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15/07/2022 | FRANCE | N°21/01461

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 15 juillet 2022, 21/01461


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 57B



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 15 JUILLET 2022



N° RG 21/01461 - N° Portalis DBV3-V-B7F-ULOD





AFFAIRE :



[L] [M]

...



C/



S.A. PROFINA

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Juillet 2017 par le Tribunal de Commerce de Nanterre

N° Chambre : 6

N° RG : 2012F02256



Expéditio

ns exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Banna NDAO



Me Stéphanie CHANOIR



Me Isabelle DELORME- MUNIGLIA





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUINZE JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de VERSAILLES,...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 57B

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 JUILLET 2022

N° RG 21/01461 - N° Portalis DBV3-V-B7F-ULOD

AFFAIRE :

[L] [M]

...

C/

S.A. PROFINA

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Juillet 2017 par le Tribunal de Commerce de Nanterre

N° Chambre : 6

N° RG : 2012F02256

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Banna NDAO

Me Stéphanie CHANOIR

Me Isabelle DELORME- MUNIGLIA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDEURS devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 3 février 2021 cassant et annulant l'arrêt rendu par la 12ème chambre de la cour d'appel de Versailles le 16 octobre 2018

Monsieur [L] [M]

né le 10 Octobre 1962 à [Localité 14] (94)

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 9]

Madame [F] [H] épouse [M]

née le 17 Décembre 1969 à [Localité 10] (32)

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 9]

Monsieur [J] [U]

né le 26 Juin 1956 à [Localité 13]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 8]

Madame [I] [G] épouse [U]

née le 20 Décembre 1952 à [Localité 12] (46)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 8]

S.A.R.L. J P F INVEST

Immatriculée au RCS de Paris sous le n° 403 280 282

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentés par Me Banna NDAO, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 667 - N° du dossier 21/022 et par Me Marion LAMBERT-BARRET de la SELARL ALDEBARAN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : H01

****************

DEFENDERESSES DEVANT LA COUR DE RENVOI

S.A. PROFINA

Immatriculée au RCS de Paris sous le n° 393 994 074

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Stéphanie CHANOIR, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 667 et par Me Sébastien DUFAY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0265

S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES venant aux droits de la SA COVEA RISKS

Immatriculée au RCS du Mans sous le n° 775 652 126

[Adresse 2]

[Localité 7]

S.A. MMA IARD venant aux droits de la SA COVEA RISKS

Immatriculée au RCS du Mans sous le n° 440 048 882

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentées par Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 - N° du dossier 021572 et Me Julia KALFON substituant à l'audience Me Philippe GLASER de la SELAS VALSAMIDIS AMSALLEM JONATH FLAICHER et ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Avril 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François THOMAS, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSE DU LITIGE

La société Profina a pour activité la mise en place de programmes d'investissements outre-mer, dans le cadre des dispositions fiscales spécifiques à ces territoires et départements.

Elle a souscrit une police d'assurance responsabilité civile professionnelle auprès de la société Covea Risks, aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA Iard et MMA Assurances Mutuelles (les sociétés MMA).

Elle a constitué la société Sirius 22 laquelle, gérée par la société Cofag, filiale de la société Profina, a payé le 12 avril 2007 à la société Car import l'acquisition de deux pelles hydrauliques devant être louées à une société Tachi Baka pour l'exploitation du minerai d'or.

Dans le cadre d'une opération de défiscalisation, qui avait été conçue et leur avait été présentée par la société Profina, M. et Mme [U], par le biais d'une société JPF Invest, et M. et Mme [M] ont, respectivement les 25 avril et 3 mai 2007, acquis des parts sociales de la société Sirius 22. Ils ont ensuite imputé sur le montant de leur impôt sur le revenu de l'année 2007 des réductions d'impôt du fait de ces investissements.

En octobre 2010, l'administration fiscale a remis en cause ces réductions d'impôt, en raison de la fictivité de l'opération. Elle a adressé aux consorts [U] et [M] une rectification des réductions d'impôt imputées sur leurs revenus personnels de 2007, de 85.337 € pour les premiers et de 119.556 € pour les seconds.

Les 12 août et 15 novembre 2011, les consorts [U] et [M] se sont acquittés du paiement des sommes dues au titre du redressement fiscal, soit respectivement 85.336 € et 119.556 €.

La société Sirius 22 représentant les investisseurs a déposé plainte devant le procureur de la République de Fort de France et s'est constituée partie civile le 18 juin 2012 devant le juge d'instruction saisi des chefs d'escroquerie, de faux et usage de faux en relation avec les opérations de vente et de location des engins.

Par acte des 6 et 8 juin 2012, les consorts [M], [U] et la société JPF Invest ont assigné la société Profina et son assureur, la société Covea Risks, aux droits de laquelle sont venues les sociétés MMA devant le tribunal de commerce de Nanterre en indemnisation d'un préjudice correspondant aux suppléments d'impôt sur le revenu et aux intérêts de retard et majorations mis à leur charge.

Par jugement du 28 juillet 2017, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- Dit que les sociétés MMA ont la qualité de parties à l'instance comme successeurs dans les droits et obligations de la société Covea Risks ;

- Dit recevable mais mal fondée la demande de maintien du sursis à statuer soulevée par les société MMA et les en a déboutées ;

- Ordonné la remise au rôle de l'instance ;

- Dit que la société Profina n'a pas commis de faute susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard de MM. [M] et [U], et de la société JPF Invest ;

- Débouté MM. [M] et [U], et la société JPF Invest de toutes leurs demandes à l'encontre de la société Profina et des assureurs MMA ;

- Dit n'y avoir à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement ;

- Condamné in solidum MM. [M] et [U], et la société JPF Invest aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 11 octobre 2017, les consorts [M], [U] et la société JPF Invest ont interjeté appel du jugement.

Par arrêt rendu le 16 octobre 2018, la cour d'appel de Versailles a :

-Infirmé le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

- Dit que la société Profina à manqué à son obligation de conseil, d'information et de suivi des investissements ;

- Condamné in solidum la société Profina et les sociétés MMA à payer, en franchise de garantie pour la société Profina :

/ aux époux [M] la somme de 119.556 € ;

/ aux époux [U] et à la société JPF Invest, la somme de 85.336 € ;

- Condamné in solidum la société Profina et les sociétés MMA aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

- Condamné in solidum la société Profina et les sociétés MMA à payer au titre des frais irrépétibles la somme de 3.000 € aux époux [M] et aux époux [U] et à leur société JPF Invest ;

- Débouté les parties de leurs demandes contraires ou plus amples.

Par arrêt du 3 février 2021, la Cour de cassation a cassé l'arrêt du 16 octobre 2018 et renvoyé les parties devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

Vu la déclaration de saisine du 4 mars 2021 par MM. [M], [U] et la société JPF Invest.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 16 août 2021, les consorts [M], [U] et la société JPF Invest demandent à la cour de :

- Infirmer le jugement, et statuant à nouveau ;

- Constater que la société Profina a commis des négligences et erreurs dans le cadre de son activité concernant les investissements faits dans la société Sirius 22, en s'abstenant de s'assurer de la réalité de l'acquisition et de la mise en location des matériels objets de l'investissement, pendant plus de trois ans ;

- Constater que les manquements de la société Profina ont eu pour conséquence:

/ de priver M. et Mme [M] et M. et Mme [U] de la possibilité d'investir dans une alternative leur permettant de prétendre à un crédit d'impôt équivalent ;

/ de faire réaliser par les époux [M] et [U] un investissement en pure perte ;

/ de faire perdre la chance de bénéficier d'un avantage fiscal, cette perte s'étant matérialisée par une reprise des réductions fiscales par l'administration fiscale, avec la mise en recouvrement d'une somme de 119.556 € à la charge des époux [M] et d'une somme de 85.336 € à la charge des époux [U], ces sommes comprenant des majorations et intérêts de retard ;

En conséquence,

- Dire et juger que la société Profina a engagé sa responsabilité civile professionnelle vis-à-vis de M. [M], Mme [M], M. [U], Mme [U] et la société JPF Invest, ouvrant droit au profit de ceux-ci à réparation de leur préjudice ;

- Condamner solidairement la société Profina et les sociétés MMA, venant aux droits de la société Covea Risks, assureur, à payer aux époux [M] la somme de 117.739 €, décomposée comme suit :

- Investissement en pure perte : 77.493 € ;

- Perte de chance avantage fiscal : 19.516 € ;

- Quote-part majoration et intérêts : 16.730 € ;

- Préjudice moral : 4.000 € ;

- Condamner solidairement la société Profina et les sociétés MMA, venant aux droits de la société Covea Risks, assureur, aux époux [U] et la société JPF Invest, la somme de 85.212 €, décomposée comme suit :

- Investissement en pure perte: 55.428 €

- Perte de chance avantage fiscal: 13.959 €

- Quote-part majoration et intérêts : 11.825 €

- Préjudice moral : 4.000 €

En tout état de cause,

- Débouter tous contestants aux présentes de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions ;

- Condamner solidairement la société Profina et les sociétés MMA à payer à M. [M], Mme [M], M. [U], Mme [U] et la société JPF Invest la somme totale de 12.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner solidairement la société Profina et les sociétés MMA aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 30 juin 2021, les sociétés MMA demandent à la cour de :

A titre principal, sur l'absence de bien fondé des demandes des investisseurs,

- Constater que la société Profina n'a commis aucune faute à l'égard des Investisseurs ;

- Constater que le préjudice des Investisseurs n'est pas établi ;

- Constater que la garantie de responsabilité civile au titre du contrat d'assurance souscrit par la société Profina auprès des sociétés MMA ne s'applique pas ;

En conséquence,

- Rejeter l'intégralité des demandes formées à l'encontre des sociétés MMA ;

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre le 27 juillet 2018 ;

A titre subsidiaire, sur la garantie de responsabilité civile professionnelle :

- Juger que toute garantie de responsabilité civile au titre du contrat d'assurance souscrit par la société Profina auprès des sociétés MMA serait exclue, dans le cas où la cour devait relever une faute intentionnelle ou dolosive de la société ou un manquement à une obligation de résultat de la société Profina ;

- Juger que les sociétés MMA assurent la responsabilité civile professionnelle de la société Profina dans la limite globale de la somme de 2.000.000 € dans le cadre du sinistre sériel résulté de la souscription à l'opération Sirius 22 qu'elle a montée, et ce, après déduction du montant des règlements qui auraient pu être effectués par les sociétés MMA au titre des autres réclamations répondant du même sinistre, au sens contractuel, intervenues au jour de ladite condamnation ;

- Constater qu'une franchise d'un montant de 22.000 € par sinistre est stipulée dans le contrat d'assurance souscrit par la société Profina au profit de la compagnie Covea Risks aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA et que cette franchise s'applique par sinistre ;

En tout état de cause,

- Condamner les époux [M], [U] et la société JP Invest à payer aux sociétés MMA, la somme de 15.000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner les époux [M], [U] et la société JP Invest aux entiers dépens de l'instance.

Par dernières conclusions notifiées le 1er juillet 2021, la société Profina demande à la cour de :

- Recevoir la société Profina en son argumentation et ses prétentions ;

Y faisant droit,

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 28 juillet 2017 dans toutes ses dispositions ;

- Dire et juger que la société Profina n'a commis aucune faute engageant sa responsabilité à l'égard des investisseurs associés de la SNC Sirius 22 ;

Cependant, dans l'hypothèse où la responsabilité de la société Profina serait retenue et qu'elle se trouverait condamnée au profit des demandeurs,

- Condamner solidairement les sociétés MMA à garantir la société Profina de l'intégralité des suites de la présente action, et à ce titre de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, de telle sorte qu'elles ne subissent la moindre conséquence contraire à leurs intérêts du jugement à intervenir ;

- A tout le moins, dire et juger que le montant de la franchise, soit 22.000 €, qui doit être déduite du montant de l'indemnisation mise à la charge de la société MMA IARD, s'impute sur l'ensemble des dommages consécutifs aux opérations d'investissement aux fins de réduction fiscale, réalisées sur Sirius 22, et non sur chaque demande formée par chacun des associés de cette SNC ;

En toutes hypothèses,

- Débouter les époux [M], [U], la société JPF Invest et la société MMA IARD de toutes autres ou prétentions à venir dirigées contre la société Profina ;

- Condamner, celle(s) de ces parties qui succombera dans ses prétentions, à payer à la société Profina, la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 septembre 2021.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

La cour relève que le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a dit que les sociétés MMA ont la qualité de parties à l'instance comme successeurs dans les droits et obligations de la société Covea Risks, dit recevable mais mal fondée la demande de maintien du sursis à statuer soulevée par les société MMA et les en a déboutées, et ordonné la remise au rôle de l'instance.

Sur l'arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation, saisie d'un pourvoi par les sociétés MMA, a rappelé que le paiement de l'impôt mis à la charge d'un contribuable à la suite d'une rectification fiscale ne constitue pas un dommage indemnisable, sauf s'il est établi que, dûment informé ou dûment conseillé, il n'aurait pas été exposé au paiement de l'impôt rappelé ou aurait acquitté un impôt moindre.

Elle a sanctionné la cour d'appel qui, pour condamner les sociétés Profina et MMA à payer aux consorts [M], [U] et JPF Invest les montants correspondant aux suppléments d'impôt sur le revenu et intérêts et majorations de retard, a déduit des manquements à l'information et au conseil de la société Profina que les investisseurs ont été trompés sur la réalité des achats et locations de matériels conditionnant la réduction d'impôt et sur l'appréciation qu'ils devaient pouvoir faire entre la date à laquelle ils participaient à l'investissement et celle à laquelle ils pouvaient déclarer le crédit d'impôt, la cour d'appel en déduisant l'existence d'un lien direct entre les manquements et la rectification fiscale en étant résulté.

La Cour de cassation a indiqué que la cour d'appel aurait dû rechercher si les investisseurs disposaient d'une solution alternative leur permettant d'échapper au paiement de l'impôt supplémentaire mis à leur charge à la suite de la rectification fiscale et pour laquelle, dûment informés ou dûment conseillés, ils auraient nécessairement opté.

Sur les manquements contractuels de la société Profina

Les appelants soutiennent que le dossier de présentation de l'opération permet d'identifier les obligations de la société Profina, qui y revendique assurer un suivi très strict des investissements et indique contrôler le bon déroulement des opérations de location, qui conditionnent le bénéfice de la réduction fiscale. Ils exposent qu'après avoir fait état d'un risque fiscal, la société Profina présente les mesures pour s'en prémunir, de sorte que l'investisseur croit la réduction fiscale acquise, et que la société Profina est tenue par une obligation de résultat.

Ils font état de l'ensemble contractuel et des manquements de la société Profina à leur égard et à celui de la société Sirius 22, dans le suivi des opérations et la surveillance de leur effectivité, et relèvent que la société Profina n'a accompli au cours des exercices aucune diligence pour le contrôle et le suivi des investissements. Ils soulignent que la société Profina ne conteste pas ces fautes, et que la cassation ne porte pas sur l'analyse des fautes de la société Profina par la cour d'appel dans son arrêt du 16 octobre 2018.

La société Profina soutient n'avoir commis aucune faute, ayant respecté ses obligations tant dans le montage de l'opération que dans sa mise en oeuvre, et ne disposant d'aucun élément révélant les pratiques frauduleuses mises en oeuvre. Elle conteste l'existence d'une obligation à sa charge d'informer les associés sur les risques d'une escroquerie, ou d'insolvabilité.

Les sociétés MMA indiquent que la société Profina n'est intervenue qu'en tant que monteur de l'opération, pour laquelle elle n'est tenue à aucune obligation de résultat, et que les défaillances des autres intervenants de l'opération ne peuvent être mises à sa charge. Elles ajoutent que la société Profina a rempli ses obligations, l'opération de défiscalisation étant de nature à satisfaire l'objectif fiscal des investisseurs. Elles soulignent que les risques de l'opération étaient identifiés, que la société Profina avait pris des mesures adéquates pour se prémunir du risque fiscal, et qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir prévu la fraude, l'agissement frauduleux ne pouvant être soupçonné lors de la conception de l'opération. Elles affirment que la fraude a été décelée lors d'une instruction pénale, et que la société Profina n'avait pas la faculté ou les moyens de la détecter.

Elles rappellent les diligences effectuées par la société Profina afin de s'assurer de la réalité de la vente, et avancent qu'elle n'était pas tenue d'informer les clients sur les risques de l'opération, de sorte qu'elle n'a commis aucune faute et que sa responsabilité ne peut être engagée.

***

L'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, prévoit notamment la possibilité, pour les contribuables domiciliés en France, de bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements et territoires d'outre-mer, dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle. La réduction d'impôt est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé.

Dans son dossier commercial "SNC Sirius 22", la société Profina se présente comme "spécialisée dans la sélection et le financement d'investissements productifs dans les DOM-TOM, investissements bénéficiant des dispositions de l'article 199 Undecis B du CGI", et revendique assurer "par le biais de sa filiale COFAG, un suivi très strict des investissements".

Dans ce document la société Profina fait état à plusieurs reprises du contrôle, du filtrage, des vérifications effectuées par ses équipes, lors du montage et du suivi de l'opération. Elle expose notamment les mesures qu'elle a prises pour se prémunir du risque existant en cas d'absence d'exploitation des biens achetés pendant une durée de cinq années, qui contraindrait les investisseurs à réintégrer les avantages fiscaux perçus lors de l'opération : ainsi fait-elle état d'une forte sélectivité des dossiers, d'un suivi attentif pendant cinq ans ("COFAG assure la continuité de l'investissement"), d'une mutualisation du risque. Elle en déduit que ces mesures lui ont permis de ne réintégrer que 0,1% des avantages fiscaux, de sorte que l'investisseur comprend que l'obtention de la réduction fiscale est acquise à 99,9%.

Il se déduit aussi de ce document que la société Profina a revendiqué assurer un contrôle lors du suivi de l'opération, même si ce suivi est assuré par la COFAG, sa filiale.

Par ailleurs, les bulletins de réservation souscrits par la société JPF Invest d'une part, M. [M] d'autre part, par lesquels ils se sont engagés à verser leur souscription dans l'opération Sirius 22 à la société Profina, ont été notamment pris à la condition suspensive de la "livraison des investissements avant le 31 décembre 2007, sauf dérogation expresse de la Direction Générale des Impôts".

Ainsi, la livraison des investissements, dont dépend l'obtention de la réduction d'impôt, était aussi une condition d'obtention par la société Profina de l'accord des investisseurs.

Il lui revenait donc de s'assurer de la réalisation effective de l'acquisition des matériels, et les sociétés MMA ne peuvent faire état des pièces versées par les appelants, soit :

- une facture du 12 avril 2007 de la société Car Import à la société Sirius 22 portant sur la vente de deux pelles mécaniques,

- un procès-verbal du 12 avril 2007 de prise en charge du matériel par la société Tachi Baka,

- un contrat de location du 12 avril 2007 entre les sociétés Sirius 22 et Tachi Baka, portant sur ces pelles mécaniques,

pour en déduire que la société Profina avait reçu l'assurance que les matériels avaient été livrés, et qu'elle a pris les mesures nécessaires pour s'assurer de l'effectivité des investissements qui devaient être réalisés au cours de l'année 2007.

Ces seules pièces paraissent insuffisantes à établir que la société Profina a cherché à garantir la réalisation effective des investissements avant la fin de l'année 2007, et à s'assurer du maintien, pendant la durée de la location, de l'exploitation du bien, ce qui était une condition pour que la réduction fiscale reste acquise.

En outre, les courriers de l'administration fiscale adressés les 14 et 29 octobre 2010 aux consorts [U] et [M] établissent que le matériel n'a été ni acheté ni livré par la société Car Import à la société Sirius 22, la fictivité de la facture ayant été confirmée par le gérant de la société Car Import.

Il ressort du dossier commercial de présentation de la SNC Sirius 22 que la société Profina a sélectionné le locataire -Tachi Baka-, l'investissement - les deux pelles hydrauliques sur chenilles-, de sorte qu'elle a choisi cet investissement et cette société, et devait s'assurer de l'effectivité de la location pendant cinq années, ce qui ne peut être le cas puisque l'acquisition des deux pelles est fictive.

Ainsi la société Profina a sélectionné une société exploitante manifestement non fiable, ne s'est pas assurée de la livraison du matériel et de son exploitation, ce qui caractérise son manquement à ses obligations.

Le courrier adressé le 27 avril 2009 par la société Profina à M. [M], par lequel elle lui fournit une assistance pour remplir sa déclaration de revenus et faire figurer la réduction d'impôt sollicité, établit aussi que cette société était tenue à la bonne exécution des opérations de défiscalisation, et révèle par conséquent, au vu de la fictivité de l'opération, son manquement à ses obligations contractuelles.

En conséquence, la responsabilité de la société Profina sera retenue, et le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur le préjudice

Les appelants soutiennent qu'ils disposaient d'alternatives leur offrant des avantages fiscaux comparables à celui proposé par la société Profina, M. [M] s'étant vu proposer un investissement par le dispositif de la "loi Malraux" offrant un avantage fiscal comparable et, s'agissant des époux [U], d'autres alternatives existaient proposant des investissements au titre du dispositif "Girardin industriel" ou "Robien".

Ils relèvent que la réparation du préjudice est effectuée par certaines juridictions en considération de l'avantage fiscal escompté, d'autres retenant la notion d'investissements faits en pure perte, d'autres enfin panachant les solutions, les quantum retenus étant similaires.

Ils avancent que leur préjudice s'élève aux sommes payées au Trésor Public, qui sont la conséquence matérielle des fautes de la société Profina. Ils font état d'un préjudice moral incontestable et détaillent leur montant total.

La société Profina affirme que dans le cadre d'un dispositif Girardin les versements en comptes courants au profit d'une SNC sont réalisés à fonds perdus, et que les investisseurs doivent supporter le coût de leur investissement quand il est effectué dans le cadre d'une opération de réduction fiscale. Elle écarte tout préjudice au titre du paiement d'intérêts de retard et de majoration suite à un redressement fiscal, et rejette toute compensation avec une perte de chance. Elle rappelle que le paiement de l'impôt à la suite d'une rectification fiscale ne constitue pas un dommage indemnisable, qu'il revient à l'investisseur de montrer qu'il avait une solution alternative pour échapper au paiement de l'impôt supplémentaire.

Les sociétés MMA soutiennent que la société Profina n'était tenue à aucune obligation de résultat, qu'il n'existe pas de lien de causalité entre la faute alléguée et les préjudices invoqués. Elles contestent tout préjudice correspondant aux intérêts de retard, ajoutent que la cour devra débouter les appelants de tout préjudice correspondant au montant de l'investissement qui, versé dans le cadre d'une opération de défiscalisation, l'est à fonds perdus. Elles s'opposent au préjudice découlant de la perte de l'avantage fiscal, un conseil en gestion de patrimoine n'étant tenu que des préjudices indemnisables, et ajoutent que le paiement de l'impôt par un investisseur ne constitue pas un dommage indemnisable sauf à démontrer qu'une solution alternative aurait existé. Elles indiquent que les investisseurs ne démontrent pas l'existence d'une telle alternative, que leur préjudice n'est pas établi, sollicitent subsidiairement que la perte de chance soit réduite à 80% de la rectification fiscale, et s'opposent à tout préjudice moral.

***

L'article 1147 ancien du code civil stipule que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Le paiement de l'impôt mis à la charge d'un contribuable à la suite d'une rectification fiscale ne constitue pas un dommage indemnisable, sauf lorsqu'il est établi que, dûment informé ou dûment conseillé, il n'aurait pas été exposé au paiement de l'impôt rappelé ou aurait acquitté un impôt moindre.

Il revient à la cour d'apprécier si les investisseurs disposaient d'une solution alternative leur permettant d'échapper au paiement de l'impôt supplémentaire mis à leur charge à la suite de la rectification fiscale.

Il a été précédemment établi que la société Profina a manqué à ses obligations dans le montage fiscal destiné à permettre aux époux [U] par le biais d'une société JPF Invest, et aux époux [M], d'obtenir une réduction fiscale, et que la remise en cause de cette réduction les a conduits à faire l'objet d'un redressement fiscal, ce qui caractérise le lien de causalité entre le manquement de la société Profina et le préjudice des appelants, soit la perte de la réduction.

Les appelants soutiennent que d'autres options d'investissements étaient disponibles en 2007 pour réaliser des investissements au bénéfice comparable.

Ils produisent un courrier adressé le 22 février 2007 à M. [M] portant sur un projet d'investissement en loi Malraux, laquelle porte notamment sur la rénovation d'immeubles anciens situés dans certaines zones (zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager), et permet sous certaines conditions à l'investisseur de déduire de ses revenus 100% du montant des travaux de rénovation. Ces deux projets d'investissement, portant sur des immeubles sis à [Localité 11], présentés à M. [M] plus de deux mois avant sa souscription à l'opération Sirius 22, auraient pu lui permettre de déduire le montant qu'il aurait investi dans ces projets, de son revenu global, étant précisé que les sommes investies étaient d'un montant assez proche du crédit d'impôt annoncé par la société Profina.

Il est en outre justifié qu'en 2007, était présent sur le marché le groupe StarInvest, "spécialisé dans la structuration et la distribution de projets d'investissement Outre-mer avec levier fiscal, en loi Girardin"; il en est de même de la société Ecofip, qui se décrit comme experte du montage d'opérations d'investissements en loi Girardin industriel, et était présente en 2007 en Guyane.

Aussi les appelants disposaient-ils à l'époque de solutions alternatives à l'offre Sirius 22 de la société Profina, leur permettant d'obtenir un avantage fiscal similaire.

S'agissant de l'indemnisation des époux [U] et de la société JPF Invest

Les consorts [U] et la société JPF Invest sollicitent la somme de 85.212 €, soit 55.428 € au titre de l'investissement en pure perte, 13.959 € au titre de la perte de chance de bénéficier d'un avantage fiscal, 11.825 € au titre de la quote-part majoration et intérêts, outre 4.000 € au titre de leur préjudice moral.

Le montant des investissements des consorts [U] via la société JPF Invest à hauteur de 55.428,70 € ressort du bulletin de réservation, ceux-ci demandant le versement de la somme de 55.428 € au titre de l'investissement en pure perte. En l'absence de tout avantage fiscal, l'investissement a été réalisé en pure perte, n'étant pas démontré que les parts de la société Sirius 22 aient une quelconque valeur, de sorte que les consorts [U] via la société JPF Invest sont fondés à solliciter la condamnation au remboursement de cet investissement.

Ils sont aussi fondés à solliciter l'indemnisation de leur perte de chance de n'avoir pu bénéficier d'une réduction de l'impôt correspondant à leurs investissements et qu'ils auraient pu réaliser sur d'autres produits de défiscalisation alors disponibles, dont l'existence a été démontrée.

Cette perte de chance sera évaluée à 80% de l'avantage fiscal escompté (la réduction d'impôt envisagée (72.877€) - investissement (55.428 €) = 17.449 soit 13.959 €.

S'agissant des pénalités et intérêts de retard, les consorts [U] et la société JPF Invest, qui se sont vus imposés des majorations de 6.972 € et des intérêts de retard de 7.809 €, demandent une indemnisation à ce titre à hauteur de 80%. Il y a lieu de tenir compte des intérêts et pénalités de retard qui, sans les manquements de la société Profina, n'auraient pas été supportés.

Le montant de la condamnation sera réduit à 80% de la somme réglée, comme le sollicitent les consorts [U] et la société JPF Invest, afin de tenir compte de l'avantage financier procuré par la conservation dans le patrimoine des contribuables du montant de l'impôt, de sorte que la condamnation à ce titre s'élèvera à 11.825 €.

Il ne sera pas fait droit à leur demande au titre du préjudice moral, faute de justification de cette demande.

S'agissant de l'indemnisation des époux [M]

Les consorts [M] sollicitent la somme de 117.739 €, soit 77.493 € au titre de l'investissement en pure perte, 19.156 € au titre de la perte de chance de bénéficier d'un avantage fiscal, 16.730 € au titre de la quote-part majoration et intérêts, et 4.000 € au titre de leur préjudice moral.

Le montant des investissements des consorts [M] à hauteur de 77.493 € ressort du bulletin de réservation, ils demandent le versement de cette somme au titre de leur investissement réalisé en pure perte. Comme précédemment, en l'absence de tout avantage fiscal et alors qu'il n'est pas démontré que les parts de la société Sirius 22 ont une quelconque valeur, ils sont légitimes à solliciter le remboursement de cet investissement.

De même sont-ils fondés, comme les époux [U] et alors qu'il existait d'autres produits de défiscalisation disponibles, à solliciter l'indemnisation de leur perte de chance de n'avoir pu bénéficier d'une réduction de l'impôt correspondant à leurs investissements, perte de chance évaluée à 80% de l'avantage fiscal escompté (la réduction d'impôt envisagée (101.888€) - investissement (77.493 €) = 24.395 soit 19.516 €.

S'agissant des pénalités et intérêts de retard, les consorts [M] se sont vus imposés des majorations de 9.864 € et des intérêts de retard de 11.048 €, il sera fait droit à leur demande tendant à une indemnisation à ce titre à hauteur de 80%, de sorte que la condamnation à ce titre s'élèvera à 16.730 €. Ils seront aussi déboutés de leur demande au titre du préjudice moral, faute de justifier de ce préjudice.

La société Profina sera condamnée au paiement de ces sommes.

Sur la condamnation solidaire des sociétés MMA

Les appelants sollicitent la condamnation de l'assureur de la société Profina sous réserve de l'application de la franchise, car la société Covea Risks était l'assureur de responsabilité civile professionnelle de la société Profina, et que les conditions sont réunies pour la prise en charge par l'assureur du dommage, les manquements par négligence de la société Profina entrant dans le champ d'application de la garantie. Ils ajoutent que le fait que la société Profina a reconnu avoir manqué à ses obligations ne constitue pas une fraude aux droits des assurances ni une cause d'exclusion de garantie.

La société Profina indique avoir déclaré le sinistre à son assurance et lui a demandé d'indemniser les investisseurs, n'étant pas contestable que MMA doit la garantir de toutes les conséquences de la présente action. Elle relève être souscripteur de la police, avoir la qualité d'assurée comme la Cofag, que son activité déclarée dans le contrat d'assurance est celle à l'origine du dommage. Elle souligne que lui est reprochée une suite d'erreurs, que les clauses d'exclusion ne peuvent recevoir application, et écarte toute faute intentionnelle ou dolosive de sa part. Elle rejette aussi l'argument de MMA quant à l'absence ou la disparition de l'aléa. Elle sollicite subsidiairement que la franchise, si elle était retenue, s'applique sur le cumul des sommes.

Les sociétés MMA soutiennent qu'en l'absence de responsabilité de la société Profina, la garantie ne peut qu'être écartée. En tout état de cause elles sollicitent l'exclusion de la garantie, si la cour retenait une faute intentionnelle ou dolosive de la société Profina, ou si celle-ci s'était engagée par une obligation de résultat. Elles sollicitent aussi l'application du plafond de garantie, et de leur franchise.

***

Le contrat de responsabilité civile professionnelle conclu entre Covea Risks et la société Profina prévoit notamment qu'il "garantit les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que l'assuré peut encourir en raison notamment des négligences, inexactitudes, erreurs de fait, de droit, retards ou omissions commis par lui, ses membres, ses agents, les préposés salariés ou non dans l'exercice de leurs activités et plus généralement par tous actes dommageables".

Au vu des manquements retenus à l'encontre de la société Profina, sa responsabilité est engagée. Par ailleurs, il n'est pas établi que cette société était tenue, à l'égard de ses clients, d'une obligation de résultat ou de performance commerciale à l'égard des investisseurs, susceptible de constituer une cause d'exclusion, ce d'autant que cette cause d'exclusion prévoit aussi que "les conséquences d'inexactitudes, erreurs de fait, de droit, retard, omissions, commis par l'assuré restent garanties", et qu'en l'espèce les manquements reprochés à la société Profina sont constitutifs d'omissions. De même le caractère intentionnel ou dolosif des faits reprochés à la société Profina déclenchant l'engagement de sa responsabilité n'est pas établi.

Les sociétés MMA ne démontrent pas davantage que les conditions d'application des clauses exonératoires seraient réunies, de sorte qu'elles seront condamnées solidairement avec la société Profina au titre des condamnations prononcées à son encontre.

Si le contrat d'assurance prévoit, au titre des "franchises par sinistre", une franchise de 22.000 € par sinistre au titre des opérations fiscales supérieures à 100.001 €, il convient de relever que le sinistre est, aux termes du contrat, "Tout dommage ou ensemble de dommages causés à autrui, engageant la responsabilité de l'assuré, résultant d'un fait dommageable et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations. Le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage. Un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique", conformément à l'article L124-1-1 du code des assurances.

En l'espèce le fait dommageable est identique, quand bien même les époux [M] d'un côté, les époux [U] et la société JPF Invest de l'autre, sollicitent des réparations qui leur sont propres, puisque leurs dommages respectifs ont la même cause.

Aussi, il convient de faire application de la franchise à l'ensemble de l'opération, et non à chacun des dommages subis par les époux [M] d'une part, les époux [U] et la société JPF Invest d'autre part.

Les sociétés MMA seront ainsi condamnées solidairement avec la société Profina, sous réserve de l'application de la franchise de 22.000 euros, pour moitié à chacun des investisseurs.

S'agissant du plafond de garantie, il ressort du contrat d'assurance Profina - Covea Risks qu'il prévoit, au titre des capitaux assurés, 2.000.000 € par sinistre et par an. Au vu de la définition du sinistre indiquée précédemment, l'ensemble des faits dommageables résultant de la même cause (souscription au produit de défiscalisation Sirius 22) est soumis à un plafond unique en application des dispositions précitées, de sorte qu' il convient de préciser que les sociétés MMA seront tenues dans la limite globale de 2.000.000 € au titre de la responsabilité civile professionnelle de la société Profina pour l'opération Sirius 22 et pour l'année 2007.

Les sociétés MMA seront condamnées à relever et garantir la société Profina dans les conditions fixées au dispositif.

Sur les autres demandes

La condamnation prononcée en première instance au titre des dépens sera réformée.

La société Profina et les sociétés MMA succombant au principal, elles seront condamnées au paiement des dépens d'instance et d'appel, ainsi qu'au versement aux appelants de la somme de 7.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement du 28 juillet 2017, sauf en ce qu'il a retenu la qualité de partie à l'instance des sociétés MMA, dit recevable mais mal fondée leur demande de maintien du sursis à statuer, et ordonné la remise au rôle de l'instance,

Statuant à nouveau :

Dit que la société Profina a engagé sa responsabilité à l'égard des consorts [M], [U] et de la société JPF Invest,

Condamne solidairement la société Profina et les sociétés MMA à payer aux consorts [M] la somme de 113.739 €, et aux consorts [U] et la société JPF Invest, la somme de 81.212 €,

Dit que la condamnation des sociétés MMA s'entend sous réserve de l'application de la franchise de 22.000 euros, pour moitié à chacun des investisseurs, et que les sociétés MMA sont en droit de faire application d'un plafond de garantie de 2.000.000 € au titre de la responsabilité civile professionnelle de la société Profina pour l'opération Sirius 22 et pour l'année 2007,

Condamne les sociétés MMA à relever et garantir la société Profina des condamnations prononcées à son encontre, sous réserve de la franchise et du plafond de garantie,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne in solidum les sociétés Profina et MMA à payer aux consorts [M], [U] et la société JPF Invest la somme totale de 7.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum les sociétés Profina et MMA aux entiers dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 21/01461
Date de la décision : 15/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-15;21.01461 ?
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