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22/09/2022 | FRANCE | N°19/04349

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 22 septembre 2022, 19/04349


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



6e chambre



ARRET N°



REPUTE

CONTRADICTOIRE



DU 22 SEPTEMBRE 2022



N° RG 19/04349

N° Portalis DBV3-V-B7D-TTMY



AFFAIRE :



[S] [D]



C/



[V] [Z] Es qualité de 'Mandataire ad ho' de la Société MATSONCRI (ENSEIGNE HELP CHAUFFEUR)



AGS CGEA [Localité 7]











Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 octo

bre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : C

N° RG : F 17/02330













Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Laure SERFATI



Me Dan ZERHAT



le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6e chambre

ARRET N°

REPUTE

CONTRADICTOIRE

DU 22 SEPTEMBRE 2022

N° RG 19/04349

N° Portalis DBV3-V-B7D-TTMY

AFFAIRE :

[S] [D]

C/

[V] [Z] Es qualité de 'Mandataire ad ho' de la Société MATSONCRI (ENSEIGNE HELP CHAUFFEUR)

AGS CGEA [Localité 7]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 octobre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : C

N° RG : F 17/02330

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Laure SERFATI

Me Dan ZERHAT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant,fixé au 07 juillet 2022, puis prorogé au 22 septembre 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [S] [D]

né le 31 juillet 1982 à [Localité 6] (92)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par : Me Emmanuel DOUBLET, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 274 substitué par Me Naima BIZANE, avocate au barreau des HAUTS- DE-SEINE et Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731

APPELANT

****************

Monsieur [V] [Z], es qualité de 'Mandataire ad hoc' de la Société MATSONCRI (ENSEIGNE HELP CHAUFFEUR)

N° SIRET : 508 075 363

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 2]

Non constitué, non représenté

Association AGS CGEA [Localité 7]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par : Me Laure SERFATI, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2348 substituée par Me Capucine BOYER-CHAMMARD, avocat au barreau de Paris

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 mai 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Présidente,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseillère,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère,

Greffière lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT,

Greffière placée lors de la mise à disposition : Mme Virginie BARCZUK

RAPPEL DES FAITS CONSTANTS

La SARL Matsoncri, exerçant sous l'enseigne Help Chauffeur, était spécialisée dans le transport, employait moins de onze salariés et appliquait la convention collective nationale du transport routier.

M. [S] [D], né le 31 juillet 1982, a été engagé par cette société le 1er avril 2012, selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, en qualité de chauffeur. Par la suite, le 31 mai 2012, il a signé un avenant portant la durée hebdomadaire du travail à 35h.

Auparavant, il avait signé deux contrats de travail à durée déterminée avec la même société, les 26 septembre 2011 et 1er novembre 2011.

M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre en résiliation judiciaire de son contrat de travail, par requête reçue au greffe le 1er septembre 2017.

Puis par courrier du 09 avril 2018, M. [D] a pris acte de la rupture de son contrat de travail, aux torts exclusifs de son employeur, dans les termes suivants :

" Je vous précise que j'entends par la présente prendre acte de la rupture de mon contrat de travail.

En effet, malgré mes demandes orales et écrites (voir mon courrier recommandé avec AR en date du 13.07.2017 et la saisine du conseil des prud'hommes) je n'ai jamais vu la médecine du travail, ni lors de mon embauche ni ensuite durant l'exécution de mon contrat.

Or, je suis sous traitement depuis maintenant plusieurs mois et je ne comprends pas les raisons de votre silence sur ce point.

Par ailleurs, vous n'avez pas jugé utile de régler les sommes que je réclame au titre de mes heures supplémentaires.

Le montant sollicité correspond pourtant aux heures déclarées auprès de vous chaque mois.

En outre, il vous a été précisé que vous appliquiez une majoration unique à 25% en omettant les heures à 50%, ce qui n'est pas acceptable.

Aujourd'hui, par mesure de rétorsion, vous me cantonnez à une activité sans heure supplémentaire.

Je note encore que les problèmes d'amplitude ne sont toujours pas résolus (voir mes plannings du 08/09, 20/10, 08/11, 07/12, 08/01, 12/02, 29/03).

De même mon temps de coupure entre deux jours travaillés peut encore être très réduit (depuis la saisine du CPH : voir mes plannings du 14/09, 27/09, 08/11, 23/11, 29/11, 09/12, 08/01, 10/01, 12/02, 28/02, 12/03, 30/03).

A la condition d'avoir des heures de coupure, et une amplitude, normales, je peux réaliser mon préavis d'une durée de deux mois.

Je vous prie de bien vouloir m'indiquer si vous entendez me faire réaliser ce dernier."

Par jugement du 10 octobre 2018, le tribunal de commerce de Marseille a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Matsoncri, puis en a prononcé la clôture pour insuffisance d'actif, par jugement du 04 avril 2021.

Par ordonnance du 29 décembre 2021, le tribunal de commerce de Marseille a désigné Me [Z] en qualité de mandataire ad'hoc de la société Matsoncri.

La décision contestée

Par jugement contradictoire rendu le 23 octobre 2019, la section commerce du conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- mis hors de cause Me [H] [W] en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL Matsoncri (Enseigne Help Chauffeur) en raison de la liquidation judiciaire intervenue,

- dit et jugé que la prise d'acte de M. [D] s'analyse comme une démission,

- débouté M. [D] de l'ensemble de ses demandes,

- reçu les demandes de Me [V] [Z] en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Matsoncri, mais n'y a pas fait droit,

- condamné M. [D] aux éventuels dépens.

M. [D] avait demandé au conseil de prud'hommes :

-fixer le montant de son salaire de base à 2 201 euros,

sur l'exécution du contrat de travail,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire les sommes suivantes :

. heures supplémentaires majorées à 50% : 1 083,50 euros,

. congés payés afférents : 108,35 euros,

. repos compensateur non pris pour les années 2015 et 2016 : 5 995 euros,

. majoration à 65% des heures effectuées au-delà de la 12ème heure : 3 203,75 euros,

. congés payés afférents : 320,37 euros,

. dommages-intérêts pour non-respect des dispositions relatives à la durée du travail et à l'obligation de sécurité : 10 000 euros,

. dommages-intérêts pour absence de visite médicale : 5 000 euros,

sur la rupture du contrat de travail,

- juger que la prise d'acte du 09 avril 2018 s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire les sommes suivantes :

. indemnité de licenciement : 3 313,56 euros,

. indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 26 418 euros,

. exécution provisoire,

. capitalisation des intérêts,

- condamner Me [Z], ès qualités, aux entiers dépens.

Me [Z], en qualité de mandataire liquidateur de la société Matsoncri, avait conclu au débouté du salarié et avait sollicité sa condamnation à lui verser les sommes de 3 330 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La procédure d'appel

M. [D] a interjeté appel du jugement par déclaration du 05 décembre 2019 enregistrée sous le numéro de procédure 19/04349.

Prétentions de M. [D], appelant

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 14 janvier 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [D] conclut à l'infirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris et demande à la cour d'appel, statuant de nouveau, de :

- fixer son salaire de base à la somme de 2 201 euros,

concernant l'exécution du contrat de travail,

- fixer au passif de la liquidation de la société Matsoncri les sommes suivantes :

. 1 083,50 euros au titre des heures supplémentaires majorées à 50 %, outre 10 % de congés payés soit la somme de 108,35 euros,

. 5 995 euros au titre du repos compensateur non pris pour les années 2015 et 2016,

. 3 203,75 euros au titre de la majoration à 65 % des heures effectuées au-delà de la 12ème heure, outre 10 % de congés payés soit la somme de 320,37 euros,

. 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions relatives à la durée du travail et à l'obligation de sécurité,

. 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de visite médicale,

concernant la rupture du contrat de travail,

- juger que la prise d'acte du 09 avril 2018 s'analyse en un licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- fixer au passif de la liquidation de la société Matsoncri les sommes suivantes :

. 3 313,56 euros à titre d'indemnité de licenciement,

. 26 418 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouter les intimées de leurs demandes,

- prononcer l'exécution provisoire de la décision à venir,

- prononcer la capitalisation des intérêts,

- fixer au passif de la liquidation de la société Matsoncri la créance de M. [D] au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 3 000 euros,

- condamner Me [Z] ès qualités aux entiers dépens,

- juger que la décision à intervenir sera opposable aux AGS.

Prétentions de la société Matsoncri, prise en la personne de son mandataire ad'hoc, Me [Z], intimée

Me [Z], ès qualités, n'a pas constitué avocat.

M. [D] lui a fait signifier sa déclaration d'appel par acte d'huissier du 17 janvier 2021 remis au destinataire en personne, ainsi que ses conclusions.

L'arrêt sera réputé contradictoire, conformément aux dispositions de l'article 473 du code de procédure civile.

Demandes de l'Unedic, délégation AGS CGEA de [Localité 7], intimée

Par conclusions adressées par voie électronique le 30 mars 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, l'Unedic, délégation AGS CGEA de [Localité 7] demande à la cour d'appel de :

- déclarer M. [D] mal fondé en son appel et l'en débouter,

- débouter M. [D] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- subsidiairement, amender les demandes de dommages-intérêts dans la limite du préjudice démontré et du plancher de l'article L. 1235-3 du code du travail, soit 3 mois de salaire,

sur la garantie de l'AGS CGEA,

- dire et juger que la garantie due par l'AGS ne couvre pas les cotisations sociales impayées pour lesquelles les caisses ont un droit de créance,

- dire et juger que la garantie due par l'AGS ne s'exercera qu'à titre subsidiaire, en l'absence de fonds disponibles,

- dire et juger que la garantie due par l'AGS n'est acquise qu'en présence d'une décision exécutoire, dans les conditions de l'article L. 3253-8 du code du travail ainsi que dans les limites des plafonds fixés par les articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail,

- statuer ce que de droit, s'agissant des demandes relatives à l'article 700 du code de procédure civile sans que les condamnations prononcées puissent être mises à la charge de l'AGS ni rendues opposables à celle-ci,

- dire et juger que la garantie due par l'AGS ne couvre pas les dommages-intérêts réclamés à raison des fautes délictuelles ou quasi-délictuelles commises par l'employeur.

Par ordonnance rendue le 20 avril 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 19 mai 2022.

MOTIFS DE L'ARRÊT

À titre liminaire, il est rappelé que, conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier les motifs du jugement attaqué.

Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail

En vertu des dispositions de l'article L. 1231-1 du code du travail, le contrat de travail peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Le salarié peut mettre fin au contrat de travail unilatéralement en cas de manquements de l'employeur suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Cette prise d'acte de la rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient, soit d'une démission dans le cas contraire. C'est au salarié de rapporter la preuve de ces manquements et de leur gravité.

A l'appui de sa prise d'acte, M. [D] fait état de plusieurs manquements de son employeur.

Le salarié invoque en premier lieu l'absence de paiement des majorations à 50 % des heures supplémentaires.

Il expose qu'il a accompli pendant une longue période des heures supplémentaires qui lui ont toutes été payées avec une majoration de 25 % alors qu'il revendique que les heures supplémentaires réalisées au delà de la 44ème heure lui soient payées au taux de 50%.

Il produit des décomptes de toutes les heures travaillées (sa pièce 9) et ses bulletins de salaire (ses pièces 5 à 8). La comparaison de ces documents montre que le temps de travail figurant sur les décomptes est bien mentionné sur les bulletins de salaire, de sorte qu'il n'existe aucune revendication d'heures supplémentaires non payées mais uniquement une contestation de la majoration applicable.

Il est constant qu'à défaut d'accord collectif prévoyant des modalités différentes, non invoquées ici, le taux de majoration des heures supplémentaires s'établit à :

- 25 % pour chacune des 8 premières heures, de la 36ème à la 43ème,

- 50 % à partir de la 44ème heure.

Or, il résulte des bulletins de paie de l'intéressé que toutes les heures supplémentaires lui ont été rémunérées au taux de 25%, alors qu'il justifie avoir effectué des heures supplémentaires au-delà de la 44ème heure.

Conformément au tableau établi par M. [D] (sa pièce 13) que la cour reprend à son compte, il lui est dû à ce titre la somme de 1 083,50 euros outre les congés payés afférents.

M. [D] invoque en deuxième lieu, au soutien de sa prise d'acte, le non-paiement du repos compensateur.

Il est constant que la contrepartie obligatoire en repos est due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel, fixé en l'espèce par la convention collective à 130 heures et ouvre droit à une contrepartie obligatoire en repos fixée à 50 % pour les entreprises de 20 salariés au plus.

M. [D] justifie qu'il n'a jamais bénéficié d'un repos compensateur alors que le contingent annuel a été très rapidement et très largement dépassé.

Selon les calculs proposés par le salarié, il lui est dû à ce titre la somme totale de 5 995 euros au titre des années 2015 et 2016 réclamées.

M. [D] invoque en troisième lieu le non-paiement de la majoration de salaire prévue par la convention collective et cumulable avec la majoration légale.

L'article 57 de la convention collective des transports routiers prévoit en effet, au-delà de 12 heures et dans la limite de 14 heures, l'indemnisation à hauteur de 65 % de ces heures, hors majoration pour heures supplémentaires (pièce 1 du salarié).

Sur la base du tableau communiqué par M. [D] (sa pièce 13) qui reprend toutes les données du compte, il lui est dû à ce titre la somme de 3 203,75 euros outre les congés payés afférents.

M. [D] sollicite des dommages-intérêts spécifiques à hauteur de 10 000 euros pour non-respect par l'employeur des dispositions relatives à la durée du travail. Il ne démontre cependant pas avoir subi un préjudice distinct de ceux déjà indemnisés par la condamnation de l'employeur aux sommes retenues.

Il soutient en effet que ce rythme de travail a eu des répercussions sur sa santé et sur sa vie personnelle, mais n'en justifie pas. Les arrêts de travail produits font état de lumbago, d'insomnies, de stress, d'état dépressif, d'angoisse sans qu'aucun document médical ne relie cet état aux conditions de travail du salarié.

Il sera en conséquence débouté de cette demande spécifique.

M. [D] invoque, en quatrième lieu, l'absence de visite médicale durant toute l'exécution du contrat de travail.

Le salarié prétend, sans être démenti, que durant ses sept années au service de la société Matsoncri, il n'a bénéficié d'aucune visite auprès du médecin du travail.

Or, M. [D] justifie s'être vu prescrire des médicaments, notamment des anxiolytiques, contre-indiqués en cas de conduite d'un véhicule.

Ce manquement de l'employeur a ainsi causé un préjudice à M. [D], contraint de conduire dans des conditions de sécurité insuffisantes, qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts.

M. [D] invoque, en cinquième et dernier lieu, l'absence de transmission par son employeur des attestations de salaire à la CPAM pendant ses arrêts maladie, l'empêchant de percevoir ses indemnités journalières.

Le salarié indique avoir relancé à plusieurs reprises son employeur à compter du 13 juillet 2017 et n'avoir obtenu la régularisation de la situation que fin octobre 2017.

Il produit trois arrêts de travail, du 24 mai 2017 jusqu'au 02 juin 2017, du 13 juillet 2017 jusqu'au 23 juillet 2017 et du 24 juillet 2017 jusqu'au 08 août 2017 et ses lettres de réclamation des 13 et 26 juillet 2017 (ses pièces 14, 15 et 16).

M. [D] ne justifie cependant pas avoir été privé de ses indemnités journalières, ni d'une faute de son employeur à l'origine de ce préjudice, le seul envoi de lettres de réclamation étant insuffisant à caractériser un manquement à ce titre.

Il sera débouté de sa demande de dommages-intérêts.

En définitive, les manquements de l'employeur, matériellement établis, sont soit anciens, soit d'une gravité qui ne rendait pas impossible la poursuite du contrat de travail.

En effet, l'absence de visite médicale ne justifie pas à elle seule une prise d'acte de la rupture du contrat de travail, dès lors que le salarié avait la possibilité, en cas de carence de son employeur, de solliciter lui-même une visite médicale auprès du médecin du travail ou d'aviser son médecin traitant, qui rédigeait les ordonnances.

Les autres manquements, relatifs au paiement des majorations légales et conventionnelles des heures supplémentaires et des repos compensateurs, ne sont pas concomitants à la prise d'acte puisque M. [D] reconnaît lui-même qu'il ne faisait plus aucune heure supplémentaire depuis plusieurs mois au jour de la prise d'acte de la rupture.

Il indique à ce titre aux termes de ses conclusions : « Par mesure de rétorsion, après la saisine du conseil de prud'hommes le 1er septembre 2017 en résiliation judiciaire du contrat de travail, l'employeur ne demandait plus à son salarié de réaliser d'heures supplémentaires. ».

Au moment de la prise d'acte le 09 avril 2018, M. [D] ne réalisait plus d'heures supplémentaires depuis le 1er septembre 2017.

Ces faits n'ont pas empêché la poursuite du contrat de travail et ne peuvent donc justifier la prise d'acte.

M. [D] sera dès lors débouté de cette demande et des demandes subséquentes par confirmation du jugement entrepris.

Sur la procédure collective

En application des dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers, tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.

En application des dispositions des articles L. 622-22 et L. 625-1 du même code, les éventuelles créances du demandeur ne peuvent faire l'objet, le cas échéant, que d'une fixation au passif de la liquidation judiciaire.

Sur la garantie de l'Unedic, délégation AGS CGEA de [Localité 7]

Aux termes de l'article L. 3253-8 du code du travail, l'assurance mentionnée à l'article L. 3253-6 couvre les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ainsi que les créances résultant de la rupture du contrat de travail intervenant pendant la période d'observation.

Compte tenu de la nature des sommes allouées, l'AGS CGEA doit sa garantie dans les termes des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail.

Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'Unedic, délégation AGS CGEA de [Localité 7].

Sur la capitalisation des intérêts moratoires

En application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent en principe intérêt.

Toutefois, l'article L. 622-28 du code de commerce dispose que les intérêts moratoires sont dus jusqu'à l'ouverture de la procédure collective, de sorte que la capitalisation des intérêts ne sera ici possible que dans cette limite.

Sur l'exécution provisoire

Cet arrêt étant rendu en dernier ressort sans que soit ouverte la voie de l'opposition, il n'y a pas lieu à exécution provisoire.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

La société Matsoncri, prise en la personne de son mandataire judiciaire, Me [Z] supportera les dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Pour des considérations tirées de l'équité, M. [D] sera débouté de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement de première instance sera infirmé en ses dispositions concernant les dépens et confirmé en ce qui concerne ses dispositions au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt réputé contradictoire ;

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 23 octobre 2019, excepté en ce qu'il a débouté M. [S] [D] de sa demande de dommages-intérêts au titre de la législation sur la durée du travail, de sa demande tendant à analyser sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de ses demandes d'indemnité légale de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la société Matsoncri au profit de M. [S] [D] les sommes suivantes :

- 1 083,50 euros au titre des heures supplémentaires majorées à 50 %,

- 108,35 euros au titre des congés payés afférents,

- 5 995 euros au titre du repos compensateur pour les années 2015 et 2016,

- 3 203,75 euros au titre de la majoration à 65 % des heures effectuées au-delà de la 12ème heure,

- 320,37 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 500 e uros au titre des dommages-intérêts pour absence de visite médicale ;

DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'Unedic, délégation AGS CGEA de [Localité 7], intervenante en la cause, dans les limites de sa garantie légale ;

DIT que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt mais rappelle que les intérêts moratoires ne sont dus que jusqu'à l'ouverture de la procédure collective ;

DÉBOUTE M. [D] de sa demande présentée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Matsoncri prise en la personne de son mandataire ad'hoc Me [Z] au paiement des entiers dépens.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code procédure civile et signé par Madame Valérie DE LARMINAT, Conseillère, en remplacement de Madame Isabelle VENDRYES, Présidente, légitimement empêchée, et par Madame Virginie BARCZUK, Greffière placée, à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LA GREFFIERE placée, P/ LA PRESIDENTE empêchée,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 19/04349
Date de la décision : 22/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-22;19.04349 ?
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