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06/10/2022 | FRANCE | N°19/03331

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 06 octobre 2022, 19/03331


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 06 OCTOBRE 2022



N° RG 19/03331

N° Portalis DBV3-V-B7D-TNHO



AFFAIRE :



[Y], [J], [A] [L]



C/



SAS CREDIT AGRICOLE PAYMENT SERVICES













Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 juillet 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section

: E

N° RG : 17/00623







Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Martine DUPUIS



M. [H] [N] (Délégué syndical ouvrier)



le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SIX OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 OCTOBRE 2022

N° RG 19/03331

N° Portalis DBV3-V-B7D-TNHO

AFFAIRE :

[Y], [J], [A] [L]

C/

SAS CREDIT AGRICOLE PAYMENT SERVICES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 juillet 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : E

N° RG : 17/00623

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Martine DUPUIS

M. [H] [N] (Délégué syndical ouvrier)

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [Y], [J], [A] [L]

né le 16 janvier 1989 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par : M. Patrick BURNEL (Délégué syndical ouvrier)

APPELANT

****************

SAS CREDIT AGRICOLE PAYMENT SERVICES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par : Me Pierre DIDIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0445 et Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 juin 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Présidente,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseillère,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère,

Greffière lors des débats : Madame Anne-Sophie CALLEDE,

Greffière placée lors de la mise à disposition : Mme Virginie BARCZUK

RAPPEL DES FAITS CONSTANTS

La SAS Crédit Agricole Payment Services (anciennement dénommée Crédit Agricole Cards & Payments), dont le siège social est situé à [Localité 3] dans le département des Yvelines, est une filiale du groupe Crédit Agricole, qui rassemble les compétences paiement du groupe en matière de marketing-innovation, de processing et de représentation interbancaire.

La société assure notamment le pilotage des activités de lutte contre la cybercriminalité pour l'ensemble du groupe par le biais du CERT Crédit Agricole (Computer Emergency Response Team).

La convention collective applicable est celle du Crédit Agricole SA.

M. [Y] [L], né le 16 janvier 1989, a d'abord été engagé par contrat d'apprentissage par la société Crédit Agricole Cards & Payments le 2 septembre 2010. La relation s'est ensuite poursuivie par contrat de travail à durée déterminée (CDD) du 1er août 2013 puis par contrat de travail à durée indéterminée (CDI) conclu le 1er avril 2014, en qualité d'ingénieur d'études en vue d'assurer les fonction d'analyste dans le domaine de la cybercriminalité.

En dernier lieu, M. [L] percevait une rémunération mensuelle moyenne de 3 333,34 euros brut.

Par courrier du 7 juillet 2015, la société Crédit Agricole Payment Services a convoqué M. [L] à un entretien préalable qui s'est déroulé le 16 juillet 2015.

Puis, par courrier du 23 juillet 2015, la société Crédit Agricole Payment Services a notifié à M. [L] son licenciement pour faute simple dans les termes suivants :

"Vous occupez le poste d'ingénieur d'études au sein du service Sécurité Moyens de Paiement à la Direction Sécurité Moyens de Paiement, Émissions & Passerelles de Crédit Agricole Cards & Payments.

Votre manager, Monsieur [E] [F], a relayé le 3 juin dernier à la Direction des Ressources Humaines des échanges de courriels que vous avez initiés ce même jour avec votre précédent manager, Monsieur [C] [P].

Le ton et le contenu de vos écrits, qui se rapportent aussi bien à des faits de la vie privée que professionnelle de votre ancien manager, sont dictés par une manifeste malveillance et dénotent une agressivité qui ne sont pas admissibles.

Nous avons alors été amenés à constater, à cette occasion, que vous aviez régulièrement recours et persistiez à employer des procédés qui visent à intimider vos interlocuteurs. Ainsi, vous faites référence à des enregistrements qui selon vous, seraient en mesure de lui nuire, ou exposez votre intention de divulguer auprès de tiers à l'entreprise ce que vous jugez comme étant des dysfonctionnements dans le service auquel vous apparteniez.

Ceci est d'autant moins acceptable que vous ne pouvez ignorer que ce dernier a fait preuve, à votre égard, d'une patience exemplaire depuis de nombreux mois, passant outre les troubles que vous avez occasionnés dans la précédente équipe à laquelle vous étiez affecté.

Par ailleurs, vous persistez, sans relâche, à critiquer les collègues qui travaillent à vos côtés, et hiérarchiques, et plus généralement l'entreprise qui vous emploie en mettant en cause le fonctionnement du CERT (Computer Emergency Response Team).

Cette attitude, nonobstant divers recadrages par vos managers successifs et les ressources humaines, s'est amplifiée et généralisée au cours du temps, et n'est pas compatible avec la poursuite de votre contrat de travail. Ainsi, à titre d'illustration :

1. Envers vos collègues

Plus généralement, et comme vous l'écrivez dans les échanges incriminés, vous considérez que : « les autres, ils passent leur temps à faire de la musique et de la chorale, et passent leur temps à réfléchir et mettre en cause au lieu d'agir, et que l'autre, il envoie pas les IBAN en liste noire, il priorise les e-mails de « MERCI » il fait exprès de ne rien faire dans la journée pour se faire payer des heures supplémentaires à rallonge...».

En particulier vous avez initié une véritable campagne de dénigrement envers l'un des membres de l'équipe, auquel vous reprochez la qualité de son travail comme son absence totale d'implication professionnelle.

L'animosité exprimée envers ce collègue est telle que vous n'hésitez pas à partager par écrit votre point de vue ou, pire encore, vous avez pris des photos de ce dernier à son insu pour étayer vos dires auprès notamment de votre hiérarchie.

A la suite d'un changement d'équipe, vous n'avez pas modifié votre comportement, en prenant dorénavant également pour cible la nouvelle équipe, dont la compétence a été immédiatement mise à mal.

Ainsi, vous la décrivez de la manière suivante :

« Ici c'est [X] puissance n ; dépendance au travail des autres ; rythme de travail de membres de l'équipe en inadéquation avec le mien, manque d'informations, aucune montée en compétence sur la fraude monétique, problème relationnel avec l'équipe (se font mousser auprès du N + 1),

- en refusant mon aide sur un sujet et en exposant l'absence de réponse de ma part à [E] [F],

- en envoyant un résultat à [E] [F] en mettant « bonjour [E], [Y] » en montrant leur travail alors qu'ils m'ont vu et que c'est moi qui leur ai demandé de faire ça',

Manque d'implications de membres, mal à l'aise face à ces supervendeurs à l'oral, placard, isolement, absence de travail ».

2. Propos critiques divulgués à des tiers

Dans les courriels du 3 juin dernier, vous exposez votre intention de saisir des tiers à l'entreprise sur ce que vous estimez être des dysfonctionnements (« et si je lui explique la vérité sur le fonctionnement du CERT et comment on m'a remercié '(...) »).

Or, en septembre 2014, vous aviez déjà diffusé à l'extérieur, auprès de la société LEXSI qui a été l'un des parrains de CACP pour l'agrément CERT et partenaire majeur de l'entreprise en matière de lutte contre la cybercriminalité, vos appréciations critiques sur les membres de l'équipe, et le groupe Crédit Agricole de la manière suivante :

« Puis-je diffuser mon CV sur SIC (Sécurité Interbancaire et Cybercriminalité) et mes appréciations d'entreprise pour retrouver un emploi dans la cybercriminalité ' souhaitant quitter le groupe Crédit Agricole pour différents motifs entre autres :

- incompétence professionnelle et négligence défendues par la hiérarchie, imposition de mes RTT décidées unilatéralement,

- suppression de mes astreintes sans préavis & injustice, multiples propos déplacés et erronés de ma hiérarchie, après avoir signalé factuellement : de la fraude au congé, abandon de poste, présence quotidienne inférieure à 2/3h par jour, sommeil à son poste, machine à café & imprimante 50% du temps, d'un ami d'une supérieure .

Cet incident, ajouté aux tensions grandissantes que vous aviez générées dans cette équipe - qui traite au demeurant de sujets extrêmement sensibles - nous avaient contraints à vous changer d'affectation, avec l'espoir que vous prendriez enfin conscience du caractère totalement inadapté de votre comportement et de ses impacts et risques pour vos collègues et l'entreprise.

3. Mise en cause de la hiérarchie

Après votre changement d'affectation, votre nouveau manager, M. [E] [F] a été également confronté à votre attitude inacceptable ce qui l'a contraint à vous recadrer à plusieurs reprises.

Vous avez, en dernier lieu, après réception du courrier de convocation à entretien préalable, estimé qu'il avait « monté un dossier contre vous » comme déjà précédemment alors que vous aviez saisi le RSSI sans en avoir tenu informé votre manager et votre équipe.

Au surplus, vous avez continué à solliciter et à entretenir avec votre ex-manager des échanges de courriels polémiques, partagés auprès de votre actuel manager ( ex : « tu pourras sauter », « pas de ma faute à moi si [B] a profité du sujet [X] pour dire que t'es un mauvais manager et que c'est à elle de piloter le CERT » ...). Dans les courriels du 3 juin 2015, vous décrivez votre ancien manager de la manière suivante :

« que tu préfères défendre les gens qui ne bossent pas et que tu ne te remets jamais en cause. Que tu tires toujours la couverture vers toi. Que tu as menti à [E] [D] car tu as une certaine reconnaissance [...] que tu fais des intrusions dans des STADT etc.. »

En conclusion, par votre comportement, vous discréditez ou dévalorisez vos collègues et/ou le travail et portez atteinte à l'autorité de votre hiérarchie, situation qui perturbe le fonctionnement de l'entreprise. Il résulte également de vos écrits et de votre attitude réitérée et persistante que vous n'avez jamais été en capacité de prendre en compte les observations qui vous ont été faites sur votre manière d'agir dans l'entreprise et les effets néfastes qu'elle induit.

Vous avez largement outrepassé les limites lors du dernier incident en date du 3 juin 2015, notamment en ayant porté atteinte aux droits et à la dignité de votre ex-manager.

Compte tenu de tout ce qui précède, et indépendamment de vos connaissances techniques, nous vous notifions, par conséquent, votre licenciement pour faute."

M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles en contestation de son licenciement par requête reçue au greffe le 24 juillet 2017.

La décision contestée

Par jugement contradictoire rendu le 8 juillet 2019, la section encadrement du conseil de prud'hommes de Versailles a :

- dit que les demandes de dommages-intérêts et d'indemnité de M. [L] concernant l'exécution et la rupture de son contrat d'apprentissage et l'exécution de son CDD sont prescrites et donc irrecevables,

- dit que les demandes de dommages-intérêts et d'indemnité de M. [L] concernant l'exécution de son CDI sont prescrites et donc irrecevables,

- dit et jugé que le licenciement pour faute notifié à M. [L] est bien fondé,

- débouté M. [L] en sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- débouté M. [L] en sa demande de rappel de salaire lié à l'irrégularité du préavis et congés payés afférents,

- débouté M. [L] du surplus de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- débouté la société SNC Crédit Agricole Cards & Payments de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [L] aux entiers dépens.

M. [L] avait demandé au conseil de prud'hommes :

- rappel de salaire avec dommages-intérêts pour nullité du licenciement : 85 000 euros,

- réintégration suite à nullité du licenciement,

- dommages-intérêts pour licenciement nul à défaut de réintégration : 1 000 000 euros,

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 30 000 euros,

- dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail : 150 000 euros,

- indemnité de requalification d'un CDD : 3 166,66 euros,

- dommages-intérêts pour atteinte à l'état de santé en raison du travail intensif : 50 000 euros,

- dommages-intérêts pour privation du bénéfice des congés : 7 500 euros,

- dommages-intérêts pour harcèlement moral : 60 000 euros,

- dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité : 60 000 euros,

- dommages-intérêts pour heures supplémentaires (345 heures) en contrat d'apprentissage de juillet 2012 à juillet 2013 en raison d'une perte de chance : 4 000 euros,

- dommages-intérêts pour heures supplémentaires (801 heures) d'août 2013 à mars 2014 en raison d'une perte de chance : 20 000 euros,

- dommages-intérêts pour heures supplémentaires (778 heures) d'avril 2014 à septembre 2014 en raison d'une perte de chance : 20 000 euros,

- dommages-intérêts pour heures supplémentaires (891 heures) de septembre 2014 à juillet 2015 en raison d'une perte de chance : 25 000 euros,

- dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail et des durées de repos quotidien et hebdomadaire : 7 500 euros,

- dommages-intérêts pour exécution déloyale de la convention de forfait jours : 5 000 euros,

- indemnité pour travail dissimulé (6 mois) : 20 000 euros,

- restitution de l'argent du badge d'accès pour le restaurant d'entreprise ou à défaut dommages-intérêts pour la non-restitution de la somme déposée sur le compte lié à ce badge : 50 euros,

- dommages-intérêts pour non-respect du droit au DIF : 10 000 euros,

- dommages-intérêts pour perte de chance en raison du non-paiement de la rémunération variable personnelle 2015 : 3 000 euros,

- rappel de salaire lié à l'irrégularité du préavis : 1 075,03 euros,

- rappel de congés payés afférents : 107,50 euros,

- dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat d'apprentissage : 3 166,66 euros,

- dommages-intérêts pour non-respect de l'absence de période d'essai après un contrat d'apprentissage : 3 166,66 euros,

- remboursement des frais de transport : 46 euros,

- article 700 du code de procédure civile : 4 000 euros,

- exécution provisoire,

- intérêts légaux avec capitalisation,

- remise du solde de tout compte sous astreinte journalière de 300 euros.

La société Crédit Agricole Cards & Payments avait, quant à elle, conclu au débouté du salarié et avait sollicité sa condamnation à lui verser une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La procédure d'appel

M. [L] a interjeté appel du jugement par déclaration du 12 août 2019 enregistrée sous le numéro de procédure 19/03331.

Prétentions de M. [L], appelant

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 21 août 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [L] demande à la cour d'appel de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf celle déboutant la société Crédit Agricole Payment Services de sa demande au titre des frais irrépétibles de la procédure,

- juger que son licenciement est nul ou, subsidiairement, dépourvu de cause réelle et sérieuse,

en conséquence, à titre principal,

- ordonner sa réintégration sous astreinte de 30 euros par jour de retard avec paiement de tous les salaires échus depuis le terme du contrat (24 octobre 2015) jusqu'à la réintégration effective sur la base de 3 333,34 euros mensuels, outre les éléments variables qui lui auraient été versés,

à titre subsidiaire,

- condamner la société Crédit Agricole Payment Services à lui payer 30 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en tout état de cause, la société Crédit Agricole Payment Services à lui payer1 075,03 euros de rappel d'indemnité compensatrice de préavis, outre 107,50 euros de congés payés afférents ou subsidiairement 1 182,53 euros de rappel de congés payés,

en outre, au titre de l'exécution du contrat de travail,

- condamner la société Crédit Agricole Payment Services à lui payer les sommes suivantes :

. 3 810,24 euros de rappel au titre des heures supplémentaires effectuées dans le cadre du contrat d'apprentissage,

. 23 671,79 euros de rappel au titre des heures supplémentaires effectuées entre août 2013 et avril 2014,

. 24 518,52 euros de rappel au titre des heures supplémentaires effectuées entre avril 2014 et septembre 2014,

. 27 649,24 euros de rappel au titre des heures supplémentaires effectuées entre septembre 2014 et juillet 2015,

* le tout, congés payés inclus,

. 20 000 euros d'indemnité pour travail dissimulé,

. 7 500 euros d'indemnité pour privation du bénéfice « en nature » des congés payés,

. 3 000 euros de rappel au titre de la rémunération variable,

. 60 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

. 10 000 euros de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité et atteinte à sa santé,

. 1 000 euros de dommages-intérêts pour non-respect de l'information relative au DIF,

. 3 333,34 euros d'indemnité de requalification de contrat d'apprentissage en CDI et de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat d'apprentissage,

- condamner également la société Crédit Agricole Payment Services à :

. 2 000 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. l'intérêt légal, à compter du jour de la réception de la convocation de la société Crédit Agricole Payment Services devant le bureau de conciliation pour les condamnations à caractère salarial et à compter du jour de leur fixation par la cour, pour les condamnations à caractère indemnitaire,

. l'anatocisme prévu à l'article 1343-2 du code civil, sur l'intérêt légal à payer par la société Crédit Agricole Payment Services,

- ordonner la délivrance, au mois le mois, de tous les bulletins de paie rectificatifs conformes à l'arrêt à intervenir et, en cas de non réintégration, la délivrance d'une attestation Pôle emploi rectificative conforme à l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 20 euros par jour et par document,

- condamner la société Crédit Agricole Payment Services aux entiers dépens, y compris ceux liés à l'éventuelle exécution forcée de la décision.

Prétentions de la société Crédit Agricole Payment Services, intimée

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 4 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société Crédit Agricole Payment Services conclut à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris et demande donc à la cour d'appel de :

- déclarer irrecevables et en tout état de cause mal fondées les demandes de M. [L],

- l'en débouter dans leur intégralité,

- condamner M. [L] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [L] aux dépens, de première instance comme d'appel, étant précisé que ceux d'appel seront recouvrés par Me Martine Dupuis, SELARL Lexavoué Paris Versailles conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ordonnance rendue le 8 juin 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 23 juin 2022.

À l'issue des débats, il a été proposé aux parties de recourir à la médiation, ce qu'elles ont décliné.

MOTIFS DE L'ARRÊT

À titre liminaire, il est rappelé qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Sur l'exécution du contrat de travail

Aux termes de ses écritures, M. [L] formule 11 demandes au titre de l'exécution des différents contrats de travail conclus avec la société Crédit Agricole Payment Services.

Il formule en premier lieu des demandes au titre des heures supplémentaires qu'il prétend avoir réalisées, en distinguant différentes périodes qu'il convient de reprendre ici ainsi que le salarié le propose.

S'agissant des heures supplémentaires effectuées dans le cadre du contrat d'apprentissage

M. [L] sollicite un rappel de salaire de 3 810,24 euros à ce titre tandis que la société Crédit Agricole Payment Services lui oppose la prescription de sa demande.

L'article L. 3245-1 du code du travail dispose : « L'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. »

En matière salariale, le jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action est la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible et en cas de termes successifs de créances de salaire, chaque terme fait courir un délai de prescription qui lui est propre.

Pour les créances nées avant le 16 juin 2013, date d'entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, le délai de prescription initial de 5 ans a été réduit à 3 ans. Pour bénéficier des dispositions transitoires, le salarié devait saisir le conseil de prud'hommes avant le 16 juin 2016.

En l'espèce, le contrat d'apprentissage, formalisé en deux avenants, s'est déroulé du 2 septembre 2010 au 31 juillet 2013 et M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes le 24 juillet 2017.

Les demandes correspondant à la période allant du 2 septembre 2010, date de début du contrat d'apprentissage, jusqu'au 16 juin 2013, sont donc prescrites.

Pour les créances nées après le 16 juin 2013 et ici jusqu'au 31 juillet 2013, l'action en paiement se prescrit par 3 ans, la prescription étant acquise au fur et à mesure, du 16 juin 2016 au 1er août 2016.

Ces créances sont donc également prescrites.

S'agissant des heures supplémentaires effectuées entre août 2013 et avril 2014

M. [L] sollicite un rappel de salaire de 23 671,79 euros à ce titre tandis que la société Crédit Agricole Payment Services lui oppose la prescription de sa demande.

En application des dispositions de l'article L. 3245-1 du code du travail, la prescription est de trois ans. Le salarié devait donc agir avant le 1er avril 2017 pour la créance correspondant à la période la plus récente, or il a saisi le conseil de prud'hommes le 24 juillet 2017, donc tardivement, de sorte que la prescription est acquise.

S'agissant des heures supplémentaires effectuées entre avril 2014 et septembre 2014

M. [L] sollicite un rappel de salaire de 24 518,52 euros à ce titre tandis que la société Crédit Agricole Payment Services lui oppose la prescription de sa demande.

En application des dispositions de l'article L. 3245-1 du code du travail, la prescription est de trois ans. Le salarié devait donc agir avant le 1er septembre 2017 pour la créance de la période la plus récente.

Comme il a saisi le conseil de prud'hommes le 24 juillet 2017, la prescription est acquise pour les créances antérieures au 24 juillet 2014, soit celles du 1er avril 2014 au 24 juillet 2014 tandis qu'elle n'est pas acquise pour les créances allant du 24 juillet 2014 au 1er septembre 2014.

S'agissant des heures supplémentaires effectuées entre septembre 2014 et juillet 2015, date du licenciement

M. [L] sollicite un rappel de salaire de 27 649,24 euros à ce titre. Cette demande, non prescrite, sera examinée, au fond, en même temps que la période précédente retenue comme non prescrite.

Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2 et suivants qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

À l'appui de sa demande, M. [L] verse aux débats des tableaux récapitulatifs des journées travaillées avec la mention du nombre d'heures qu'il prétend avoir réalisées, portant notamment sur la période jugée non prescrite (ses pièces 29, 35, 36 et 37). Mais ces tableaux, en ce qu'ils ne font état que d'une durée forfaitaire de travail de 10 heures par jour, sans indication des heures travaillées chaque jour, ni des heures d'arrivée et de départ, ne revêtent pas les précisions minimales nécessaires afin de permettre que s'instaure un débat contradictoire en plaçant l'employeur, à qui incombe la charge de contrôler les heures de travail accomplies, en situation de pouvoir y répondre utilement.

Au demeurant, aux termes de ses écritures, M. [L] prétend verser « un nombre substantiel de pièces qui justifient sa demande ». Il vise uniquement ses pièces 25 à 28 et 34 qui correspondent notamment à des « photographies témoignant de l'heure tardive à laquelle il travaillait » et d'un « échantillon des dates de modification des brouillons de rapport d'expertise et un extrait indiquant l'activité les jours fériés », la cour constatant toutefois que ces pièces, non datées, non intelligibles ne sont pas de nature à démontrer l'existence d'heures supplémentaires.

M. [L] sera débouté de ses demandes au titre des heures supplémentaires par confirmation du jugement entrepris.

S'agissant de l'indemnité pour travail dissimulé

M. [L] sollicite une somme de 20 000 euros à ce titre tandis que la société Crédit Agricole Payment Services lui oppose la prescription de sa demande.

Concernant la prescription

Dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, l'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

L'article L. 8223-1 du code du travail dispose qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Si l'indemnité pour travail dissimulé prévue par l'article L. 8223-1 du code du travail est due en raison de l'inexécution par l'employeur de ses obligations, elle n'est exigible qu'en cas de rupture de la relation de travail.

La relation de travail ayant pris fin le 23 juillet 2015, l'action engagée par M. [L] le 24 juillet 2017 n'est donc pas prescrite.

Concernant le bien-fondé de la demande

S'agissant de l'indemnité pour travail dissimulé, il est rappelé que le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi salarié visée à l'article L. 8221-5 du code du travail doit être établi.

Or en l'espèce, aucun élément ne vient justifier du caractère intentionnel d'une dissimulation d'emploi salarié, les heures supplémentaires revendiquées par le salarié n'ayant pas été retenues.

M. [L] sera débouté de cette demande, par confirmation du jugement entrepris.

S'agissant de la privation de la possibilité de prendre ses congés payés

M. [L] sollicite une indemnité de 7 500 euros pour « privation du bénéfice en nature des congés payés » tandis que l'employeur lui oppose la prescription de son action.

L'article L. 1471-1 du code du travail dispose : « Toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. »

Considérant ici que M. [L] a eu connaissance de ses droits au moment de la rupture de son contrat de travail, soit le 23 juillet 2015, date de la lettre de licenciement et également de son expédition, conformément aux mentions des documents de la poste joints à l'accusé de réception (pièce 4 de l'employeur), il n'a saisi le conseil de prud'hommes que le 24 juillet 2017, soit plus de deux ans après, donc tardivement.

Cette demande est prescrite.

S'agissant de la rémunération variable

M. [L] réclame un rappel de salaire de 3 000 euros à ce titre tandis que l'employeur lui oppose son départ en cours d'année.

M. [L] produit une lettre de son employeur du 18 février 2014, l'informant de l'attribution à titre de rémunération variable personnelle (RVP) d'une somme de 1 529 euros au titre de l'année 2013 (sa pièce 16) et une autre lettre du 10 février 2015 l'informant de l'attribution à titre de RVP d'une somme de 2 845 euros pour l'année 2014 (sa pièce 17). Il résulte cependant des termes de ces deux lettres que ces bonus ont été attribués au salarié de manière discrétionnaire.

En l'absence de clause dans le contrat de travail ou dans tout autre document contractuel, ces seuls éléments ne permettent pas de retenir le principe d'une rémunération variable contractualisée.

Le salarié sera débouté de cette demande.

S'agissant du harcèlement moral

M. [L] sollicite une indemnité de 60 000 euros à titre de dommages-intérêts sur ce fondement.

La société Crédit Agricole Payment Services s'oppose à cette demande.

En application des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

Aux termes de l'article L. 1154-1 du même code, « Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 [...], le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »

A l'appui de sa demande, M. [L] se limite toutefois à faire valoir, aux termes de ses écritures, page 12, qu'il « a versé aux débats d'abondants éléments prouvant le harcèlement moral dont il a fait l'objet et a été victime, le caractère répété des faits étant suffisamment établi».

Il s'ensuit qu'au regard des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée.

M. [L] sera en conséquence débouté de sa demande.

S'agissant de l'obligation de sécurité

M. [L] sollicite une indemnité de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts sur ce fondement. La société Crédit Agricole Payment Services oppose la prescription de l'action.

En application de l'article L. 1471-1 du code du travail, considérant que M. [L] a eu connaissance de ses droits au moment de la rupture de son contrat de travail, soit le 23 juillet 2015 mais qu'il n'a saisi le conseil de prud'hommes que le 24 juillet 2017, soit plus de deux ans après, donc tardivement, cette demande est prescrite.

S'agissant du DIF

M. [L] sollicite une indemnité de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts sur ce fondement tandis que l'employeur lui oppose la prescription de l'action.

S'agissant d'une demande portant sur l'exécution du contrat de travail, la prescription est acquise en application des dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail, pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment.

S'agissant du contrat d'apprentissage

M. [L] sollicite l'allocation d'une somme de 3 333,34 euros, à titre d'indemnité de requalification du contrat d'apprentissage en CDI et à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive de ce contrat.

La société Crédit Agricole Payment Services oppose la prescription de l'action.

Il est rappelé que l' article L. 1471-1 du code du travail dispose : « Toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. »

Le point de départ du délai de cette action doit être fixé au 31 juillet 2013, date de rupture du contrat d'apprentissage, de sorte que l'action engagée le 24 juillet 2017 est manifestement tardive au regard du délai de deux ans applicable ici, donc prescrite.

Sur la rupture du contrat de travail

Revendiquant le statut de lanceur d'alerte et invoquant un harcèlement moral en réponse à sa dénonciation, M. [L] sollicite la nullité de son licenciement et à titre subsidiaire, il prétend que son licenciement ne repose que sur des griefs prescrits.

S'agissant du statut de lanceur d'alerte

En application de l'article L. 1132-3-3 du code du travail, « Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions.

Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

En cas de litige relatif à l'application des premier et deuxième alinéas, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, ou qu'elle a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ».

A l'appui de sa prétention, M. [L] se limite toutefois à indiquer : « Il résulte des pièces versées aux débats, que ce que M. [L] a dénoncé, ce sont bien, non seulement des dysfonctionnements mais également des pratiques frauduleuses de la société Crédit Agricole Payment Services et de certains de ses subordonnés ».

Ce faisant, il n'allègue aucun fait précis et n'indique pas quelle infraction il dénonce, ne mettant pas la juridiction en mesure de se prononcer sur sa demande, laquelle sera écartée.

De la même façon, le salarié fait état d'un harcèlement moral sans présenter aucun élément, se contentant d'écrire : « Contrairement à ce que la hiérarchie de M. [L] aurait dû faire, elle a entrepris à son égard un harcèlement moral, étayé par les très nombreuses pièces versées aux débats ». Cette demande sera écartée.

M. [L] sera débouté de sa demande de nullité du licenciement, par confirmation du jugement entrepris.

S'agissant de la prescription des griefs

M. [L] soulève la prescription des griefs qui lui sont opposés. Il indique que les comportements antérieurs au 7 mai 2015 sont prescrits dans la mesure où la procédure de licenciement a été engagée par la remise en personne de la convocation à entretien préalable le 7 juillet 2015. Il prétend que la quasi-totalité des griefs ne sont pas datés dans la lettre de licenciement, le seul fait daté du 3 juin 2015 pouvant lui être opposé.

Il sera rappelé que les dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail interdisent l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur a eu connaissance des faits fautifs.

Mais, comme le souligne à juste titre la société, un employeur peut, à l'appui d'une décision de licenciement, invoquer des comportements répréhensibles anciens de même nature que ceux donnant finalement lieu au licenciement.

La prescription de deux mois ne joue pas si le comportement fautif du salarié persiste, auquel cas, un fait datant de plus de deux mois au jour des poursuites peut être pris en considération lorsque le comportement du salarié s'est poursuivi ou répété dans ce délai.

La prescription ainsi invoquée doit être appréciée pour chaque grief individuellement.

Ainsi qu'il sera établi ci-après cependant, le seul grief invoqué antérieur au 7 mai 2015, est un échange de courriels de novembre 2014, qui démontre l'attitude dénigrante du salarié, laquelle s'est poursuivie dans le temps de la prescription, en juin 2015.

S'agissant du bien-fondé du licenciement

Aux termes de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, il est reproché trois séries de griefs à M. [L] :

- propos et comportement envers des collègues,

- propos critiques divulgués à des tiers,

- mise en cause de la hiérarchie.

Concernant les propos et comportement envers des collègues

Les propos prêtés à M. [L], tels qu'il résulte de la lettre de licenciement, sont établis par la production d'un échange de courriels de juin 2015 (pièce 7 de l'employeur) et un autre échange de novembre 2014 (pièce 22 de l'employeur).

Ainsi qu'il résulte des pièces justificatives, M. [L] se livre à un dénigrement des personnes avec qui il était amené à travailler, tant au sein de sa précédente équipe, que dans sa nouvelle équipe au sein de laquelle il a été affecté en septembre 2014, au motif, selon l'employeur, que son comportement était devenu ingérable.

Ces faits sont matériellement établis.

Concernant les propos critiques divulgués à des tiers

La société Crédit Agricole Payment Services produit le courriel de septembre 2014 (sa pièce 14) dans lequel M. [L] s'autorise auprès d'un tiers à dénigrer l'entreprise, dans les termes dénoncés dans la lettre de licenciement.

Ce fait est matériellement établi.

Concernant la mise en cause de la hiérarchie

La société Crédit Agricole Payment Services produit un échange de courriels du mois de juin 2015 aux termes duquel M. [L] insulte son ancien manager, M. [P], dans les termes repris dans la lettre de licenciement. Ce fait est donc également matériellement établi.

Au demeurant, l'employeur explique que le licenciement de M. [L] était devenu inéluctable, compte tenu tant de la virulence de ses propos et de ses dénigrements que de son incapacité à changer de comportement. Il souligne qu'il a fait preuve d'une patience particulièrement grande, face aux manquements et écarts graves et réitérés de ce salarié, au travers des nombreux entretiens d'évaluation, de courriels de recadrage, et de réunions en face à face mais que l'élément déclencheur de la sanction finalement mise en 'uvre a résidé dans la prise à partie de son ancien manager, M. [P], à qui il s'est adressé en des termes parfaitement odieux et inacceptables.

Il est justifié que M. [L] a fait l'objet en janvier 2018 d'une condamnation pénale à six mois d'emprisonnement avec sursis et à une interdiction d'exercer l'activité professionnelle en lien avec l'infraction pour une durée de deux ans, pour abus de confiance et vol de données au préjudice du Crédit Agricole (pièce 20 de l'employeur).

Il est également établi que le compte Twitter de M. [L] a été fermé, à la suite d'une ordonnance sur requête du tribunal de grande instance de Paris du 7 décembre 2016, en raison de publications relevant d'infractions pénales d'abus de confiance, de complicité d'accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données, de diffamation et d'injures publiques envers un particulier (pièce 19 de l'employeur).

Enfin, il est justifié que M. [L] a été déclaré coupable de diffamation à de multiples reprises envers son ancien manager, M. [P], par jugement du tribunal correctionnel de Paris le 12 septembre 2019.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, les griefs reprochés au salarié, par leur nature, constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance qui justifie le licenciement du salarié.

Il s'ensuit que le licenciement pour faute prononcé par la société Crédit Agricole Payment Services à l'encontre M. [L] est bien fondé.

L'ensemble des demandes subséquentes du salarié sera en conséquence écarté, par confirmation du jugement entrepris.

Sur le rappel d'indemnité compensatrice de préavis

M. [L] réclame un rappel de salaire correspondant à sept jours de travail. Il reproche à la société d'avoir décompté sept jours de congés au mois d'août qui avaient été fixés avant la notification du licenciement alors qu'elle aurait dû décaler la fin du préavis de la même durée, son contrat de travail se trouvant suspendu pendant cette période de congés.

La société Crédit Agricole Payment Services, s'oppose à la demande, soutenant que, si en cas de congés fixés avant la notification de la rupture, comme en l'espèce, le préavis est effectivement suspendu pendant la période de congés et la fin du préavis se trouve décalé d'autant, ce n'est que dans le cas où l'employeur n'a pas dispensé le salarié d'exécution dudit préavis.

Il est rappelé que la prise de congés suspend le préavis et qu'en application de l'article L. 1234-5 du code du travail, l'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.

Les parties admettent ensemble que le salarié a bien été en congés payés pendant sept jours au cours de son préavis, que toutefois, l'employeur a considéré que le délai de préavis n'avait pas été suspendu, lui versant une indemnité en conséquence.

En application des règles rappelées, il est dû à M. [L], qui a vu son préavis écourté de sept jours, un complément d'indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 1 075,03 euros outre congés payés afférents, par infirmation du jugement entrepris.

Cette condamnation sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes, de la capitalisation de ces intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil de la remise d'un bulletin de paie et d'un solde de tout compte rectifiés sans qu'une astreinte ne soit nécessaire.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

M. [L], qui succombe pour l'essentiel dans ses prétentions, supportera les dépens, dont distraction pour ceux d'appel au profit de Martine Dupuis, SELARL Lexavoué Paris Versailles, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

M. [L] sera en outre condamné à payer à la société Crédit Agricole Payment Services une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de  500 euros.

M. [L] sera débouté de sa demande présentée sur le même fondement.

Le jugement de première instance sera confirmé en ses dispositions concernant les dépens et les frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Versailles le 8 août 2019, excepté en ce qu'il a :

- dit prescrite la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires pour la période allant du 24 juillet au 1er septembre 2014,

- dit prescrite la demande à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires pour la période allant du 1er septembre 2014 au 23 juillet 2015,

- dit prescrite la demande au titre de la rémunération variable,

- débouté M. [Y] [L] de sa demande de rappel d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Crédit Agricole Payment Services à payer à M. [Y] [L] la somme de 1 075,03 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 107,50 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes, avec capitalisation et remise d'un bulletin de paie et d'un solde de tout compte rectifiés,

DÉBOUTE M. [Y] [L] de ses demandes de :

- rappel de salaire pour heures supplémentaires pour la période allant du 24 juillet au 1er septembre 2014,

- rappel de salaire pour heures supplémentaires pour la période allant du 1er septembre 2014 au 23 juillet 2015,

- au titre de la rémunération variable,

CONDAMNE M. [Y] [L] à payer à la SAS Crédit Agricole Payment Services une somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE M. [Y] [L] de sa demande présentée sur le même fondement,

CONDAMNE M. [Y] [L] au paiement des entiers dépens, dont distraction pour ceux d'appel au profit de Martine Dupuis, SELARL Lexavoué Paris Versailles.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code procédure civile et signé par Madame Valérie DE LARMINAT, Conseillère, en remplacement de Madame Isabelle VENDRYES, Présidente, légitimement empêchée, et par Madame Virginie BARCZUK, Greffière placée, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE placée, P/ LA PRESIDENTE empêchée,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 19/03331
Date de la décision : 06/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-06;19.03331 ?
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