COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 15 SEPTEMBRE 2022
N° RG 19/03938
N° Portalis DBV3-V-B7D-TQ7W
AFFAIRE :
SA ELIS SERVICES
C/
[B] [R]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 octobre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
N° Section : E
N° RG : 17/00058
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Pauline BLANDIN
Me Nicolas SERRE
le :
Expédition numérique délivrée à Pôle Emploi, le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUINZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, fixé au 09 juin 2022, puis prorogé au 07 juillet 2022, puis au 15 septembre 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :
SA ELIS SERVICES
N° SIRET : 693 001 091
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par : Me Pauline BLANDIN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0586
APPELANTE
****************
Monsieur [B] [R]
né le 09 janvier 1974 à [Localité 5] (MAROC)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par : Me Nicolas SERRE de la SELARL OX, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0966
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 avril 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle VENDRYES, Présidente,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseillère,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère,
Greffière lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT,
Greffière placée lors de la mise à disposition : Mme Virginie BARCZUK
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société Elis Services a pour activité le service aux entreprises et aux collectivités au travers notamment de la fourniture/location de linge, vêtements de travail et produits d'hygiène. Elle emploie environ 450 salariés et applique la convention collective nationale de la blanchisserie-teinturerie et nettoyage du 17 novembre 1997.
Par contrat de travail à durée indéterminée du 18 janvier 2010, M. [B] [R], né le 09 janvier 1974, a été engagé par la société Elis Services, à compter du 03 mai 2010, en qualité de responsable SIRH (systèmes d'information des ressources humaines), statut cadre.
Par courrier du 21 juillet 2016, il a été convoqué à un entretien préalable qui s'est tenu le 28 juillet 2016. Il s'est vu notifier son licenciement pour insuffisance professionnelle par lettre du 09 août 2016 ainsi rédigée :
« (...) Nous vous rappelons ci-dessous les motifs de ce licenciement qui vous ont été exposés lors de l'entretien préalable :
La mission de la Direction de la Transformation et des Systèmes d'Information (DTSI) est d'améliorer la performance de l'entreprise en mettant en 'uvre des solutions informatiques pertinentes. Ainsi, la DTSI doit :
. Identifier, avec les métiers, les besoins pertinents pour lesquels l'informatique apporte de la valeur,
. Sélectionner les technologies et les partenaires,
. Développer les solutions au meilleur rapport performance/prix,
. Accompagner la transformation des processus.
Vous occupez les fonctions de Responsable des Systèmes d'Information des Ressources Humaines (SIRH) au sein de la DTSI et à ce titre, avez pour mission de mettre en 'uvre les solutions SIRH et de réaliser l'interface avec les autres métiers de la DTSI, comme la Finance ou la Business Intelligence (BI).
Vous ne remplissez pas votre mission correctement et avez fait preuve à plusieurs reprises d'insuffisance professionnelle, malgré des observations de la part de vos interlocuteurs côté métier, mais aussi de votre supérieur hiérarchique :
1°) Vous transférez trop systématiquement des travaux qui vous incombent ou incombent à votre équipe vers les équipes des métiers.
Ainsi par exemple :
- Rédaction des spécifications fonctionnelles complexes
* Interface comptable entre HR S9 et SAP : les spécifications ont été rédigées par la Direction des Comptabilités ou vous-même sous leur dictée ;
* Gestion de la confidentialité HR Access S9 : les spécifications ont été rédigées par la Direction des Ressources Humaines qui en dernier lieu vous demande une validation de leurs spécifications.
- Le pilotage des ateliers de conception sur des sujets appelant une adaptation ou de nouvelles fonctions : vous participez à ces ateliers, sans les avoir suffisamment préparés, ce qui a pour conséquence directe la prise en main de ce pilotage par les collaborateurs métier d'Elis en lieu et place de votre propre intervention en tant que chef de projet.
Il en est allé de même lors de la préparation de certains Comités de Suivi d'activité sur des périodes de crise.
- Vous préférez adresser des questions techniques directement aux collaborateurs métier, plutôt que de consulter la documentation technique existante pour y trouver la réponse. La conséquence est que le métier vous invite finalement à consulter la documentation technique de la DTSI, pour y faire vos recherches par vous-même (ex : question sur les heures de délégation).
- Une question qui vous a été adressée par votre supérieur hiérarchique relativement à la gestion de données ou l'existence de reports sur des applications dont vous avez la maîtrise et la responsabilité, a été retransmise telle quelle aux métiers pour qu'ils y apportent une réponse à votre place (ex : liste nominative par fonction Elis).
- Vous adressez au métier des demandes ne relevant pas de leur champ de compétence sans pour autant les assister dans la démarche (ex : validation d'un plan d'exploitation).
- Vous ne vous êtes pas suffisamment impliqué dans les sujets relatifs à une intégration entre HR Access (application dont vous avez la maîtrise) et des applicatifs autres de la DTSI.
Dans ce contexte, vous transférez le travail sur les équipes DTSI BI et Finance sans vous assurer que les éléments dont ils disposent soient justes ou suffisants pour accéder à la bonne intégration des flux.
En ce qui concerne les impacts sur la BI, lors de la migration de HR Access, un grand nombre d'allers-retours entre les équipes ont été nécessaires, faute de préparation suffisante du sujet en question. Vous avez, par exemple, dû modifier des spécifications au dernier moment, mais ne vous êtes pas assuré que les nouvelles définitions transmises à la BI restaient concordantes avec ses attendus en terme de format de données, ce qui a généré une perte de temps quasi systématique (travail par itération), des erreurs à répétition, de l'agacement dans les équipes qui se sont senties déconsidérées.
De plus, la recette que vous avez réalisée sur ces problématiques d'intégration inter applicatives avec la BI n'était pas toujours adaptée au regard du contexte (recette sur la base de jeux de tests non appropriés) et a généré des erreurs lors de la mise en production de l'applicatif.
- En ce qui concerne les évolutions liées à l'intégration comptable entre SAP et HR Access, dans le cadre de la montée de version de HR access S9, le sujet relatif à l'interface comptable et de paiement avait été mis de côté par votre équipe jusqu'à décembre 2015 / janvier 2016 et intégralement transféré sur les équipes Finances de la DTSI, sans vous soucier d'un quelconque avancement de ce sujet majeur et incontournable dans le cadre de votre projet. C'est sur demande de votre supérieur hiérarchique, que vous avez réouvert le sujet et que tous les interlocuteurs nécessaires au traitement de ce sujet ont été réunis autour de la table.
2°) Vous n'avez pas su utiliser et vous appuyer sur l'organisation mise en place pour assurer une recette de qualité des solutions livrées par les équipes d'intégrateurs, et ce malgré les moyens mis à votre disposition (votre équipe de la DTSI, une assistance à maîtrise d'ouvrage externe présente sur site, la contribution des métiers). Vous ne vous êtes pas suffisamment impliqué dans ce processus, pour sécuriser les mises en production, votre contribution relevant pour l'essentiel du suivi de l'avancement des plannings liés à cette activité.
Ainsi, sur le premier trimestre 2016, les livraisons en production s'accompagnaient quasi systématiquement de régressions dans l'environnement de production, régressions liées à une gestion peu appropriée du processus de livraison par l'intégrateur que vous deviez piloter, mais aussi, à une recette insuffisante des solutions en question. Des collaborateurs SIRH ont ainsi découvert en production des problèmes lorsqu'ils ont commencé à travailler sur des fonctionnalités.
Il a donc de ce fait été décidé sur le deuxième trimestre de sécuriser le projet de migration HR Access en gelant toute mise en production de nouvelles solutions.
3°) La répartition du travail au sein de votre équipe n'est pas équilibrée. Vous n'avez affecté qu'un de vos collaborateurs sur le projet de migration HR S9 qui est donc le seul à avoir la connaissance technique.
En conséquence, ce collaborateur a eu une charge de travail très importante au cours du 1er semestre 2016. En outre, en cas d'absence de ce collaborateur, aucune personne dans l'équipe n'est capable de résoudre les problèmes. Ainsi, par exemple, en juin 2016, lors d'une absence de ce collaborateur, vous n'avez pas su faire les mises à jour applicatives fonctionnelles, en raison d'une méconnaissance des spécificités du système.
4°) L'ensemble de vos interlocuteurs (métiers, DTSI, management et intégrateurs) considèrent que vous manquez de maîtrise technique et n'apportez donc pas la valeur ajoutée nécessaire à la définition et à la mise en 'uvre des solutions.
En conséquence,
- Vous ne pouvez pas être force de proposition faute de connaissances suffisantes ;
- Vous êtes amené dans des contextes d'urgence à faire des actions peu adaptées générant aussi des régressions dans les applicatifs.
Par exemple, vous êtes à l'origine de mises à jour applicatives fonctionnelles erronées : tel a été le cas pour les congés parentaux en cours qui ont été supprimés ou le nettoyage des rubriques d'intéressement qui n'ont pas été supprimées et qui auraient dû l'être, ce qui a techniquement bloqué les remontées du mois de paie correspondant.
- Vous ne portez pas l'attention nécessaire à des problèmes existant depuis longtemps : les rejets d'interface ne sont pas systématiquement analysés par votre équipe malgré les remontées d'alerte mail et la mise à jour des rejets dans une table dédiée. Les sujets ne sont traités que si le métier met un cas précis en avant. Tel a été le cas par exemple pour l'interface entre HR Access et SAP relative aux absences : vous avez effectivement fait en sorte que les données non mises à jour par interface soient mises à jour manuellement en masse par votre équipe. Cependant, il s'agit d'une solution temporaire et aucune action correctrice n'a été prise pour stopper le problème définitivement.
- Par ailleurs, le suivi des données envoyées par HR à SAP, puis à la BI n'a pas été réalisé de façon rigoureuse ; ainsi, un certain nombre de désynchronisations entre les deux applicatifs sont mises en avant sur des données depuis 2012. Aucune action n'avait été mise en place pour supprimer ces désynchronisations, ce qui a généré un travail lourd et supplémentaire avant de pouvoir entreprendre de nouvelles évolutions, telles que la mise en place du bilan social dans la BI (ex : salariés présents dans SAP et pas dans HR ; salariés présents dans HR et BW, mais pas dans SAP ; salariés sortis sur HR mais toujours actifs dans BW).
5°) Dans le cadre de la mise en oeuvre de fonctionnalités nouvelles, vous ne jouez pas suffisamment le rôle de Chef de Projet que l'on attend de vous au regard de vos fonctions : vous ne préparez pas ou ne faites pas préparer par vos équipes, les réunions/ateliers de travail, ne les pilotez pas, ce qui contraint les équipes métiers à les piloter pour faire avancer le sujet. Cela a été le cas, notamment, sur la mise en place de la veille légale des allocations familiales.
Vous ne vous assurez pas qu'un compte-rendu soit rédigé et partagé suite à l'atelier de travail.
6°) Vous avez eu du mal à prendre la responsabilité et à suivre des sujets opérationnels.
Ainsi, par exemple, vous étiez en charge de la réduction du nombre d'utilisateurs ayant accès à des informations confidentielles. Malgré plusieurs relances de vos supérieurs hiérarchiques, vous n'avez fait que très peu avancer le sujet.
7°) Vous n'avez pas démontré votre capacité à aider les opérationnels à modifier leurs processus pour revenir à un standard applicatif. Vous aviez pour objectif de réduire significativement des développements spécifiques dans la version 9 de HR lors du projet de migration, ce qui n'a pas été fait.
Par ailleurs, vous disposez chaque année, de 60 jours d'assistance pour traiter des évolutions applicatives. Le budget alloué à la réalisation des développements spécifiques au titre de l'année 2016 dans le cadre de la TM HR Access a été consommé en 2015, en raison de votre insuffisance de pilotage, ce qui a occasionné des dépenses supplémentaires pour l'année 2016, dépenses que vous n'avez, en outre, pas fait valider.
8°) Vous n'avez pas démontré de capacité d'innovation pour répondre à des besoins nouveaux. Ainsi, par exemple, vous n'avez pas proposé de solution pour un annuaire fonctionnel.
L'ensemble de ces éléments nous contraint à vous notifier votre licenciement. (...) »
Par requête reçue au greffe le 09 janvier 2017, M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt aux fins de contester son licenciement et de voir condamner la société Elis Services au versement de diverses sommes indemnitaires et salariales.
Par jugement rendu le 17 octobre 2019, le conseil de prud'hommes a :
- jugé que le licenciement de M. [R] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
en conséquence :
- condamné la SA Elis Services à verser à M. [R] les sommes de :
' 50 000 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêt au taux légal à compter du 15ème jour suivant la date de notification du jugement et jusqu'au jour du paiement,
' 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné d'office le remboursement par la SA Elis Services à l'organisme concerné du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités, dans les conditions prévues à l'article L. 1235-4 du code du travail,
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
- condamné la SA Elis Services aux entiers dépens.
La société Elis Services a interjeté appel de la décision par déclaration du 28 octobre 2019.
Par conclusions adressées par voie électronique le 16 juillet 2020, elle demande à la cour de :
- la recevoir en son appel,
l'y déclarant bien fondée,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* dit le licenciement de M. [R] dépourvu de cause réelle et sérieuse,
* condamné la SA Elis Services à verser à M. [R] les sommes suivantes :
' 50 000 euros bruts à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal,
' 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* ordonné d'office le remboursement par la SA Elis Services aux organismes concernés du montant des indemnités de chômage versées à M. [R] du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de six mois d'indemnité dans les conditions prévues à l'article L. 1235-4 du code du travail,
* condamné la SA Elis Services aux dépens,
statuant à nouveau,
- débouter M. [R] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner M. [R] aux entiers dépens.
Par conclusions adressées par voie électronique le 08 mars 2022, M. [R] demande à la cour de : - confirmer le jugement en ce qu'il a jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- réformer le jugement en ce qu'il a :
* condamné la société Elis Services à régler à M. [R] une indemnité de 50 000 euros,
* débouté M. [R] de sa demande de rappel de prime au titre de l'année 2016,
statuant de nouveau,
- condamner la société Elis Services à verser à M. [R] :
' la somme de 75 396,50 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
' la somme de 876 euros d'indemnisation au titre de la perte de la prime de fin d'année pour l'année 2016,
- condamner la société Elis Services à verser à M. [R] la somme de 5 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- condamner la société Elis Services aux entiers dépens.
Par ordonnance rendue le 30 mars 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 08 avril 2022.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS
Sur le licenciement
L'article L. 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement pour motif personnel à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.
L'article L. 1235-1 du même code dispose qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute persiste, il profite au salarié.
Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties. En application de l'article L. 1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit comporter l'énoncé de faits matériellement vérifiables, à défaut de quoi le licenciement doit être jugé sans cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, la société Elis Services reproche à M. [R] une insuffisance professionnelle.
Pour constituer une cause légitime de rupture, l'insuffisance professionnelle doit être établie par des éléments objectifs, constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme passagère ou purement conjoncturelle, directement imputable au salarié et non la conséquence d'une conjoncture économique difficile ou du propre comportement de l'employeur.
Il appartient à l'employeur d'établir que l'insuffisance professionnelle reprochée au salarié repose sur des éléments objectifs, précis et imputables à celui-ci.
Le salarié conteste le bien-fondé de son licenciement et considère que l'employeur lui fait endosser la responsabilité d'actions qui n'ont jamais relevé de ses fonctions ni de ses compétences. Il énonce que la décision de ce dernier de rompre son contrat de travail le 09 août 2016 s'inscrit dans une stratégie de réduction des dépenses du personnel affecté au service informatique, une fois les grandes migrations informatiques finalisées, qu'en effet la société Elis Services a décidé fin 2012 de réorganiser son système d'information, en optant pour la mise en place du logiciel SAP, laquelle a duré deux ans puis que, fin 2014, elle a décidé de remplacer son logiciel de paie HR Access par un nouveau logiciel HR S9 de paie et de gestion du temps, concluant pour ce faire un contrat avec un intégrateur, la société Sopra, qu'ainsi à la fin du mois de mai 2016, l'installation du progiciel intégré RH S9 était terminée.
Il fait observer que, depuis son embauche, il n'a jamais fait l'objet du moindre reproche et que ces appréciations annuelles rendent peu crédible la soudaine insuffisance professionnelle qui lui a été reprochée dans le cadre de son licenciement.
Aux termes de la lettre de licenciement, il est opposé au salarié les manquements suivants :
- un transfert trop fréquent des tâches qui lui étaient confiées aux équipes métiers,
- une insuffisance des recettes de solutions livrées,
- une mauvaise répartition du travail au sein de son équipe,
- un manque de maitrise technique,
- un manque d'encadrement de ses équipes,
- une absence de suivi des sujets opérationnels,
- une absence de capacité d'innovation.
M. [R] a été engagé par la société Elis Services, à compter du 03 mai 2010, en qualité de responsable des systèmes d'information des ressources humaines (SIRH), étant observé que le contrat de travail ne précise pas l'étendue des missions assignées au salarié. Il encadrait une équipe de deux personnes.
L'employeur verse aux débats une fiche métier de responsable de domaine applicatif, extraite du site internet 'Jobintree', laquelle ne correspond cependant pas au poste de responsable SIRH occupé par M. [R], qui explique que ses fonctions consistaient à :
- coordonner la mise en 'uvre des projets informatiques relatifs à la paie et à la gestion des temps et activités en vérifiant la faisabilité des demandes des opérationnels, en évaluant les réponses apportées par les prestataires informatiques retenus (Sopra, Accenture, GFI, ...) et en suggérant, le cas échéant, d'éventuelles solutions alternatives ;
- suivre la mise en 'uvre des projets retenus par les intégrateurs ;
- intervenir pour corriger les dysfonctionnements rencontrés par les opérationnels, soit techniquement lorsque cela était matériellement possible, soit en sollicitant l'intervention des prestataires concernés, selon le niveau de technicité de ces dysfonctionnements.
Les entretiens annuels d'évaluation du salarié font état de résultats conformes aux attentes pour ceux réalisés en janvier 2014, janvier 2015 et janvier 2016, soit quelques mois avant le licenciement, voire même de résultats supérieurs aux attentes s'agissant des entretiens annuels de janvier 2012 et janvier 2013.
L'employeur relève en premier lieu que M. [R] a transféré trop systématiquement des travaux qui lui incombaient ou incombaient à son équipe, vers les équipes métiers, à savoir le service ressources humaines ou le service comptabilité, en laissant celles-ci rédiger seules les spécifications fonctionnelles complexes relatives d'une part, à l'interface comptable entre HR S9 et SAP et d'autre part, à la gestion de la confidentialité de HR Access S9, en ne préparant pas suffisamment les ateliers de conception et comités de suivi d'activité, en adressant des questions techniques directement aux collaborateurs ressources humaines ou comptabilité au lieu de consulter la documentation technique pour y trouver la réponse, en se préoccupant tardivement des problématiques soulevées par l'intégration comptable entre SAP et HR Access.
Outre cependant que ces manquements ne sont pas démontrés par les courriels produits aux débats par la société Elis Services, le salarié fait justement valoir que seules les équipes comptables et ressources humaines étaient en mesure de décrire leurs process de fonctionnement et leurs besoins détaillés, qu'en outre la rédaction des spécifications fonctionnelles relevaient des attributions de la société Sopra, ainsi qu'il ressort du contrat d'intégration conclu avec celle-ci, M. [R] devant quant à lui s'assurer que les spécifications fonctionnelles rédigées par la société prestataire traduisaient bien les besoins exprimés ; que selon ce même contrat, la société Sopra était chargée de préparer et d'animer les ateliers de conception puis d'en rédiger les comptes-rendus ; que les questions qu'il pouvait être amené à poser aux équipes métiers étaient non seulement légitimes mais indispensables à la réalisation de ses missions. Le salarié justifie en outre que loin de se préoccuper tardivement, et sur demande de son supérieur hiérarchique en décembre 2015, des problématiques soulevées par l'intégration comptable entre SAP et HR Access, il s'y est spontanément intéressé dès le mois de juillet 2015 comme en témoignent ses échanges de courriels sur ce thème.
L'employeur prétend ensuite que le salarié n'aurait pas utilisé tous les moyens à sa disposition pour assurer la sécurisation des livraisons en production de HR S9 et qu'ainsi les livraisons du premier trimestre 2016 se seraient quasi systématiquement accompagnées de régressions, ce qui a conduit la société à geler sur le deuxième trimestre la mise en production de nouvelles solutions afin de sécuriser le projet de migration HR Access.
Comme l'explique le salarié, la maintenance technique du logiciel HR S9, opérée par la société Sopra, supposait principalement une recette fonctionnelle par les équipes métiers. Or, cette recette a pris du retard en raison de problèmes de disponibilité de ces équipes, ainsi que le mentionne le compte-rendu du comité de pilotage du 16 février 2016, et non du fait de M. [R]. La décision a donc été prise de geler au deuxième trimestre 2016 la mise en production de nouvelles solutions par la société prestataire, ce qui ressort du même compte-rendu. L'intimé souligne par ailleurs à juste titre que selon le contrat conclu entre la société Elis Services et la société Sopra, la livraison du logiciel en environnement de production incombait à cette dernière, en sa qualité d'intégrateur. Il fait en outre valoir que face aux difficultés rencontrées, il n'est pas resté passif, comme le démontrent ses échanges de courriels avec ses interlocuteurs chez Sopra ainsi que les comptes-rendus des comités de pilotage des 11 janvier et 16 février 2016.
L'employeur oppose encore au salarié, qui encadrait une équipe de deux personnes, une mauvaise répartition du travail au sein de son équipe, en affectant un seul de ses collaborateurs sur le projet de migration HR S9.
Le courriel du 22 décembre 2015 produit par l'appelante à l'appui de son argumentation ne démontre toutefois nullement une mauvaise répartition du travail au sein de l'équipe de M. [R], comme l'ont d'ailleurs constaté les premiers juges, en écartant ce manquement par des motifs que la cour adopte.
Il convient également d'exclure le manque d'encadrement de ses équipes imputé au salarié qui, selon l'employeur, ne préparait pas, ou ne faisait pas préparer par ses équipes, les réunions et ateliers de travail, et ne pilotait pas ces réunions, dès lors qu'il a été précédemment constaté qu'aux termes du contrat d'intégration, la société Sopra était chargée de préparer et d'animer ces ateliers.
La société Elis Services déplore ensuite le manque de maîtrise technique de M. [R], qui n'aurait pas apporté la valeur ajoutée nécessaire à la définition et à la mise en oeuvre des solutions.
Elle se prévaut notamment de deux attestations de salariés ayant travaillé avec l'intéressé. Toutefois, l'attestation de Mme [O] [K], responsable des systèmes d'information des ressources humaines à la direction des ressources humaines, fait plutôt état de difficultés relationnelles avec M. [R] tandis que celle de M. [J] [T], directeur des comptabilités, qui atteste de son manque de maîtrise des outils informatiques et des solutions à mettre en oeuvre, est contredite par les évaluations annuelles du salarié. Les courriels par ailleurs produits par l'employeur au soutien de ce manquement ne démontrent pas que les difficultés invoquées étaient entièrement imputables au salarié.
L'absence de capacité d'innovation, visée dans la lettre de licenciement n'est pas davantage établie par l'employeur, et ce tandis que le salarié souligne opportunément qu'en tant que chef de projet, et non développeur informatique, il n'avait pas pour mission de développer des solutions informatiques mais d'assister les métiers dans l'intégration de solutions tierces, tout en démontrant qu'il a néanmoins été amené à suggérer des solutions nouvelles dans le domaine informatique.
Les autres éléments fournis par la société appelante au soutien du dernier manquement, à savoir les difficultés à suivre les sujets opérationnels, ne sont pas plus probants.
La société Elis Services n'apportant pas la preuve de l'insuffisance professionnelle alléguée, le jugement entrepris mérite confirmation en ce qu'il a retenu le défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement.
Au vu des pièces et des explications fournies, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de son ancienneté depuis le 3 mai 2010 et des conséquences de la rupture à son égard, la société Elis Services sera condamnée à lui régler, par confirmation du jugement entrepris, la somme de 50 000 euros à titre indemnitaire.
Sur la prime annuelle 2016
M. [R] sollicite le versement d'une indemnité d'un montant de 876 euros compensant la perte de la prime de fin d'année 2016 dont il estime avoir été injustement privé du fait de son licenciement.
La société Elis Services s'y oppose au motif que le salarié, dont le préavis a pris fin le 09 novembre 2016, ne remplissait pas la condition de présence dans l'entreprise au 30 novembre 2016 prévue par l'accord d'entreprise du 1er juillet 2009 s'agissant du versement de cette prime.
La cour ayant cependant retenu le défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement de M. [R], celui-ci apparait bien fondé à se voir indemniser de la privation injustifiée de la prime de fin d'année dont il avait bénéficié les années précédentes en application de l'accord d'entreprise du 1er juillet 2009.
La société Elis Services sera donc condamnée, par infirmation du jugement entrepris, à verser au salarié de ce chef la somme de 876 euros, non discutée dans son montant, calculée par référence à la prime perçue par lui en novembre 2015. Cette créance, de nature indemnitaire, portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.
Sur le remboursement des indemnités de chômage
En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par la société Elis France aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage qu'ils ont versées à M. [R] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de six mois.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La société Elis Services supportera les dépens en application des dispositions de l'article'696 du code de procédure civile.
Elle sera en outre condamnée à payer à M. [R] une indemnité sur le fondement de l'article'700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, qui sont donc confirmés, et 3 000'euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement rendu le 17 octobre 2019 par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt sauf en ce qu'il a débouté M. [B] [R] de sa demande d'indemnité au titre de la prime 2016,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE la société Elis Services à verser à M. [B] [R] la somme de 876 euros à titre d'indemnité en compensation de la perte de la prime annuelle 2016, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
ORDONNE le remboursement par la société Elis Services à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à la suite du licenciement de M. [B] [R] dans la limite de six mois et dit qu'une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée par le greffe par lettre simple à la direction générale de Pôle emploi conformément aux dispositions de l'article R. 1235-2 du code du travail,
CONDAMNE la société Elis Services à verser à M. [B] [R] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la société Elis Services de sa demande de ce chef,
CONDAMNE la société Elis Services aux dépens.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code procédure civile et signée par Madame Valérie DE LARMINAT, Conseillère, en remplacement de Madame Isabelle VENDRYES, Présidente, légitimement empêchée, et par Madame Virginie BARCZUK, Greffière placée, à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIERE placée, P/ LA PRESIDENTE empêchée,