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07/09/2022 | FRANCE | N°20/00105

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 07 septembre 2022, 20/00105


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 7 SEPTEMBRE 2022



N° RG 20/00105

N° Portalis DBV3-V-B7E-TV53



AFFAIRE :



Société PANASONIC MARKETING EUROPE GMBH



C/



[K] [E]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 4 décembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de NANTERRE

Section : E

N° RG : F17/

03644



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Karen AZRAN



Me Anne-Laure PRÉVOT







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versail...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 7 SEPTEMBRE 2022

N° RG 20/00105

N° Portalis DBV3-V-B7E-TV53

AFFAIRE :

Société PANASONIC MARKETING EUROPE GMBH

C/

[K] [E]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 4 décembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de NANTERRE

Section : E

N° RG : F17/03644

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Karen AZRAN

Me Anne-Laure PRÉVOT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société PANASONIC MARKETING EUROPE GMBH

N° SIRET : 445 283 757

[Adresse 5]

[Adresse 4]

WIESBADEN / ALLEMAGNE

Représentant : Me Karen AZRAN de la SCP SCP A & A, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0067

APPELANTE

****************

Monsieur [K] [E]

né le 6 mai 1977 à [Localité 3]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentant : Me Anne-Laure PRÉVOT de la SELARL ANNE LAURE PREVOT, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0108

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 mai 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

Par jugement du 4 décembre 2019, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section encadrement) a :

- dit que le licenciement de M. [K] [E] est sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Panasonic Marketing Europe à payer à M. [E] les sommes suivantes :

. 24 645,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

. 2 464,56 euros à titre de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,

. 20 538,02 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

. 2 508,56 euros à titre de salaire pendant la mise à pied,

. 250,85 euros à titre de congés payés sur le salaire pendant la mise à pied,

. 1 022,50 euros à titre de rémunération variable pour l'exercice 2017/2018,

. 102,25 euros au titre de congés payés sur rémunération variable,

. le tout avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la demande par la société Panasonic Marketing Europe soit le 30 janvier 2018,

- rappelé qu'en vertu des dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail les sommes visées par l'article R1454-14 sont exécutoires de plein droit dans la limite de neuf mois de salaire calculées sur la base du salaire moyen des trois derniers mois,

- fixé cette moyenne à 6 254,14 euros,

- pris acte que la société Panasonic Marketing Europe reconnaît devoir à M. [E] la somme de 1 038,58 euros à titre de rémunération variable,

- condamné la société Panasonic Marketing Europe à verser à M. [E] la somme de 73 936 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire sur cette créance indemnitaire,

- ordonné à la société Panasonic Marketing Europe de rembourser à Pôle emploi Centre Val de Loire la somme de 3 500 euros,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ou de tout autre demandes plus amples ou contraires,

- ordonné la remise des documents sociaux rectifiés à compter de la notification du jugement sans astreinte,

- condamné la société Panasonic Marketing Europe à payer à M. [E] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Panasonic Marketing Europe de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Panasonic Marketing Europe aux dépens.

Par déclaration adressée au greffe le 10 janvier 2020, la société Panasonic Marketing Europe GMBH a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 8 mars 2022.

Par dernières conclusions remises au greffe le 2 octobre 2020, la société Panasonic Marketing Europe GMBH demande à la cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 4 décembre 2019 en ce qu'il a :

. dit que le licenciement de M. [E] est sans cause réelle et sérieuse,

. l'a condamnée à régler à M. [E] les sommes suivantes :

. 24 645,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 2 464,56 euros à titre de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,

. 1 022,50 euros à titre de rémunération variable pour l'exercice 2017/2018 outre 102,25 euros au titre des congés payés y afférents,

. 20 538,02 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

. 2 508,56 euros à titre de salaire pendant la mise à pied, outre 250,85 euros à titre de congés payés sur le salaire pendant la mise à pied,

. le tout avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la demande par la société soit le 30 janvier 2018.

. 73 936 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. lui a ordonné de rembourser à Pôle emploi Centre Val de Loire la somme de 3 500 euros,

. lui a ordonné la remise des documents sociaux rectifiés à compter de la notification de la décision,

. l'a condamnée aux dépens,

. l'a déboutée de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 4 décembre 2019 en ce qu'il a :

. fixé le salaire moyen de M. [E] sur les douze derniers mois à la somme de 8 215,21 euros bruts,

. débouté M. [E] de sa demande de remise des bulletins de novembre 2017 à février 2018 modifiés, sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

- et statuant à nouveau,

. dire que les agissements de M. [E] constituent du harcèlement moral,

. dire que le licenciement de M. [E] repose sur une faute grave,

- en conséquence,

. débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

. condamner M. [E] à lui régler la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. condamner M. [E] aux entiers dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe le 3 juillet 2020, M. [E] demande à la cour de :

- confirmer le jugement prononcé par le conseil de prud'hommes de Nanterre,

en conséquence,

- fixer la rémunération mensuelle brute à la somme de 8 215,21 euros bruts,

- prononcer le caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement prononcé à son encontre,

- condamner la société à lui verser la somme de :

. 73 936 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. ladite somme sera majorée des intérêts au taux légal,

- condamner la société Panasonic à lui verser :

. 24 645,60 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis (3 mois article 12 de la convention collective- du 18 novembre 2017 au 17 février 2018),

. 2 464,56 euros bruts à titre de congés payés afférents,

. 20 538,02 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement (ancienneté du 20 février 2008 au 17 février 2018),

. 2 508,56 euros bruts à titre de rappel de salaires au titre de la mise à pied conservatoire du 4 novembre 2017 au 17 novembre 2017, outre la somme de 250,85 euros bruts à titre de congés payés afférents,

. 1 022,50 euros bruts à titre de rappel de salaires au titre de la rémunération variable 2017, outre la somme de 102,25 euros bruts au titre des congés payés afférents,

. lesdites sommes assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation en bureau de conciliation par la partie défenderesse,

- ordonner :

. le remboursement des allocations Pôle emploi,

. la remise des documents relatifs à la rupture modifiés,

. la remise des bulletins de paie de novembre 2017 à février 2018 modifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

. 2 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- prononcer la condamnation de la société aux entiers dépens.

LA COUR,

La société Panasonic Marketing Europe GMBH, venant aux droits de la société Panasonic France, a pour activité principale la production et la distribution d'équipements électroniques.

M. [K] [E] a été engagé par la société Panasonic France, en qualité d'ingénieur commercial, par contrat de travail à durée indéterminée du 20 février 2008 à effet à la même date.

Par avenant à son contrat de travail du 3 mai 2010, M. [E] a été affecté au poste de CCVE Team Leader à compter du 1er avril 2010.

A compter du 1er janvier 2016, le salarié a été transféré au sein du département PRO-AV en qualité de Manager Project Sales, nouvelle dénomination de la fonction Team Leader.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale de l'import-export et du commerce international du 18 décembre 1952.

M. [E] percevait une rémunération brute mensuelle de 8 215,21 euros (moyenne des 12 derniers mois).

Par courriel du 26 octobre 2017, M. [CS], directeur marketing de la société Panasonic System Communications Europe, alertait la société de la situation de Mme [S] qui, récemment engagée depuis le 3 juillet 2017, se plaignait d'agissements que lui faisaient subir les membres de l'équipe PRO AV.

Le 27 octobre 2017, la société Panasonic France diligenteait une enquête relative aux faits dénoncés par Mme [S] concernant notamment le comportement de M. [E].

Lors de la réunion du 30 octobre 2017, le CHSCT a conclu que les faits commis par M. [E] à l'égard de Mme [S] étaient établis.

Par lettre du 3 novembre 2017 remise en main propre contre décharge, M. [E] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 13 novembre 2017 et a été mis à pied à titre conservatoire.

M. [E] a été licencié par lettre du 16 novembre 2017 pour faute grave.

Le 7 décembre 2017, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir le paiement de diverses sommes.

SUR CE,

Sur la rupture :

Le salarié soutient que les faits de harcèlement moral évoqués dans la lettre de licenciement sont injustifiés, ce que conteste l'employeur.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits personnellement imputables au salarié, qui doivent être d'une importance telle qu'ils rendent impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Le licenciement pour faute grave implique néanmoins une réaction immédiate de l'employeur, la procédure de licenciement devant être engagée dans des délais restreints et le licenciement devant intervenir rapidement.

En cas de faute grave, il appartient à l'employeur d'établir les griefs qu'il reproche à son salarié.

La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe exclusivement à l'employeur et il appartient au juge du contrat de travail d'apprécier, au vu des éléments de preuve figurant au dossier, si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail, et d'une gravité suffisante pour justifier l'éviction immédiate du salarié de l'entreprise, le doute devant bénéficier au salarié.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 1152-5 prévoit que tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d'une sanction disciplinaire.

Il est reproché au salarié d'avoir commis des faits de harcèlement moral à l'égard de plusieurs salariés.

L'employeur se prévaut de l'enquête menée le 30 octobre 2017 lors de laquelle Mme [V], directrice des ressources humaines s'est entretenue avec 9 salariés dont les attestations et/ou comptes-rendus d'entretiens rédigés par Mme [V] et validés par les salariés sont versés au débat (pièces E n°9 à 25).

En premier lieu, l'employeur évoque des agissements précis commis par le salarié au préjudice de Mme [S], chef de produits pour les départements Sécurité / Pro AV, laquelle était sous sa subordination.

* Fin juillet 2017, lors d'une visite avec Mme [S] chez le partenaire Eureka Media, le salarié aurait indiqué à Mme [S] devant le client « si tu n'as pas compris cela, tu n'as rien compris ».

Mme [S] confirme avoir été destinataire de cette remarque dans son compte-rendu d'entretien et dans son attestation (pièces E n°9 et 10).

Toutefois, le salarié qui conteste le comportement qui lui est prêté produit les attestations de personnes présentes lors de ladite réunion.

Ainsi, M. [Z], gérant de la société Eureka Media indique que la réunion du 25 juillet 2017 dans ses locaux, en présence du salarié, de Mme [S], de MM. [T] et [H], salariés de Panasonic, de M. [O], gérant de la société Tout 2Bo Production et de lui-même, s'est déroulée « dans une ambiance extrêmement cordiale et professionnelle » (pièce S n°13-2).

Il ajoute : « l'essentiel du dialogue ayant été mené par Melle [D] [S], Mr [F] [O] et moi-même, je n'ai strictement à aucun moment constaté la moindre réflexion, le moindre écart de langage ou de comportement qui indiquerait que j'ai été témoin d'un harcèlement de la part de Mr [K] [E] à l'encontre de Mme [D] [S] ».

M. [O] confirme le caractère convivial et professionnel de la réunion, sans tension ou réflexion de la part du salarié à l'égard de Mme [S] (pièce S n°12-1).

Ces attestations précises et concordantes de personnes extérieures à l'entreprise et témoins des échanges entre Mme [S] et le salarié permettent de contredire les affirmations de Mme [S].

A cet égard, M. [T], présent à la réunion et dont le compte-rendu d'entretien est produit par l'employeur, n'évoque à aucun moment les propos prêtés au salarié par Mme [S] (pièce E n°13).

Le fait n'est pas établi.

* En août 2017, durant les congés de M. [N] [C] [SN], chargé du marketing des gammes de produits du département « Communication » de la division PSCEU, Mme [S] a répondu à la demande formulée par l'agence de presse de Panasonic pour un contenu urgent à faire pour ledit département.

Lorsque le salarié a constaté que Mme [S] travaillait sur ce dossier, il l'aurait interpellée en lui demandant : « tu te fous de moi ' ».

Ce fait attesté par Mme [S] est établi.

* Dès sa prise de poste en juillet 2017, le salarié aurait demandé à Mme [S] de ne pas communiquer avec M. [C] [SN] tant concernant des sujets « PRO- AV / Broadcast » dont le salarié était responsable que d'un point de vue plus global.

Le salarié conteste avoir interdit à la salariée de communiquer avec M. [C] [SN] et produit à cet égard deux échanges de courriels qui démontreraient selon lui que les salariés bien travaillaient ensemble.

Toutefois, Mme [S] et M. [C] [SN] attestent que le salarié avait interdit à la première de parler au second (pièces E n°9, 10 et 12).

Par ailleurs, contrairement aux affirmations du salarié, le seul échange de courriels pertinent qu'il produit démontre uniquement que le 27 octobre 2017, en réponse à un courriel de M. [C] [SN], Mme [S] a répondu à M. [E] et à d'autres salariés, avec en copie M. [SN], sur des propositions relatives à l'organisation d'un évènement (pièces E n°34-1 et 34-2).

Il ne permet donc pas de démontrer une réelle communication entre Mme [S] et M. [C] [SN].

Le comportement du salarié est ainsi établi.

* Le salarié aurait régulièrement tenu des propos désobligeants à l'égard de Mme [S] devant les autres salariés de l'entreprise tels que « apprends à te relire », « si tu es dyslexique c'est pas grave », « faut que tu saches t'organiser, tu n'as toujours pas fait' ».

Outre les affirmations précises de Mme [S] dans ses attestation et compte-rendu d'entretien qui confirment la réalité de ces propos, M. [U], ancien subordonné du salarié, indique que le salarié « dénigre et humilie ouvertement devant tous les collègues Mme [S] » (pièce E n°15).

Le fait est dès lors établi.

* Le salarié aurait surveillé de façon étroite Mme [S], en regardant en permanence par-dessus ses épaules, sur son écran d'ordinateur, à tel point qu'elle a été contrainte à plusieurs reprises de devoir se déplacer pour aller occuper un autre poste de travail et ainsi tenter de limiter autant que faire que se peut le stress généré par son attitude.

En sus du témoignage de Mme [S], M. [A], project sales manager (pièce E n°17) atteste que fin octobre 2017, Mme [S] qui travaillait à 50% pour le département PRO-AV et à 50% pour le département CCVE, venait occasionnellement s'installer dans le département CCVE afin de travailler sur les dossiers mais aussi afin de se soulager de la pression qu'elle pouvait avoir dans le département PRO-AV. Il précise que « lors des changements occasionnels de localisation sur le plateau, [il a] pu constater le mécontentement de M. [E] qui s'est traduit par des déplacements réguliers et inhabituels à la photocopieuse, qui se trouve dans le dos du bureau occasionnel de Melle [S] »

Les témoignages concordants des deux salariés permettent de caractériser la réalité du comportement du salarié à l'égard de Mme [S].

* Le salarié aurait formulé auprès de Mme [S] des demandes inappropriées et adopté un ton directif à son égard.

A titre d'exemple, en octobre 2017, le salarié aurait demandé à Mme [S] de préparer des posters à l'attention de partenaires revendeurs ou loueurs que le salarié devait aller visiter, tâches ne relevant pas du niveau de responsabilité de la salariée.

Le témoignage de Mme [S] sur ce point est confirmé par M. [U] (pièce E n°15 dans laquelle il évoque le fait que Mme [S] « se fait apostropher par M. [E] pour une tâche subalterne (envoi de posters) qui aurait pu être assurée par tous. Cette volonté claire d'humiliation (') ») et par M. [A] (pièce E n°17 déjà citée).

Pour autre exemple, le 27 octobre 2017, le salarié aurait adressé pas moins de 10 demandes différentes à Mme [S] en l'espace de deux heures (13h47 / 16h53).

* Le comportement du salarié aurait conduit Mme [S] à régulièrement pleurer sur le lieu de travail, ce dont attestent M. [U] (pièce E n°15), Mme [J] (pièce E n°21) et Mme [L] (pièce E n°25).

Ce fait est établi.

* Le salarié aurait ensuite mis à l'écart Mme [S] : à titre d'exemple, avec Mme [X], il l'aurait quasiment ignorée lors d'une réunion de service le 31 octobre 2017.

Le salarié fait valoir que la lettre de licenciement comporte des incohérences dans la mesure où la salariée a été reçue en entretien par la DRH le 27 octobre 2017 de sorte qu'elle n'a pu témoigner de faits qui se seraient déroulés le 31 octobre 2017.

Toutefois, il ressort du compte-rendu d'entretien de Mme [S] qu'elle a été reçue les 27 et 31 octobre 2017 (pièce E n°9).

* Le salarié n'aurait pas réagi lors des emportements colériques de Mme [X] à l'encontre de Mme [S].

Mme [L] (pièce E n°24) confirme que les 25 et 26 octobre 2017, Mme [S] lui a fait part de l'attitude directive de Mme [X] avec elle concernant un déplacement à [Localité 6] qu'elle devait gérer et que cette dernière avait refusé de répondre à ses questions pour une demande la concernant.

Elle précise que Mme [X] « jouissait d'une espèce de caution de la part de M. [E], ce qui peut expliquer le comportement de Mme [X] ».

Le témoignage de Mme [L] permet de confirmer les faits relatés par Mme [S].

Le fait est établi.

Ainsi, sont établis l'interpellation « tu te fous de moi » en août 2017 à l'égard de Mme [S], l'interdiction pour cette dernière de communiquer avec M. [C] [SN], les propos désobligeants tenus à son encontre, sa surveillance étroite, des demandes inappropriées et le ton directif du salarié en octobre 2017, les pleurs de Mme [S] sur le lieu de travail, la mise à l'écart et le fait que le salarié n'est pas intervenu lors de comportements colériques de Mme [X] à l'égard de Mme [S].

Le salarié réplique que les demandes qu'il a formulées en octobre 2017 auprès de la salariée s'expliquent par le fait qu'il venait de terminer la remise d'un appel d'offres important et qu'il a dû solliciter l'aide de Mme [S] pour répondre à des demandes. Il conteste le fait qu'elles constituent des faits de harcèlement moral.

Il n'apporte toutefois aucun élément au soutien de ses affirmations et le comportement qu'il a adopté à l'égard de Mme [S], qui excède les pouvoirs de direction qui lui sont reconnus en sa qualité de supérieur hiérarchique, présente les caractéristiques de faits répétés de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à sa dignité.

En second lieu, l'employeur évoque un comportement général du salarié vis-à-vis des autres collaborateurs consistant à les mettre à l'écart, à les dénigrer, à les déstabiliser et tenir des propos inappropriés voire insultants à leur égard, comportement constitutif de harcèlement moral.

Il vise les cas de MM [U], [Y], [C] [SN], [J] et [B] dont les attestations et comptes-rendus d'entretiens sont versés au débat.

Ainsi, M. [C] [SN] (pièces E n°11 et 12) indique avoir "subi de la part de M. [E] des agissements indésirables ainsi que des mensonges" à partir d'avril 2016 qui se sont traduits par des courriels adressés à la hiérarchie critiquant son implication et sa contribution dans le service tout en manipulant la vérité et par le fait qu'après avoir quitté son équipe, il est tout de même resté sa cible en étant critiqué ouvertement et violemment dans l'open space devant les autres salariés de façon quasi quotidienne.

Il précise que le salarié lui a interdit de parler aux autres salariés et a interdit à d'autres salariés de lui parler.

Il ajoute enfin qu'il a été victime d'un accident cardiaque que le salarié a attribué au fait qu'il était trop impliqué dans sa passion pour la photographie au détriment de son travail et a critiqué son manque d'implication dans son travail.

M. [U] (pièces E n°14 et 15) fait valoir qu'il a fait l'objet d'un dénigrement et d'une déstabilisation à partir d'avril 2013, que le salarié avait donné l'ordre à l'équipe Sécurité (4 responsables commerciaux) dont il était le responsable hiérarchique de ne plus lui parler, que seul M. [I] est passé outre et a continué de lui parler, que le salarié a harcelé toutes les personnes sorties de son autorité (passage sur des fonctions à dimension européenne), qu'il a envoyé des courriels aux hiérarchies Europe pour dénigrer les collaborateurs, que lui-même a été convoqué par M. [W] (responsable technique de l'Europe pour les systèmes) en raison d'un courriel du salarié dans lequel il indiquait que le service à Cardiff n'était pas à la hauteur et qu'il était d'accord avec lui et que le salarié a changé de comportement à son égard à partir de septembre 2014 lorsqu'il lui a proposé de décaler ses congés pour l'aider sur un évènement commercial.

M. [A] (pièces E n°16 et 17) confirme que le salarié a essayé d'exclure M. [U] de tout, que la communication orale s'est arrêtée et est devenue écrite et que les déjeuners d'équipe n'ont plus eu lieu. Il indique également que le salarié ne souhaitait pas que ses collaborateurs travaillent avec le département Panasonic Solutions.

M. [Y] (pièces E n°18 et 19) fait valoir que depuis avril 2016, Mme [X] et le salarié ne lui adressaient plus la parole et délaissaient les clients dont il devait développer la commercialisation, que le salarié a tout fait pour « dézinguer » M. [SN], qu'il a ensuite été la cible du salarié qui l'a progressivement mis à l'écart des projets concernant l'équipe et qu'il a adressé de nombreux courriels et SMS de sa part et de la part de Mme [X] à M. [P] pour critiquer sa contribution. Il indique également qu'il a changé de poste au sein du groupe pour ne plus être sous ses ordres, mais que le salarié persistait à garder des informations pour lui et à ne pas le tenir au courant des informations chez le client et que le comportement désagréable de Mme [X] a probablement pour origine le comportement du salarié et de M. [H].

Mme [J] (pièces E n°20 et 21) indique que lors d'un appel d'offres pour le compte de la SNCF, elle a travaillé en binôme avec le salarié : que celui-ci était en charge de la partie technique et qu'elle était pour sa part chargée de la partie commerciale et que doutant de la qualité du travail de Panasonic Solutions, il a fourni les éléments de réponse des caméras Panasonic au candidat Themys et a ainsi soutenu le candidat Themys. Elle ajoute qu'en janvier 2016, lorsqu'elle a sollicité l'aide du salarié sur une question de la SNCF, le salarié ne lui a pas répondu, que depuis, le salarié ne lui adresse plus la parole, ne la salue plus, que Themys a remporté l'appel d'offres avec du matériel Bosch, qu'elle a appris de M. [U] que le salarié avait le même comportement avec d'autres salariés, qu'avec le départ du salarié du département CCVE au département Pro AV, le problème s'est déplacé sur M. [Y].

Mme [B] (pièces E n°22 et 23) indique avoir travaillé sous la supervision du salarié à compter de septembre 2010 et qu'elle a connu des difficultés relationnelles avec lui en raison de son management directif et sans confiance et avoir appris que d'autres salariés avaient vécu une expérience similaire.

Mme [L] (pièces E n°24 et 25), qui soutient avoir vu Mme [S] en pleurs à deux reprises en raison du comportement que Mme [X] à son égard, déplore que le salarié ait cautionné l'attitude de Mme [X].

Le salarié réplique que M. [U] était incompétent, raison pour laquelle son licenciement avait été envisagé par la DRH et était manipulateur ; que M. [Y] a quitté ses fonctions en raison de sa charge de travail et était régulièrement destinataire de ses rapports hebdomadaires d'activité ; que M. [C] [SN] a été muté en raison de son insuffisance professionnelle ; que M. [H], son prédécesseur à son poste, indique avoir lui-même rencontré des difficultés avec MM [Y] et [C] [SN] qui ont été mutés en raison de leur manque de collaboration d'où leur rancoeur à l'égard du salarié.

Il fait valoir qu'il n'était plus au département CCTV lorsque Mme [J] a sollicité son aide pour le dossier SNCF et qu'il a travaillé avec Mme [M] responsable du dossier EDF et non M. [A].

Il conteste la déstabilisation et les propos inappropriés et insultants à l'égard de ces salariés qui ne sont pas établis par des éléments probants.

Enfin, il fait valoir que durant l'enquête de trois jours ouvrés, l'employeur a interrogé des salariés dont certains ont travaillé avec lui en 2013/2014 ou évoquent des faits de 2009/2010 ; que ni lui-même, ni son assistante, ni Mme [X] n'ont été entendus lors de l'enquête ; que le seul collaborateur reçu a dû procéder à une rectification du compte-rendu d'entretien rédigé par la DRH; que M. [G], salarié de Panasonic Europe, M. [T] et Mme [R], collaborateurs attestent de son comportement professionnel et bienveillant ; qu'il a bénéficié d'un Feedback manager positif en octobre 2017 et d'un bon entretien d'évaluation en mai 2017.

Toutefois, ces éléments ne sont pas de nature à remettre en cause les témoignages concordants et précis de 7 salariés.

Les faits reprochés au salarié justifiaient son éviction immédiate de l'entreprise et donc, son licenciement pour faute grave.

Infirmant le jugement, la cour dit le licenciement du salarié justifié par une faute grave.

Dès lors, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement des sommes de 24 645,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 2 464,56 euros à titre de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis, 20 538,02 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 2 508,56 euros à titre de salaire pendant la mise à pied, 250,85 euros à titre de congés payés sur le salaire pendant la mise à pied, 73 936 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a ordonné à la société Panasonic Marketing Europe de rembourser à Pôle emploi Centre Val de Loire la somme de 3 500 euros et la remise des documents sociaux rectifiés à compter de la notification du jugement sans astreinte.

Les demandes du salarié seront ainsi rejetées.

Sur le rappel de rémunération variable :

Le salarié sollicite la somme de 1 022,50 euros bruts à titre de rappel de bonus pour l'année 2017 au prorata temporis de son temps de présence en 2017.

Il soutient avoir perçu des bonus pour les années 2014 à 2016 avec une moyenne de 15 486 euros bruts pour ces trois années, avoir parfaitement rempli sa fonction en 2017 ce que l'employeur ne conteste pas et ne pas avoir reçu d'objectifs en 2017 pour l'année 2017.

L'employeur conteste la demande du salarié, arguant que ses objectifs ont été fixés pour l'année 2017 et qu'il a perçu le bonus afférent dû.

Il n'est pas contesté que l'exercice fiscal de la société débutait au mois d'avril de l'année N et se terminait au mois de mars de l'année N+1 et que le bonus était calculé sur la période de l'exercice fiscal.

Les documents relatifs à la "politique générale pour les managers et les niveaux hiérarchiques supérieurs - sociétés région Europe de l'Ouest" pour les années fiscales 2016 et 2017 (pièces E n°27 et 28) établissent que la base du bonus correspondait à 15% du salaire annuel de base (salaire mensuel brut de l'année fiscale en cours * nombre de paiement par année) et que le bonus était calculé pour les postes ventes et marketing comme suit : 80% = objectifs de l'entreprise et 20 % = objectifs individuels.

Ainsi, pour la période d'avril 2016 à mars 2017, il n'est pas contesté que le salaire annuel de base correspondait à la somme de 76 233,56 euros, que dès lors le salarié pouvait prétendre à un bonus correspondant à 15% de la somme précitée soit 11 435,03 euros et qu'il a perçu en juin 2017 la somme de 18 553,13 euros en raison du dépassement des objectifs collectifs.

Pour la période d'avril 2017 à mai 2018, il n'est pas contesté que si le salarié n'avait pas été licencié le 16 novembre 2017, le salaire annuel de base aurait dû correspondre à la somme de 78 520,65 euros, que dès lors, le salarié aurait pu prétendre à un bonus de 11 778,10 euros réparti comme suit : 9 422,48 euros au titre des objectifs collectifs et 2 355,62 euros au titre des objectifs individuels.

Toutefois, en application des règles relatives au bonus issues de la politique générale pour les managers et les niveaux hiérarchiques supérieurs - sociétés région Europe de l'Ouest, le salarié devait percevoir son bonus au prorata de son temps de présence.

Aussi, il n'est pas contesté que la part collective du bonus proratisé calculée à l'issue de l'année fiscale 2017/2018 s'élevait à la somme de 1 030,58 euros bruts et la part individuelle du bonus à 1 374,11 euros bruts.

Il est établi que le montant de la part individuelle du bonus a été versé lors du solde de tout compte et le montant de la part collective versé en exécution du jugement entrepris.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur au versement de la somme de 1 030,58 euros bruts à titre de rappel de bonus pour l'année 2017 outre les congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la demande par la société Panasonic Marketing Europe soit le 30 janvier 2018.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Succombant en cause d'appel, M. [E] sera condamné aux dépens.

Il conviendra de dire n'y avoir lieu de faire application à son encontre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a accordé la somme de 1 200 euros au salarié sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance.

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

INFIRME partiellement le jugement,

Statuant à nouveau,

DIT le licenciement pour faute grave de M. [E] justifié,

DÉBOUTE M. [E] de ses demandes relatives aux indemnités de rupture, aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, aux rappels de salaires au titre de la mise à pied à titre conservatoire, au remboursement des indemnités chômage et à la remise des documents sociaux rectifiés,

CONFIRME pour le surplus le jugement,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

DÉBOUTE M. [E] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en cause d'appel,

DIT n'y avoir lieu de condamner M. [E] à payer à la société Panasonic Marketing Europe GMBH une indemnité le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [E] aux dépens.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Clotilde Maugendre, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 20/00105
Date de la décision : 07/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-07;20.00105 ?
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