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07/09/2022 | FRANCE | N°20/00155

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 07 septembre 2022, 20/00155


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 7 SEPTEMBRE 2022



N° RG 20/00155

N° Portalis DBV3-V-B7E-TWH5



AFFAIRE :



[O] [U]



C/



SA RENAULT RETAIL GROUP









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 novembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : E

N° RG : F 16/00799<

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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Nathalie CADET



Me Christophe PLAGNIOL







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versa...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 7 SEPTEMBRE 2022

N° RG 20/00155

N° Portalis DBV3-V-B7E-TWH5

AFFAIRE :

[O] [U]

C/

SA RENAULT RETAIL GROUP

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 novembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : E

N° RG : F 16/00799

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Nathalie CADET

Me Christophe PLAGNIOL

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [O] [U]

né le 29 mars 1959 à [Localité 10]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Nathalie CADET, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC 240

APPELANT

****************

SA RENAULT RETAIL GROUP

N° SIRET : 312 212 301

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Christophe PLAGNIOL de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 mai 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

Par jugement du 28 novembre 2019, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt (section encadrement) a :

- dit que le licenciement de M. [O] [U] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [U] de l'ensemble de ses demandes,

- reçu la société Renault Retail Group en sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'en a débouté,

- mis les éventuels dépens à la charge de M. [U].

Par déclaration adressée au greffe le 15 janvier 2020, M. [U] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 8 mars 2022.

Par dernières conclusions remises au greffe le 14 avril 2020, M. [U] demande à la cour de :

- réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en date du 28 novembre 2019,

- dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Renault Retail Group à lui régler les sommes suivantes :

. 365 798,26 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 5 500,20 euros à titre de dommages intérêts pour non respect de la procédure de licenciement,

. 10 000 euros à titre de dommages intérêts pour non respect de l'obligation de loyauté dans l'exécution du contrat de travail,

. 10 000 euros à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral,

. les sommes suivantes au titre des rappels de salaire pour les congés payés travaillés (DI) :

. 28, 29 et 30 janvier 2015 : 550 euros,

. 14,15,16 et 18 août 2015 : 733,36 euros,

. 128,33 euros au titre des congés payés sur ces rappels,

. dire que ces sommes porteront intérêt légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

. 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises au greffe le 10 juillet 2020, la société Renault Retail Group demande à la cour de :

- déclarer l'appel formé par M. [U] à l'encontre du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 28 novembre 2019, mal fondé,

- confirmer le jugement rendu le 28 novembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en toutes ses dispositions,

en conséquence,

- dire que les chefs de demandes de M. [U] sont mal fondés,

- dire que M. [U] n'a nullement été victime d'un harcèlement moral au sein de la société,

- dire que l'insuffisance professionnelle de M. [U] est établie,

- dire que le licenciement de M. [U] est bien fondé,

- débouter M. [U] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [U] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

LA COUR,

M. [O] [U] a été engagé par la société Renault Retail Service, en qualité de chef après-vente /chef des services techniques, à compter du 1er mai 2014.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981.

M. [U] percevait une rémunération brute mensuelle de 5 500,20 euros (moyenne sur les douze derniers mois).

Par courrier du 10 avril 2015, la société Renault Retail Group a notifié à M. [U] un avertissement en raison de carences dans l'exercice de ses fonctions, des désordres générés à l'après-vente et l'absence de réaction du salarié.

Par courrier du 2 juin 2015, M. [U] a contesté son avertissement du 10 avril 2015.

Par courrier du 14 septembre 2015, M. [U] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 24 septembre 2015.

M. [U] a été licencié par courrier du 1er octobre 2015 pour insuffisance professionnelle dans les termes suivants : « Malgré nos demandes (en particulier, avertissement notifié le 10 avril 2015 par lequel nous vous demandions de réagir promptement) et les mesures d'organisation mises en place afin de vous accompagner et vous permettre de vous recentrer sur vos missions, nous constatons que vous n'assurez toujours pas les missions essentielles qui vous reviennent en qualité de Chef de Services Techniques.

En particulier,

- En matière de gestion et d'organisation de l'activité atelier :

Alors que vos missions impliquent de planifier, de contrôler et d'améliorer en permanence les activités de l'atelier et les autres services, vous n'assurez pas les points de contrôle.

Ainsi, dans le cadre des tests de la campagne Quick 2014 menés le 22 janvier 2015, de nombreux écarts sur la tenue de l'activité atelier avaient été signalés (en particulier, carences dans le suivi des demandes de remboursement garantie, de l'imputation des pièces de rechange et de la main d''uvre sur les OR, de contrôle de présence et de documentation des OR, de suivi des créances comptants).

Suite à cela, vous avez été à nouveau sensibilisé par la contrôleuse de gestion Plaque sur les procédures à respecter et il vous a été demandé de mettre en 'uvre les différents plans d'actions résultant de l'audit. Ces démarches sont restées vaines puisque comme ont pu le déplorer le contrôleur financier et la contrôleuse de gestion de la plaque dans le cadre du point d'avancement du plan d'actions en date du 10 septembre 2015, les points de contrôle soulignés dans le cadre de l'audit ne sont toujours pas mis en 'uvre.

Par ailleurs, alors que la situation des encours reste très préoccupante, contrairement aux engagements que vous avez pris et malgré nos demandes, vous n'assurez aucun suivi et analyse systématique des encours, vous ne tenez pas de point hebdomadaire avec les chefs d'équipe et vous n'avez proposé aucune action concrète pour résorber le retard.

Enfin, malgré nos demandes (en particulier mail du 4 mai 2015) et relances qui s'en sont suivies, vous n'avez pris aucune disposition pour régulariser la situation des véhicules tampon qui occupent les places de parking sur la plateforme de stockage et la gare routière.

Vous n'avez pas été en mesure d'apporter la moindre explication concernant chacun de ces véhicules, ou d'indiquer l'avancement d'actions en cours sur le sujet.

- En matière de politique commerciale de l'activité atelier :

Alors que vos missions impliquent notamment de vous assurer de la clarté de l'offre et des prix, vous n'avez pas appliqué la procédure sur les consignes à respecter suite à la modification du tarif des prestations à l'atelier

Ainsi, le 16 juillet 2015, lors d'une visite sur le site de Boulogne, le Directeur d'exploitation France a pu noter que les tarifs affichés à l'atelier n'étaient pas à jour et ne correspondaient pas aux tarifs appliqués à la clientèle.

Cette situation, qui révèle à la fois un manque de rigueur et de contrôle, expose notre établissement à des risques de contestation sur les tarifs.

- En matière de sécurité, hygiène et d'environnement de travail :

Vous êtes censé définir, déployer et suivre l'état d'avancement des plans d'actions correctifs ou préventifs en la matière.

Force est de constater que contrairement aux procédures et malgré le caractère très préoccupant des 6 accidents du travail intervenus en l'espace de 3 mois entre le 30 avril et le 28 juillet 2015, vous n'avez pas été en mesure de remonter les analyses des accidents du travail et ce malgré les relances du Service conditions de travail du siège. Vos explications lors de l'entretien tendant à attribuer la responsabilité de ce retard sur l'assistante de direction ne sont pas recevables.

De la même façon, vous n'avez pas remonté l'évaluation du risque chimique malgré les nombreuses relances (cf mail de M [X] du 15 avril 2015 et ses relances des 16 juillet et 27 août 2015), alors que l'établissement de Boulogne a été désigné établissement pilote pour la réalisation de la campagne 2015 de mesurage des VLEP et que ces mesurages, tout comme l'Evaluation du Risque Chimique, sont une obligation réglementaire.

Malgré mes diverses demandes, vous n'avez pas non plus transmis le planning 5S pour l'année 2015 alors que cette opération est importante pour contribuer à garantir l'hygiène, la propreté et la sécurité au sein de l'atelier.

Enfin, comme cela a pu être constaté dans le cadre de l'audit quick du 22 janvier 2015, les contrôles obligatoires des installations à l'atelier n'ont pas toujours été correctement planifiés. Aucune amélioration sensible n'a été réalisée à ce jour.

- En matière d'animation des équipes atelier :

Vous êtes censé créer les conditions nécessaires à l'implication des équipes. Or, force est de constater que vous n'animez pas spontanément les équipes de l'atelier (pas d'animation des PRQ, pas de compte rendus, pas de réalisation des 6 points 6 minutes) et que nous sommes obligés de vous relancer pour que vous assuriez votre rôle d'animation.

De plus, en dépit des relances successives pour obtenir la remontée des entretiens individuels des collaborateurs de l'atelier, à fin août 2015, à plus de 7 mois du déploiement des entretiens, il manquait encore 8 entretiens.

Vos carences professionnelles en matière d'organisation et de management se ressentent sur les indicateurs atelier qui se dégradent de manière préoccupante :

En effet:

- Au cumul notre activité mécanique affichait à fin juin 2015 un résultat à - 74k€, en retrait par rapport à notre année 2014 (année 2014 à -19K€ à fin juin et budget prévisionnel à+69K€).

- Les encours de facturation restent trop importants. A fin août, ils représentaient plus de 40 % de notre chiffre d'affaires ventes et cessions. La part des encours dépassant les 30 jours d'antériorité s'est quant à elle encore dégradée. Elle est supérieure de 40% à la totalité des encours.

- L'efficacité à fin août 2015 s'établit quant à elle à 53% pour une moyenne plaque à 64%, nous positionnant dernier de la Plaque RRG [Localité 9] et parmi les 3 derniers établissements de France.

En dépit de nos alertes, vous n'avez pas réussi à modifier vos méthodes de travail dans le suivi et l'animation de l'activité atelier, malgré les mesures d'organisation mises en place pour vous aider. Dès lors, cette situation qui perdure à ce jour et la désorganisation qui en résulte au niveau du bon fonctionnement de l'atelier, nous conduisent à vous notifier par la présente votre licenciement. ''

Le 18 avril 2016, M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt afin de contester le bien-fondé de son licenciement, faire reconnaître l'existence d'un harcèlement moral et solliciter le paiement de diverses sommes.

SUR CE,

Sur la rupture :

Sur l'insuffisance professionnelle :

L'employeur a licencié le salarié en raison d'une insuffisance professionnelle contestée par ce dernier.

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail, un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

L'insuffisance professionnelle constitue un motif de licenciement dès lors qu'elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié.

Les griefs évoqués dans la lettre de licenciement sont relatifs à la gestion de l'atelier, à l'hygiène, la santé et la sécurité des salariés et à l'animation des équipes.

Au titre des carences relatives à la gestion et à l'organisation de l'activité atelier, il est reproché au salarié :

- de ne pas assurer les points de contrôle des activités de l'atelier et des autres services.

L'employeur rappelle que dans le cadre des tests de la campagne Quick 2014 menés le 22 janvier 2015, de nombreux écarts sur la tenue de l'activité atelier avaient été signalés (en particulier, carences dans le suivi des demandes de remboursement garantie, de l'imputation des pièces de rechange et de la main d''uvre sur les OR, de contrôle de présence et de documentation des OR, de suivi des créances comptants).

Après l'audit, le salarié sensibilisé sur les procédures à respecter et les différents plans d'actions à réaliser, n' y aurait pas satisfait, ce qu'auraient constaté le contrôleur financier et la contrôleuse de gestion de la place dans le cadre du point d'avancement du plan d'actions du 10 septembre 2015.

Le salarié ne conteste pas avoir rencontré le 10 septembre 2015 le contrôleur financier et la contrôleuse de gestion.

Il reconnaît d'ailleurs que deux points lui paraissaient non conformes : la liste des fournisseurs extérieurs (qui existe en réalité dans le système informatique Webfinance) et la liste Excel des 20 OR contrôlés, éléments quasi régularisés malgré l'absence du chef d'atelier qui aurait dû assumer ces missions.

Dès lors que l'employeur ne verse pas au débat les éléments relatifs à l'audit Quick 2014 et les plans d'actions formulés auprès du salarié, sont seulement établis les deux points de non-conformité reconnus par le salarié avec cette précision que, contrairement à ses affirmations, il ressort de sa fiche de poste (pièce S n°5) qu'il "doit réaliser avec le RCF les évaluations de contrôle interne (Quick) et mettre en place des plans d'actions correctifs en cas de dérives", quand bien même le chef d'atelier peut l'assister dans ses missions de sorte que les carences constatées relevaient de sa compétence (pièce S n°6).

- contrairement aux engagements pris et malgré les demandes de l'employeur, de ne pas avoir assuré de suivi et d'analyse systématique des encours, de ne pas avoir réalisé de point hebdomadaire avec les chefs d'équipe et de n'avoir formulé aucune proposition d'action concrète pour résorber le retard.

Dès lors que les faits ne sont pas contestés, ils sont établis.

Le salarié réplique toutefois que la facturation de la partie carrosserie relève du back office et que les problèmes des encours concernaient tant la facturation du back office que la sienne de sorte que la problématique de la totalité des encours ne lui était pas imputable.

Il verse au débat deux extraits de documents (pièces S n°56 et 57) qui font état de la facturation assurance du back office et du suivi des encours.

Pour autant, ces éléments peu précis ne permettent pas d'établir que la facturation de la partie carrosserie échappait à la responsabilité du salarié.

- le fait, malgré les demandes et relances de l'employeur, de n'avoir pris aucune disposition pour régulariser la situation des véhicules « tampons » ou « anciens » qui occupent les places de parking sur la plateforme de stockage et la gare routière.

Il est à cet égard reproché au salarié d'avoir été dans l'incapacité d'apporter la moindre explication concernant chacun de ces véhicules, ou d'indiquer l'avancement d'actions en cours sur le sujet.

Dès lors que les faits ne sont pas contestés, ils sont établis.

Le salarié fait cependant valoir que ces véhicules étaient présents avant son arrivée en mai 2014, que son prédécesseur assisté de deux chefs d'atelier n'était pas parvenu à effectuer cette mission, qu'il a essayé d'effectuer les retraits mais n'a pas réussi à retrouver les dossiers clients permettant d'identifier les propriétaires des véhicules et les raisons de leur abandon, que ces véhicules ne peuvent être évacués et détruits qu'avec l'accord du propriétaire ou du juge, que certains véhicules faisaient l'objet d'une procédure en cours et qu'il appartenait à la direction de contrôler lesdits véhicules.

Toutefois, il n'apporte aucun élément probant au soutien de ses affirmations.

- de ne pas appliquer la procédure sur les consignes à respecter suite à la modification du tarif des prestations à l'atelier.

Le 16 juillet 2015, lors d'une visite sur le site de Boulogne, le directeur d'exploitation France aurait constaté que les tarifs affichés à l'atelier n'étaient pas à jour et ne correspondaient pas aux tarifs appliqués à la clientèle.

Le salarié fait valoir que la visite a eu lieu le 16 juin 2015 et non le 16 juillet 2015 et que la seule affiche qui n'était pas à jour était placée sous un porche, à côté de l'entrée routière, le long de la vitrine du hall Dacia où personne ne passe.

Dès lors que l'employeur ne verse pas au débat les éléments relatifs au non-respect de la procédure relative aux tarifs, est seulement établie l'absence de mise à jour des tarifs sur la fiche placée sous le porche reconnue par le salarié.

Au titre de l'hygiène, santé et sécurité des salariés, il est reproché au salarié de :

- ne pas avoir communiqué immédiatement au service en charge des conditions de travail du siège les analyses des six accidents du travail survenus entre le 30 avril et le 28 juillet 2015, en dépit des relances de ce service.

Le salarié fait valoir qu'il a réalisé les analyses qu'il a transmises à Mme [G], l'assistante de direction de M. [F] qui devait les consigner sur un registre à l'infirmerie mais que cette dernière n'a pas transmis les documents au consultant sécurité et prévention conformément à la procédure applicable, qu'en raison des travaux, son bureau a été déplacé et la période a été perturbée et que les analyses ont bien été effectuées en temps et en heure.

Si l'employeur conteste cette procédure qui apparaît sur un tableau excel produit par le salarié (pièces S n°59), il n'apporte toutefois aucun élément démontrant l'existence d'une autre procédure particulière concernant la remontée des analyses des accidents du travail.

Il ne justifie pas non plus des relances effectuées à ce sujet auprès du salarié après son courriel du 25 mai 2015 lui demandant d'effectuer une remontée s'agissant des accidents du travail (pièce E n°8).

Le grief n'est ainsi pas établi.

- de ne pas avoir remonté l'évaluation du risque chimique malgré les nombreuses relances alors que l'établissement de Boulogne a été désigné établissement pilote pour la réalisation de la campagne 2015 de mesurage des VLEP et que ces mesurages, tout comme l'Evaluation du Risque Chimique, sont une obligation réglementaire.

Cet élément n'étant pas contesté par le salarié, il est établi.

Si comme le souligne le salarié, il n'est pas contesté qu'il a demandé à sa direction de ne pas devenir site pilote d'autant que la précédente évaluation était toujours valide car réalisée le 8 décembre 2014 et que pour l'atelier il a autant que possible adopté des mesures correctives, ces éléments ne sauraient justifier l'absence de réalisation de sa mission.

- de ne pas avoir transmis le planning 5S pour l'année 2015 alors que cette opération est importante pour contribuer à garantir l'hygiène, la propreté et la sécurité au sein de l'atelier.

Cet élément n'étant pas contesté par le salarié, il est établi.

Le salarié fait valoir que le planning a été réalisé pour la visite de M. [I] du 21 novembre 2014 mais est devenu obsolète à cause des travaux, qu'il n'était pas responsable du report des travaux et que le 5S concerne le nettoyage des ateliers qui étaient nettoyés tous les vendredis soirs et samedis à l'autolaveuse par la société Esor. Il n'apporte cependant aucun élément en justifiant.

- de ne pas planifier correctement les contrôles obligatoires des installations à l'atelier sans amélioration sensible à ce jour, tel que constaté dans le cadre de l'audit Quick du 22 janvier 2015.

Le salarié fait valoir que l'audit a conclu à la conformité et qu'aucun problème n'a été relevé sur ce sujet.

Faute de disposer du compte-rendu d'audit ou de tout autre élément probant, les carences du salarié relatives aux contrôles obligatoires des installations ne sont pas établies.

En matière d'animation des équipes atelier, il lui est reproché :

- de ne pas animer spontanément les équipes de l'atelier (pas d'animation des PRQ, pas de compte rendus, pas de réalisation des 6 points 6 minutes) et de devoir être relancé par la direction.

Cet élément n'étant pas contesté par le salarié, il est établi.

- de ne pas avoir fait remonter 8 entretiens, en dépit des relances successives pour obtenir la remontée des entretiens individuels des collaborateurs de l'atelier, à fin août 2015, à plus de 7 mois du déploiement des entretiens.

Cet élément n'étant pas contesté par le salarié, il est établi.

Le salarié qui réplique que ces tâches incombaient aux chefs d'atelier "inexistants" ne le démontre pas.

Enfin, l'employeur reproche au salarié les conséquences de ses carences professionnelles :

- un résultat à - 74k€ du cumul de l'activité mécanique à fin juin 2015, en retrait par rapport à l'année 2014 : -19K€ à fin juin et budget prévisionnel à+69K€,

- à fin août, des encours de facturation représentant plus de 40 % du chiffre d'affaires ventes et cessions avec une part des encours dépassant les 30 jours d'antériorité dégradée soit plus + 40% de la totalité des encours.

- une efficacité à fin août 2015 à 53% pour une moyenne plaque à 64%, positionnant l'employeur dernier de la Plaque RRG [Localité 9] et parmi les 3 derniers établissements de France.

Ces chiffres non utilement contestés par le salarié sont établis.

Sont ainsi établis le défaut de points de contrôle des activités de l'atelier et des autres services concernant la liste des fournisseurs extérieurs et la liste Excel des 20 OR, le fait de ne pas avoir assuré de suivi et d'analyse systématique des encours, de ne pas avoir réalisé de point hebdomadaire avec les chefs d'équipe et de n'avoir formulé aucune proposition d'action concrète pour résorber le retard, le fait de n'avoir pris aucune disposition pour régulariser la situation des véhicules tampon qui occupent les places de parking sur la plateforme de stockage et la gare routière, l'absence de mise à jour des tarifs sur la fiche placée sous le porche, le fait de ne pas avoir remonté l'évaluation du risque chimique, de ne pas avoir transmis le planning 5S pour l'année 2015, le fait de ne pas animer spontanément les équipes de l'atelier, le fait de ne pas avoir fait remonter 8 entretiens et les conséquences financières de ces carences.

Cependant, en réponse aux griefs établis, le salarié rétorque :

. en premier lieu, qu'il n'a bénéficié d'aucune formation complète à son poste,

. en deuxième lieu, qu'il n'a jamais été assisté par les deux indispensables chefs d'ateliers qui lui avaient été promis lors de son entrée en poste et ajoute que le manque global de personnel a conduit à une surcharge de travail

. et en troisième lieu, qu'il a dû suivre les travaux du site de Boulogne à compter de juillet 2015.

Les griefs reprochés ne sont ainsi pas liés selon lui à son insuffisance professionnelle mais à un manque de formation, de moyens humains et à une surcharge de travail, ce que l'employeur conteste.

S'agissant de la formation du salarié, l'employeur établit que ce dernier a disposé de 35 heures de formation entre septembre et novembre 2014 et 94 heures de formation entre mai et novembre 2015 (pièce E n°2).

S'il est démontré que le salarié n'a pas suivi la totalité de la formation concernant deux formations sur le management et une formation sur le véhicule Kadjar, il est toutefois établi que dès le 18 juin 2014, le salarié a suivi une formation de 7 heures relative au suivi de l'activité atelier, concernant ainsi l'aspect opérationnel de sa fonction, 21 heures de formations relatives à l'hygiène, la santé et la sécurité et 77 heures de formations relatives au management.

Le salarié ne saurait dès lors se prévaloir d'un manque de formation à son poste de travail et d'un manquement à l'obligation de formation de l'employeur.

S'agissant du manque de personnel, les parties se prévalent du courrier du salarié du 2 juin 2015 (pièce S n°15) dans lequel ce dernier conteste l'avertissement reçu le 14 avril 2015, évoquant un manque de personnel d'encadrement.

Il convient de rappeler que le salarié a été en poste du 1er mai 2014 au 1er décembre 2015 et il n'est pas contesté qu'il devait assurer la gestion de 4 sites comportant 94 collaborateurs au total.

Dans ce courrier, le salarié précise qu'aucun des deux postes de chefs d'atelier n'était pourvu entre le 8 décembre 2014 à la suite du départ de M. [Z] et le 9 mars 2015, date d'entrée en poste de M. [B] ; qu'entre le 1er août 2014 et le 31 janvier 2015, l'essai de M. [S] n'a pas été concluant dès fin octobre 2014 ; que d'autres collaborateurs ont été absents : M. [R], spécialiste de la facturation garantie et des contrats de service entre le 8 octobre et le 15 décembre 2014, M. [H], conseiller service carrosserie entre le 23 octobre 2014 et le 15 mars 2015, Mme [T], secrétaire après-vente jusqu'au 15 janvier 2015 et Mme [L], secrétaire après-vente chargée de la facturation des dossiers carrosserie à compter de mars 2015. Il ajoute qu'un poste de conseiller service n'est pas pourvu au sein de l'équipe mécanique C.

Dans ses écritures, le salarié ajoute que le chef des services techniques a toujours bénéficié de l'assistance de deux chefs d'atelier avant son arrivée et que le chef d'atelier le plus expérimenté assumait le rôle d'adjoint du chef de service.

Il précise également qu'il n'a disposé d'aucun chef d'atelier entre mi-mars 2014 et le 19 mai 2014, que M. [Z], arrêté pour dépression a repris son poste le 19 mai 2014 mais a préparé son départ sur le site de [Localité 5] fin juin 2014, que M. [Z] est resté sur le site de [Localité 5] entre juin 2014 et décembre 2014 mais a été absent de nombreuses fois en raison de ses RTT et de ses déplacements à [Localité 11], lieu de sa mutation ultérieure.

Il souligne qu'entre fin juin et fin août 2014, il n'y avait pas de chef d'atelier, qu'entre fin septembre 2014 et mi-janvier 2015, il a été assisté de M. [S], ancien conseiller service en période probatoire au poste de chef d'atelier qui n'a jamais été formé au poste de chef d'atelier et qui n'a jamais assumé en fait ses missions de chef d'atelier, raison pour laquelle il a été mis fin à sa période probatoire en janvier 2015 ; qu'entre mi-janvier et juin 2015, il n'a pas été assisté de chefs d'atelier ; qu'en juin 2015, M. [B] recruté en interne en mars 2015 a pris son poste après avoir pris ses congés payés et RTT mais n'a bénéficié d'aucune formation et a été placé à [Localité 5].

Le salarié établit avoir alerté sa hiérarchie du manque de personnel et de sa surcharge de travail lors de son entretien annuel du 24 février 2015 (pièce S n°12), dans son courrier de contestation de son avertissement du 2 juin 2015 (pièce S n°15) et lors de son entretien préalable (pièce S n°24).

L'employeur qui ne conteste pas la présence ou l'absence des chefs d'atelier tel qu'indiqué par le salarié dans son courrier du 2 juin 2015 réfute l'inexpérience et l'incompétence de MM. [S] et [B].

Il n'apporte pourtant aucun élément en justifiant tel qu'un suivi de formations, leurs CVs ou leurs comptes-rendus d'entretiens annuels.

Par ailleurs, la fiche de poste de chef d'atelier (pièce S n°6) précise que la mission générale du chef d'atelier consiste à assister le chef des services techniques dans l'organisation, le contrôle et la gestion de l'activité atelier et animer les chefs d'unité.

Il s'en déduit que l'absence de chefs d'ateliers, au surplus expérimentés, a nécessairement eu un impact sur le travail réalisé par le salarié qui n'a pu être assisté dans la réalisation de ses missions.

Au surplus, il ressort du compte-rendu d'entretien préalable du 24 septembre 2015, rédigé par M. [N], assistant du salarié et signé par le salarié, son assistant et M. [F], directeur d'établissement (pièce S n°24) que M. [F] reconnaît que "j'entends bien que vous n'aviez pas en permanence un chef d'atelier sur [Localité 4] (...) les postes que vous évoquez n'ont pas été supprimés mais sont liés à du turn over, des aménagements suite à inaptitude ou des arrêts maladie. Le recours à l'intérim et à l'embauche n'a jamais été fermé et nous a permis de gérer au mieux ces situations propres à la vie d'un établissement".

Si l'employeur indique qu'il a allégé la charge de travail du salarié, ce que ce dernier conteste, il n'apporte aucun élément probant en ce sens, peu important à cet égard que le salarié n'ait pas contesté l'allègement de la charge de travail évoqué par l'employeur lors de l'entretien préalable.

Le manque de moyens humains nécessaires à l'exercice des missions du salarié est par conséquent établi.

S'agissant enfin de la gestion du suivi de travaux du site de Boulogne, le salarié fait valoir qu'en sus de sa charge de travail de plus en plus importante, il a dû suivre le chantier des travaux de l'établissement de sorte qu'un tiers des surfaces d'atelier n'était plus disponible.

Il ajoute qu'il a dû suivre ce chantier pendant la période estivale qui est la période de plus forte activité de l'année, qu'il a également dû engager du personnel intérimaire notamment pour pallier l'absence en maladie de M. [P] et d'un de ses collègues chargés de la permanence du service de location, qu'il a dû décaler ses congés pour gérer l'urgence et soutenir ses collaborateurs, qu'il a travaillé pendant ses congés et qu'à son retour de congés, il a constaté que le chantier n'était pas terminé et que la moitié des surfaces d'exploitation était indisponible.

Ces éléments n'étant pas contestés par l'employeur, ils sont établis.

Compte-tenu de ces éléments, compte tenu de ce que l'insuffisance professionnelle suppose qu'elle soit directement imputable au salarié et non la conséquence d'une conjoncture difficile, compte tenu enfin de ce que le doute profite au salarié, l'insuffisance professionnelle de ce dernier n'est pas caractérisée de sorte que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Infirmant le jugement, la cour dit le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les effets du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse :

Sur l'ancienneté :

Le salarié se prévaut d'une ancienneté au sein du groupe Renault de 37 ans tandis que l'employeur retient une ancienneté d' 1 an et 5 mois au sein de l'entreprise.

L'article 1.13 de la convention collective applicable prévoit :

« a) Prise en compte des périodes de travail au titre du contrat de travail en cours :

Pour la détermination de l'ancienneté, il est tenu compte du temps pendant lequel le salarié a été occupé dans les différents établissements de l'entreprise en vertu du contrat de travail en cours, quelles que puissent être les modifications ayant pu survenir dans la nature juridique de cette entreprise.

b) Prise en compte des périodes de suspension du contrat de travail :

Outre les périodes de travail effectif visées au paragraphe a, sont également prises en compte pour le calcul de l'ancienneté toutes les périodes de suspension du contrat de travail, quelle qu'en soit la nature, à l'exception :

- des interruptions pour maladie ou accident de la vie courante, qui ne sont prises en compte que dans la limite d'une durée maximale de six mois consécutifs ;

- du congé parental d'éducation non indemnisé au titre du compte épargne-temps lorsque celui-ci suspend l'exécution du contrat de travail, dont la durée n'est prise en compte que pour moitié.

c) Périodes d'activité antérieures au contrat de travail en cours :

1. Contrats de travail antérieurs Il est également tenu compte, le cas échéant, de la durée des contrats de travail antérieurs ayant lié le salarié à l'entreprise considérée, l'ancienneté correspondante étant alors calculée comme indiqué aux paragraphes a et b.

Toutefois, les années d'ancienneté prises en considération pour le calcul d'une indemnité de rupture sont, en cas de nouvelle rupture suivant elle-même un réembauchage, réduites des années qui ont pu être antérieurement retenues pour le paiement d'une précédente indemnité.
(...)". »

Les certificats de travail et relevé de carrière produits par le salarié (pièces S n° 41 et 42) établissent que le salarié a travaillé au sein de concessions Renault entre 1991 et 2000, qu'il a été salarié de la SAS Boissy Automobiles entre 2001 et 2005, sans qu'il ne soit précisé s'il s'agit d'une concession Renault, qu'il a été chef d'entreprise entre 2005 et 2014, avant de rejoindre l'employeur en 2014.

Ces éléments ont été repris par le salarié dans une newsletter E-managers de Renault Retail Group de janvier-février 2015 (pièce S n°4 - page 18) dans laquelle il indique en outre s'être lancé dans l'entreprenariat à partir de 2005 en ayant acquis une concession Renault à [Localité 7].

Toutefois, les certificats de travail font état des sociétés Come et Bardon Automobiles (Siret 380 429 316 00017, entreprise située à [Localité 12]), S.A.M SA (Siret 392 929 311 00018, entreprise située à [Localité 8]) et Grand Garage Feray (Siret 352 557 722 00019, entreprise située à [Localité 6]) qui sont des concessionnaires Renault et des entreprises distinctes de la société Renault Retail Group.

Dès lors que les contrats de travail antérieurs n'ont pas été conclus avec la société Renault Retail Group et dès lors qu'il n'est pas établi que les entreprises concessionnaires qui l'ont employé - même s'agissant de concessions Renault ' constituaient des établissements de la société Renault Retail Group, le salarié ne peut s'en prévaloir pour le calcul de son ancienneté.

Au surplus, les indemnités de rupture versées au salarié ont été calculées sur une ancienneté d'un an et 5 mois que le salarié n'a pas contestée.

Il convient dès lors de retenir une ancienneté d'un an et 5 mois.

Sur les dommages et intérêts pour rupture abusive :

Le salarié sollicite la somme de 365 798,26 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il fait valoir qu'il est chauffeur VTC à temps partiel depuis juin 2017 et que du fait de son licenciement, il a subi un préjudice qu'il évalue comme suit :

- perte de salaire du fait de son indemnisation par Pôle emploi du 19 février 2016 au 19 octobre 2017 : 36 616,46 euros,

- perte de chance de percevoir un salaire équivalent à son ancienne rémunération du 4 décembre 2017 au 29 mars 2021, date de sa retraite : 188 082 euros,

- perte de jouissance d'un véhicule de fonction Renault Kadjar également utilisé à des fins personnelles : 23 290 euros,

- perte de chance de percevoir un revenu au titre de l'intéressement : 11 710,60 euros,

- perte de chance de recevoir un capital de fin de carrière : 21 384 euros,

- perte de retraite : 84 715,20 euros.

L'employeur réplique que le salarié ne justifie pas du préjudice subi et des différents montants sollicités, qu'il n'établit pas remplir les conditions de versement de certaines sommes qu'il sollicite sur le fondement de la perte de chance, que le salarié a retrouvé un emploi de directeur général au sein de la compagnie de transport des écrins à compter du mois de février 2017 et qu'il exerçait une activité de consultant indépendant entre janvier 2016 et janvier 2017.

En application des dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail dans sa version applicable au litige, le salarié disposant d'une ancienneté inférieure à 2 ans au sein de l'entreprise peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Au regard de son âge au moment du licenciement (56 ans), de son ancienneté dans l'entreprise (1 an et 5 mois), du montant de la rémunération qui lui était versée (5 500,20 euros) et du fait qu'il a retrouvé un emploi après son préavis en tant qu'indépendant, il convient, infirmant le jugement, de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral subi, la somme de 17 000 euros.

Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement :

Le salarié sollicite la somme de 5 500,20 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, arguant du fait que la décision de le licencier avait été prise avant la procédure de licenciement.

Il fait valoir que l'employeur qui a engagé M. [A] pour le remplacer, compte-tenu du délai de préavis de trois mois et d'un délai d'un mois pour le recrutement, a dû prendre la décision de le remplacer en mai ou juin 2015.

Tel que l'employeur le souligne, le salarié n'apporte aucun élément au soutien de ses affirmations.

Au surplus, l'article L. 1235-5 du code du travail prescrit que « Ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives :

1° Aux irrégularités de procédure, prévues à l'article L. 1235-2 ;

2° A l'absence de cause réelle et sérieuse, prévues à l'article L. 1235-3 ;

3° Au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l'article L. 1235-4, en cas de méconnaissance des articles L. 1235-3 et L. 1235-11.

Le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

En cas de méconnaissance des dispositions des articles L. 1232-4 et L. 1233-13, relatives à l'assistance du salarié par un conseiller, les dispositions relatives aux irrégularités de procédure prévues à l'article L. 1235-2 s'appliquent même au licenciement d'un salarié ayant moins de deux ans d'ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés. ».

Ainsi, l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement n'est due qu'en cas de méconnaissance des règles relatives à l'assistance du salarié par un conseiller, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Confirmant le jugement, la demande du salarié sera rejetée.

Sur l'exécution du contrat de travail :

Sur les demandes de rappels de salaires :

Le salarié soutient qu'il a dû travailler pendant ses congés payés soit les 28, 29 et 30 janvier 2015 et les 14, 15, 16 et 18 août 2015 de sorte que des rappels de salaires respectifs de 550 euros et 733,36 euros lui sont dus outre la somme de 128,33 euros au titre des congés payés afférents.

L'employeur conteste la prestation de travail du salarié pendant les jours de congés payés susvisés.

Il n'est pas contesté que le salarié était en congés payés les 28, 29 et 30 janvier 2015 et 14, 15, 16 et 18 août 2015.

Par sa pièce 46 correspondant à de nombreux courriels rédigés par le salarié entre le 14 et le 18 août 2015, le salarié établit qu'en réalité, il a travaillé ces jours-là. En revanche, l'échange de SMS entre le salarié et « [C] » les 29 et 30 janvier ne caractérisent pas la réalité d'un travail effectif (pièce 11 S).

Les 4 jours du mois d'août dont il n'est pas contesté qu'ils ont été considérés par l'employeur comme des jours de congés qui, en réalité, ont correspondu à des jours travaillés, n'ont pas pu être pris en compte par l'employeur lorsqu'il a évalué l'indemnité compensatrice de congés versée au salarié à l'occasion de l'établissement du solde de tout compte.

Ces jours de travail sont donc dus au salarié de sorte qu'infirmant le jugement, l'employeur sera condamné à payer au salarié la somme de 733,36 euros outre 73,33 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de loyauté dans l'exécution du contrat de travail :

Le salarié sollicite la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de loyauté dans l'exécution du contrat de travail.

Il fait valoir que le manque de personnel établi ci-avant a généré une surcharge de travail qui l'a contraint à travailler les week-ends et jours de congés en janvier et août 2015, que l'employeur aurait dû pourvoir les postes de chefs d'atelier et procéder au remplacement des employés absents pendant de longues périodes et que la surcharge de travail a conduit à une dégradation de son état de santé.

L'employeur conteste les allégations du salarié.

Il a été précédemment établi que le salarié a dû faire face à un manque de personnel de sorte que les carences constatées y sont liées.

Comme jugé précédemment, le salarié établit avoir dû travailler courant août 2015 alors qu'il était supposé être en congés.

Compte-tenu du manque de personnel, les éléments produits par le salarié suffisent à établir qu'il subissait une surcharge de travail.

Si l'employeur fait valoir que le salarié aurait pu procéder au recrutement de personnel par intérim, le salarié établit que le processus de recrutement devait être validé par Mme [E], RRH et M. [Y], directeur du pôle.

En tout état de cause, il a été établi que le salarié avait alerté sa hiérarchie du manque de personnel et de sa surcharge de travail lors de son entretien annuel du 24 février 2015 (pièce S n°12), dans son courrier de contestation de son avertissement du 2 juin 2015 (pièce S n°15) et lors de son entretien préalable (pièce S n°24).

L'employeur ne justifie pas avoir pris des mesures consistant à recruter du personnel et à alléger la charge de travail du salarié.

Dès lors, l'employeur a manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail qui a causé un préjudice au salarié qui doit être réparé par l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 2 000 euros.

Infirmant le jugement, il sera alloué au salarié la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral :

Le salarié sollicite la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

L'employeur conteste le harcèlement moral allégué.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 dans sa version applicable à l'espèce, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Selon lui, son harcèlement moral est constitué par les éléments suivants :

- une surcharge de travail

Elle a été précédemment établie.

- le comportement de M. [F] à son égard

Le salarié évoque le fait que le 10 avril 2015, M. [F] lui a proposé une rupture conventionnelle qu'il a refusée, puis a évoqué une mutation interne ou un transfert chez Renault SAS et lui a finalement adressé un avertissement le 14 avril 2015.

Il ajoute que M. [F] a menti et s'est déchargé de ses responsabilités en le faisant passer pour un incompétent, que lors de l'entretien annuel, il l'aurait fixé dans les yeux, pointé du doigt en lui demandant quelle image il avait de lui-même et que le 13 avril, il lui aurait dit "avec toi ça va pas le faire".

A l'exception de l'avertissement, les faits sus évoqués ne reposent que sur les affirmations du salarié de sorte qu'ils ne sont pas établis.

- des demandes de travail pendant ses congés ou ses temps de pause

Il a été établi que le salarié avait été sollicité pendant ses congés.

Le salarié n'indiquant pas ses temps de pause, les SMS adressés au salarié (pièces S n°47) ne permettent pas d'établir qu'il lui a été demandé de travailler pendant ses temps de pause.

- un retard dans le paiement de son augmentation

Le salarié fait valoir qu'en application de sa lettre d'intention d'embauche du 8 avril 2014, il devait bénéficier d'une augmentation en janvier 2015 qui n'a été régularisée que fin mars après de multiples relances.

Ce fait n'est pas contesté.

- l'absence de mesures correctives concernant le manque de personnel et sa surcharge de travail

Elle a été précédemment établie.

- une mise à l'écart

Le salarié évoque le fait que sa photo n'est jamais apparue sur le site internet et sur l'organigramme et le fait qu'il ne soit plus apparu sur l'organigramme avant d'être licencié.

Il établit que sur le site internet, sa photo n'apparaissait pas et que la société n'a pas pris sa photo.

Il n'apporte toutefois aucun élément relatif aux organigrammes.

- le fait qu'il n'était pas convoqué aux réunions hebdomadaires du CODIR.

Dès lors qu'il n'apporte aucun élément en justifiant, ce fait n'est pas établi.

- une dégradation de son état de santé

Le salarié produit un arrêt de travail pour maladie du 29 septembre 2015 courant jusqu'au 11 octobre 2015 faisant état d'une souffrance au travail et prolongé jusqu'au 25 octobre 2015 (pièce S n°50).

La dégradation de l'état de santé est établie.

Sont ainsi établis la surcharge de travail, l'avertissement du 14 avril 2015, la sollicitation du salarié pendant ses congés payés, le retard dans le paiement de son augmentation, l'absence de mesures correctives concernant le manque de personnel, l'absence de sa photo sur le site internet et l'absence de photos prises par l'employeur et la dégradation de son état de santé.

Ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L'employeur n'apporte aucun élément démontrant que tous ses agissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le harcèlement moral est ainsi établi. 

Infirmant le jugement, il sera alloué au salarié la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Sur les intérêts :

Les condamnations au paiement de sommes ayant une vocation indemnitaire seront assorties des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Les condamnations au paiement des rappels de salaire produiront quant à elles intérêts au taux légal à compter de la réception, par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Succombant, l'employeur sera condamné aux dépens.

Il sera également condamné à payer au salarié la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

INFIRME partiellement le jugement,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société Renault Retail Group à payer à M. [U] les sommes suivantes :

. 17 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

. 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

. 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

DIT que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

CONDAMNE la société Renault Retail Group à payer à M. [U] la somme de 733,36 euros outre 73,33 euros au titre des congés payés afférents, intérêts au taux légal à compter de la réception, par la société Renault Retail Group, de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes,

CONFIRME pour le surplus le jugement,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société Renault Retail Group à payer à M. [U] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Renault Retail Group aux dépens.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Clotilde Maugendre, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 20/00155
Date de la décision : 07/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-07;20.00155 ?
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