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07/09/2022 | FRANCE | N°20/00416

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 07 septembre 2022, 20/00416


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 07 SEPTEMBRE 2022



N° RG 20/00416



N° Portalis DBV3-V-B7E-TYAO



AFFAIRE :



[Z] [B]



C/



S.A.S.U. FICHET SECURITY SOLUTIONS FRANCE venant aux droits de la SASU GUNNEBO FRANCE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Janvier 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritair

e de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 17/00590



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la AARPI NOVIA



la SELEURL MONTECRISTO







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 SEPTEMBRE 2022

N° RG 20/00416

N° Portalis DBV3-V-B7E-TYAO

AFFAIRE :

[Z] [B]

C/

S.A.S.U. FICHET SECURITY SOLUTIONS FRANCE venant aux droits de la SASU GUNNEBO FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Janvier 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 17/00590

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la AARPI NOVIA

la SELEURL MONTECRISTO

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [Z] [B]

né le 05 Novembre 1970 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Clément SALINES de l'AARPI NOVIA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS susbtitué à l'audience par Me Lydia HAMOUDI, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

S.A.S.U. FICHET SECURITY SOLUTIONS FRANCE venant aux droits de la SASU GUNNEBO FRANCE

N° SIRET : 549 850 253

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Frédéric ZUNZ de la SELEURL MONTECRISTO, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J153 substitué à l'audience par Me Laure TRETON, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Juin 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Anne-Sophie CALLEDE,

EXPOSE DU LITIGE

[Z] [B] a été engagé par la société Ritzenthaler suivant un contrat de travail à durée indéterminée en date du 16 juin 2002 en qualité de responsable du service après-vente, statut cadre, position 2, coefficient 100, en référence aux dispositions de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie. 

En dernier lieu, il exerçait au sein de la société Gunnebo France, aux droits de laquelle se trouve désormais la société Fichet Security Solutions France, les fonctions de responsable grands comptes service.

Par lettre datée du 17 janvier 2017, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 26 janvier 2017, puis par lettre datée du 22 février 2017, lui a notifié son licenciement pour insuffisance professionnelle, avec dispense d'exécution du préavis de trois mois qui lui a été rémunéré.

Par lettre datée du 22 avril 2017, le salarié a contesté son licenciement en répondant à chacun des griefs de la lettre de licenciement.

Le 18 juillet 2017, [Z] [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles afin d'obtenir la condamnation de son ancien employeur à lui payer des dommages et intérêts au titre du licenciement qu'il estime dénué de cause réelle et sérieuse et au titre des circonstances vexatoires du licenciement ainsi que des heures supplémentaires, une indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos et une indemnité au titre du travail dissimulé.

Par jugement mis à disposition le 8 janvier 2020, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, les premiers juges ont :

- dit que l'affaire est recevable,
- jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- dit que la clause de forfait en jours est valable,
- fixé le salaire moyen à 5 000 euros,
- débouté [Z] [B] de ses demandes au titre des heures supplémentaires et de l'existence du travail dissimulé,

- condamné la société Fichet Security Solutions France à verser à [Z] [B] les sommes de :

* 31 000 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 000 euros au titre du préjudice moral distinct,

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, 

- dit que les intérêts légaux seront calculés à compter de la saisine du conseil,

- débouté [Z] [B] du reste de ses demandes et la société Fichet Security Solutions France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire sur les sommes ci-dessus suivant l'article 515 du code de procédure civile,

- ordonné à la société Fichet Security Solutions France la remise des documents sociaux conformes au jugement, sans qu'il soit nécessaire de l'assortir d'une astreinte,

- ordonné le remboursement par la société Fichet Security Solutions France à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à [Z] [B] à concurrence de six mois,

- condamné la société Fichet Security Solutions France aux entiers dépens.

Le 13 février 2020, [Z] [B] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par ordonnance du 21 mai 2021, le conseiller de la mise en état, saisi d'un incident formé par la société Fichet Security Solutions France, a constaté qu'il est dessaisi de l'incident devenu sans objet et que l'appel est recevable, a dit que les éventuels dépens de l'incident seront à la charge d'[Z] [B] et a condamné ce dernier à payer à la société la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 25 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, [Z] [B] demande à la cour de juger son appel recevable, de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et qu'il a subi un préjudice distinct du fait de l'attitude de la société à son égard, d'infirmer le jugement s'agissant du quantum des indemnités liées à la rupture du contrat de travail et sur les déboutés de ses autres demandes, statuant à nouveau, de constater l'inopposabilité du forfait en jours et de condamner la société Fichet Security Solutions France au versement des sommes suivantes : 

* 120 000 euros au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 10 000 euros au titre du préjudice moral distinct,
* 43 337,37 euros de rappel d'heures supplémentaires de 2014 à 2016,
* 12 854,69 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos et des congés payés afférents,
* 30 000 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
de prononcer l'exécution provisoire sur la totalité des chefs de demande, de fixer le point de départ des intérêts légaux à compter de la saisine, d'ordonner la remise des documents sociaux rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, de condamner la société aux entiers dépens et à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 2 novembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société Fichet Security Solutions France demande à la cour de :

- à titre principal, juger l'appel irrecevable,

- à titre subsidiaire, infirmer le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et l'a condamnée au paiement des sommes pour les montants et les chefs retenus et confirmer le jugement pour le surplus des dispositions,

- à titre infiniment subsidiaire, limiter toute condamnation à la somme de 30 000 euros en application de l'article L.1235-3 du code du travail,

- en tout état de cause, condamner [Z] [B] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 14 juin 2022.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l'appel

Le conseiller de la mise en état ayant statué sur la recevabilité de l'appel par ordonnance du 21 mai 2021, la demande formée par la société Fichet Security Solutions France aux fins d'irrecevabilité de l'appel dans ses conclusions remises au greffe antérieurement à l'ordonnance rendue le 21 mai 2021 et qui n'ont pas été actualisées, est sans objet.

Sur le bien-fondé du licenciement

La lettre de licenciement pour insuffisance professionnelle notifiée le 22 février 2017 à [Z] [B] est ainsi rédigée :

'(...) Nous déplorons de sérieux problèmes de management : vous avez des difficultés à gérer et à mettre en 'uvre des changements dans l'activité et les tâches de votre équipe. A titre d'exemple nous déplorons le manque de communication dont vous avez fait preuve avec Madame [M]. Vous avez demandé une convocation pour un processus disciplinaire alors qu'une simple communication managériale suffisait. Cela a nécessité l'intervention d'un autre manager pour récupérer cette situation.

Autre exemple, suite à la perte du compte Bnpp, votre manager vous a demandé de ne plus répondre par téléphone aux Pms Bnpp sur l'avancement des dossiers mais de leur demander de nous faire leurs demandes par mail. Votre service était submergé de demandes téléphoniques.

Votre manager vous a reproché, à plusieurs reprises, votre manque d'initiative vis-à-vis de nos clients Lcl et Bnpp notamment vis-à-vis de l'absence de mise en place d'actions correctives pour améliorer de façon significative les indicateurs clients.

Nous déplorons des manquements dans la gestion des comptes clients, ce qui a eu pour effet de générer des pénalités. A titre d'exemple pour le Lcl, des états ont été produits et présentés au client sans que vous préconisiez des actions d'améliorations. Ainsi les résultats de l'entreprise sur ce point étaient très éloignés des objectifs fixés par le client. Les conséquences de votre manque de suivi ont généré 193 129 euros de pénalités. Autre exemple, vos clients se plaignent du manque de précision de vos réponses (client Sotel 13 janvier 2017).

Nous avons pu constater de grosses lacunes dans votre management de l'appel d'offre Bnpp en fin d'année. La première version présentait en effet des niveaux de prix 2 fois plus élevés que la concurrence. Il y a eu un tel décalage de prix sur cette première version que notre entreprise n'a pas pu reprendre la main sur la négociation par la suite. Sur ce même compte Bnpp nous avons constaté que vous aviez validé des facturations indues sur des pièces et du Sav. Votre absence de management et de proposition de plan d'actions a eu un impact sur la marge sur Bnpp Vidéo : celle-ci s'est élevée à seulement 11% ce qui est un pourcentage très faible sur un montant de 414 548 euros.

Toujours sur ce compte, vous avez payé immédiatement des pénalités demandées par la Bnp, sans même négocier, sans chercher à défendre la position de l'entreprise ou sans même reconduire les pénalités liées à nos sous-traitants.

La conséquence de votre mauvaise gestion de ce compte client a eu pour effet la perte de l'appel d'offre Bnpp, représentant plusieurs millions d'euros de CA en moins en année pleine. Cette perte a été qualifiée par le Directeur général de Gunnebo comme un revers majeur pour l'entreprise.

Votre manager vous a signifié son mécontentement sur l'ensemble de ces points le 16 janvier 2017. Lors de cet entretien vous avez continué à adopter une attitude passive et attentiste, alors que la situation nécessitait une intervention urgente à la hauteur du poste de manager que vous exercez (...)'.

[Z] [B] fait valoir que son licenciement n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse en ce que depuis son embauche en 2002, il a fait l'objet de promotions et augmentations de salaire régulières, que ses évaluations professionnelles ont toujours été positives, qu'il n'a jamais été l'objet de critiques jusqu'à la décision subite de le licencier en janvier 2017, qu'il connaissait une charge de travail déraisonnable en raison d'un manque d'effectifs et de l'accroissement constant de la charge de travail de son service, que les griefs ne sont pas établis ou pas sérieux, qu'en réalité il a été l'objet d'un licenciement économique déguisé, son poste ayant été supprimé.

La société Fichet Security Solutions France conclut à la cause réelle et sérieuse du licenciement fondé sur une insuffisance professionnelle du salarié.

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail, un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

L'insuffisance professionnelle, qui se manifeste par la difficulté du salarié à exercer correctement sa prestation de travail, quelle que soit sa bonne volonté, constitue un motif de licenciement dès lors qu'elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié.

L'insuffisance professionnelle, sauf abstention volontaire ou mauvaise volonté délibérée du salarié, ne constitue pas une faute.

En l'espèce, depuis son embauche en 2002, le salarié a occupé divers postes de responsable de service et a été désigné responsable grands comptes à compter de juin 2012.

Ses comptes-rendus d'évaluation pour les années 2014 et 2015 mentionnent des appréciations élogieuses, les qualificatifs de 'très performant' en 2014 et de 'force tranquille' en 2015 étant employés à son égard par ses évaluateurs.

Aucune observation de l'employeur sur la qualité de ses prestations de travail depuis son embauche jusqu'en janvier 2017 n'est produite devant la cour.

Le salarié produit de nombreux écrits de collègues qui estiment que celui-ci faisait montre de qualités professionnelles, techniques et humaines.

Le salarié produit en outre de très nombreux échanges de courriels avec sa hiérarchie dont il ressort que la charge de travail du pôle grand comptes dont il était responsable s'est régulièrement accrue, en particulier à partir de novembre 2015, date de l'arrêt de travail pour maladie de [L] [O], qui avait en charge le compte Lcl, salariée qui n'a jamais été remplacée, puis avec l'attribution de la gestion des planifications des techniciens sur les activités 'Lcl électronique - métier Ele' en novembre 2016 et 'Lcl méca' en janvier 2017, sans adjonction de ressources supplémentaires, ce dont le salarié a alerté sa hiérarchie à plusieurs reprises.

[S] [G], responsable des ressources humaines de la société, [H] [E], responsable grands comptes en charge du client Bnpp et [J] [W], responsable grands comptes en charge du client Lcl témoignent en particulier de cette charge croissante de travail pour le service dont le salarié était responsable.

Il ressort des procès-verbaux des réunions du Comité d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (Chsct) des 2 décembre 2016 et 1er mars 2017 que la problématique de la charge de travail et des effectifs et la nécessité de prendre en compte les risques psycho-sociaux induits par l'organisation en place ont donné lieu à de longs échanges entre la direction et les représentants du personnel de la société.

S'agissant des difficultés en termes de management, trois exemples sont cités au soutien de ce reproche dans la lettre de licenciement.

En premier lieu, il ressort des échanges de courriels entre le salarié et sa hiérarchie sur ce sujet que le salarié a alerté M. [F] le 18 octobre 2016 sur la situation créée par la décision d'attribuer à son équipe la planification 'Lcl métier Ele' auparavant gérée par les plateformes régionales et le refus de Mme [M], assistante grands comptes d'assurer cette tâche en plus de ses missions, que si le salarié a suggéré à ses supérieurs de transmettre son dossier au service des ressources humaines, c'est M. [F] qui a adressé à Mme [S] [G], responsable des ressources humaines une demande d'entretien de recadrage. Il ne ressort d'aucune pièce que le salarié a demandé une 'convocation pour un processus disciplinaire' de Mme [M]. Ce fait n'est pas matériellement établi.

Puis, le reproche de répondre par téléphone aux prestataires multi-services travaillant sur le compte Bnpp n'est justifié par aucune pièce et n'est donc pas matériellement vérifiable.

Enfin, le reproche d'un manque d'initiative vis-à-vis de l'absence de mise en place d'actions correctives pour améliorer les indicateurs clients ne repose sur aucun fait précis et n'est donc pas matériellement établi.

S'agissant des manquements dans la gestion des comptes clients

Le reproche tiré du manque de suivi du client Lcl à l'origine de pénalités de retard ne repose sur aucun fait précis. En l'absence de toute pièce produite au soutien de ce grief, celui-ci n'est pas matériellement établi.

La lecture de l'échange de courriels entre le salarié et le client Sotel le 13 janvier 2017 ne fait pas ressortir de plainte du client, contrairement à l'allégation contenue dans la lettre de licenciement. Ce reproche manque de sérieux.

S'agissant des lacunes dans le management de l'appel d'offre Bnpp en fin d'année à l'origine de la perte de cet appel d'offre, aucune pièce n'est produite au soutien de ce grief. La perte de cet appel d'offre ne peut par conséquent pas être imputée au salarié. Ce reproche n'est pas fondé.

Il résulte de tout ce qui précède que le licenciement n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse comme l'ont retenu les premiers juges. Le jugement sera confirmé sur ce point.

[Z] [B] est par conséquent en droit d'obtenir une indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse dont le montant ne peut être inférieur aux salaires des six derniers mois en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige.

Au regard des salaires des six derniers mois, de l'ancienneté dans l'entreprise de près de quinze ans, des circonstances entourant le licenciement et du fait que le salarié a retrouvé un emploi à compter du 16 août 2017 au sein de la société Etablissements Legendre et Cie avec un salaire inférieur de plus de 800 euros à celui qu'il percevait au sein de la société Gunnebo, il convient de lui allouer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 60 000 euros à la charge de la société Fichet Security Solutions France qui est venue aux droits de la société Gunnebo.

Le salarié ne justifiant pas d'un préjudice distinct tiré des conditions brutales et vexatoires du licenciement qui n'aurait pas été réparé par l'indemnisation des conséquences du licenciement, celui-ci sera débouté de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral.

Le jugement sera infirmé sur ces points.

Sur les effets de la convention de forfait annuel en jours

[Z] [B] fait valoir que la convention de forfait annuel en jours lui est inopposable au motif qu'il n'a jamais bénéficié d'un contrôle de sa charge de travail, que l'employeur n'a notamment jamais tenu à sa disposition un document de contrôle d'une telle charge conformément aux dispositions de l'article 14 de la convention collective applicable, qu'il n'a jamais affiché dans l'entreprise les périodes de début et de fin du temps de repos minimal obligatoire.

La société Fichet Security Solutions France ne réplique pas à ce moyen.

Le contrat de travail du salarié prévoit une convention de forfait individuelle en jours sur l'année.

Il n'est pas discuté que :

- l'employeur n'a pas établi un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées et demi-journées travaillées ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail,

- aucun suivi régulier n'a été assuré par le supérieur hiérarchique du salarié quant à l'organisation du travail du salarié et de sa charge de travail.

Les carences sus-mentionnées méconnaissent les dispositions prévues par l'article 14.2 de la convention collective applicable que l'employeur était tenu de respecter au regard de la situation d'[Z] [B] soumis à une convention de forfait individuelle en jours sur l'année.

Dès lors, dans la mesure où l'employeur ne justifie pas avoir respecté les règles conventionnelles garantissant la protection de la santé et du droit au repos du salarié, la convention individuelle de forfait en jours sur l'année est privée d'effet et le salarié est en droit de solliciter l'application de la durée légale du travail. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les heures supplémentaires et la contrepartie obligatoire en repos

Aux termes de l'article L. 3121-10 du code du travail, la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaine civile.

En application notamment de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Au soutien de sa demande d'heures supplémentaires, [Z] [B] fait valoir qu'il travaillait de façon habituelle et a minima de 8 heures 30 à 18 heures. Il produit un tableau de décompte des heures supplémentaires effectuées depuis juillet 2014 jusqu'au licenciement, mentionnant pour chaque jour travaillé ses heures de prise et de fin de poste, établi sur la base des courriers professionnels qu'il a postés et de son agenda professionnel, par ailleurs produits ainsi que les alertes émises notamment par le Chsct.

Le salarié présente ainsi des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments sur les heures de travail effectivement accomplies par celui-ci.

L'employeur se borne à critiquer la valeur probante des éléments fournis par le salarié sans produire d'élément sur les heures de travail effectivement exécutées par le salarié.

Au regard de l'ensemble des éléments produits par les parties, la cour a la conviction qu'[Z] [B] a accompli des heures supplémentaires dont l'accomplissement a été rendu nécessaire par les tâches confiées par l'employeur, mais dans une proportion moindre que celles qu'il réclame. Il lui sera alloué à la charge de la société Fichet Security Solutions France la somme de 15 000 euros bruts au titre des heures supplémentaires effectuées sur la période considérée. Le jugement sera par conséquent infirmé sur ce point.

Le contingent annuel d'heures supplémentaires pour les années 2015 et 2016 n'ayant pas été dépassé, le salarié sera débouté de sa demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur l'indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé

[Z] [B] demande une indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé.

La société Fichet Security Solutions France s'oppose à cette demande qu'elle estime infondée.

La dissimulation d'emploi salarié prévue par le dernier alinéa de l'article L. 8221-5 du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures inférieur à celui réellement effectué.

En l'espèce, le caractère intentionnel de l'omission de porter sur les bulletins de paie le nombre exact des heures exécutées par le salarié n'est pas démontré, pas plus que le caractère intentionnel d'une dissimulation de son emploi, de sorte qu'[Z] [B] doit être débouté de sa demande à ce titre. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les intérêts au taux légal

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a statué sur les intérêts au taux légal.

Les créances d'[Z] [B] de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Fichet Security Solutions France de sa convocation devant le bureau du conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Versailles et les créances de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce.

Sur la remise de documents

Au regard de la solution du litige, il sera ordonné à la société Fichet Security Solutions France de remettre à [Z] [B] une attestations destinée à Pôle emploi et un bulletin de paie récapitulatif rectifiés, conformes aux dispositions du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu à assortir cette condamnation d'une astreinte. Le jugement sera partiellement infirmé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

Au regard de la solution du litige, la société Fichet Security Solutions France sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à [Z] [B] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l'exécution provisoire

La décision n'étant susceptible que d'un pourvoi en cassation, recours qui est dépourvu d'effet suspensif, il n y a pas lieu à assortir les condamnations prononcées de l'exécution provisoire. [Z] [B] sera débouté de cette demande.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

DIT que la demande de la société Fichet Security Solutions France aux fin d'irrecevabilité de l'appel est sans objet au regard de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 21 mai 2021 ayant statué sur cet incident,

INFIRME le jugement en ce qu'il a condamné la société Fichet Security Solutions France à payer à [Z] [B] les sommes de 31 000 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 1 000 euros au titre du préjudice moral distinct, en ce qu'il a débouté [Z] [B] de sa demande d'heures supplémentaires, et en ce qu'il a statué sur les intérêts au taux légal et la remise de documents,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

CONDAMNE la société Fichet Security Solutions France à payer à [Z] [B] les sommes suivantes :

* 60 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 15 000 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires de 2014 à 2016,

DEBOUTE [Z] [B] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,

RAPPELLE que les créances d'[Z] [B] de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Fichet Security Solutions France de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Versailles et les créances de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce,

CONFIRME le jugement pour le surplus des dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Fichet Security Solutions France à payer à [Z] [B] la somme de 2 500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties des autres demandes,

CONDAMNE la société Fichet Security Solutions France aux dépens d'appel,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Morgane BACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 20/00416
Date de la décision : 07/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-07;20.00416 ?
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