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07/09/2022 | FRANCE | N°20/00166

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 07 septembre 2022, 20/00166


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 7 SEPTEMBRE 2022



N° RG 20/00166

N° Portalis DBV3-V-B7E-TWKC



AFFAIRE :



SARL LE PAVILLON DE L'AERO



C/



[F] [P]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 décembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de VERSAILLES

Section : C

N° RG : F 17/00884
r>

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Juliette MASCART



Me Kossi AMAVI







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rend...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 7 SEPTEMBRE 2022

N° RG 20/00166

N° Portalis DBV3-V-B7E-TWKC

AFFAIRE :

SARL LE PAVILLON DE L'AERO

C/

[F] [P]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 décembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de VERSAILLES

Section : C

N° RG : F 17/00884

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Juliette MASCART

Me Kossi AMAVI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SARL LE PAVILLON DE L'AERO

N° SIRET : 314 388 141

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Juliette MASCART, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1125

APPELANTE

****************

Madame [F] [P]

née le 20 janvier 1966 à [Localité 4]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentant : Me Kossi AMAVI, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC92

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 mai 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

Par jugement du 19 décembre 2019, le conseil de prud'hommes de Versailles (section commerce) a :

- dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Le Pavillon de l'Aero à payer à Mme [F] [P] la somme de

11 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Le Pavillon de l'Aero à payer à Mme [P] la somme 4 587,52 euros à titre de préavis et de 458,75 euros à titre des congés payés y afférents,

- condamné la société Le Pavillon de l'Aero à payer à Mme [P] la somme de 917,50 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire ainsi que la somme de 91,75 euros à titre des congés payés y afférents,

- condamné la société Le Pavillon de l'Aero à payer à Mme [P] la somme de 917,50 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- ordonné à la société Le Pavillon de l'Aero de remettre à Mme [P] l'attestation Pôle emploi, le bulletin de salaire et le certificat de travail conformes au jugement,

- condamné la société Le Pavillon de l'Aero à payer à Mme [P] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [P] sur le reste de ses demandes,

- débouté la société Le Pavillon de l'Aero sur le reste de ses demandes,

- laissé les entiers dépens à la charge de la société Le Pavillon de l'Aero.

Par déclaration adressée au greffe le 16 janvier 2020, la société Le Pavillon de l'Aero a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 15 mars 2022.

Par dernières conclusions remises au greffe le 9 avril 2020, la société Le Pavillon de l'Aero demande à la cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Versailles en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

- dire que le licenciement de Mme [P] repose sur une faute grave,

en conséquence,

- rejeter toutes les demandes de Mme [P] à ce titre,

- condamner Mme [P] au paiement de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe le 21 avril 2020, Mme [P] demande à la cour de:

- la recevoir en son appel incident et l'y dire bien fondée,

- réformer partiellement le jugement rendu le 19 décembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Versailles uniquement en ce qu'il a minoré le quantum du chef d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 11 500 euros,

y faisant droit,

statuant a nouveau,

- dire que la rupture de son contrat de travail est imputable à l'employeur et qu'à ce titre son licenciement pour faute grave est sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Le Pavillon de l'Aero à lui payer la somme de 22 937,70 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Le Pavillon de l'Aero à lui payer la somme de 4 587,52 euros à titre de préavis et 458,75 euros des congés payés afférents,

- condamner la société Le Pavillon de l'Aero à lui payer la somme de 1 843,80 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- condamner la société Le Pavillon de l'Aero à lui payer la somme de 917,50 euros à titre de rappel de salaire et 91,75 euros des congés payés afférents,

- condamner la société Le Pavillon de l'Aero à lui payer la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la remise d'une attestation Pôle emploi, bulletin de paie, certificat de travail conforme au jugement à intervenir,

- condamner la société Le Pavillon de l'Aero en tous les dépens.

LA COUR,

La société Le Pavillon de l'Aero exploite un hôtel restaurant à [Localité 5].

Mme [F] [P] a été engagée par la société Le Pavillon de l'Aero, en qualité d'employée polyvalente, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 13 septembre 2013.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective des hôtels, cafés restaurants.

Mme [P] percevait une rémunération brute mensuelle de 2 293,77 euros (moyenne des 12 derniers mois).

L'effectif de la société était de moins de 10 salariés.

Par lettre du 5 septembre 2017, Mme [P] a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 18 septembre 2017 et a été mise à pied à titre conservatoire.

Mme [P] a été licenciée par lettre du 20 septembre 2017 pour faute grave dans les termes suivants :

« Nous revenons vers vous à l'issue de l'entretien préalable qui s'est tenu le 18 septembre 2017 à 10 heures 30, au cours duquel vous étiez assistée par une conseillère extérieure.

Pour mémoire vous avez été engagée par la Société le 13 septembre 2013 en qualité d'employée polyvalente et vous justifiée d'une ancienneté de 3 ans et 11 mois.

Au cours de l'entretien préalable nous avons demandé des explications concernant les actes graves du 4 septembre dernier.

Vos dénégations consistant à déclarer que « vous n'étiez au courant de rien » furent particulièrement peu crédibles et ne nous ont pas convaincus. Il nous parait évident que vous avez d'un commun accord avec votre compagnon Monsieur [I] cuisinier, de façon délibérée participé à ce grave incident dans le but de nuire à l'entreprise et d'être licenciée rapidement.

En effet le 4 septembre 2017, alors que votre Directrice et le propriétaire faisaient visiter les locaux à un agent immobilier, Monsieur [I] a, de manière délibérée et à quatre reprises entre 10 heures 45 et 11 heures 30, déclenché l'alarme incendie au moyen d'un briquet allumé qu'il a positionné au contact direct du détecteur incendie de la cuisine.

Vous étiez précisément durant ce court intervalle de 45 minutes présente dans la cuisine de 30m2 et n'avait rien fait pour dissuader ou interrompre ce geste.

Mme [S], employée de ménage depuis 1993, présente dans la cuisine, alertée par l'alarme incendie, nous a signalé, immédiatement au départ de l'agent immobilier, qu'elle avez vu votre compagnon déclencher le détecteur à 4 reprises avec un briquet.

Elle a également été témoin direct de votre assistance bienveillante.

Ledit détecteur étant hors d'usage, il a été remplacé par la SARL 2 MAINS le 7 septembre, après constat par le technicien de la société AITEC le 6 septembre de sa détérioration volontaire.

Ces faits caractérisent votre intention commune de nuire à l'entreprise et sont constitutifs d'une faute grave.

La destruction d'un matériel de détection incendie met en effet à l'évidence en danger la sécurité de vos collègues et de la clientèle. Il vous appartenait donc comme à tout salarié de signaler immédiatement ces faits et de les empêcher ce que vos relations personnelles avec l'intéressé permettaient au demeurant très facilement.

Le choix malicieux de commettre ces actes précisément lorsqu'un tiers est présent sur place pour apprécier la valeur du fond, confirme vos intentions dolosives et n'a pas pu vous échapper.

Vous n'avez ni signalé ni tenté d'empêcher de quelque manière que ce soit en restant au contraire à proximité immédiate sans motif probablement pour signaler l'éventuelle arrivée de Mme [X] ou du propriétaire.

En conséquence, votre licenciement est prononcé à effet immédiat, sans indemnité de préavis.

Ces faits engagent en outre la responsabilité civile de votre compagnon et nous lui adresserons en conséquence, la facture correspondant au remplacement du matériel détérioré, ainsi qu'au coût du déplacement du technicien qui a procédé au constat des causes du déclenchement intempestif.

Enfin, contrairement à l'argument préconçu et unique de votre conseillère, si l'entreprise rencontre de très graves difficultés de trésorerie, votre refus des solutions temporaires que nous avions imaginées est totalement étranger à notre décision qui est exclusivement provoquée par vos actes et l'impossibilité de votre fait de toute poursuite de la relation de travail y compris durant un préavis. »

Le 30 octobre 2017, Mme [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles afin de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir le paiement de diverses sommes.

Sur la rupture du contrat de travail :

La salariée conteste les faits reprochés qui sont, selon elle, vagues, généraux, imprécis, infondés et non prouvés.

L'employeur maintient le bien-fondé de la mesure prise à l'encontre de la salariée.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits personnellement imputables au salarié, qui doivent être d'une importance telle qu'ils rendent impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Le licenciement pour faute grave implique néanmoins une réaction immédiate de l'employeur, la procédure de licenciement devant être engagée dans des délais restreints et le licenciement devant intervenir rapidement.

En cas de faute grave, il appartient à l'employeur d'établir les griefs qu'il reproche à son salarié.

La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe exclusivement à l'employeur et il appartient au juge du contrat de travail d'apprécier, au vu des éléments de preuve figurant au dossier, si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail, et d'une gravité suffisante pour justifier l'éviction immédiate du salarié de l'entreprise, le doute devant bénéficier au salarié.

Il est reproché à la salariée de ne pas avoir dissuadé M. [I], cuisinier et son compagnon, de déclencher l'alarme incendie au moyen d'un briquet allumé qu'il a positionné au contact direct du détecteur incendie de la cuisine, le lundi 4 septembre 2017 à 4 reprises, lors de la visite des locaux relative à une cession de l'hôtel-restaurant.

Il est précisé qu'elle n'a ni tenté d'empêcher ni d'interrompre ce geste de M. [I], et qu'elle n'a pas alerté la direction immédiatement.

L'employeur lui fait grief finalement de s'être rendue complice du geste de M. [I].

Au soutien de ses affirmations, l'employeur produit pour seul élément l'attestation de

Mme [S], femme de ménage (pièce E n°5) qui indique que "Le lundi 4 septembre je travaillais dans la cuisine quand c'est déclenchée l'alarme incendie quatre fois de suite j'ai vu le cuisinier frederic coudray avec un briquet allumé au niveau du détecteur de la cuisine à chaque fois. la serveuse [F] [P] c'est trouvée dans la cuisine".

Contrairement aux allégations de l'employeur, Mme [S] n'atteste pas de l'assistance bienveillante de la salariée au geste de M. [I] ni d'ailleurs qu'elle a été témoin de l'ensemble des faits reprochés au salarié.

Elle ne fait nullement état du comportement reproché à Mme [P] se bornant à indiquer qu'elle a été présente dans la cuisine.

Ainsi, en l'absence d'autres éléments probants, la faute de la salariée n'est pas établie de sorte que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit le licenciement pour faute grave sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement abusif :

Sur les indemnités de rupture :

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement des sommes non discutées de 4 587,52 euros au titre du préavis, 458,75 euros au titre des congés payés y afférents, 917,50 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire et 91,75 euros au titre des congés payés y afférents.

Il sera toutefois infirmé s'agissant du quantum de l'indemnité légale de licenciement et il sera alloué à la salariée la somme de 1 843,80 euros, recalculée au montant exact par la salariée depuis l'audience devant les premiers juges et non discutée.

Le jugement sera enfin confirmé en ce qu'il a ordonné à l'employeur de remettre à la salariée l'attestation Pôle emploi, le bulletin de salaire et le certificat de travail conformes à la décision.

Sur les dommages et intérêts pour rupture abusive :

La salariée sollicite la somme de 22 937,70 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, arguant de préjudices moral et financier indéniables.

L'employeur conteste les préjudices allégués par la salariée.

En application de l'article L. 1235-5 du code du travail, dans sa version applicable au litige, le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Ainsi, au regard de son âge au moment du licenciement (51 ans), de sa rémunération

(2 293,77 euros), de son ancienneté (4 ans et 8 jours), de ce qu'elle justifie avoir été prise en charge par Pôle emploi jusqu'au 30 septembre 2019 mais ne justifie pas d'une recherche active d'emploi, infirmant le jugement, il sera alloué à la salariée la somme 14 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Succombant, l'employeur sera condamné aux dépens.

Il sera également condamné à payer à la salariée la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

INFIRME partiellement le jugement,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société Le Pavillon de l'Aero à payer à Mme [P] les sommes suivantes :

. 14 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

. 1 843,80 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

CONFIRME pour le surplus le jugement,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société Le Pavillon de l'Aero à payer à Mme [P] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel,

CONDAMNE la société Le Pavillon de l'Aero aux dépens.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Clotilde Maugendre, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 20/00166
Date de la décision : 07/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-07;20.00166 ?
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