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28/09/2022 | FRANCE | N°19/03695

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 28 septembre 2022, 19/03695


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 28 SEPTEMBRE 2022



N° RG 19/03695

N° Portalis DBV3-V-B7D-TPUQ



AFFAIRE :



[Y] [C]



C/



SAS FAURECIA SERVICE GROUPE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 5 septembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de NANTERRE

Section : E

N° RG : F 17/02145
>

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Xavier CHILOUX



Me Bruno COURTINE



Copie numérique adressée à :



Pôle Emploi







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT HUIT SEPTEMBRE DEUX ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 28 SEPTEMBRE 2022

N° RG 19/03695

N° Portalis DBV3-V-B7D-TPUQ

AFFAIRE :

[Y] [C]

C/

SAS FAURECIA SERVICE GROUPE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 5 septembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de NANTERRE

Section : E

N° RG : F 17/02145

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Xavier CHILOUX

Me Bruno COURTINE

Copie numérique adressée à :

Pôle Emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant fixé au 21 septembre 2022, puis prorogé au 28 septembre 2022 dans l'affaire entre :

Madame [Y] [P] [C]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Xavier CHILOUX de la SELEURL XAVIER CHILOUX AVOCAT, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0377

APPELANTE

****************

SAS FAURECIA SERVICE GROUPE

N° SIRET : 433 698 461

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Bruno COURTINE de la SELEURL Société d'Exercice libéral d'Avocat ALLOULU, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J094, substitué à l'audience par Me Anna GIACOLINI, avocat au barreau de Paris

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 juin 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

Par jugement du 5 septembre 2019, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section encadrement) a :

- dit que le licenciement prononcé à l'encontre de Mme [Y] [P] [C] par la société Faurecia Service Groupe pour insuffisance professionnelle en date du 17 mai 2017 est dénué de cause réelle et sérieuse,

- dit que la convention de forfait entre la société Faurecia Service Groupe et Mme [C] a été correctement formée et correctement exécutée par les parties,

- dit que la preuve d'une quelconque exécution de mauvaise foi du contrat de travail par l'une des parties n'est pas rapportée,

- dit que la preuve d'un quelconque harcèlement moral qu'aurait subi Mme [C] de la part de sa hiérarchie n'est pas rapportée,

- dit que la preuve d'un licenciement dans des conditions particulièrement vexatoires n'est pas rapportée,

- pris acte du désistement de Mme [C] de sa demande initiale en paiement de la somme de 3 657,01 euros au titre du prorata de sa prime de 13ème mois,

en conséquence,

- condamné la société Faurecia Service Groupe à verser à Mme [C] la somme de 37 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté Mme [C] de ses demandes de dommages et intérêts pour harcèlement moral et licenciement vexatoire,

- débouté Mme [C] de sa demande de reconnaissance d'une exécution déloyale du contrat de travail et de ses demandes indemnitaires associées,

- débouté Mme [C] de sa demande de remise de documents de fin de contrat corrigés et d'astreinte associée,

- débouté la société Faurecia Service Groupe de sa demande au titre d'une procédure abusive,

- débouté Mme [C] de ses demandes d'exécution provisoire et d'anatocisme,

- débouté Mme [C] et la société Faurecia Service Groupe de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Faurecia Service Groupe aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration adressée au greffe le 8 octobre 2019, Mme [C] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 29 mars 2022.

Par dernières conclusions remises au greffe le 21 décembre 2021, Mme [C] demande à la cour de :

- confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a retenu le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- pour le surplus, infirmer la décision,

et statuant à nouveau,

- dire que le licenciement prononcé à son encontre pour insuffisance professionnelle en date du 17 mai 2017 est dénué de cause réelle et sérieuse,

- dire que le licenciement en date du 17 mai 2017 est intervenu dans des circonstances particulièrement vexatoires lui ayant causé un préjudice distinct,

- condamner en conséquence la société Faurecia Service Groupe au paiement des sommes suivantes :

. 110 016,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 6 112,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire (1 mois),

- dire l'existence de manquements graves de la société Faurecia Service Groupe à ses obligations contractuelles à son encontre ayant eu des retentissements sur son état de santé physique et mental constitutifs de harcèlement moral,

- condamner en conséquence la société Faurecia Service Groupe à lui verser la somme de 73 344,00 euros (12 mois) à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- dire que les dispositions contractuelles relatives à la durée du travail sont irrégulières, nulles et lui sont inopposables,

- condamner en conséquence la société Faurecia Service Groupe à lui verser la somme de 39 816,40 euros à titre de rappel de salaires pour les heures supplémentaires effectuées depuis 2014 jusqu'au 18 août 2017, date de rupture effective de son contrat de travail et 3 981,64 euros au titre des congés payés afférents outre la somme de 36 672 euros (6 mois) au titre de l'indemnité légale forfaitaire pour travail dissimulé,

- dire l'existence de manquements délibérés de la société Faurecia Service Groupe à ses obligations contractuelles à son encontre constitutifs d'une exécution déloyale du contrat de travail,

- condamner en conséquence la société Faurecia Service Groupe à lui verser la somme de 85 568,00 euros (14 mois) à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- condamner Faurecia à lui remettre une attestation Pôle emploi et des bulletins de paie rectifiés et conforme au jugement à intervenir sous astreinte de 15 euros par jour de retard et par document,

- condamner en conséquence la société Faurecia Service Groupe à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la capitalisation des intérêts sur les condamnations à intervenir en application de l'article 1343-2 du code civil,

- condamner la société Faurecia Service Groupe aux entiers dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe le 14 février 2022, la société Faurecia Service Groupe demande à la cour de :

- la recevoir en ses écritures,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme [C] était sans cause réelle et sérieuse et dire que le licenciement de Mme [C] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- dire que le licenciement de Mme [C] n'est pas intervenu dans des conditions vexatoires,

- dire qu'elle n'a pas manqué à ses obligations notamment de sécurité,

- dire que Mme [C] n'a pas été victime de harcèlement moral,

- dire que le forfait annuel en jours est parfaitement valable et qu'aucune heure supplémentaire n'est due à Mme [C],

- dire que Mme [C] a été réglée de l'intégralité de son 13ème mois,

- dire qu'elle n'a pas manqué à son obligation d'exécuter de manière loyale son contrat de travail,

en conséquence,

- débouter Mme [C] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme [C] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [C] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de la procédure abusive,

- condamner Mme [C] aux dépens.

LA COUR,

La société Faurecia Service Groupe a pour activité principale le développement, la fabrication et la commercialisation de composants et équipements automobiles à destination des constructeurs.

Mme [Y] [P] [C] a été engagée par la société Faurecia, en qualité de juriste d'affaire, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 15 mars 2011.

Le 1er avril 2015, Mme [C] a été transférée au sein de la société Faurecia Service Groupe, sur le même poste, avec reprise d'ancienneté par contrat à durée indéterminée signé le 6 mars 2015.

Le contrat de travail signé par les parties prévoyait une convention de forfait annuel en jours.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Par lettre du 19 avril 2017, Mme [C] a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 2 mai 2017.

Elle a été licenciée par lettre du 17 mai 2017 pour insuffisance professionnelle.

Le 31 juillet 2017, Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir le paiement des dommages et intérêts afférents outre une indemnité au titre du préjudice moral distinct résultant des circonstances brutales et vexatoires l'ayant précédé.

SUR CE,

Sur les demandes en lien avec le temps de travail :

En premier lieu, la salariée expose que sa convention de forfait annuel en jour lui est inopposable car :

. la clause qui prévoit ce forfait est irrégulière dès lors qu'elle se contente de préciser le nombre de jours travaillés et le nombre de jours de repos supplémentaires mais omet les autres mentions légales impératives des articles L. 3121-60 et L. 3121-65 du code du travail concernant les modalités de décompte des jours travaillés, les garanties liées au respect des durées maximales de travail et minimales de repos, les modalités de suivi du forfait.

. l'employeur n'a pas en pratique assuré le suivi de sa charge de travail.

En second lieu, elle expose avoir réalisé des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rétribuées.

En réplique, l'employeur conteste l'inopposabilité de la convention de forfait motif pris de ce que les dispositions des articles L. 3121-60 et 65 ne concernent pas le contrat de travail mais l'accord collectif prévoyant le forfait ; qu'or, l'accord collectif satisfait aux exigences de ces textes. S'agissant du suivi, l'employeur affirme que M. [J], supérieur hiérarchique de la salariée, assurait ce suivi et qu'un entretien semestriel ainsi qu'annuel portaient sur la charge de travail.

A titre subsidiaire, si la cour devait estimer que la convention de forfait est inopposable, l'employeur conteste la réalisation, par la salariée, d'heures supplémentaires, son décompte étant outrageusement mensonger.

Sur la convention de forfait :

L'article L. 3121-46 prévoit qu'un entretien annuel est organisé par l'employeur avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sur la rémunération du salarié.

Lorsque l'employeur ne respecte pas les stipulations de l'accord collectif qui avait pour objet d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié et de son droit au repos, la convention de forfait en jour est privée d'effet de sorte que le salarié peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre.

En l'espèce, le contrat de travail soumettait la salariée à une convention de forfait de 218 jours. Par ses pièces 64 à 78 (courriels internes de 2016 et 2017) l'employeur montre en effet que le supérieur hiérarchique de la salariée ' M. [G] [J] ' programmait régulièrement des réunions avec elle. Toutefois, ces pièces sont impuissantes à démontrer que le sujet abordé lors de ces réunions concernait spécifiquement la charge de travail de la salariée, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sa rémunération. Au demeurant, les pièces en question montrent plutôt que les réunions en question concernaient des sujets professionnels de fond et non des sujets propres à la charge de travail de la salariée.

Dès lors et sans qu'il soit nécessaire d'examiner l'autre moyen, la convention de forfait est inopposable à la salariée, ce qui conduit de ce chef à infirmer le jugement.

La salariée peut par conséquent prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont il convient de vérifier l'existence et le nombre.

Sur les heures supplémentaires :

L'article L. 3171-4 du code du travail dispose qu'« en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »

La charge de la preuve ne pèse donc pas uniquement sur le salarié. Il appartient également à l'employeur de justifier des horaires de travail effectués par l'intéressé.

Il revient ainsi au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre l'instauration d'un débat contradictoire et à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Après appréciation des éléments de preuve produits, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance des heures supplémentaires et fixe en conséquence les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, la salariée soumet à la cour :

. des attestations (M. [V] ' pièce 28ii ' M. [B] ' pièce 28-1 ') évoquant une surcharge de travail,

. des courriels rédigés à des horaires tardifs,

. des tableaux récapitulatifs correspondant aux années 2014 à 2017, lesdits tableaux présentant, jour après jour, ses heures de début de travail et de fin de travail et ses temps de pause. A ces tableaux sont aussi annexés ses agendas ainsi que des copies d'écran de l'explorateur de fichiers de son ordinateur montrant l'heure (tardive) de modification de certains de ses fichiers (pièces 53 à 56).

Ces éléments sont suffisamment précis et permettent à l'employeur de répliquer.

Pour sa part, l'employeur se limite à contester la crédibilité de la position de la salariée.

Dans un courriel du 5 mars 2017 faisant suite à l'évaluation de son supérieur hiérarchique (pièce 19 S) la salariée écrivait que « généralement », elle quittait « le bureau entre 19 et 20 heures ». Or, ses tableaux de 2015 et de 2016 rendent majoritairement compte d'un départ à 20h30. De ce même courriel il ressort que la salariée revient sur le reproche que son supérieur lui avait adressé concernant ses heures d'arrivée au bureau après 10h00. Or, comme le fait observer à juste titre l'employeur, les tableaux présentés par la salariée rendent majoritairement compte d'une arrivée avant 10h00, en l'occurrence, 9h00 ou 9h30. Certes, la salariée explique qu'elle commençait le travail de chez elle en raison de conférences téléphoniques « qui commencent à 9h00 ou même avant ». Mais ses agendas n'en rendent pas systématiquement compte. A titre d'exemple, la cour observe que pour le jeudi 3 septembre 2015, le tableau récapitulatif de la salariée (pièce 54 S) mentionne un début de travail à 9h00 ; or, l'agenda annexé au tableau porte, pour le 3 septembre 2015, la mention suivante : « 10h00 12h00 Hella (') ». C'est en outre à juste titre que l'employeur explique en substance que si effectivement, la salariée était partie du travail après 20h30, cela lui aurait été connu puisque les agents de sécurité avaient pour instruction de consigner les départs postérieurs à 20h30 dans une fiche de suivi. Or, au moins pour les années 2016 et 2017, l'employeur produit les fiches de suivi des agents de sécurité pour la vingtaine de jours ; jours pour lesquels la salariée invoque une heure de sortie postérieure à 20h30 (pièces 81-1 à 81-21). Et hormis le 23 mars 2017, la salariée n'apparaît sur aucune fiche de suivi de sorte qu'elle n'a pu partir postérieurement à 20h30. Pour le 23 mars 2017, il est établi par la fiche de suivi qu'elle a quitté l'entreprise à 21h30, mais la même fiche de suivi fait mention d'une heure d'arrivée à 13h00.

L'employeur pointe aussi à raison plusieurs incohérences relatives à certaines journées pour lesquelles la salariée demande de retenir du temps de travail effectif relativement à des moments où, de toute évidence, elle n'était pas à la disposition de son employeur. Par exemple pour le 24 novembre 2015, le tableau de la salariée montre qu'elle revendique une arrivée à 9h00 et un départ à 20h00 avec 1h00 de pause. Son agenda montre qu'elle avait un meeting de 9h00 à 10h30. Toutefois, l'employeur produit en pièce 26 un courriel de la salariée en date du 24 novembre 2015 à 10h47 dans lequel elle dit avoir mal à l'estomac et à l'intestin et prendre un jour de RTT.

Ces incohérences n'affectent cependant qu'une partie seulement des tableaux récapitulatifs précis présentés par la salariée. Elles ne permettent pas de supprimer totalement l'éligibilité de cette dernière au bénéfice d'un rappel d'heures supplémentaires puisqu'elle a accompli des heures au-delà de 35 heures hebdomadaires. Sur l'ensemble de la période revendiquée, la cour a matière à estimer au montant de 22 920,62 euros le rappel qui lui est dû.

Infirmant le jugement, il conviendra de condamner la société à payer à la salariée la somme de 22 920,62 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires réalisées entre 2014 et 2017, outre 2 292,06 euros au titre des congés payés afférents.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé :

L'article L. 8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L. 8223-1 dispose qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Le seul fait d'avoir soumis à tort un salarié à une convention de forfait nulle ou privée d'effet ne suffit pas, en soi, à caractériser le caractère intentionnel d'une dissimulation d'emploi salarié. Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la salariée de ce chef de demande.

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 dans sa version applicable à l'espèce, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, la salariée soumet à la cour les éléments suivants comme contribuant selon elle au harcèlement moral dont elle se dit victime :

. une surcharge de travail manifeste (1),

. sa mise au placard (2),

. qui ont contribué à la dégradation de son état de santé (3).

(1) Même si la salariée a bénéficié d'un rappel de salaire au titre de ses heures supplémentaires pour la période comprise entre 2014 et 2017, ces heures de travail ne révèlent pas la surcharge alléguée.

Il est en revanche démontré que le 3 novembre 2016, alors que la salariée était en arrêt de travail pour une fracture de l'épaule et ne devait reprendre son travail que le 14 novembre 2016, son supérieur hiérarchique l'a sollicitée (pièce 15 S) pour savoir si elle pouvait s'occuper d'un dossier urgent pendant son arrêt de travail ou s'il devait le confier à une autre salariée. Durant cette période d'arrêt de travail son employeur l'a sollicitée régulièrement par courriel pour réaliser tel ou tel travail (pièces 15bis à 15quater S).

(2) Il est établi que la salariée s'est vue retirer en mai 2017 par M. [J], son supérieur hiérarchique depuis mai 2016, un dossier « RMIG » (pièce 11 S).

Il n'est en revanche pas établi par les pièces qu'elle produit que la salariée était, comme elle le prétend, reléguée à des tâches d'exécution simples ou qu'elle était systématiquement privée de toute information relative aux réunions internes et/ou formations intéressant ses fonctions.

Il n'est pas discuté que la salariée a été amenée à partager son bureau avec une stagiaire entre mai 2015 et courant avril 2017.

Il est établi que, désireuse d'accéder à des fonctions managériales, elle a posé sa candidature pour une formation y afférente courant février 2017 (pièce 13S). Et il n'est pas contesté que le bénéfice de cette formation ne lui a pas été accordé.

(3) La salariée relie à sa surcharge de travail et à ses sollicitations durant son arrêt de travail l'absence d'amélioration de son épaule constatée le 3 janvier 2017 par un scanner qui révélait de sa fracture de l'épaule gauche un « aspect stable sans consolidation osseuse (') » (pièce 34 S). La surcharge de travail n'a pas été admise mais les sollicitations de la salariée pendant son arrêt de travail l'ont été.

Les faits retenus, pris dans leur ensemble, font présumer un harcèlement moral susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il revient à l'employeur d'établir que ses décisions sont étrangères à tout harcèlement moral.

En ce qui concerne les sollicitations de la salariée durant son arrêt maladie en novembre 2016 : il apparaît que certaines d'entre elles, émanant de M. [J], ont été formulées avant qu'il ait connaissance de l'arrêt maladie de la salariée. Par ailleurs, lorsque M. [J] a su que la salariée était en arrêt maladie, il lui a demandé, sans le lui imposer, si elle pouvait continuer à travailler sur un dossier dont il n'est pas contesté qu'il s'agissait d'un dossier urgent sur lequel la salariée travaillait déjà. La salariée n'a pas refusé de continuer à travailler sur le dossier en question. Par conséquent, même s'il y a éventuellement matière à reconnaître un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité pour avoir fait travailler la salariée pendant son arrêt de travail, la décision de l'employeur est en revanche étrangère à tout harcèlement moral, sa décision étant seulement inspirée par l'urgence qu'il y avait à traiter le dossier.

Pour le dossier RMIG, il apparaît que la salariée avait, le 16 mai 2017, fait état de ses propres limites professionnelles en écrivant à son supérieur hiérarchique : « Comme tu le sais je ne suis pas experte en droit de la concurrence (') Je vais faire de mon mieux pour préparer une ébauche de note (') sur la base des ressources internes disponibles tout en gardant à l'esprit que l'outil LexisNexis ne couvre que le droit français (') ». Par ailleurs, il apparaît que c'est une analyse succincte qui lui avait été demandée 3 mois plus tôt et qu'en dépit de relances, ce travail n'avait pas été réalisé.

L'employeur justifie donc par une raison objective des raisons pour lesquelles le dossier litigieux a été confié à un autre salarié.

S'agissant du fait qu'elle a dû partager son bureau avec une stagiaire pendant deux ans, il apparaît que même le supérieur hiérarchique de la salariée, M. [J], a partagé son bureau avec d'autres personnes, y compris des stagiaires (pièce 57 E). Ainsi, il est manifestement d'usage, au sein de la société, que les cadres partagent leur bureau avec des stagiaires.

S'agissant de la formation, s'il est admis que la salariée n'a pu suivre la formation qu'elle demandait en février 2017, l'employeur réplique qu'elle a suivi des formations et que la formation qu'elle sollicitait en février 2017 avait pour objet de la faire progresser vers des fonctions managériales, ce que ne souhaitait pas la société compte tenu des carences récurrentes dont elle avait fait preuve en raison :

. d'un comportement agressif,

. d'un manque de leadership,

. ces deux éléments étant soulignés par tous ses supérieurs hiérarchiques.

De fait, l'employeur produit un document du 14 juin 2011 dans lequel son supérieur hiérarchique d'alors, M. [K], estimait que la période d'essai n'avait pas été concluante et inventoriait chez la salariée les points faibles suivants : « inertie dans le traitement des dossiers pour une juriste de son expérience, analyse juridique insuffisante ou inappropriée, domaine de compétence limité en matière contractuelle, comportement agressif au sein de l'équipe » (pièce 2 E) ; soit autant de raisons qui, dans un premier temps, avaient conduit l'employeur à mettre un terme à la période d'essai de la salariée (pièce 3 E).

L'employeur se fonde aussi sur les notations de la salariée de 2014 et 2015 (pièce 3i S). Cependant, il ressort plutôt de l'évaluation de 2014 que la salariée était notée comme « douée » ou « qualifiée » sur tous les postes d'évaluation de la rubrique consacrée au « leadership », même si l'évaluateur, M. [M], recommandait que la salariée améliore ses « compétences de direction et de développement des personnes ». De même en est-il de l'évaluation de 2015 qui, dans l'évaluation chiffrée, note la salariée à « douée » ou « qualifiée », même si son manager d'alors, M. [M], relevait : « [Y] est une bonne juriste. Elle devrait continuer à améliorer son leadership et apprendre à être plus tempérée et plus souple dans sa manière de réagir face aux autres parties prenantes. ». M. [M] notait aussi des améliorations possibles en matière de « leadership. Plus de réaction pondérée, plus de contrôle sur le périmètre et plus de visibilités ».

En mars 2016, son évaluateur ' cette fois Mme [X] ' écrivait « [Y] doit faire preuve de plus d'initiatives dans son poste et plus de visibilité sur les problématiques de haute importance pour le groupe » (pièce 7 E).

Enfin, en 2017, M. [J], évaluant l'année 2016 de la salariée, relevait pour sa part plusieurs carences et la jugeait globalement « partiellement qualifiée » parfois même « faible » (pièce 3iii).

En définitive, il est inexact de prétendre, comme le fait l'employeur, que ses évaluateurs ont unanimement estimé la salariée inapte au leadership. Seules les appréciations de 2011 et 2017 le mentionnaient et dans une moindre mesure celle de 2016, contrairement aux appréciations de 2014 et 2015. En revanche, les appréciations de 2011 et de 2017 associées à quelques appréciations littérales contrastées de 2014 et 2015 pouvaient objectivement conduire l'employeur à ne pas lui confier immédiatement de tâches d'encadrement et donc, de refuser à la salariée de lui accorder la formation qu'elle sollicitait en matière de leadership.

Dès lors et en synthèse de ce qui précède, l'employeur justifie par des éléments étrangers à tout harcèlement moral les décisions qu'il a prises.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ce chef de demande.

Sur la rupture :

Tandis que la salariée conteste les manquements qui lui sont imputés, la société les tient pour établis.

L'insuffisance professionnelle constitue un motif de licenciement dès lors qu'elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié.

L'incompétence alléguée doit reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l'employeur.

L'insuffisance professionnelle, qui ne suppose aucun comportement fautif du salarié, doit être constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme passagère ou purement conjoncturelle, être directement imputable au salarié et non la conséquence d'une conjoncture économique difficile, ne doit pas être liée au propre comportement de l'employeur ou à son manquement à l'obligation d'adapter ses salariés à l'évolution des emplois dans l'entreprise.

En l'espèce, la salariée a été licenciée le 17 mai 2017 pour insuffisance professionnelle. Plus précisément, lui sont reprochés des manquements dans le traitement des dossiers « Recticel », « Reydel » (lettre de men demeure défectueuse), « FADP », « Fusion Projet », « Ligneos ».

S'agissant du dossier « Recticel » :

Un incendie est survenu le 22 janvier 2017 dans l'usine d'un fournisseur, la société Recticel, en République Tchèque. Il n'est pas discuté que cet incendie risquait d'empêcher l'employeur de livrer ses propres clients, pouvant ainsi entraîner pour lui de substantielles pénalités financières. Cela rendait opportun d'aviser lesdits clients ' et notamment PSA ' de ce qu'un cas de force majeure (l'incendie) était susceptible d'empêcher les livraisons.

La salariée a été avisée de ce problème le 25 janvier 2017 (cf. courriel ayant pour objet « force majeure Reydel incendie usine Recticel » - pièce 9i E feuillet 4). Le 27 janvier 2017, M. [J] demandait à la salariée de « piloter ce sujet » et de le mettre en copie des courriels subséquents car, disait-il, « il s'agit d'un sujet qui évolue vite et nécessite un suivi ». D'ailleurs, M. [W], un salarié de la société, alertait l'appelante de ce que « le risque pour le compte GIS PSA en terme de montant » était de 5 millions d'euros par semaine. Il n'est pas discuté que les contrats liant la société à ses clients prévoyaient que ces derniers devaient être avisés dans les 10 jours de l'événement constitutif de force majeure.

Or, il apparaît que ce n'est que le 10ème jour que la salariée a avisé les opérationnels de ce qu'ils devaient se prévaloir, à vis des clients, d'un cas de force majeure ' ce dont se plaignaient lesdits opérationnels auprès de M. [J] dans un courriel du 1er février 2017 ' et en outre, le projet de courrier de notification de la force majeure aux clients préparé par la salariée comportait de multiples erreurs puisque, notamment, il faisait référence à un courrier du 1er mars 2016 sans lien avec l'incident et faisait référence à une grève sans préavis, elle non plus sans aucun lien avec l'origine du sinistre qui était un incendie.

Certes, la salariée expose qu'elle a été limitée dans son action par son implication tardive, par le fait qu'elle gérait d'autres dossiers (acquisition de parts d'une société au Brésil) et par le caractère lacunaire des moyens mis à sa disposition par la société. Mais d'une part son implication n'est pas tardive puisqu'il lui a été demandé de prendre en charge la difficulté le 27 soit 2 jours seulement après que son supérieur a été informé de l'incendie. D'autre part, il n'est pas établi que la salariée était surchargée de travail au point qu'il lui soit impossible de traiter cette affaire urgente. Enfin, s'agissant du caractère prétendument lacunaire des moyens mis à sa disposition, la salariée invoque un « dossier hautement technique requérant une analyse croisée des règles de droit Tchèques et françaises eu égard à la localisation du sinistre auquel les équipes de Faurecia n'avaient jamais été confrontées auparavant ». Mais en réalité, ce qui était demandé à la salariée était simplement d'aider les opérationnels à rédiger une lettre par laquelle ils avisaient leurs clients de la survenance d'un incendie chez un de leurs fournisseurs. Cette question ne supposait pas la technicité prétendue. Quant au délai pour invoquer la force majeure, il suffisait uniquement de lire le contrat liant la société à ses clients pour s'aviser de ce qu'il était de 10 jours.

Le manquement est établi.

S'agissant du dossier « Reydel » :

Parallèlement à la question de la notification de la force majeure aux clients de la société, la salariée avait été chargée de rédiger une men demeure à destination du fournisseur Reydel pour qu'en dépit de l'incendie d'une de ses usines, il satisfasse à ses obligations contractuelles. La société montre par la production du courriel de Mme [D] en date du 24 février 2017 qu'il manquait effectivement certaines mentions dans la men demeure préparée par la salariée (le délai accordé à Reydel pour la résolution du litige et le caractère prévisible du litige).

S'agissant du dossier « FADP » :

S'il ressort de la pièce 51 de la société (courriel de M. [J] à Mme [C] en date du 14 septembre 2016) qu'il était adressé à la salariée plusieurs reproches, notamment au niveau rédactionnel, sur le document qui avait été remis à M. [J], il demeure que ce document est abondamment caviardé et retravaillé par plusieurs salariés et pas seulement par l'appelante. Ce document en pièce 51 ' qui plus est en langue étrangère ' ne permet pas à la cour de vérifier la réalité des griefs invoqués relativement à son contenu.

Le prétendu non-respect des délais n'est pas non plus établi par l'employeur avec cette observation que la salariée a été félicitée par M. [U] pour la réalisation de ce travail.

Les griefs retenus par l'employeur ne sont pas établis.

S'agissant du dossier « Fusion Projet » :

Il apparaît que la salariée s'était vue confier en novembre 2016 la relecture d'un protocole d'accord par M. [J]. Or la salariée indiquait à son supérieur hiérarchique le 30 novembre 2016 : « (') pourquoi est-ce que tu ne le fais pas, [H] et [A] te l'ont demandé à toi, et c'est ta proposition. J'ai d'autres dossiers à gérer aujourd'hui (') » (pièce 18 E).

Le refus agressif de la salariée d'effectuer une tâche qui lui était confiée par son supérieur est établi.

S'agissant du dossier « Ligneos » :

Par sa pièce 83, la société montre que dans le courant du mois de juillet 2016, M. [J] est intervenu pour faire rectifier un projet d'acte notarié relatif à une opération de joint-venture en Italie ; le projet était erroné quant au nom des signataires de l'acte ce qui conduisait à modifier le projet.

Mais à juste titre, la salariée expose en substance que c'est parce qu'elle avait demandé, le 13 juillet 2016, une traduction de l'acte (qui n'avait été remis qu'en langue italienne) que le 19 juillet 2016, alors qu'elle était en congés, M. [J] avait pu identifier l'erreur et la faire rectifier.

Les griefs ne sont donc pas ici établis.

La société reproche enfin à la salariée son comportement général caractérisé par un manque d'investissement, des refus de dossiers de participer à des réunions, un manque de transparence, un manque de réactivité, le fait qu'elle se plaignait, son agressivité :

Pour l'essentiel, ces griefs ont été précédemment étudiés. Par exemple, au titre de ce que la société présente comme un « manque d'investissement, un refus de dossier, un refus de participer à des réunions », la société reprend sa pièce 18 déjà invoquée au sujet du dossier « fusion projet ». Elle procède de la même façon pour ce qu'elle présente comme une « agressivité envers son supérieur hiérarchique et envers ses collègues ». Les étudier séparément n'est pas utile dès lors qu'au travers des exemples retenus par l'employeur dans la lettre de licenciement, la cour a pu admettre :

. un manque de réactivité dans le dossier Recticel,

. un refus de dossier dans le dossier Fusion Projet,

. une agressivité de la salariée dans ce même dossier.

En tout état de cause, la cour observe que certains des griefs n'ont pas été établis. De plus, celui relatif au dossier Recticel est tempéré par le fait que c'est précisément l'alerte de la salariée qui a amené la société à réagir dans l'extrême urgence pour satisfaire au délai de 10 jours qui lui était imposé et qui n'a été identifié que par la salariée, évitant ainsi à la société les importantes pénalités auxquelles elle était exposée.

La cour observe aussi que les notations de 2014 et 2015 sont très bonnes voire même excellentes. Elle observe enfin que la salariée travaillait pour la société depuis 2011 et qu'entre 2011 et 2016, elle n'avait pas fait l'objet de reproches, excepté au tout début de la relation contractuelle, lorsque, en 2011, il lui avait été indiqué que sa période d'essai était rompue, avant qu'en définitive, l'employeur ne se ravise et revienne sur sa décision.

Compte tenu de ces éléments contrastés et le doute devant profiter au salarié, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement.

La salariée peut donc prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L. 1235-3 code du travail dans sa version applicable au présent litige.

Compte tenu de l'ancienneté de la salariée (6 ans et 2 mois), de son niveau de rémunération (6 100 euros par mois environ), compte tenu encore de son âge lors de son licenciement (49 ans), de ce qu'elle a connu une longue période de chômage étant arrivée en fin de droits en décembre 2019, mais compte tenu également de ce qu'elle ne justifie pas d'une recherche d'emploi, le préjudice qui résulte pour elle, de la perte de son emploi sera intégralement réparé par une indemnité de 40 000 euros, somme au paiement de laquelle, infirmant le jugement, l'employeur sera condamné.

L'article L. 1235-4 dispose que dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Le licenciement ayant été jugé comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, il conviendra d'ordonner, d'office, le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à la salariée, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Sur la demande de intérêts pour licenciement vexatoire :

Les circonstances du licenciement ne sont pas vexatoires et ne génèrent pas pour la salariée un préjudice distinct de celui déjà réparé par l'octroi d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ce chef de demande.

Sur la demande de intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

La salariée invoque :

. le caractère intentionnel de l'exploitation par la société de son dispositif irrégulier de rémunération appliqué à sa convention de forfait,

. l'affranchissement délibéré de l'employeur de ses obligations contractuelles à son encontre à compter de la notification de son licenciement.

Sur le premier point, il faut observer que la salariée a été déboutée de sa demande relative à l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, précisément parce que l'intention de l'employeur n'était pas caractérisée.

Sur le second, il apparaît que la salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie du 7 juin 2017 au 18 août 2017, c'est-à-dire jusqu'au terme de son préavis. Ainsi et à juste titre, la salariée expose que son contrat de travail avait simplement été suspendu pendant cette période, étant précisé que la salariée n'avait pas été dispensée de réaliser son préavis.

Pour autant, il n'est pas établi que lui aient causé un préjudice :

. le fait que l'employeur ne lui ait pas répondu lorsqu'elle demandait une autorisation d'absence pour rechercher un emploi,

. le fait qu'elle n'ait plus eu accès à sa boîte professionnelle à compter du 7 juillet 2017.

Par ailleurs, la salariée se plaint d'une transmission tardive de ses documents de fin de contrat. Il n'est cependant de ce chef établi la réalité d'aucun préjudice, pas plus qu'il n'est établi de préjudice du chef des mentions erronées du certificat de travail (mentions sur la portabilité des frais de santé et de prévoyance et date d'entrée dans le groupe).

Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive :

L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol.

En l'espèce, la salariée ayant été accueillie en certaines de ses demandes, sa procédure n'est pas abusive. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté l'employeur de ce chef de demande.

Sur la capitalisation des intérêts :

L'article 1343-2 du code civil (dans sa nouvelle rédaction) dispose que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. La demande ayant été formée par la salariée et la loi n'imposant aucune condition pour l'accueillir, il y a lieu, en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, d'ordonner la capitalisation des intérêts.

Celle-ci portera sur des intérêts dus au moins pour une année entière.

Sur la remise des documents :

Il conviendra de donner injonction à l'employeur de remettre à la salariée un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Succombant, l'employeur sera condamné aux dépens.

Il conviendra de condamner l'employeur à payer à la salariée une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :

INFIRME partiellement le jugement,

Statuant à nouveau,

DÉCLARE inopposable à Mme [C] la convention de forfait annuel en jours,

CONDAMNE la société Faurecia Service Groupe à payer à Mme [C] les sommes suivantes :

. 22 920,62 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires réalisées entre 2014 et 2017, outre 2 292,06 euros au titre des congés payés afférents.

. 40 000 euros à titre de intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ORDONNE le remboursement par la société Faurecia Service Groupe aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à Mme [C] du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage en application de l'article L. 1235-4 du code du travail,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

DONNE injonction à la société Faurecia Service Groupe de remettre à Mme [C] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision,

REJETTE la demande d'astreinte,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,

CONDAMNE la société Faurecia Service Groupe à payer à Mme [C] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance et en cause d'appel,

CONDAMNE la société Faurecia Service Groupe aux dépens.

. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente et par Madame Dorothée MARCINEK, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 19/03695
Date de la décision : 28/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-28;19.03695 ?
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