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14/09/2022 | FRANCE | N°19/02121

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 14 septembre 2022, 19/02121


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80B



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 SEPTEMBRE 2022



N° RG 19/02121



N° Portalis DBV3-V-B7D-TF5O



AFFAIRE :



[V] [S]



C/



SAS RIEM BECKER



S.E.L.A.R.L. S21Y en la personne de Me Sophie TCHERNIAVSKY es qualité de commissaire à l'exécution du plan

...



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Février 2019 par le

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : 17/01608



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la AARPI METIN & ASSOCIES



la SELAS ARDEA AVOCATS



SCP HADENGUE et Associés



le...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80B

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 SEPTEMBRE 2022

N° RG 19/02121

N° Portalis DBV3-V-B7D-TF5O

AFFAIRE :

[V] [S]

C/

SAS RIEM BECKER

S.E.L.A.R.L. S21Y en la personne de Me Sophie TCHERNIAVSKY es qualité de commissaire à l'exécution du plan

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Février 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : 17/01608

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la AARPI METIN & ASSOCIES

la SELAS ARDEA AVOCATS

SCP HADENGUE et Associés

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [V] [S]

né le 17 Juin 1969 au [Localité 12]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentant : Me David METIN de l'AARPI METIN & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 159

APPELANT

****************

SAS RIEM BECKER

N° SIRET : 784 498 818

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représentant : Me Patrick VIDELAINE de la SELAS ARDEA AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0586

INTIMEE

****************

S.E.L.A.R.L. S21Y en la personne de Me Sophie TCHERNIAVSKY es qualité de Commissaire à l'exécution du plan

[Adresse 6]

[Localité 10]

Représentant : Me Patrick VIDELAINE de la SELAS ARDEA AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0586

S.E.L.A.S. BL & ASSOCIES prise en la personne de Me Maxime Langlet administrateur judiciaire de RIEM BECKER

[Adresse 3]

Halle A

[Localité 8]

Représentant : Me Patrick VIDELAINE de la SELAS ARDEA AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0586

Association AGS CGEA IDF EST

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE et Associés, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 susbtitué à l'audience par Me François Gregoire,

PARTIES INTERVENANTES

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Juin 2022, Madame Isabelle MONTAGNE, présidente, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Madame Anne-Sophie CALLEDE

EXPOSE DU LITIGE

[V] [S] a été engagé par la société Excel Sodexho Prestige suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 septembre 2001 en qualité de chef pâtissier, statut agent de maîtrise, en référence aux dispositions de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants.

En dernier lieu, le salarié exerçait les fonctions de responsable de production pâtisserie et boulangerie, statut cadre, au sein de la société Riem Becker sur le site de [Localité 11].

Le 6 février 2017, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 17 février suivant.

Par lettre datée du 17 février 2017, l'employeur a proposé au salarié un contrat de sécurisation professionnelle et par lettre datée du 7 mars 2017, lui a notifié son licenciement pour motif économique.

Le contrat de travail a été rompu à la suite de l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle.

Le 14 juin 2017, [V] [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin d'obtenir la condamnation de la société Riem Becker à lui payer diverses indemnités au titre du licenciement qu'il estime dénué de cause réelle et sérieuse et subsidiairement, au titre du manquement au respect des critères d'ordre de licenciement.

Par jugement mis à disposition le 25 février 2019, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, les premiers juges ont :

- jugé que le licenciement économique de [V] [S] est valide,
- débouté [V] [S] de ses demandes,
- débouté la société Riem Becker de sa demande reconventionnelle,
- laissé les éventuels dépens à la charge de chacune des parties en ce qui la concerne. 

Le 8 mai 2019, [V] [S] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par jugement du 8 septembre 2021, le tribunal de commerce de Créteil a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Riem Becker et a désigné la Selarl S21Y, en la personne de maître Sophie Tcherniavsky, en qualité de mandataire judiciaire et la Selas Bl & Associés, en la personne de maître Maxime Langlet, en qualité d'administrateur judiciaire. 

Par jugement du 10 novembre 2021, le tribunal de commerce de Créteil a arrêté un plan de redressement de la société Riem Becker, a mis fin à la mission de la Selas Bl & Associés et a désigné la Selarl S21Y, en la personne de maître Sophie Tcherniavsky, en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 28 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, [V] [S] demande à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau, de :

- à titre principal, juger que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, en conséquence, fixer au passif de la procédure collective de la société Riem Becker la somme de 61 000 euros nets de Csg-Crds et de charges sociales au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou si l'Ags demande sa mise hors de cause, condamner la société Riem Becker à lui payer la même somme pour le même chef,

- à titre subsidiaire, juger que la société Riem Becker n'a pas respecté les critères d'ordre de licenciement, en conséquence, fixer au passif de la procédure collective de la société Riem Becker la somme de 61 000 euros nets de Csg-Crds et de charges sociales à titre de dommages-intérêts, ou si l'Ags demande sa mise hors de cause, condamner la société Riem Becker à lui payer la même somme pour le même chef, 

- fixer la moyenne des salaires bruts à la somme de 5 061,89 euros,

- condamner la société Riem Becker à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens dont les frais d'huissier dont il a dû s'acquitter pour assigner l'Ags en intervention forcée, y compris les éventuels frais d'exécution de la décision à intervenir,

- assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- rendre le jugement opposable à l'Ags. 

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 8 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société Riem Becker et la Selarl S21Y, en la personne de maître Sophie Tcherniavsky, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de ladite société, intervenante volontaire, demandent à la cour de confirmer le jugement, de débouter [V] [S] de l'ensemble de ses demandes et de condamner celui-ci à verser à la société Riem Becker la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens. 

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 24 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, l'Unédic, Délégation Ags Cgea d'Ile de France Est demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- juger que la société Riem Becker, in bonis, est présumée être en possession des fonds disponibles permettant le règlement des créances salariales, en conséquence, juger que l'Ags doit être mise hors de cause, débouter [V] [S] de ses demandes,

- en tout état de cause, la mettre hors de cause s'agissant des frais irrépétibles de la procédure, juger que la demande qui tend à assortir les intérêts au taux légal ne saurait prospérer postérieurement à l'ouverture de la procédure collective en vertu des dispositions de l'article L. 622-28 du code du commerce, fixer l'éventuelle créance allouée au salarié au passif de la société Riem Becker, juger qu'elle ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-19 à 21 et L. 3253-17 du code du travail, juger que l'obligation du Cgea de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire.

Une ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 7 juin 2022.

MOTIVATION

Sur le bien-fondé du licenciement

Par lettre datée du 7 mars 2017, la société Riem Becker a notifié à [V] [S] son licenciement pour motif économique en ces termes : 

'(...)

Ce licenciement pour motif économique est justifié par les raisons suivantes : 

Le groupe Riem Becker connaît un recul de sa situation économique et voit sa rentabilité décliner avec une situation économique globale du groupe en dégradation. 

La crise économique mondiale a fortement impacté le secteur d'activité de Riem Becker ainsi que les différentes séries d'attentats survenues en Région Parisienne ont marqué brutalement le secteur d'activité avec une diminution du volume d'affaires. 

De plus, le 1er septembre 2014, l'entreprise Riem Becker a acquis le fonds de commerce, l'Affiche intervenant dans la préparation des plateaux repas et coffrets sandwichs au bureau. Cette acquisition n'a pas créé l'effet de levier escompté et le chiffre d'affaires est aujourd'hui insuffisant et ne permet pas d'atteindre les objectifs du groupe. 

La société enregistre depuis 2 ans une baisse de sa rentabilité. Malgré les efforts accomplis, l'entreprise n'a pas atteint l'objectif escompté. Pour l'année 2015-2016, la société a enregistré un résultat net négatif de 1 339 544 euros. 

Pour les trimestres 2016, le résultat net de la société est comme suit : 

Riem Becker

Février 2016 à avril 2016

Mai 2016 à juillet 2016

Août 2016 à octobre 2016

Résultats nets

- 378 658 euros

- 71 676 euros

- 670 552 euros

Le groupe Riem Becker enregistre des pertes significatives et de graves difficultés de trésorerie. L'entreprise est donc contrainte de prendre des mesures appropriées afin de permettre sa survie et la sauvegarde des emplois. 

A cet égard, l'entreprise Riem Becker a décidé d'arrêter un certain nombre d'activités non rentables, pour se recentrer sur son c'ur de métier. 

L'entreprise a notamment décidé d'arrêter la fourniture de pain auprès du client Sodexo, dans le cadre de l'activité partenariat. 

En effet, cette activité ne génère aucune marge pour l'entreprise et chaque livraison se traduit par une perte sèche. 

La fourniture de pain représente aujourd'hui les volumes suivants : (...)

Or, l'activité partenariat représente 81 % de l'activité du service boulangerie. Aussi compte tenu de l'arrêt de la fourniture de pain auprès de Sodexo, les volumes restants sont insuffisants pour permettre de maintenir le service boulangerie. 

Compte tenu de l'arrêt des livraisons auprès du partenariat, l'activité est insuffisante pour maintenir le service. 

En conséquence, nous avons été contraints d'envisager votre licenciement pour motif économique lié à la suppression de votre poste de Responsable de Production Pâtisserie et Boulangerie au sein de l'établissement de la société Riem Becker. 

Afin d'éviter votre licenciement, nous avons activement recherché toutes les possibilités de reclassement dans l'entreprise. 

Par courrier du 1er février 2017, nous vous avons proposé le poste de reclassement disponible et compatible avec votre qualification : le poste de Chef de partie Tourier - Service Pâtisserie pour Riem Becker. 

Toutefois, par courrier du 1er février 2017, vous nous avez informés que vous n'acceptiez pas la proposition de reclassement. 

(...)'.

[V] [S] soutient que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse auxmotifs que :

- l'employeur ne justifie pas de difficultés économiques au niveau du secteur d'activité concerné au sein du groupe auquel appartient la société Riem Becker ; la situation de la société Smd qui exerce comme la société Riem Becker une activité de traiteur, aurait en effet dû être prise en compte ; en tout état de cause, il n'est pas justifié de difficultés économiques au niveau de la société Riem Becker ; il a en réalité été licencié pour des raisons d'économie ;

- la société Riem Becker n'a pas rempli avec sérieux et loyauté son obligation de reclassement ; les registres d'entrées et de sorties du personnel des deux autres sociétés du groupe (Telinflor et Smd) et de la société Riem Becker qui sont produits sont incomplets et il est par conséquent impossible de s'assurer que le poste de reclassement proposé de 'chef de partie-tourier service pâtisserie' était le seul disponible ; au regard des pertes de rémunération et du statut cadre et de ses responsabilités, ainsi que de la rétrogradation que l'acceptation de ce poste aurait engendrées, il a été contraint de le refuser ;

- la société Riem Becker ne justifie pas avoir réalisé tous les efforts de formation et d'adaptation possibles préalablement au licenciement.

La société Riem Becker et la commissaire à l'exécution du plan concluent au motif réel et sérieux du licenciement en faisant valoir que :

- les difficultés économiques de la société étaient avérées ; la société Smd qui exerce une activité différente n'entre pas dans le périmètre d'appréciation du motif économique ; de toutes les façons, les chiffres d'affaires et résultats des sociétés Telinflor et Smd n'étaient pas de nature à impacter ceux de la société Riem Becker ;

- la société Riem Becker a satisfait à son obligation de reclassement en recherchant des postes pouvant convenir au salarié en son sein et en celui des deux sociétés du groupe ; elle lui a proposé un poste que celui-ci a refusé le jour-même de la proposition.

Sur la réalité du motif économique du licenciement

Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige : 'Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

(...)'.

Les parties ne discutent pas le fait que le groupe auquel appartient la société Riem Becker est composé en outre des sociétés Telinflor et Sushi Map Developpement (Smd) et que l'activité de la société Telinflor, entreprise de service informatique, est différente de celle de la société Riem Becker.

L'extrait Kbis de la société Riem Becker mentionne l'activité suivante : 'articles de confiserie, pâtisserie, glace, cuisine, organisation de réceptions, lunchs, dîners, soirées à domicile'. La société Riem Becker précise dans ses écritures qu'elle est une 'entreprise spécialisée dans l'activité de traiteur / plateaux repas pour entreprises, événementiel'.

L'extrait Kbis de la société Smd mentionne l'activité suivante : 'Traiteur, conception, réalisation, fabrication et commercialisation de sushis et de produits culinaires (...)'. La société Riem Becker précise dans ses écritures que la société Smd est une entreprise exploitant deux restaurants japonais à [Localité 13].

Il résulte des constatations qui précèdent que les sociétés Riem Becker et Smd exercent toutes deux une activité de traiteur.

Il convient par conséquent de retenir que ces deux sociétés appartiennent au même secteur d'activité et que le périmètre d'appréciation des difficultés économiques, motif sur lequel est fondé le licenciement de [V] [S], doit être apprécié au niveau du secteur d'activité de ces deux sociétés.

Il ressort des comptes de la société Riem Becker, qui présentait un effectif compris entre au moins 50 et moins de 300 salariés, que son résultat net a été de - 352 571 euros pour le trimestre compris entre février et mars 2016, de - 54 347 euros pour le trimestre compris entre avril et juillet 2016 et de - 716 037 euros pour le trimestre compris entre août et octobre 2016, seuls connus à la date du licenciement. Il s'ensuit que la société Riem Becker justifie de pertes financières au moment du licenciement.

Il ressort des comptes de la société Smd que son résultat net a été de 38 217 euros en 2016 et de 3 889 euros en 2017. Toutefois au regard des pertes de la société Riem Becker pour la période considérée en 2016, le résultat de la société Smd en 2016 n'était pas de nature à modifier de manière significative celui du secteur d'activité du groupe qui restait négatif.

Il s'ensuit que les difficultés financières du secteur d'activité du groupe auquel appartenait la société Riem Becker étaient avérées au moment du licenciement.

L'argumentation du salarié, qui ne démontre par aucun élément l'existence d'une faute ou d'une légèreté blâmable de l'employeur, tirée d'un 'licenciement d'économie' est inopérante quant à la réalité du motif économique, étant précisé ici que les choix de gestion de l'employeur ne peuvent être contrôlés par le juge prud'homal.

La réalité du motif économique est donc établie.

Sur l'obligation de reclassement

Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige : 'Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises'.

L'employeur est tenu de rechercher et de proposer aux salariés les postes disponibles, dans l'entreprise mais aussi dans le cadre des entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu de travail ou d'exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel.

Il incombe à l'employeur de prouver qu'il n'a pu reclasser le salarié.

Il n'y a pas de manquement à l'obligation de reclassement si l'employeur justifie de l'absence de poste disponible, à l'époque du licenciement, dans l'entreprise, ou s'il y a lieu dans le groupe auquel elle appartient.

Alors que la société Riem Becker produit des lettres de recherche de reclassement auprès des sociétés du groupe et qu'elle a proposé un poste de reclassement au salarié entrant dans les conditions légales, que celui-ci a refusé, il ressort des registres uniques du personnel des sociétés Riem Becker et Smd, produits devant la cour et couvrant une période suffisante, qu'aucun autre emploi n'était disponible à une période contemporaine au licenciement du salarié.

Le fait que la société Riem Becker a produit son registre unique du personnel ne faisant pas état des embauches intervenues après juin 2017 n'est pas criticable alors que le licenciement du salarié a été notifié le 7 mars 2017.

Il s'ensuit que le salarié n'est pas fondé à reprocher à la société Riem Becker un manquement à l'obligation de recherche loyale et sérieuse de reclassement.

Enfin, [V] [S] ne précise pas en quoi la société Riem Becker n'aurait pas réalisé tous les efforts de formation et d'adaptation possibles préalablement au licenciement.

Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le licenciement pour motif économique de [V] [S] est justifié par une cause réelle et sérieuse. Il convient par conséquent de débouter celui-ci de toutes ses demandes de ce chef et de confirmer le jugement sur ces points.

Sur le respect des critères d'ordre de licenciement

[V] [S] fait valoir que la société Riem Becker ne justifie pas avoir correctement mis en oeuvre les critères d'ordre de licenciement, en ce que M. [U], chef de production qui aurait dû être classé dans la même catégorie professionnelle que lui, comptabilise dans le meilleur des cas le même nombre de points que lui et que c'est lui qui a été licencié.

La société Riem Becker et le commissaire à l'exécution du plan concluent au débouté de cette demande au motif que M. [U] qui n'était pas cadre contrairement au salarié n'entrait pas dans la même catégorie professionnelle que celui-ci.

Aux termes de l'article L. 1233-5 du code du travail : 'Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.

Ces critères prennent notamment en compte :

1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;

2° L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ;

3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;

4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie.

L'employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères prévus au présent article. (...).

Les critères doivent être appréciés dans la catégorie professionnelle à laquelle appartient le salarié.

Appartiennent à une même catégorie professionnelle les salariés qui exercent dans l'entreprise des activités de même nature supposant une formation professionnelle commune.

Il ressort de l'organigramme produit par la société Riem Becker que M. [U] n'était pas cadre mais agent de production, statut agent de maîtrise, alors que le salarié était responsable de production, statut cadre.

Le salarié ne produit aucune pièce permettant de remettre objectivement en cause ce fait.

L'argumentation du salarié tirée de la mauvaise application des critères d'ordre du licenciement n'est donc pas pertinente.

Il convient de débouter le salarié de sa demande au titre du non-respect des critères d'ordre du licenciement et de confirmer le jugement sur ce point.

Il n'y a pas lieu à mettre hors de cause l'Ags.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ce qu'il statue sur les frais irrépétibles mais infirmé en ce qu'il statue sur les dépens.

Au regard de la solution du litige, [V] [S] sera condamné aux dépens exposés en première instance et en cause d'appel.

La société Riem Becker sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il statue sur les dépens,

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

DEBOUTE les parties des autres demandes,

CONDAMNE [V] [S] aux dépens de première instance et d'appel,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Morgane BACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 19/02121
Date de la décision : 14/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-14;19.02121 ?
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