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28/09/2022 | FRANCE | N°20/00785

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 28 septembre 2022, 20/00785


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 28 SEPTEMBRE 2022



N° RG 20/00785

N° Portalis DBV3-V-B7E-TZ5W



AFFAIRE :



[D] [F]



C/



SA SOGECAP









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 février 2020 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de VERSAILLES

Section : E

N° RG : F 17/00918



Copies

exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Sophie CORMARY



Me Jean-Oudard DE PREVILLE







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rend...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 28 SEPTEMBRE 2022

N° RG 20/00785

N° Portalis DBV3-V-B7E-TZ5W

AFFAIRE :

[D] [F]

C/

SA SOGECAP

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 février 2020 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de VERSAILLES

Section : E

N° RG : F 17/00918

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Sophie CORMARY

Me Jean-Oudard DE PREVILLE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [D] [F]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE et Associés, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98

APPELANTE

****************

SA SOGECAP

N° SIRET : 086 380 730

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Jean-Oudard DE PREVILLE de l'AARPI RICHELIEU AVOCATS, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0502

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 juin 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

Par jugement du 12 février 2020, le conseil de prud'hommes de Versailles (section encadrement) a :

- dit que le licenciement de Mme [D] [F] n'est pas lié à son état de santé et est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté Mme [F] de ses demandes d'indemnisation pour licenciement nul et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- fixé le salaire mensuel moyen de Mme [F] à 2 749,91 euros,

- condamné la société Sogecap à verser à Mme [F] la somme de 2 749,91 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure conventionnelle applicable,

- condamné la société Sogecap à verser à Mme [F] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Sogecap aux entiers dépens,

- dit que, hors les sujets pour lesquels elle est de droit, l'exécution provisoire n'a pas à être ordonnée pour le surplus,

- débouté la société Sogecap de l'intégralité de ses autres demandes.

Par déclaration adressée au greffe le 12 mars 2020, Mme [F] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 17 mai 2022.

Par ordonnance du 17 juin 2022, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de révocation de la clôture.

Par dernières conclusions remises au greffe le 12 mai 2020, Mme [F] demande à la cour de':

- la recevoir en son appel et l'y déclarer bien fondée,

- infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné la société Sogecap au paiement de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

le réformant,

à titre principal,

- constater qu'elle a été victime de discrimination liée à son état de santé,

- dire que le licenciement est nul,

en conséquence,

- condamner la société Sogecap à lui verser la somme de 33 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

à titre subsidiaire,

- constater que la société Sogecap n'a pas respecté la procédure conventionnelle applicable, garantie de fond, en cas d'insuffisance professionnelle,

- dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

- condamner la société Sogecap à lui verser la somme de 33 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

en tout état de cause,

- condamner la société Sogecap à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Sogecap aux entiers dépens y compris les éventuels frais d'exécution forcée

Par dernières conclusions remises au greffe le 4 avril 2022, la société Sogecap demande à la cour de':

à titre principal,

- dire que le licenciement de Mme [F] n'est pas lié à son état de santé, mais qu'il repose sur des insuffisances professionnelles réelles et sérieuses,

- infirmer le jugement querellé en ce qu'il l'a condamnée à verser à Mme [F] la somme de 2 749,91 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure conventionnelle applicable et la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

en conséquence,

- débouter Mme [F] de toutes ses demandes, fins et prétentions, qui sont injustifiées dans leur principe et dans leur montant,

à titre infiniment subsidiaire,

- réduire l'indemnisation sollicitée par Mme [F], en l'absence de préjudices supérieurs au minimum prévu par l'article L.1235-3-1 du code du travail en cas de licenciement nul, ni de l'ancien article L.1235-3 du code du travail en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

en tout état de cause,

- condamner Mme [F] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [F] aux dépens.

LA COUR,

La société Sogecap est une société d'assurance vie et de capitalisation du groupe Société Générale.

Mme [D] [F] a été engagée par la société Sogessur, en qualité de gestionnaire de contrat, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 17 septembre 2004.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective des sociétés d'assurances.

A compter du 23 juin 2008, elle a occupé les fonctions de responsable équipe contrats.

Le 1er mars 2017, le contrat de Mme [F] a été transféré à la société Sogecap.

Mme [F] a été placée en arrêt de travail pour maladie du 21 novembre 2016 au 9 janvier 2017 puis du 13 janvier au 31 mars 2017.

A l'issue de sa visite de reprise du 3 avril 2017, le médecin du travail a préconisé la reprise du travail dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique sur «'des horaires fixes 9h-17h30, une semaine deux jours et une semaine trois jours. A revoir dans un mois. A ménager.'»

Le 5 mai 2017, lors d'une visite occasionnelle à la demande du médecin du travail les préconisations ont été maintenues, la salariée devant être revue dans trois mois.

Par lettre du 15 juin 2017, Mme [F] a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 26 juin 2017.

Elle a été licenciée par lettre du 4 juillet 2017 pour insuffisance professionnelle dans les termes suivants :

«'Objet: Notification de licenciement pour insuffisance professionnelle

(')

En dépit des diverses formations qui vous ont été dispensées Lors de vos retours de congés maternités et parentaux, nous constatons malheureusement de nombreux manquements dans l'exercice de vos fonctions, lesquels se sont particulièrement accentués ces derniers mois.

(')

Nous constatons malheureusement un mal-être grandissant au sein de votre équipe, qui ne se sent ni guidée, ni soutenue, situation dont vous avez parfaitement conscience puisque vous vous en êtes vous-même ouverte auprès de votre hiérarchie.

Ceci s'explique probablement par les difficultés de communication dont vous faites preuve. Vos explications, souvent confuses et inopportunes, ne permettent pas d'apporter à vos collaborateurs la visibilité dont ils ont pourtant nécessairement besoin. Pire, vous vous abstenez par moment de toute transmission l'information ou directive afin de les guider au quotidien. Il vous arrive même d'imposer à votre Soutien technique de restituer aux collaborateurs l'analyse de l'écoute que vous-même avez réalisée, contrairement à ce que prévoient les règles de service.

De la même manière, votre posture et vos propos reflètent une attitude pour le moins inappropriée dans un contexte professionnel. Vous ne faites pas toujours preuve de bienveillance, à l'égard de votre équipe ou collègues de travail en dépit de l'exemplarité que nous sommes légitimement en droit d'attendre. Vous avez ainsi tenu des propos dénigrants à l'égard d'un de vos collègues et avez également répondu sèchement à votre Soutien Technique « ça, je m 'en fous, j'ai juste besoin de toi pour faire les écoutes ''.

Votre propre activité n'est pas à la hauteur de ce que nous pouvons légitimement attendre d'un Responsable d'équipe. A vos difficultés managériales, s'ajoutent des lacunes techniques dans la maitrise de nos produits et processus, lesquelles ne vous permettent pas d'atteindre vos objectifs et ce, en dépit de l'accompagnement régulier de votre hiérarchie.

Ces carences ont nécessairement des répercussions sur vos collègues de travail, que vous sollicitez sans cesse pour confirmer les décisions ou analyses que vous devriez prendre en toute autonomie, compte-tenu de votre expérience dans le poste et des mesures d'accompagnement mises en place.

Enfin, nous regrettons d'avoir à émettre des doutes sur certains de vos propos, notamment lorsque vous affirmez à votre hiérarchie avoir réalisé certaines actions, ce que vos propres collaborateurs contestent. A titre d'illustration, vous avez confirmé avoir réalisé un certain nombre de réunions avec chaque membre de votre équipe, lesquels affirment pourtant que tel ne fut pas le cas.

Au regard de ce qui précède, nous sommes contraints de mettre un terme à nos relations professionnelles en vous notifiant par la présente votre licenciement pour insuffisance professionnelle. (') »

Le 14 novembre 2017, Mme [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles afin de requalifier son licenciement, à titre principal, en licenciement nul, à titre subsidiaire, en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et obtenir le paiement de diverses sommes de nature indemnitaire.

Sur la procédure :

Aux termes de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, 'la déclaration d'appel est faite par acte comportant le cas échéant une annexe contenant (...) les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité (...).'

L'arrêté du 25 février 2022, modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication électronique, précise en son article 4 : 'lorsqu'un document doit être joint à un acte, le dit acte renvoie expressément à ce document'.

En l'espèce, la déclaration d'appel mentionne en objet/portée de l'appel : ' Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués. Annexe à la DA jointe '. L'annexe précise les chefs de demande critiqués.

Ainsi la déclaration d'appel, à laquelle est jointe une annexe comportant les chef du jugement critiqués et à laquelle elle renvoie expressément, constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 dans sa nouvelle rédaction et ce, même en l'absence d'empêchement technique.

Sur la nullité du licenciement':

La salariée expose que l'employeur a respecté les préconisations du médecin du travail en se contentant d'établir un planning mentionnant qu'elle travaillait 2 ou 3 jours pleins tous les 15 jours et qu'il n'a pris aucune autre disposition pour l'aider à reprendre son travail dans de bonnes conditions.

Elle ajoute que si des insuffisances professionnelles étaient constatées elles résultent des carences de l'employeur.

Elle affirme que la véritable raison de son licenciement est son état de santé.

L'employeur réplique que la salariée a bénéficié d'un accompagnement de sa hiérarchie, que le médecin du travail n'avait pas préconisé qu'elle soit déchargée de ses responsabilités managériales et que ses insuffisances professionnelles sont établies.

Le licenciement pour insuffisance professionnelle de la salariée, qui avait 13 ans d'ancienneté, intervenu à peine trois mois après sa reprise de travail alors qu'elle bénéficiait d'un temps partiel thérapeutique, laisse présumer l'existence d'une discrimination fondée sur l'état de santé.

Il revient à l'employeur de démontrer que sa décision était motivée par des raisons objectives étrangères à toute discrimination et donc que le licenciement pour insuffisance professionnelle était fondé.

Pour l'essentiel l'employeur reproche à la salariée des difficultés managériales, un défaut d'accompagnement de l'équipe au quotidien, des difficultés de communication, un manque de bienveillance auxquelles s'ajoute un défaut de maîtrise des produits.

L'employeur se prévaut des formations accordées à Mme [F] notamment le 30 novembre 2016 3,5 heures d'atelier posture managériale mais il dit lui-même que la salariée était en arrêt de travail depuis le 21 novembre. Dans son mail du 24 avril 2017, la salariée s'est plainte que la formation d'une heure qui était prévue se soit réduite à 45 minutes, sa responsable, Mme [E], a admis qu'effectivement l'heure prévue avait été réduite à 45 minutes mais que c'était suffisant et a proposé un autre rendez-vous.

Il fonde son argumentation sur plusieurs mails de Mme [E], responsable unité opérationnelle, qui répercute à sa hiérarchie les plaintes et inquiétudes de l'équipe de Mme [F] et ses échanges avec la salariée.

Outre que le contenu de ces mails n'est corroboré par aucun élément objectif, alors que la salariée travaillait en mi-temps et avait des responsabilités managériales l'employeur ne démontre pas avoir organisé une répartition des responsabilités, Mme [E] se bornant comme elle l'indique elle-même à avoir dit à Mme [F] compte-tenu de son mi-temps de se concentrer sur l'essentiel à savoir le bilan mensuel et que le bilan hebdo ne devait être fait qu'avec les CCA qui le demandent.

Finalement, il résulte de ces éléments que l'employeur n'a pas pris sérieusement en considération la particularité de la situation de Mme [F], qui, après plusieurs mois d'arrêt de travail reprenait un emploi à mi-temps thérapeutique, ce qui nécessitait une organisation et un soutien spécifiques.

L'insuffisance professionnelle n'est donc pas établie.

En conséquence la discrimination sur l'état de santé est établie et le licenciement nul.

Sur les conséquences du licenciement nul':

La salariée victime d'un licenciement nul qui ne demande pas sa réintégration a droit à une indemnisation qui ne peut être inférieure à 6 mois de salaire.

Au regard de son âge au moment de la rupture, 37 ans, de son ancienneté d'environ 13 ans, de sa rémunération mensuelle brute de base de 2'444 euros et de ce qu'elle ne justifie pas de sa situation professionnelle depuis la rupture, le préjudice matériel et moral subi sera réparé par l'allocation d'une somme de 25'000 euros.

Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement':

Cette demande étant subsidiaire, dès lors que la cour fait droit à la demande principale, il convient, infirmant le jugement, de débouter la salariée de sa demande de ce chef.

Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

Il est inéquitable de laisser à la charge de Mme [F] les frais par elle exposés non compris dans les dépens à hauteur de 4'000 euros.

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau,

DIT le licenciement nul,

CONDAMNE la société Sogecap à payer à Mme [F] la somme de 25'000 euros à titre de licenciement nul,

DÉBOUTE Mme [F] de sa demande d'indemnité conventionnelle de licenciement,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société Sogecap à payer à Mme [F] la somme de 4'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel,

CONDAMNE la société Sogecap aux dépens.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Clotilde Maugendre, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

'''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 20/00785
Date de la décision : 28/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-28;20.00785 ?
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