COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 60A
3e chambre
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 08 SEPTEMBRE 2022
N° RG 20/00240
N° Portalis DBV3-V-B7E-TWGI
AFFAIRE :
SA AVANSSUR
C/
[P] [H] agissant tant à titre personnel qu'en qualité de représentant légal de son fils mineur [D] [H] (fils)
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Décembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° chambre : 2
N° RG : 16/12388
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Eric MANDIN de la SARL MANDIN - ANGRAND AVOCATS
Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SA AVANSSUR, agissant en qualité d'assureur de Monsieur [H]
RCS 378 393 946
[Adresse 15]
[Adresse 15]
[Adresse 15]
Représentant : Me Eric MANDIN de la SARL MANDIN - ANGRAND AVOCATS, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J046
APPELANTE
****************
1/ Monsieur [P] [H]
- agissant tant à titre personnel qu'en qualité de représentant légal de son fils mineur, [D] [H], né le [Date naissance 6] 2011 à [Localité 13] (Savoie)
- agissant tant à titre personnel qu'en qualité d'ayants droit de [I] [H] née [L] le [Date naissance 9] 1983 à [Localité 12] (Isère), et décédée le [Date décès 5] 2013 à [Localité 11] (Ain)
né le [Date naissance 7] 1980 à [Localité 14]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Adresse 4]
2/ Monsieur [G] [L]
né le [Date naissance 2] 1961
de nationalité Italienne
[Adresse 10]
[Adresse 10]
3/ Madame [C] [F] [U] épouse [L]
née le [Date naissance 3] 1956
de nationalité Italienne
[Adresse 10]
[Adresse 10]
4/ Madame [K] [L]
née le [Date naissance 8] 1987 à [Localité 12] (Isère)
de nationalité Française
[Adresse 10]
[Adresse 10]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 2063291
Représentant : Me Anne-laure TIPHAINE de la SELARL COUBRIS, COURTOIS ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire A0251 substituant Me Philippe COURTOIS de la SELARL COUBRIS, COURTOIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX, vestiaire : 827
INTIMES
5/ CPAM DE L'AIN
[Adresse 1]
[Adresse 1]
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Mai 2022, Madame Françoise BAZET, Conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Marie-José BOU, Président,
Madame Françoise BAZET, Conseiller,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT
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FAITS ET PROCEDURE
Le 11 janvier 2013, sur la route départementale 10 en direction de Preymezel, M. [P] [H], conducteur d'un véhicule assuré auprès de la société Avanssur, a été victime d'un accident de la circulation. A son bord, se trouvaient son épouse, [I] [H], enceinte de 5 mois, et son fils, [D] [H], âgé de 12 mois.
[I] [H] est décédée des suites de cet accident et [D] [H] a été blessé.
Par actes des 4 et 10 octobre 2016, M. [H], agissant en son nom personnel et en qualité de représentant de son fils mineur, [D] [H], tant en leurs noms personnels qu'en qualité d'ayants droit de [I] [H], M. [G] [L] et Mme [C] [F] [U] épouse [L] ainsi que Mme [K] [L], parents et soeur de [I] [H] (ci-après, ensemble, les consorts [H]-[L]), ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nanterre la société Avanssur et la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain (ci-après, la CPAM) en réparation des préjudices subis sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985.
Par jugement du 12 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Nanterre a :
- dit que le droit à indemnisation de [I] [H] est entier,
- dit en conséquence que le droit à indemnisation de M. [H], [D] [H], M. et Mme [L] et Mme [K] [L] reste entier sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 tant en leur qualité d'ayants droit de [I] [H] qu'en tant que victime directe et indirecte de l'accident,
- rejeté la demande de sursis à statuer formée par la société Avanssur,
- condamné la société Avanssur à payer à M. [H] et [D] [H], représenté par son père, en leur qualité d'ayants droit de [I] [H], la somme de 50 000 euros en réparation des souffrances endurées par cette dernière, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- condamné la société Avanssur à payer à M. [H], en sa qualité de victime indirecte, les sommes suivantes à titre de réparation des préjudices subis du fait du décès de son épouse, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jugement :
au titre de la perte de revenus subie du fait du décès de [I] [H] : 230 196 euros,
au titre de la perte du revenu subie par sa mise en temps partiel à la suite du décès de son épouse : 8 123, 23 euros,
au titre de son préjudice d'affection : 40 000 euros,
au titre des frais d'obsèques : 5 701,87 euros,
- condamné la société Avanssur à payer à [D] [H], représenté par son père, M. [H], en sa qualité de victime directe, les sommes suivantes à titre de réparation de son préjudice corporel, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jugement:
au titre du déficit fonctionnel temporaire : 90 euros,
au titre des souffrances endurées : 5 000 euros,
- condamné la société Avanssur à payer à [D] [H], représenté par son père, M. [H], en sa qualité de victime indirecte, les sommes suivantes à titre de réparation des préjudices subis du fait du décès de sa mère, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jugement :
au titre de son préjudice économique : 28 144,90 euros,
au titre de son préjudice d'affection : 30 000 euros,
- condamné la société Avanssur à payer les sommes suivantes en réparation des préjudices d'affection subis par les parents et la soeur de Mme [I] [H], provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jugement :
- à M. et Mme [L] : 25 000 euros chacun,
- à Mme [K] [L] : 10 000 euros,
- rejeté la demande formée par les demandeurs sur le fondement de l'article 16 de la loi du 5 juillet 1985,
- déclaré le jugement commun à la CPAM de l'Ain,
- condamné la société Avanssur aux entiers dépens de la procédure,
- condamné la société Avanssur à payer à M. [H], [D] [H], représenté par son père, M. et Mme [L] et Mme [K] [L] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- rejeté pour le surplus.
Par acte du 14 janvier 2020, la société Avanssur a interjeté appel, limité au droit à indemnisation de M. [P] [H] tant en sa qualité d'ayant droit de [I] [H] qu'en sa qualité de victime directe et indirecte de l'accident, à l'indemnisation des préjudices de M. [P] [H] - soit l'indemnisation de sa perte de revenus subie du fait du décès de [I] [H], de sa perte de revenus subis par sa mise en temps partiel à la suite du décès de son épouse, de son préjudice d'affection et des frais d'obsèques -, la condamnation aux dépens ainsi que la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance d'incident du 15 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a débouté les consorts [H]-[L] de toutes leurs demandes et déclaré recevables les conclusions et la pièce de la société Avanssur signifiées le 20 mai 2021, considérant que, du fait de circonstances insurmontables, au sens de l'article 910-3 du code de procédure civile, la société Avanssur n'avait pu conclure dans le délai requis sur l'appel incident des consorts [H]-[L].
Par dernières écritures du 15 avril 2022, la société Avanssur demande à la cour de :
- la recevoir en ses écritures et la déclarer bien fondée,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
dit que le droit à indemnisation de M. [P] [H] reste entier sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 tant en sa qualité d'ayant droit de [I] [H] qu'en tant que victime directe et indirecte de l'accident,
condamné la société Avanssur à payer à M. [P] [H], en sa qualité de victime indirecte, les sommes suivantes à titre de réparation des préjudices subis du fait du décès de son épouse, provisions non déduites, avec intérêt au taux légal à compter du jugement :
au titre de la perte de revenus subis du fait du décès de [I] [H]: 230 196 euros,
au titre de la perte de revenus subis par sa mise en temps partiel à la suite du décès de son épouse : 8 123,23 euros,
au titre de son préjudice d'affection : 40 000 euros,
au titre des frais d'obsèques : 5 701, 87 euros,
condamné la société Avanssur aux entiers dépens de la procédure,
condamné la société Avanssur à payer à M. [H], [D] [H], représenté par son père, M. et Mme [L] et Mme [K] [L] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Et statuant de nouveau, sur le droit à indemnisation de M. [H] :
- juger que M. [H] était le conducteur et le gardien du seul véhicule impliqué dans l'accident survenu 11 janvier 2013,
- juger que le conducteur victime d'un accident de la circulation ne peut invoquer l'application de loi du 5 juillet 1985 lorsqu'il cumule la qualité de gardien et de conducteur et que seul son véhicule est impliqué dans l'accident,
- juger que le conducteur victime d'un accident de la circulation dont seul son véhicule est impliqué dans l'accident ne peut se prévaloir des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 tant pour les préjudices directs que pour les préjudices par ricochet,
En conséquence,
- débouter M. [H] de l'ensemble de ses demandes formulées tant en qualité de victime directe de l'accident, qu'en qualité de victime par ricochet,
- débouter M. [H] de ses demandes au titre des dépenses de santé, des frais d'obsèques, du préjudice économique du fait du décès de [I] [H], du préjudice économique du fait d'un passage à temps partiel après l'accident, et du préjudice d'affection,
Sur la confirmation du jugement entrepris pour le surplus :
- confirmer le jugement déféré pour le surplus, à savoir en ce qu'il a :
condamné la société Avanssur à payer à M. [H] et [D] [H], représenté par son père, en leur qualité d'ayants droit de [I] [H], la somme de 50 000 euros à titre de réparation des souffrances endurées subies par cette dernière, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
condamné la société Avanssur à payer à [D] [H], représenté par son père, M. [H], en sa qualité de victime directe, les sommes suivantes à titre de réparation de son préjudice corporel, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jugement :
au titre du déficit fonctionnel temporaire : 90 euros,
au titre des souffrances endurées : 5 000 euros,
condamné la société Avanssur à payer à [D] [H], représenté par son père, M. [H], en sa qualité de victime indirecte, les sommes suivantes à titre de réparation des préjudices subis du fait du décès de sa mère, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour :
au titre de son préjudice économique : 28 144,90 euros,
au titre de son préjudice d'affection : 30 000 euros,
condamné la société Avanssur à payer les sommes suivantes en réparation des préjudices d'affection subis par les parents et la soeur de Mme [I] [H], provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jugement :
à M. et Mme [L] : 25 000 euros chacun,
à Mme [K] [L] : 10 000 euros,
rejeté la demande formée par les demandeurs sur le fondement de l'article 16 de la loi du 5 juillet 1985,
déclaré le jugement commun à la CPAM de l'Ain,
Subsidiairement, la cour statuant de nouveau sur la liquidation des préjudices :
- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a :
condamné la société Avanssur à payer à M. [H], en sa qualité de victime indirecte, les sommes suivantes à titre de réparation des préjudices subis du fait du décès de son épouse, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour :
au titre de la perte de revenus subis du fait du décès de [I] [H]: 230 196 euros,
au titre de la perte du revenu subis par sa mise en temps partiel à la suite du décès de son épouse : 8 123, 23 euros,
condamné la société Avanssur à payer à [D] [H], représenté par son père, M. [H], en sa qualité de victime indirecte, les sommes suivantes à titre de réparation des préjudices subis du fait du décès de sa mère, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour :
au titre de son préjudice économique 28 144,90 euros,
- juger que seul le BCRIV 2018 sera pris en compte dans le calcul des préjudices futurs sollicités par les demandeurs,
- fixer les préjudices économiques de M. [P] [H] et de [D] [H], ainsi que le préjudice d'affection de M. [P] [H] comme suit :
Préjudice économique du fait du décès de Mme [H] :
à titre principal : débouté
à titre subsidiaire :
22 680,65 euros au profit de [D] [H],
155 052,31 euros au profit d'[P] [H],
Préjudice économique de M. [P] [H] du fait d'un passage à temps partiel:
à titre principal : débouté,
à titre subsidiaire : juger que ce poste de préjudice est limité à la période du 1er septembre 2013 au 31 aout 2014, soit une année et réserver ce poste de préjudice,
Préjudice d'affection de M. [P] [H] : confirmer le jugement : 40 000 euros,
En tout état de cause,
- juger que les condamnations prononcées à l'encontre de la société Avanssur le seront en deniers ou quittances, provisions non déduites.
- débouter les consorts [H] de leur demande formulée à l'encontre de la société Avanssur au titre des frais irrépétibles et des dépens,
- condamner, in solidum, les consorts [H] à verser à la société Avanssur la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes sous la même solidarité aux dépens de l'instance.
Par dernières écritures du 4 avril 2022, les consorts [H]-[L] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le droit à indemnisation de M. [H] était entier en sa qualité de victime indirecte de l'accident sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Avanssur à l'indemnisation intégrale des préjudices subis par M. [H],
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Avanssur à payer à M. [P] [H] la somme de 5 701,87 euros au titre des frais d'obsèques,
- infirmer le jugement quant aux autres montants alloués en réparation des préjudices subis, et condamner la société Avanssur à payer à M. [H] les sommes suivantes :
au titre du préjudice économique : 353 276, 63 euros,
au titre du préjudice d'affection : 50 000 euros,
- infirmer le jugement quant au montant alloué en réparation du préjudice économique de [D] [H], et condamner la société Avanssur à payer à M. [P] [H] en qualité de représentant légal de son fils mineur [D] [H] la somme suivante :
au titre du préjudice économique de [D] [H] : 30 754, 35 euros
- déclarer le 'jugement' à intervenir commun à l'organisme social appelé en la cause,
- débouter les appelants de toutes demandes contraires,
- confirmer le jugement pour le surplus,
- condamner la société Avanssur à verser aux requérants la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La société Avanssur a fait signifier la déclaration d'appel et ses conclusions à la CPAM, par actes du 25 février 2020 et du 27 mai 2020 remis à personne habilitée. Néanmoins, cette intimée n'a pas constitué avocat.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 avril 2022.
SUR QUOI LA COUR
En l'absence d'appel principal et d'appel incident sur ces dispositions du jugement, la cour n'est pas saisie de l'indemnisation des souffrances endurées par [I] [H], par M. et Mme [L] et Mme [K] [L], de la réparation des préjudices corporels de M. [D] [H] et de son préjudice d'affection consécutif au décès de sa mère, de la disposition rejetant la demande de sursis à statuer formée par la société Avanssur et de celle rejetant la demande relative au doublement des intérêts.
Les préjudices de M. [P] [H]
Le tribunal a rappelé qu'il était constant que le 11 janvier 2013, M. [H], conducteur de son véhicule assuré par la société Avanssur, avait perdu le contrôle de celui-ci en raison d'une chaussée rendue glissante du fait des conditions météorologiques, [I] [H] et leur enfant [D] étant passagers de ce véhicule.
Le tribunal a retenu que s'il était exact que le conducteur gardien du seul véhicule impliqué dans un accident de la circulation ne pouvait invoquer les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 pour obtenir réparation des préjudices qu'il avait directement subis, son droit à indemnisation restait intégral sur le fondement de cette loi en sa qualité de victime par ricochet et qu'en cette qualité aucune faute ne pouvait lui être opposée par l'assureur.
Le tribunal a jugé que M. [H] agissait en qualité de victime par ricochet aux fins d'indemnisation des préjudices personnellement subis du fait du décès de son épouse et qu'à ce titre l'assureur lui devait indemnisation.
La société Avanssur rappelle que la qualité d'ayant droit de M. [P] [H] vis à vis de son épouse décédée n'est pas remise en cause et souligne qu'elle conteste le bien fondé de ses demandes au titre de ses préjudices personnels par ricochet subis du fait du décès de son épouse, à savoir les pertes de revenus directement subis par M. [H], le préjudice d'affection et les frais d'obsèques. Elle soutient que dès lors qu'il n'est pas contesté que M. [H] possédait à la fois la qualité de conducteur et celle de gardien de son propre véhicule et en l'absence d'un tiers débiteur d'une indemnisation à son égard, il ne peut se prévaloir des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 à l'encontre de son propre assureur et ce sans qu'il y ait lieu de distinguer la nature de ses préjudices.
M. [P] [H] réplique qu'aucun comportement fautif ne saurait lui être imputé et que l'accident de circulation survenu résulte de circonstances extérieures, imprévisibles et inévitables.
Il souligne que [I] [H] a la qualité de victime directe et lui même celle de victime par ricochet.
M. [P] [H] soutient qu'en sa qualité de victime par ricochet, et alors qu'aucun comportement fautif ne peut lui être reproché,il résulte de la combinaison des articles 4 et 6 de la loi du 5 juillet 1985 qu'il est en droit de solliciter la réparation des préjudices subis en sa qualité de victime par ricochet, en raison du décès de son épouse.
* * *
Il est de principe que le conducteur victime d'un accident de la circulation ne peut
invoquer pour son propre bénéfice les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 lorsque seul son véhicule qu'il conduisait est impliqué dans l'accident.
Le conducteur d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation, qui a souscrit un contrat garantissant les conséquences pécuniaires de la responsabilité qu'il pourrait encourir en raison des dommages corporels et matériels subis par des tiers, dans la réalisation desquels le véhicule assuré est impliqué, ne peut obtenir de son propre assureur la réparation des préjudices qu'il a personnellement subis, directement ou par ricochet. Lorsque comme en l'espèce la victime cumule la qualité de conducteur et de gardien de l'unique véhicule impliqué dans l'accident, elle ne peut se prévaloir des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 à l'encontre de son propre assureur pour obtenir réparation de ses préjudices, sans qu'il y ait à faire de distinction entre ses préjudices directs ou par ricochets. Il ne peut en aller autrement que si les parties ont prévu au contrat une garantie particulière qui indemnise tout ou partie des préjudices personnels de l'assuré, ce qui n'est pas allégué en l'espèce. L'absence de faute commise par le conducteur gardien du seul véhicule est sans incidence sur la portée des règles rappelées ci-dessus.
C'est donc à tort que le tribunal a jugé que M. [P] [H] était fondé à demander l'indemnisation de ses pertes de revenus directement subis, de son préjudice d'affection et des frais d'obsèques, demandes dont il doit être débouté, et le jugement sera infirmé de ce chef.
Le préjudice économique de [D] [H]
Au moment de l'accident, [I] [H] exerçait une activité d'assistante technique auprès de la société Euroscript. Le tribunal sera approuvé d'avoir retenu qu'au moment de l'accident elle bénéficiait d'un temps partiel depuis le 8 octobre 2012 pour une durée d'un an, mais que rien ne justifiait d'une demande de prorogation de ce temps partiel même avec la venue du second enfant, qui n'avait pas vocation à perdurer au delà des 3 ans de l'enfant, de sorte qu'il convenait de retenir comme revenu de référence celui perçu en 2011 lorsqu'elle exerçait son activité à temps plein.
Antérieurement à l'accident, le revenu annuel de M. [H] était de 35 704 euros et pour [I] [H] de 16 952 euros, soit pour le couple un revenu de référence de 52656 euros.
Concernant la part de ce revenu que la défunte consommait, il y a lieu de l'évaluer à 20%, le couple ayant un jeune enfant, soit 10 531,20 euros, ce qui laisse un revenu disponible pour le conjoint survivant et l'enfant, avant le décès, de 42 124,80 euros.
La perte annuelle de revenus pour le foyer consécutive au décès de la mère de [D] est de 6420,80 euros ( 52 656 euros - 20% de cette somme, soit 42 124,80 euros - les revenus de M. [H], 35 704 euros). L'enfant subit une perte de 20% de cette perte annuelle, soit 1284,16 euros
Les parties s'accordent pour fixer à 25 ans l'âge auquel le préjudice économique de l'enfant prendra fin.
La perte subie par l'enfant, qui avait un an lors du décès de sa mère, sera capitalisée sur la base du barème de capitalisation publié à la Gazette du Palais en 2020, au taux de 0, conformément à la demande de son représentant légal, soit un taux de rente de 23,949. Il revient ainsi à [D] [H] la somme de 30 754,35 euros. Le jugement sera infirmé de ce chef.
Les mesures accessoires
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l'indemnité de procédure seront confirmées.
Eu égard au sens de la présente décision, chacune des parties conservera la charge de ses dépens et les demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement en ce qu'il a dit que le droit à indemnisation de M. [P] [H] est entier sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, en ce qu'il a condamné la société Avanssur à payer à M. [P] [H] en sa qualité de victime indirecte, les sommes de 230196 euros au titre de la perte de revenus subie du fait du décès de [I] [H], de 8123,23 euros au titre de la perte du revenu subie par sa mise en temps partiel à la suite du décès de son épouse, de 40 000 euros au titre de son préjudice d'affection et de 5701,87 euros au titre des frais d'obsèques et en ce qu'il a condamné la société Avanssur à payer à [D] [H], représenté par son père, M. [H], la somme de 28 144,90 euros au titre de son préjudice économique.
Statuant à nouveau des chefs infirmés
Rejette les demandes formées par M. [P] [H] en réparation de ses pertes de revenus, de son préjudice d'affection et des frais d'obsèques.
Condamne la société Avanssur à payer à M. [D] [H] représenté par son père M. [P] [H] la somme de 30 754,35 euros en réparation de son préjudice économique.
Confirme le jugement pour le surplus dans les limites de l'appel.
Y ajoutant
Rejette les demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens d'appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Françoise BAZET, Conseiller pour le Président empêché, et par Madame Claudine AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Conseiller pour le Président empêché,