. Elle a en outre mis en oeuvre la Convention de Garantie, sollicitant paiement à ce titre d'une somme de 2,4 millions d'euros.

Par acte du 5 juillet 2016, la société Maxel Finance a assigné la société Veolia Propreté devant le tribunal de commerce de Nanterre en paiement de la somme de 1.402.458,96 euros au titre de l'ajustement du prix de cession.

Par jugement du 16 mai 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- Débouté la société Maxel Finance de ses demandes en résolution de la vente et en complément du prix ;

- Débouté la société Veolia Propreté de ses demandes reconventionnelles ;

- Dit qu'il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

- Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande d'exécution provisoire ;

- Condamné la société Maxel Finance aux entiers dépens.

Par déclaration du 23 juin 2018, la société Maxel Finance a interjeté appel du jugement.

Par ordonnance d'incident du 11 juillet 2019, le conseiller de la mise en état a :

- Ordonné une expertise judiciaire et désigné Mme [O] [K] ;

Avec mission de :

- Se faire remettre les bilans complets, les annexes et les liasses fiscales de la société CDIF au titre des exercices arrêtés au 30 septembre 2009 jusqu'à l'exercice arrêté au 30 septembre 2015 ;

- Prendre connaissance de l'ensemble des pièces du dossier et se faire communiquer tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission ;

- Déterminer le besoin en fonds de roulement opérationnel de la société CDIF au 30 septembre 2012, au 30 septembre 2013, au 30 septembre 2014, au 30 mai 2015 et au 30 septembre 2015 et analyser son évolution entre ces dates ;

- Analyser l'évolution des dettes fournisseurs de la société CDIF entre le 30 septembre 2012, le 30 septembre 2013, le 30 septembre 2014, le 30 mai 2015, le 30 septembre 2015 et le 31 octobre 2015 ;

- Déterminer le délai de paiement fournisseurs de la société CDIF au 30 septembre 2015 et le comparer avec l'historique des délais de paiement fournisseurs de la société CDIF ainsi que le délai de paiement fournisseurs prévu par la législation;

- Analyser l'origine des dettes fournisseurs de la société CDIF au 30 septembre 2015 et apprécier si le niveau des dettes fournisseurs de la société CDIF au 30 septembre 2015 reflétait son niveau courant d'exploitation à cette même date ;

- Analyser l'apurement des dettes fournisseurs de la société CDIF comptabilisées au 30 septembre 2015 ;

- Définir le besoin en fonds de roulement ( BFR) opérationnel conforme à la conduite courante des affaires de la société CDIF qui n'a pas été contractuellement défini par les parties dans leur convention et qui n'est pas défini par la loi ;

- Déterminer quel aurait dû être le BFR opérationnel conforme à la conduite courante des affaires de la société CDIF sur la période intermédiaire ;

- S'il résulte une différence entre le BFR de la société CDIF au 30 septembre 2015 et le BFR opérationnel conforme à la conduite courante de ses affaires, dire quel impact cette différence peut elle avoir sur le prix de cession compte tenu des conventions conclues entre les parties ;

- Calculer l'ajustement du prix de cession des actions composant le capital social de la société CDIF au 30 septembre 2015 sur la base des comptes définitifs arrêtés au 30 septembre 2015 et compte tenu des conventions conclues entre les parties ;

- Plus généralement, donner à la cour d'appel tous les éléments permettant de l'éclairer sur le litige opposant les parties et, en particulier, communiquer les éléments d'analyse financière et comptable de nature à permettre à la cour de déterminer les responsabilités des parties et évaluer les préjudices notamment au regard des stipulations de la convention de garantie du 1er octobre 2015 ;

- Fixé à la somme de 10.000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert qui devra être consignée par moitié par les sociétés Maxel Finance et Véolia Propreté ou par la plus diligente des parties dans les mains du Régisseur d'avances et de recettes de la cour d'appel de Versailles dans le délai maximum de dix semaines à compter du prononcé de l'arrêt, sans autre avis ;

- Dit que faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet ;

- Rejeté le surplus des demandes des parties, y compris celles au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Réservé les dépens de l'incident.

Par ordonnance du 4 août 2020, le conseiller de la mise en état a désigné M. [P] [B] en remplacement de Mme [K] et a prorogé le délai pour déposer le rapport.

L'expert a déposé son rapport le 7 octobre 2021.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 9 mars 2022, la société Maxel Finance demande à la cour de :

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en ce qu'il a débouté la société Maxel Finance de ses demandes ;

- Condamner la société Veolia Propreté à payer à la société Maxel Finance la somme de 1.402.458,96 euros au titre de l'ajustement du prix de cession avec intérêts au taux légal majoré de dix points à compter de la mise en demeure du 14 janvier 2016 ;

- Débouter la société Veolia Propreté de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles présentées dans le cadre de son appel incident ;

- Condamner la société Veolia Propreté au paiement de la somme de 30.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Par dernières conclusions notifiées le 28 mars 2022, la société Veolia Propreté demande à la cour de :

A titre principal,

- Recevoir la société Veolia Propreté en ses conclusions et les déclarer bien fondées ;

- Juger que la société Maxel Finance reconnaît pour avéré, compte tenu de sa demande d'expertise judiciaire en ce sens, le fait que le besoin en fonds de roulement de la société CDIF est un élément essentiel dans la détermination du prix de cession de la société CDIF et a été déterminant du consentement des parties ;

- Juger que la société Maxel Finance a commis des fautes au préjudice de la société Veolia Propreté, engageant sa pleine et entière responsabilité civile extracontractuelle envers cette dernière ;

- Juger que cette faute est constitutive d'un dol ou, à défaut de caractère intentionnel, d'un manquement de la société Maxel Finance à son obligation précontractuelle d'information, ayant provoqué une majoration artificielle et indue du prix de cession des actions de CDIF:

- A concurrence de 991.145 euros, lors du paiement à la société Maxel Finance, le 1er octobre 2015, du prix de cession de 14.300.000 euros, d'une part, et

- A concurrence de 1.402.458,96 euros au titre du complément de prix réclamé par la société Maxel Finance, d'autre part ;

- Juger que le montant du préjudice qui en résulte pour la société Veolia Propreté s'élève à la somme de 2.529.603,96 euros, se décomposant comme suit :

- La somme de 991.145 euros, au titre de la partie indûment perçue par la société Maxel Finance du prix de cession le 1er octobre 2015,

- La somme de 1.402.458,96 euros, au titre d'un complément de prix non justifié,

- La somme de 136.000 euros au titre des dépenses, notamment d'audit, exposées en pure perte du fait exclusif de la société Maxel Finance ;

- Juger que la société Maxel Finance est entièrement responsable des préjudices subis par la société Veolia Propreté ;

- Juger qu'en application du principe de la réparation intégrale, la société Veolia Propreté doit obtenir réparation de ces préjudices ;

En conséquence,

- Juger que (a) la clause d'ajustement du prix à la hausse ne peut donner lieu au versement d'un complément de prix, que ce soit en raison de la compensation du complément de prix avec des dommages-intérêts d'égal montant, de l'inapplicabilité de ladite clause pour cause de dol ou de la réduction judiciaire du prix de cession, pour un montant identique à celui du complément de prix, pour cause de dol, et (b) la société Maxel Finance n'est pas fondée à obtenir le versement de la somme de 1.402.458,96 euros au titre de ladite clause d'ajustement ;

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Maxel Finance de sa demande en paiement du complément de prix ;

- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Veolia Propreté de sa demande d'indemnisation au titre (i) de la partie du prix de cession indûment perçue par la société Maxel Finance le 1er octobre 2015, soit la somme de 991.145 euros, et (ii) des dépenses, notamment d'audit, exposées en pure perte, soit 136.000 euros ;

Statuant à nouveau,

- Condamner la société Maxel Finance à verser à la société Veolia Propreté la somme totale de 1.127.145 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date du protocole de cession d'actions, soit le 1er octobre 2015, et jusqu'à parfait paiement de cette somme;

- Juger qu'il y a lieu de compenser, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives, les sommes dues par la société Veolia Propreté à la société Maxel Finance, au titre de la clause d'ajustement de prix litigieuse, si la Cour de céans venait à considérer que la société Veolia Propreté est redevable d'une telle somme, avec les sommes dues par la société Maxel Finance à la société Veolia Propreté au titre de sa responsabilité civile extracontractuelle ;

A titre subsidiaire, si, par extraordinaire, la société Veolia Propreté était déboutée de l'une quelconque de ses demandes à titre principal,

- Juger qu'en application de l'article 1 de la Convention de Garantie du 1er octobre 2015, celle-ci forme un ensemble indivisible avec le protocole de cession d'actions du même  jour ;

- Juger que plusieurs déclarations faites par la société Maxel Finance aux termes de la Convention de Garantie du 1er octobre 2015, et notamment de son article 4.18(m) relatif, concernant la société CDIF, à « la tenue d'un besoin en fonds de roulement opérationnel conforme à la conduite courante de ses affaires », sont inexactes ;

- Juger que la société Maxel Finance reconnaît pour avéré, compte tenu de sa demande d'expertise judiciaire en ce sens, le fait que la société Veolia Propreté a valablement exercé la Convention de Garantie et est fondée à demander la compensation de tout éventuel complément de prix avec toute somme due par la société Maxel Finance au titre de la Convention de Garantie ;

- Juger qu'en application de l'article 5.1 de la Convention de Garantie du 1er octobre 2015, la société Maxel Finance doit indemniser la société Veolia Propreté du chef de tous les préjudices résultant de l'inexactitude de toute déclaration faite par la société Maxel Finance aux termes de la Convention de Garantie du 1er octobre 2015 ;

- Juger qu'en application de l'article 5.3 de la Convention de Garantie du 1er octobre 2015, tout montant dû par la société Maxel Finance aux termes de la Convention de Garantie sera traité comme une réduction du prix de cession ;

- Juger que, conformément aux termes de la Convention de Garantie, la société Veolia Propreté doit obtenir réparation des préjudices subis en raison des manquements de la société Maxel Finance à la Convention de Garantie du 1er octobre 2015 ;

- Juger que le montant du préjudice subi par la société Veolia Propreté en raison des manquements de la société Maxel Finance à la Convention de Garantie du 1er octobre 2015 s'élève à la somme de 2.529.603,96 euros ;

- Juger que le montant de l'indemnisation due à la société Veolia Propreté, après application du plafond contractuel d'indemnisation de 2.500.000 euros stipulé à l'article 5.5 de la Convention de Garantie, sera limité à 2.500.000 euros ;

En conséquence,

- Juger que (a) la clause d'ajustement du prix à la hausse ne peut donner lieu au versement d'un complément de prix en raison de la compensation du complément de prix avec l'indemnisation contractuelle d'égal montant au titre de la Convention de Garantie et (b) la société Maxel Finance n'est pas fondée à obtenir le versement de la somme de 1.402.458,96 euros au titre de ladite clause d'ajustement ;

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Maxel Finance de sa demande en paiement du complément de prix ;

- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Veolia Propreté de sa demande d'indemnisation au titre (i) de la partie du prix de cession indûment perçue par Maxel Finance le 1er octobre 2015 et (ii) des dépenses, notamment d'audit, exposées en pure perte ;

Statuant à nouveau,

- Condamner la société Maxel Finance à verser à la société Veolia Propreté la somme de 1.097.541,04 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date du protocole de cession actions, soit le 1er octobre 2015, et jusqu'à parfait paiement de cette somme ;

- Juger qu'il y a lieu de compenser, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives, les sommes dues par la société Veolia Propreté à la société Maxel Finance, au titre de la clause d'ajustement de prix litigieuse, si la Cour de céans venait à considérer que la société Veolia Propreté est redevable d'une telle somme, avec les sommes dues par la société Maxel Finance à la société Veolia Propreté au titre de la Convention de Garantie du 1er octobre 2015;

En tout état de cause,

- Juger que la société Maxel Finance a abandonné, de manière inconditionnelle et définitive, la demande en résolution de la vente des actions de la société CDIF qu'elle avait formée en première instance ;

- Débouter la société Maxel Finance de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions;

- Condamner la société Maxel Finance à payer à la société Veolia Propreté la somme de 60.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que sa condamnation aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 avril 2022.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La société Maxel Finance indique qu'elle abandonne, en cause d'appel, la demande qu'elle avait formée en première instance en résolution de la vente, ce dont il convient de lui donner acte. En appel, son unique demande en paiement est fondée sur l'ajustement à la hausse du prix de cession des actions (demande en paiement de 1.402.458,96 euros), tel que prévu par la clause figurant à l'article 5 du protocole de cession.

La société Veolia s'oppose à cette demande en paiement au titre de l'ajustement du prix, soutenant qu'elle est infondée dès lors qu'elle repose sur une baisse artificielle de l'endettement financier.

Elle forme ensuite une demande reconventionnelle en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subi, à titre principal sur le fondement de la responsabilité extra-contractuelle de la société Maxel Finance pour manquement à son obligation d'information pré-contractuelle, et à titre subsidiaire sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la société Maxel Finance pour manquement à ses obligations issues du Protocole de cession et de la Convention de garantie.

1 - Sur la demande principale de la société Maxel Finance en paiement de l'ajustement à la hausse du prix de cession

La société Maxel Finance sollicite paiement de la somme de 1.402.458,96 euros au titre du solde du prix de cession des titres de la société CDIF. Elle fait valoir que ce solde de prix est conforme aux clauses contractuelles et aux comptes arrêtés au 30 septembre 2015, tels qu'établis par la société Veolia elle-même et devenus définitifs en l'absence de contestation dans le délai de 30 jours. Elle fait valoir qu'en application stricte des dispositions contractuelles, la condamnation de la société Veolia au paiement du prix est inéluctable, quelles que soient les suites pouvant être données aux demandes reconventionnelles formées par la société Veolia, sur le fondement d'un éventuel manquement à ses obligations pré-contractuelles ou de dol. Elle conteste à ce titre toute augmentation volontaire de sa part de la dette fournisseurs pour influer sur le BFR opérationnel (besoin en fonds de roulement opérationnel), ajoutant que ce dernier n'est pas lié à la dette fournisseur.

La société Veolia sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il déboute la société Maxel Finance de sa demande en paiement d'un complément de prix. Elle fait valoir que cette demande est injustifiée dès lors qu'elle se fonde sur une diminution très importante et soudaine de l'endettement (sur 4 mois de mai à septembre 2015) qui est ' pour le moins douteuse' - au demeurant non révélée sur la période de négociation de la clause de complément de prix - puisqu'elle repose sur une augmentation artificielle des dettes fournisseurs, uniquement liée à un décalage dans le temps des paiements. Elle évoque en conséquence, sur cette même période de 4 mois, l'effondrement, non révélé par la société Maxel Finance, du besoin en fonds de roulement opérationnel. Elle soutient dès lors que la demande en paiement d'un complément de prix, en ce qu'elle repose sur une baisse artificielle de l'endettement, est infondée.

*****

Le protocole de cession des actions de la société CDIF, signé entre les parties le 1er octobre 2015, prévoit en son article 5.1 que le prix de cession est fixé à la somme de 14,3 millions d'euros. Il est précisé à l'article 5.3 : 'le prix de cession tel que défini à l'article 5.1 a été déterminé en considération d'un endettement financier net de la société au 30 septembre 2015 égal à 2.700.000 euros. Dans les 30 jours suivant la date de réalisation, il sera établi une situation comptable arrêtée à la date du 30 septembre 2015 conformément aux principes comptables généralement admis en France et dans la permanence des méthodes et principes utilisés par la Société jusqu'à présent (ci-après les 'Comptes de Référence'). (...) A compter de la communication des Comptes de Référence, le cédant disposera d'un délai de 30 jours pour les contrôler ou les faire contrôler (...). Si, dans le délai de contrôle susvisé, les Comptes de Référence dont il s'agit n'appellent aucune objection, ils seront considérés comme définitifs.'

Ce même article 5.3 prévoit ensuite les éventuelles demandes de modification des Comptes de Référence, et leurs modalités (désignation éventuelle d'un expert comptable...).

Cet article 5.3 précise enfin : ' les parties conviennent expressément que, dans l'hypothèse où le montant de l'endettement financier net de la Société apparaissant dans les comptes de référence serait supérieur à 2.700.000 euros, le prix de cession fera l'objet d'un ajustement donnant lieu à remboursement de la part du cédant entre les mains du cessionnaire d'une somme égale à la différence entre, d'une part l'endettement financier net tel que ressortant des Comptes de Référence et d'autre part, la somme de 2.700.000 euros. Ce remboursement constituera une révision du prix de cession à la baisse. Dans l'hypothèse où le montant de l'endettement financier net de la Société apparaissant dans les Comptes de Référence serait inférieur à 2.700.000 euros, le prix de cession fera l'objet d'une révision à la hausse, donnant lieu à un complément de prix payé par le cessionnaire entre les mains du cédant et égal à la différence entre, d'une part la somme de 2.700.000 euros, d'autre part le montant de l'endettement financier net tel que ressortant des Comptes de Référence.'

L'article 5.3 définit enfin l'endettement financier net de la manière suivante : 'concours bancaires à CT, MT et LT + compte courant du cédant + sommes restant dues au titre des contrats de crédit bail mobilier + provisions pour risques + indemnités de fin de carrière - disponibilités ou équivalent' (souligné par la cour). Il précise également que cet endettement net s'élevait, au 30 septembre 2014, à la somme de 2.557.600 euros.

Il résulte de ces dispositions que l'unique condition pour la mise en oeuvre de la clause d'ajustement du prix est celle d'un endettement financier net supérieur ou inférieur à 2.700.000 euros, tel que résultant des Comptes de Référence définitifs.

Il s'en déduit, ainsi que le soutient la société Maxel Finance, que lorsque les comptes sont définitifs et que l'endettement financier net est supérieur ou inférieur à 2.700.000 euros, la clause d'ajustement du prix doit s'appliquer. Dès lors que les comptes ne sont pas contestés, le fait qu'une variation soudaine du montant des dettes fournisseurs (faisant varier les 'disponibilités' et donc l'endettement financier net) soit 'douteuse' (du fait notamment d'un allongement des délais de paiement, entraînant une augmentation des dettes fournisseurs) - s'il peut éventuellement conduire à une mise en cause de la responsabilité de la société Maxel Finance comme il sera vu plus avant - est sans incidence sur l'application de la clause d'ajustement du prix.

En l'espèce, et conformément aux dispositions précitées, la société Veolia a adressé le 30 octobre 2015 à la société Maxel Finance une situation comptable arrêtée au 30 septembre 2015, date de la cession. Le 20 novembre 2015, la société Maxel Finance a répondu en ces termes : 'nous vous précisons que les comptes de références dont il s'agit n'appellent aucune observation de la société Maxel Finance et sont, par voie de conséquence, considérés comme définitifs'.

Dans sa réponse du 27 janvier 2016, la société Veolia indique : 'sans remettre en cause l'exactitude des comptes de référence que nous vous avons transmis le 30 octobre dernier, nous avons constaté qu'au cours de la période s'écoulant du 30 septembre 2014 au 30 septembre 2015, la société CDIF n'avait pas assuré la tenue d'un fonds de roulement opérationnel conforme à la conduite courante de ses affaires dans des proportions très significatives.' (Souligné par la cour)

Il ressort ainsi des propres affirmations de la société Veolia que les comptes de référence sont exacts, et qu'elle n'entend pas les remettre en cause, de sorte qu'ils doivent être considérés comme définitifs ainsi que le soutient la société Maxel Finance.

La société Maxel Finance soutient, sans être contestée sur ce point, que l'endettement financier net au 30 septembre 2015 - tel qu'il ressort des Comptes de Référence définitifs - s'élève à la somme de 1.297.541,04 euros, de sorte qu'en application de la clause d'ajustement précitée, la société Veolia lui doit la différence avec la somme de 2.700.000 euros conventionnellement acceptée comme point de référence, soit la somme de 1.402.458,96 euros.

Les comptes de référence étant ainsi définitifs, et l'endettement financier net étant inférieur à 2,7 millions d'euros, il convient de faire application de la clause d'ajustement du prix à la hausse, telle qu'énoncée plus avant, et de condamner la société Veolia au paiement de la somme de 1.402.458,96 euros.

La société Maxel Finance sollicite en outre, sur le fondement de l'article L. 441-10 du code de commerce, paiement des intérêts au taux légal majoré de 10 points à compter de la mise en demeure du 14 janvier 2016. Force est toutefois de constater que cet article L. 441-10 est uniquement applicable au paiement de factures relatives à des ventes ou prestations de service, lorsque celles-ci ne sont pas réglées à leur échéance, ce qui n'est pas le cas en l'espèce s'agissant de la vente des titres d'une société. Il convient donc de faire application du taux d'intérêt légal sans majoration.

La société Veolia sera donc condamnée au paiement de la somme de 1.402.458,96 euros au titre de l'ajustement du prix outre intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2016, date de la mise en demeure. Le jugement sera infirmé de ce chef.

2 - sur les demandes reconventionnelles formées par la société Veolia

2-1- sur la responsabilité extra-contractuelle de la société Maxel Finance

La société Veolia recherche, à titre principal, la responsabilité de la société Maxel Finance pour manquement à son obligation d'information pré-contractuelle. Elle rappelle les conditions dans lesquelles elle a fait une offre d'achat en juillet 2015 sur le fondement notamment d'un audit réalisé en mai 2015, et d'un endettement financier prévisible de 2,7 millions d'euros en septembre 2015, cohérent avec l'endettement financier au 30 septembre 2014, date de clôture du précédent exercice (2,5 millions d'euros). Elle rappelle également les négociations entre les parties sur la période de juillet à septembre 2015, et les différentes garanties données par la société Maxel Finance afin notamment de se prémunir de toute hausse artificielle du prix de cession. Elle soutient que la société Maxel Finance a manqué à son obligation d'information pré-contractuelle en omettant de l'informer d'une hausse importante des dettes fournisseurs sur la période de mai à septembre 2015, entraînant une diminution corrélative de l'endettement financier qui - estimé, en mai 2015, à échéance du 30 septembre 2015, à 2,7 millions d'euros - est passé à 1.297.541 euros, soit une baisse de près de 52 % de l'endettement sur la période de 4 mois précédant immédiatement la cession, ce qui a permis de gonfler artificiellement le prix de cession.

La société Maxel Finance soutient qu'elle n'a pas volontairement augmenté les dettes fournisseurs, et que le besoin en fonds de roulement n'est pas lié à cette augmentation involontaire. Elle affirme que la CDIF a bien assuré la tenue d'un besoin en fonds de roulement conforme à la conduite de ses affaires, et ajoute que l'augmentation des dettes fournisseurs n'a fait l'objet d'aucune dissimulation, la société Veolia en étant informée avant la cession (audit réalisé en juillet 2015 mettant en évidence un délai de paiement des dettes fournisseurs de 116 jours, alors que l'expert judiciaire a relevé, en septembre 2015, un délai de paiement inférieur soit 99 jours). Elle soutient dans le même temps, et de manière surprenante, que l'augmentation des dettes n'a pu être constatée qu'au moment de la reddition des comptes au 30 septembre 2015. Elle ajoute que cette augmentation n'est pas délibérée, mais qu'elle a des raisons identifiées, notamment l'augmentation des volumes traités (présence de nouveaux fournisseurs significatifs, variation de soldes pour d'autres fournisseurs, sinistre incendie, variation de prix d'achat). La société Maxel Finance soutient ainsi qu'elle n'a commis aucune faute.

*****

Il est constant que la cession des actions de la société CDIF a été précédée de négociations entre les sociétés Maxel Finance et Veolia, et d'une phase de 'due diligence' comme il est d'usage en matière de cession d'entreprises. La société Veolia a été assistée dans cette phase par le cabinet Eight Advisory qui a examiné les comptes de la société CDIF sur les exercices 2012 à 2014, et sur une situation comptable au 31 mai 2015, ce qui a donné lieu à un rapport établi en juillet 2015, ayant servi de base à l'offre de prix de la société Veolia.

La cession des actions est intervenue le 30 septembre 2015, sans que de nouvelles informations aient été fournies à la société Veolia quant à la gestion de la société CDIF sur la période de juin à septembre 2015. La société Veolia a toutefois obtenu certaines garanties (convention de garantie relative à la gestion de la société durant la période précédant la cession, et garantie d'actif et de passif).

La question qui se pose est donc celle de savoir si des modifications importantes sont survenues dans la société CDIF, durant la période de 4 mois de juin à septembre 2015 précédant la cession, qui auraient dû être portées à la connaissance de la société Veolia compte tenu de l'obligation d'information pré-contractuelle à laquelle était tenue la société Maxel Finance.

Le second rapport Eight Advisory (19 septembre 2016) réalisé à la demande de la société Veolia, met en évidence une nette augmentation des dettes fournisseurs entre le 30 septembre 2014 (8,899 millions) et le 30 septembre 2015 (11,082 millions) corrélée à une importante augmentation des délais de paiement de ces dettes (116 jours en moyenne au 30 septembre 2014, contre 152 jours en moyenne au 30 septembre 2015). La thèse de la société Maxel Finance selon laquelle il existerait au contraire une réduction du délai de paiement est infondée, cette dernière se fondant sur deux méthodologies différentes (cabinet Eight Advisory d'une part et rapport judiciaire d'autre part) ce qui aboutit nécessairement à un résultat erroné.

Le rapport d'expertise judiciaire constate la même augmentation des dettes fournisseurs sur la période septembre 2014/septembre 2015, mais retient, après analyse détaillée, des délais un peu moindre pour le paiement de ces dettes. L'expert retient ainsi un délai moyen pondéré de 89 jours au 30 septembre 2015, contre une moyenne pondérée de 66 jours sur les exercices 2012 à 2014. Il existe donc bien, comme le soutient la société Veolia, une augmentation des délais de paiement des dettes fournisseurs entre septembre 2014 et septembre 2015, et une augmentation du montant de ces dettes.

L'expert judiciaire indique ensuite : ' les diligences réalisées confirment une dégradation des délais de paiement fournisseurs (66 jours sur les clôtures antérieures à la période intermédiaire contre 89 jours sur la clôture 30/09/2015). Il est aussi confirmé que le délai de paiement prévu par la législation (ou contractuel) est dépassé, mais pas spécifiquement pour la clôture 30/09/2015.' (Rapport page 172).

L'expert judiciaire a ensuite cherché à comprendre les raisons de l'augmentation des délais de paiement des dettes fournisseurs, pour savoir notamment si elles étaient liées à une pratique de la société Maxel Finance ou si elles résultaient d'autres motifs, tels qu'allégués par cette dernière.

Après retraitement et analyse détaillée des délais de paiement, l'expert corrige le montant des dettes fournisseurs (tenant compte pour partie des motifs invoqués par la société Maxel Finance), et indique que si ces dettes fournisseurs avaient été apurées dans les délais normaux (à savoir les délais historiquement pratiqués par la société Maxel Finance), elles se seraient élevées, au 30 septembre 2015, à la somme de 8.688.406 euros au lieu de 11.082.010 euros, soit une différence très conséquente de 2.393.604 euros, qu'il impute clairement à des délais d'apurement des dettes qui sont anormaux (au regard de la conduite courante des affaires de la société CDIF) sur la période de septembre 2014 à septembre 2015.

L'expert judiciaire conclut notamment : ' les retards de paiement fournisseurs ont conduit à majorer le poste des dettes fournisseurs, et par voie de conséquence, à réduire le besoin en fonds de roulement. Une réduction du besoin en fonds de roulement se traduit mécaniquement par une hausse de la trésorerie. En d'autres termes, une partie des dettes fournisseurs en solde au 30 septembre 2015 (2.393.604 euros) qui a été apurée postérieurement aurait dû être acquitée au 30 septembre 2015 au plus tard conformément à la conduite courante des affaires. Ainsi, si cette partie des dettes fournisseurs avait été acquittée au 30/09/2015 au plus tard, la trésorerie de la société CDIF aurait diminué pour le même montant. Par ailleurs, il est rappelé que la trésorerie (ou disponibilités) est une composante de l'endettement financier net (...). Le prix de cession des actions s'élève à 14.300.000 euros. Ce prix de cession intègre un endettement financier déterminé conventionnellement entre les parties à 2.700.000 euros.'

L'expert ajoute enfin que le poste 'trésorerie' ou 'disponibilités' doit être corrigé de la somme de 2.394.604 euros (augmentation injustifiée des dettes fournisseurs) et s'imputer sur l'endettement financier net, en tant que composante du prix de cession des actions, cet endettement financier passant ainsi de 1.297.541 euros à 3.692.145 euros.

Il ressort en outre de l'expertise que l'augmentation des dettes fournisseurs ne s'est pas réalisée de manière uniforme sur la période de septembre 2014 à septembre 2015, mais principalement voire exclusivement sur la période de juin à septembre 2015, comme cela ressort des données suivantes extraites du rapport d'expertise (p.164) :

30/09/2013

30/09/2014

30/05/2015

30/09/2015

total dettes fournisseurs

9.782.726 euros

8.899.119 euros

9.172.548 euros

11.082.010 euros

Sur l'exercice comptable septembre 2014/septembre 2015, il apparaît ainsi que les dettes fournisseurs ont augmenté : durant les 8 premiers mois (de septembre 2014 à mai 2015) de 273.000 euros environ (soit 34.125 euros par mois), puis sur les 4 derniers mois de l'exercice (sur lesquels la société Veolia n'a bénéficié d'aucune information) de 1.910.000 euros ( soit 477.500 euros par mois, et donc 14 fois plus que sur la période précédente), ce qui est tout à fait significatif.

Cette augmentation considérable des dettes fournisseurs, sur une période de 4 mois seulement, a entraîné une hausse corrélative de la trésorerie de la société et une diminution de l'endettement financier net servant de base à la clause d'ajustement du prix.

Contrairement à ce que soutient la société Maxel Finance, cette augmentation des dettes fournisseurs entraînant une diminution de l'endettement financier, n'est pas explicitée, les données retenues par l'expert étant déjà des données corrigées en fonction de la conduite courante des affaires de la société CDIF.

Il n'est pas contesté qu'entre les mois de mai et septembre 2015 la société Maxel Finance n'a pas informé la société Veolia de l'augmentation considérable des dettes fournisseurs influant sur la trésorerie et l'endettement financier de la société CDIF, alors même que cette augmentation était très significative (14 fois plus élevée que sur les premiers mois de l'exercice comptable 2014/2015), ce qui caractérise un manquement à son obligation précontractuelle d'information, justifiant la mise en cause de sa responsabilité extra-contractuelle.

Ce manquement est d'autant plus établi que la société Maxel Finance déclarait au contraire dans la Convention de Garantie signée le 30 septembre 2015 : 'd'une façon générale, il n'existe aucun fait significatif que le Cédant n'ait pas communiqué au Cessionnaire par écrit, susceptible d'affecter de manière substantielle les actifs, biens, activités, opérations et conditions d'exploitation de la Société ou les obligations du cédant au titre de la garantie.'

2-2 - sur la réparation du préjudice subi par la société Veolia

La société Veolia fait valoir que son préjudice est constitué, d'une part, d'un montant égal au supplément de prix réclamé par la société Maxel Finance (elle demande compensation avec ce supplément), d'autre part de la diminution de prix retenue par l'expert. Elle fait valoir que, si la société Maxel Finance avait révélé, conformément à la loyauté contractuelle, l'augmentation considérable des dettes fournisseurs entraînant une diminution fictive de l'endettement financier sur les derniers mois de l'exercice, elle n'aurait jamais accepté la clause d'ajustement du prix. Elle sollicite donc, d'une part une compensation de l'éventuelle augmentation du prix avec son préjudice qu'elle évalue au même montant soit la somme de 1.402.458,96 euros, d'autre part paiement d'une somme de 1.127.145 euros correspondant à la partie de prix indûment versée à hauteur de 991.145 euros, augmentée d'une somme de 136.000 euros correspondant aux dépenses exposées en pure perte (audit notamment).

La société Maxel Finance s'oppose à ces demandes sans plus expliciter sa position. Elle sollicite toutefois, à titre extrêmement subsidiaire, que la cour retienne une diminution de prix à hauteur de 766.145 euros au lieu de 991.145 euros.

****

Il a été démontré que les dettes fournisseurs avaient connu une augmentation considérable et injustifiée sur les 4 derniers mois précédant la cession des actions de la société CDIF, ce qui a généré une diminution corrélative de l'endettement financier, l'expert judiciaire indiquant que cet endettement financier net aurait dû s'élever, au 30 septembre 2015, à la somme de 3.691.145 euros au lieu de 1.297.541 euros, ce qui devait aboutir à une diminution et non pas une augmentation du prix de cession (au regard de la convention des parties acceptant un endettement financier de 2.700.000 euros).

Au regard de l'important écart entre, d'une part l'endettement financier net résultant des comptes définitifs de la société CDIF (1.297.541 euros), d'autre part celui corrigé par l'expert judiciaire (3.691.145 euros) - qui aurait dû conduire à un ajustement du prix de cession à la baisse (entre 766.145 euros et 991.145 euros) au lieu d'un ajustement à la hausse (1.402.459 euros) - le préjudice de la société Veolia, consécutif au défaut d'information précontractuel, doit être fixé à hauteur de cet écart de prix. Si la société Veolia avait eu connaissance de l'augmentation des dettes fournisseurs modifiant l'endettement financier dans des proportions considérables (différence de plus de 2 millions d'euros), elle n'aurait pas contracté aux mêmes conditions.

Il convient donc de fixer le préjudice de la société Veolia, d'une part à la somme de 1.402.458,96 euros correspondant à l'ajustement injustifié à la hausse (du fait du manquement à l'obligation d'information), d'autre part à la somme de 766.145 euros correspondant à l'ajustement du prix à la baisse, cette dernière somme tenant compte de l'ajustement des dettes fournisseurs de la société Casino ainsi que cela est suggéré par l'expert (en raison des difficultés organisationnelles rencontrées avec les sociétés de ce groupe, ces dernières n'étant pas discutées par la société Veolia).

La société Veolia ne produit aucune pièce permettant de justifier de la somme complémentaire de 136.000 euros qu'elle sollicite, de sorte qu'elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

La société Maxel Finance sera donc condamnée au paiement des sommes de 1.402.458,96 euros et 766.145 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la société Veolia du fait du manquement de la première à son obligation d'information précontractuelle, ces sommes portant intérêt à compter du présent arrêt, déclaratif de droits.

Il convient d'ordonner la compensation entre les sommes respectivement dues par les parties, à hauteur de leur quotité respective.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

La société Maxel Finance, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Il est équitable d'allouer à la société Veolia une indemnité de procédure de 8.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Donne acte à la société Maxel Finance de ce qu'elle abandonne sa demande en résolution de la vente des parts sociales,

Infirme, en toutes ses autres dispositions, le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 16 mai 2018,

Et statuant à nouveau,

Condamne la société Veolia à payer à la société Maxel Finance la somme de 1.402.458,96 euros au titre de l'ajustement du prix à la hausse, outre intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2016,

Dit que la société Maxel Finance a manqué à son obligation pré-contractuelle d'information, engageant ainsi sa responsabilité extra-contractuelle,

Condamne la société Maxel Finance à payer à la société Veolia les sommes de 1.402.458,96 euros et 766.145 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice du fait du manquement à

l'obligation d'information pré-contractuelle,

Ordonne la compensation entre les sommes respectivement dues par les parties à hauteur de leur quotité respective,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société Maxel Finance à payer à la société Veolia la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Maxel Finance aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés directement par les avocats qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 18/04435
Date de la décision : 13/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-13;18.04435 ?
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