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11/10/2022 | FRANCE | N°20/01954

France | France, Cour d'appel de Versailles, 4e ch. expropriations, 11 octobre 2022, 20/01954


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 70H



4ème chambre expropriations



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 11 OCTOBRE 2022



N° RG 20/01954 - N° Portalis DBV3-V-B7E-T2YM



AFFAIRE :



[W], [C], [X], [Y]



ET AUTRES



C/

S.A. RESEAU DE TRANSPORT D'ELECTRICITÉ (RTE)







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Février 2020 par le juge de l'expropriation de PONTOISE

RG n° : 19/00042<

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Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Oriane DONTOT



Me Nathalie LANGLOIS-THIEFFRY,



M. [A] [I] (Commissaire du gouvernement)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE ONZE OCT...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 70H

4ème chambre expropriations

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 OCTOBRE 2022

N° RG 20/01954 - N° Portalis DBV3-V-B7E-T2YM

AFFAIRE :

[W], [C], [X], [Y]

ET AUTRES

C/

S.A. RESEAU DE TRANSPORT D'ELECTRICITÉ (RTE)

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Février 2020 par le juge de l'expropriation de PONTOISE

RG n° : 19/00042

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Oriane DONTOT

Me Nathalie LANGLOIS-THIEFFRY,

M. [A] [I] (Commissaire du gouvernement)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [W], [C], [X], [Y]

[Adresse 9]

[Localité 12]

Représentant : Me Oriane DONTOT de l'AARPI JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me Claudine COUTADEUR de la SCP DROUOT AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : W06

Monsieur [T], [Z], [G], [J] [Y]

[Adresse 7]

[Localité 18]

Représentant : Me Oriane DONTOT de l'AARPI JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me Claudine COUTADEUR de la SCP DROUOT AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : W06

Monsieur [NZ], [P] [N]

[Adresse 6]

[Localité 14]

Représentant : Me Oriane DONTOT de l'AARPI JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me Claudine COUTADEUR de la SCP DROUOT AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : W06

Monsieur [C], [V], [J] [N]

demeurant [Adresse 5]

[Localité 15]

Représentant : Me Oriane DONTOT de l'AARPI JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me Claudine COUTADEUR de la SCP DROUOT AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : W06

Monsieur [B], [R], [G], [M], [J] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 11]

Représentant : Me Oriane DONTOT de l'AARPI JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me Claudine COUTADEUR de la SCP DROUOT AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : W06

Monsieur [U], [Z], [F], [J] [Y]

[Adresse 10]

[Localité 18]

Représentant : Me Oriane DONTOT de l'AARPI JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me Claudine COUTADEUR de la SCP DROUOT AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : W06

Monsieur [L], [D], [J] [N]

[Adresse 4]

[Localité 19]

Représentant : Me Oriane DONTOT de l'AARPI JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me Claudine COUTADEUR de la SCP DROUOT AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : W06

Monsieur [K], [E], [J] [N]

[Adresse 3]

[Localité 16]

Représentant : Me Oriane DONTOT de l'AARPI JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me Claudine COUTADEUR de la SCP DROUOT AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : W06

APPELANTS

****************

S.A. RESEAU DE TRANSPORT D'ÉLECTRICITÉ (RTE)

[Adresse 13]

[Adresse 13]

[Localité 17]

Représentant : Me Nathalie LANGLOIS-THIEFFRY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 486 et Me Marie LHÉRITIER de la SELEURL Cabinet LHERITIER Avocat, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0594

INTIMÉE

****************

Les fonctions du COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT étant exercées par Monsieur [A] [I], direction départementale des finances publiques.

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Septembre 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Agnès BODARD-HERMANT, présidente, chargée du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Agnès BODARD-HERMANT, Présidente, spécialement désignée pour présider cette chambre par ordonnance de monsieur le premier président de la cour d'appel de Versailles

Madame Pascale CARIOU, Conseiller à la cour d'appel de Versailles, désignée par ordonnance de monsieur le premier président de la cour d'appel de Versailles

Madame Séverine ROMI, Conseiller, à la cour d'appel de Versailles, désignée par ordonnance de monsieur le premier président de la cour d'appel de Versailles

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Kalliopi CAPO-CHICHI

***

Les appelants repris en entête de l'arrêt (les consorts [Y]) sont propriétaires en indivision de la parcelle ZB [Cadastre 8] non bâtie située au lieu-dit "[Adresse 23]" à [Localité 22], cadastrée section BZ n°[Cadastre 8], d'une superficie non contestée de 31.714 mètres carré. Elle a une configuration en forme de hâche, dispose d'une double façade sur la rue Elie et [H] [O], asphaltée et équipée et sur le chemin rural de terre n°[Cadastre 2] dit "[Adresse 21]". Elle est exploitée par la SCEA [S] et Fils.

La modification de la servitude d'implantation et de surplomb de lignes à haute tension déjà instituée sur cette parcelle au profit de la société Réseaux de Transport et d'Électricité (la RTE) a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique datée du 24 avril 2017.

Faute d'accord amiable entre la société RTE et les consorts [Y], un arrêté préfectoral a été rendu le 19 décembre 2017 et a approuvé le projet de détail du tracé et institué les servitudes administratives nécessaires à l'exécution des travaux de la nouvelle ligne électrique.

Les consorts [Y] ont saisi le juge de l'expropriation du tribunal de grande instance de Pontoise le 8 juillet 2019 et un transport sur les lieux a été réalisé le 6 novembre 2019.

Par jugement du 21 février 2020, le tribunal judiciaire de Pontoise a :

- Fixé à 3.792 euros l'indemnité due à M. [W] [C] [Y], M. [T] [Z] [Y], M. [NZ] [P] [N], M. [C] [V] [J] [N], M. [B] [R] [G] [M] [J] [Y], M. [U] [Z] [F] [J] [Y], M. [L] [D] [J] [N] et M. [K] [E] [J] [N] au titre de la servitude instituée sur la parcelle ZB[Cadastre 8] de leur appartement ;

- Condamné la société RTE à payer aux consorts [Y] une somme de 2.500 euros sur la fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dit que les dépens seront supportés par la société RTE.

Les consorts [Y] ont interjeté appel de ce jugement suivant déclaration du 8 avril 2020 à l'encontre de la société Réseaux de transport d'electricité (RTE).

Ils demandent à la cour, par conclusions reçues par le greffe de la cour le 8 juin 2020, notifiées à la RTE (AR signé du 11 juin 2020) et au commissaire du gouvernement (AR signé du 11 juin 2020), au visa du code de l'énergie et notamment les articles L.323-4, L.323-7 et R.323-17, des articles L.321-1 et suivants du code de l'expropriation et la DUP du 19 décembre 2017, de :

- Dire recevables et bien fondés en leurs écritures les consorts [Y];

En conséquence,

- Les y recevoir ;

- Infirmer le jugement entrepris relativement à l'indemnité qui leur est due au titre de la servitude instituée par la société RTE sur leur parcelle cadastrée section ZB n°[Cadastre 8] et la fixer comme suit :

* Au titre du surplomb : 8.227 m2 x 53 euros x 25 % = 109.007,75 euros ;

* Au titre de la dépréciation du surplus de la parcelle : 23.487 m2 x 53 euros x 10% = 124.481,10 euros

* Total de 233.488,85 euros ;

- Condamner la société RTE à leur payer une indemnité de procédure de 5.000 euros ;

- Condamner la société RTE aux dépens distraits dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Les consorts [Y], par courrier reçu par le greffe de la cour le 9 juin 2020, notifié à la RTE (AR signé du 11 juin 2020) et au commissaire du gouvernement (AR signé du 11 juin 2020), ont produit les pièces n°1 à 12.

La société RTE, par conclusions du 2 septembre 2020, recues par le greffe de la cour le 9 septembre 2020, notifiées aux consorts [Y] (LRAR du 10 septembre 2020 et AR non revenu) et au commissaire du gouvernement (AR signé du 11 septembre 2020), demande à la cour, au visa du code de l'énergie, notamment ses articles L.323-4 et suivants, du code de l'expropriation, de la jurisprudence citée, de la déclaration d'utilité publique du 24 avril 2017, de l'arrêté préfectoral du 19 décembre 2017 instituant les servitudes administratives nécessaires à l'exécution des travaux de la ligne à 400.000 volts [Localité 20]-Terrier n°3 ; du protocole d'accord relatif à l'indemnisation pour le passage de lignes électriques en terre agricole et son barème d'indemnisation, des pièces versées au débat, de :

- Rejeter les conclusions présentées par les consorts [Y] comme étant non fondées;

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé à 3 717 euros l'indemnisation au titre de l'établissement de la servitude d'implantation (production adverse n°20) ;

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé à 75 euros l'indemnisation au titre de la servitude de surplomb, en conséquence, Fixer cette indemnité à 168 euros ;

- Condamner les consorts [Y] à lui verser une indemnité de procédure de 5.000 euros.

Les consorts [Y], par conclusions reçues par le greffe de la cour le 1er décembre 2020, notifiées à la RTE (AR signé du 3 décembre 2020) et au commissaire du gouvernement (AR signé du 3 décembre 2020) répondent aux conclusions de la RTE , maintiennent leurs demandes et produisent quatre pièces supplémentaires (n°23 Cass, 3e Civ, 21 septembre 2010, n°24 CA Versailles, 4e ch expro du 9 novembre 2010, n°25 CA Versailles, 4ème ch. Expro du 10 décembre 2013 et n°26 dec. QPC du 2 février 2016).

Le commissaire du gouvernement, par conclusions reçues par le greffe de la cour le 9 mars 2021, notifiées aux consorts [Y] (AR signé 11 mars 2021) et à la RTE (AR signé du 11 mars 2021), estime ne pas être en mesure de se prononcer ni de proposer une indemnisation (méthode et quantum) et s'en remet à la justice.

La société RTE, par conclusions reçues par le greffe de la cour le 9 avril 2021 (RPVA) et le 12 avril 2021 (LRAR), notifiées aux consorts [Y] (AR signé du 13 avril 2021) et au commissaire du gouvernement (AR signé du 13 avril 2021), maintient ses demandes.

Les consorts [Y], par conclusions reçues par le greffe de la cour le 7 mai 2021, notifiées à la RTE (AR signé du 11 mai 2021) et au commissaire du gouvernement (AR signé du 11 mai 2021), maintiennent leurs demandes.

Les consorts [Y], par conclusions reçues par le greffe de la cour le 2 septembre 2022, notifiées à la RTE (AR signé du 12 septembre 2022) et au commissaire du gouvernement (AR signé du 09 septembre 2022), maintiennent leurs demandes et produisent trois pièces supplémentaires (pièce n°27 : refus permis de constuire du 10 juin 2022, pièce n°28 : lettre de la communauté des communes du Haut-Val-d'Oise du 10 juin 2022 et pièce n°29 : avis RTE du 7 février 2022).

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à la décision et aux conclusions susvisées pour plus ample exposé du litige.

SUR CE LA COUR

Sur la procédure

1- Vu l'article R311-26 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, la déclaration d'appel, les conclusions et les pièces des parties sont recevables, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté, à l'exclusion de celles, reçues tardivement au greffe, du commissaire du gouvernement le 9 mars 2021 et de la RTE reçues le 12 avril 2021.

La cour a invité les parties et le commissaire du gouvernement, par message RPVA et par LRAR doublée d'un mail, datés du 20 septembre 2022 à déposer leurs observations à cet égard avant le 26 septembre 2022.

Le commissaire du gouvernement et les consorts [Y] n'ont pas formulé d'observations.

La RTE a soutenu que ses conclusions du 12 avril étaient recevables en ce qu'elles ne pouvaient pas s'analyser comme des écritures complémentaires, faute de demande ou pièce nouvelle.

2- Au vu de ce qui précède, les conclusions du commissaire du gouvernement reçues le 9 mars 2021 alors qu'il a reçu notification des premières conclusions d'appelants le 11 juin 2020 sont irrecevables; En revanche, celles de la RTE reçues le 12 avril 2021 dont il n'est pas contesté qu'elle se borne à répliquer aux appelants ses pages 13, 15, 25, 27 et 39, sans introduire de discussion nouvelle ni verser de nouvelles pièces, sont recevables.

Sur l'indemnisation des consorts [Y]

3 - Les parties s'opposent sur les règles applicables à l'indemnisation du préjudice résultant pour les consorts [Y] de la modification litigieuse de la servitude existant sur leur parcelle ZB [Cadastre 8] de 31 714 m² située à [Localité 22] (95). Ainsi, les consorts [Y] appelants revendiquent l'application du code de l'expropriation tandis que la RTE revendique l'application du barème d'indemnisation agricole résultant de l'accord qu'elle a conclu en 2019 avec les chambres d'agriculture et la FNSEA.

4- Le jugement entrepris retient :

- 75 € pour le préjudice de surplomb (170 m X 0.4 €), sur la base du barème d'indemnisation pour les terres en polyculture et prairies naturelles ,

- 3.717 € pour le préjudice d'emprise du nouveau pylône, sur la base de 243,36 m² et du barème 2019 concernant les terres agricoles de première catégorie en polyculture.

Il rejette toute indemnisation d'une dépréciation du bien, s'agissant d'une terre agricole qui était déjà l'objet d'une servitude de surplomb et qui pourra continuer à être cultivée.

5- Les consorts [Y] pour revendiquer 109.007,75 € au titre de la servitude de surplomb et 124.481,10 € au titre de la dépréciation du surplus de leur terrain, soutiennent que :

- les règles du code de l'expropriation doivent s'appliquer, à l'exclusion du barème d'indemnisation forfaitaire de terres agricoles, dès lors que leur bien est un terrain à batir et non en terres agricoles,

- la servitude porte atteinte à leur droit de propriété par la restriction d'usage de la surface sous emprise après modification de la servitude (8227 m²) et par la perte de valeur du surplus du terrain (23487 m²), lesquelles rendent incontrustructible ce terrain et vaine leur projet de vente depuis 2015,

- ils subissent une aggravation de leur préjudice antérieur à la modification litigieuse de la servitude, liée au nouveau tracé de la ligne électrique, dont la puissance en voltage passe de 200 000 à 400 00 V, qui surplombe désormais leur bien en diagonale et qui a des effets sanitaires négatifs liés à l'exposition aux lignes à haute tension tels que dénoncés par l'avis de l'Anses et le Conseil d'Etat,

- leurs dernières pièces (pièces n°27 à 29) établissent que la Commune de [Localité 22] a refusé un permis de construire sur leur bien , au visa de l'avis émis par RTE sur le projet de construction et sur le fondement de l'article R 111-2 du code de l'urbanisme qui permet à la collectivité de refuser une telle autorisation si elle est d'une nature à porter atteinte à la sécurité publique.

Pour étayer leurs demandes chiffrées, ils invoquent un prix de vente de 53 € /m² et une dépréciation de ce prix de 25% pour la surface sous emprise et de 10% pour le surplus.

6- La RTE propose de confirmer le jugement entrepris sur le préjudice d'emprise (3.717 €) et d'accorder la somme de 168 € (420 m X 0,40 €) au titre du préjudice de surplomb. Elle soutient que :

- en vertu des dispositions spéciales du code de l'énergie et faute de dépossession, les dispositions du code de l'expropriation ne sont pas applicables à l'indemnisation du préjudice résultant d'une servitude,

- le recours au barème forfaitaire retenu par le premier juge est justifié par l'usage effectif agricole du bien, admis par les appelants,

- le surplomb se limite à un linéaire de 420 mètres non pas 170, et à 75 mètres de hauteur, sans privation de jouissance du dessous,

- il n'y a pas d'aggravation du préjudice par la modification litigieuse de la servitude existante, qui supprime d'ailleurs un des deux pylônes préexistants,

- le bien était vainement proposé à la vente dès 2015 soit bien avant la modification de la servitude en examen et les appelants ne justifient d'aucun projet constructif contrarié par celle-ci.

7- La cour retient ce qui suit.

8- Vu les dispositions combinées des articles L323-3, L323-6, L323-7, R323-17 du code de l'énergie et L331-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, qui instaurent un régime d'indemnisation spécifique par le juge de l'expropriation du préjudice direct, matériel et certain pouvant résulter des servitudes de transport d'électricité en l'absence d'expropriation,

9- L'argumentaire des appelants fondé sur la qualification de terrain à bâtir de leur parcelle est inopérant, dès lors qu'ils ne justifient pas, ainsi que le fait valoir la RTE, que les réseaux d'alimentation (eau potable, eaux usées, électricité) nécessaires à cette qualification au visa de l'article L322-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, sont adaptés pour desservir la totalité des 31.711 m² de ce terrain.

Les contraintes induites par la servitude modifiée en examen doivent s'apprécier au regard de l'usage effectif du terrain et du classement d'urbanisme à la date de référence soit le 17 mai 2018, non au regard de sa vocation future.

11- Il s'en suit que si la présence d'un pylône et le surplomb de lignes à haute tension limitent, de facto, l'usage du terrain, cette limitation est relativement réduite, s'agissant d'une parcelle nue, à usage de culture, et en tout état de cause, d'une parcelle sur laquelle seule des activités économiques sont permises puisqu'elle se situe en zone UI du PLU de Persan (zone d'activités)( V. Par ex, Cour d'appel de Versailles 7-11-17, RG 15/00226).

12- A cet égard et au vu des dernières pièces produites ainsi que du procès verbal de transport sur les lieux du 6 novembre 2019, les consorts [Y] ne font état d'aucun projet constructif existant au jour du réaménagement de la servitude existante qui aurait été remis en cause par cette modification. Ce d'autant que cette modification par changement de l'axe d'une ligne à haute tension existante supprime un pilône et que l'incidence du changement de voltage sur leurs préjudices allégués n'est pas utilement étayé.

13- Au demeurant, il n'est démontré ni que le refus de permis de construire qu'ils invoquent est fondé sur l'avis de la RTE du 31 janvier 2022, ni que la vente du bien pour une activité industrielle, commerciale ou scientifique permise par son zonage est gênée par la présence de cette ligne aérienne, alors même que la servitude du support, telle que modifiée, représente 243, 36 m² pour une superficie totale du bien de 31 714 m² soit moins d'1% et que le surplomb se situe à 75 mètres de hauteur.

14- En conséquence, le préjudice de dépréciation tant de la surface de la parcelle sous emprise des lignes de haute tension que de celle qui ne l'est pas, résultant de la modification en examen de la servitude existante, à le supposer établi, est éventuel et n'est donc pas indemnisable.

15- En revanche, leur préjudice d'implantation a été justement évalué à 3 717 € par le premier juge sur la base d'une superficie de 243,36 m² et du barême correspondant de l'accord 2019 précité, étant observé que les appelants ne discutent pas les barèmes retenus, mais seulement le principe de leur application motif pris de la qualification, cependant, infondée, de leur bien en terrain à bâtir.

16- Il suffira d'ajouter que contrairement à ce qu'ils soutiennent, cet accord qui prévoit des barèmes distincts pour les exploitants et pour les propriétaires s'appliquent aux uns comme aux autres.

17- Enfin, l'indemnisation du préjudice de surplomb doit être évalué sur la base du barème pertinent de cet accord 2019, à 168 euros soit 0,40 euros pour 420 mètres linéaires et non 170, au bénéfice de la même observation qu'au point 15 ci-dessus.

18- Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il fixe à 3 792 euros l'indemnité totale due aux appelants.

Sur les demandes accessoires

19-Les consorts [Y], dont le recours échoue doivent supporter les dépens de première instance et d'appel et l'équité commande de les condamner à l'indemnité de procédure qui suit.

Le jugement entrepris sera donc infirmé de ces chefs également.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Déclare irrecevables comme tardives les conclusions du commissaire du gouvernement ;

Infirme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Fixe à la somme de 3717 euros l'indemnité due aux appelants au titre de la servitude d'implantation litigieuse instituée sur leur parcelle ZB[Cadastre 8] à [Localité 22] (95);

Fixe à la somme de 168 euros l'indemnité due aux appelants au titre de la servitude de surplomb litigieuse instituée sur leur parcelle ZB[Cadastre 8] à [Localité 22] (95);

Condamne les appelants aux dépens d'appel ;

Condamne in solidum les appelants à payer à la société RTE intimée une indemnité de procédure de 5.000 euros et rejette toute autre demande.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Agnès BODARD-HERMANT, Président, et par Madame Kalliopi CAPO-CHICHI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 4e ch. expropriations
Numéro d'arrêt : 20/01954
Date de la décision : 11/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-11;20.01954 ?
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