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07/07/2022 | FRANCE | N°22/00658

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16e chambre, 07 juillet 2022, 22/00658


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 78H



16e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 07 JUILLET 2022



N° RG 22/00658 - N° Portalis DBV3-V-B7G-U7LE



AFFAIRE :



[S] [H] divorcée [T]



C/



[R] [T]



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Janvier 2022 par le Juge de l'exécution de [Localité 8]

N° RG : 11-21-1110



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies
>délivrées le : 07.07.2022

à :



Me Jeanine HALIMI de la SELARL JEANINE HALIMI, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE



Me Elodie CHABRERIE, avocat au barreau de VERSAILLES







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEPT JUILLE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 78H

16e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 JUILLET 2022

N° RG 22/00658 - N° Portalis DBV3-V-B7G-U7LE

AFFAIRE :

[S] [H] divorcée [T]

C/

[R] [T]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Janvier 2022 par le Juge de l'exécution de [Localité 8]

N° RG : 11-21-1110

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 07.07.2022

à :

Me Jeanine HALIMI de la SELARL JEANINE HALIMI, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

Me Elodie CHABRERIE, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [S] [H] divorçée [T]

Née le [Date naissance 1] 1957 à Tunis (Tunisie)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 6]

En présence de Madame [S] [T] née [H]

Représentant : Me Jeanine HALIMI de la SELARL JEANINE HALIMI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 397

APPELANTE

****************

Monsieur [R] [T]

né le [Date naissance 2] 1960 à Casablanca (Maroc)

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 4]

En présence de Monsieur [K]

Représentant : Me Elodie CHABRERIE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 501

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Juin 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

EXPOSÉ DU LITIGE

Par jugement du juge aux affaires familiales de [Localité 7] rendu le 13 septembre 2007, le divorce de Mme [H] et M. [T] a été prononcé, des dispositions étant prises pour assurer la contribution alimentaire aux frais d'entretien des enfants communs, et une prestation compensatoire fixée en capital au profit de Mme [H]. De nombreuses procédures ont opposé les parties depuis le prononcé du divorce, sur ces deux derniers chefs de condamnation.

En dernier lieu, Mme [H] a obtenu la saisie des rémunérations de M. [T] en exécution du jugement de divorce, concernant la prise en charge des frais d'études supérieures des enfants. (Dans le cadre de cette procédure, Mme [H] a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de l'arrêt rendu par la 16ème chambre de la cour d'appel de Versailles le 13 janvier 2022).

Par requête du 11 septembre 2020, Mme [H] a sollicité distinctement la saisie des rémunérations de M. [T] pour avoir paiement du solde restant dû sur la prestation compensatoire prévue par le jugement de divorce du 13 septembre 2007, laquelle a été mise en place par voie d'intervention constatée par ordonnance du 30 juillet 2021, pour assurer le paiement des sommes de :

*85 000 euros en principal,

*1280,19 euros de frais,

*59 344,53 euros en intérêts,

déduction faite de 107 682,81 euros d'acomptes, soit 37 941 91 euros.

M. [T] a fait citer Mme [H] à comparaître devant le juge de l'exécution du tribunal de Saint-Germain-en-Laye par acte d'huissier du 1er octobre 2021, en contestation de l'ordonnance rendue le 30 juillet 2021.

Par jugement contradictoire du 17 janvier 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Saint-Germain-en-Laye a :

déclaré recevable la contestation formée M. [T] à l'encontre de l'ordonnance d'intervention sur saisie du 30 juillet 2021 ;

fixé le point de départ des intérêts dus sur le solde de la prestation compensatoire à la date du 13 septembre 2020 [sic];

ordonné la saisie des rémunérations de M. [T] au profit de Mme [T] née [H], en vertu du jugement de divorce du 13 septembre 2007 ayant condamné M. [T] au paiement d'une somme de 85 000 euros à titre de prestation compensatoire, pour les sommes de :

* principal....................................................................... 6 001,49 euros

* intérêts (échus au 15 novembre 2021) ..........................1 037,30 euros

* frais...............................................................................2 268,62 euros

soit une somme totale de 9 307,41 euros ;

dit que Mme [T] née [H] devra rembourser à M. [T] les sommes éventuellement perçues indument au-delà de la somme de 9307,41 euros en exécution de la saisie des rémunérations autorisée par l'ordonnance d'intervention du 30 juillet 2021 ;

débouté Mme [T] née [H] de sa demande de capitalisation des intérêts ;

débouté Mme [T] née [H] et M. [T] de leurs demandes de dommages et intérêts ;

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens et de ses frais irrépétibles ;

rappelé que le jugement est immédiatement exécutoire.

Le 1er février 2022, Mme [H] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe le 20 mai 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l'appelante demande à la cour de :

infirmer le jugement rendu le 17 Janvier 2022 par le juge de l'exécution du tribunal de proximité de Saint-Germain-en-Laye en toutes ces dispositions.

Et statuant à nouveau,

déclarer recevable et bien fondée en ses demandes Mme [H] ;

débouter M [T] de toutes ses demandes fins et conclusions ;

confirmer à nouveau [sic] que conformément à l'article 1254 du code civil devenu l'article 1343-1 du code civil, les versements partiels effectués par M. [T] s'imputent d'abord sur les intérêts ;

fixer le point de départ des intérêts dus de la prestation compensatoire à la date du 10 décembre 2007 et courant jusqu'à apurement de la dette ;

ordonner la saisie des rémunérations de M. [T] au bénéfice de Mme [H] en vertu du jugement de divorce du 13 septembre 2007 ayant condamné M. [T] au paiement d'une somme de 85 000 euros en capital à titre de prestation compensatoire, pour les sommes, en représentant le solde au 15 juin 2022, de :

*principal : 34 434,14 euros,

*intérêts légaux : 7 592,66 euros (intérêts), et maintenir les intérêts et leur majoration jusqu'à apurement de la dette,

*frais d'huissiers : 6551,90 euros

soit la somme de 48 578,70 euros ;

dire que les intérêts au taux légal sont majorés de 5 points à titre de dette alimentaire et ce depuis que le jugement est devenu irrévocable, soit à partir du 10 décembre 2007 et jusqu'à l'extinction de la dette ;

condamner M. [T] à régler les intérêts légaux majorés de 5 points puisqu'il s'agit d'une dette alimentaire et ce depuis que le jugement est devenu irrévocable soit le 10 décembre 2007 et ce jusqu'à l'extinction de la dette ;

ordonner la saisie pour les frais d'huissiers au montant de 6 551,90 euros sur les rémunérations de M. [T] ;

dire que les sommes retenues par la cour pour la prestation compensatoire seront accompagnées des intérêts à taux légal majorés de 5 points jusqu'à l'extinction de la dette ;

dire que la répartition des fonds saisis sur les rémunérations de M. [T] sera effectuée par le greffe du tribunal ;

condamner M. [T] à payer à Mme [H], la somme de 15 000 euros à titre de préjudice moral et de la longueur des délais d'une durée de 15 ans que ce dernier a mis pour commencer à exécuter les décisions de justice concernant la prestation compensatoire et pour procédure abusive ;

dire que la somme de 15 000 euros sera saisie sur les rémunérations de M. [T] et portera intérêts jusqu'à apurement de cette somme et en ordonner la saisie ;

condamner M. [T] à payer, à Mme [H], la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour frais irrépétibles ;

condamner M. [T] aux entiers dépens ;

ordonner l'exécution provisoire [sic].

Par dernières conclusions transmises au greffe le 13 avril 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M [T], intimé, demande à la cour de :

dire M. [T] recevable et bien fondé en ses demandes ;

infirmer le jugement rendu par le tribunal de proximité de Saint-Germain-en-Laye le 17 janvier 2022 en ce qu'il a :

fixé le point de départ des intérêts dus sur le solde de la prestation compensatoire à la date du 13 septembre 2020,

ordonné la saisie des rémunérations de M. [T] au profit de Mme [H] en vertu du jugement du 13 juillet 2007 ayant condamné M. [T] au paiement d'une somme de 85 000 euros à titre de prestation compensatoire pour les sommes de :

principal : 6001,49 euros,

intérêts échus au 15 novembre 2021 : 1 037,30 euros,

frais : 2 268,62 euros,

dit que Mme [H] devra rembourser à M. [T] les sommes éventuellement perçues indument au-delà de la somme de 9307,41 euros en exécution de la saisie des rémunérations autorisée par l'ordonnance d'intervention du 30 juillet 2021,

débouté les parties de leurs demandes de dommages et intérêts,

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens et de ses frais irrépétibles.

Statuant à nouveau,

A titre principal,

dire que les demandes de saisie des rémunérations formées par Mme [H] sont irrecevables en ce que les créances revendiquées sont prescrites, ou à tout le moins, s'agissant des demandes fondées sur des intérêts et frais antérieurs au 11 septembre 2015.

En conséquence,

rétracter l'ordonnance d'intervention sur saisie rendue le 30 juillet 2021 par le juge de l'exécution du tribunal de proximité de Saint-Germain-en-Laye ;

ordonner la mainlevée de la saisie des rémunérations de M. [T] autorisée par l'ordonnance d'intervention sur saisie en date du 30 juillet 2021 puis par le jugement du 17 janvier 2022 ;

condamner, en tant que de besoin, Mme [H] à rembourser les sommes indument perçues au titre de cette saisie ;

débouter Mme [H] de toutes ses demandes.

A titre subsidiaire,

dire qu'une partie des demandes de saisie des rémunérations formées par Mme [H] est irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 18 décembre 2014.

En conséquence,

fixer le point de départ des intérêts dus sur la prestation compensatoire à la date du 13 septembre 2010 ;

ordonner la saisie des rémunérations de M. [T] pour les sommes qui seraient dues au titre de la prestation compensatoire et des intérêts de retard ;

condamner, en tant que de besoin, Mme [H] à rembourser les sommes indument perçues au titre de cette saisie ;

débouter Mme [H] de l'ensemble de ses demandes en ce qu'elles sont irrecevables ou à tout le moins mal fondées.

En tout état de cause,

confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

débouter Mme [H] de l'ensemble de ses demandes ;

condamner Mme [H] à payer à M. [T] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

condamner Mme [H] à régler à M. [T] la somme totale de 4140 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et en cause d'appel ;

condamner Mme [H] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Chabrerie en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 7 juin 2022.

L'audience de plaidoirie a été fixée au 15 juin 2022 et le prononcé de l'arrêt au 7 juillet 2022 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le point de départ des intérêts

En premier lieu il sera constaté que les deux parties s'accordent à relever l'erreur figurant au dispositif du jugement dont appel lorsqu'il « fixe le point de départ des intérêts au 13 septembre 2020 », et la cour ne peut que se rendre à l'évidence à la lecture des motifs de la décision, que toute la démonstration du premier juge pour fixer le solde de la créance se fonde sur un point de départ des intérêts au 13 septembre 2010, qui correspond à une mise en demeure de Mme [H] pour enjoindre à M [T] de lui régler le solde de sa créance à l'expiration des délais de paiement accordés pour 2 années par un juge de l'exécution le 7 août 2008.

Toutefois, Mme [H] estime que quoi qu'il en soit, tous les intérêts n'ont pas pu courir à compter de cette date : qu'en effet, l'octroi de délais de paiement étant interdit à raison du caractère alimentaire de la prestation compensatoire, le juge de l'exécution dans sa décision du 7 août 2008, n'a pas pu suspendre le cours des intérêts pendant les délais illégaux accordés pour deux ans ; qu'en la matière les intérêts ont couru à partir du jour où le jugement de divorce est devenu définitif, soit le 10 décembre 2007, et qu'elle a droit à tous les intérêts ayant couru jusqu'à sa mise en demeure du 13 septembre 2010, et à l'application de la règle suivant laquelle les paiements se sont imputés en priorité sur ces intérêts échus.

M [T], s'appropriant le raisonnement du premier juge, oppose sur ce point, l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 18 décembre 2014, quand bien même Mme [H] considèrerait qu'elle est affectée d'une erreur de droit.

Répondant sur ce point, Mme [H] rétorque que cette décision n'a fixé le point de départ des intérêts au 13 septembre 2010 que sur le montant restant dû au titre de la prestation compensatoire à l'issue des délais illégaux dont à bénéficié M [T], et qui incluait nécessairement les intérêts ayant couru antérieurement à cette date, faute de décision contraire du juge de l'exécution ayant accordé ces délais de paiement.

Ceci étant exposé, il est exact que d'une part, la prestation compensatoire, comme les intérêts qu'elle produit, sont dus à compter de la date à laquelle la décision prononçant le divorce est devenue irrévocable (Cass. 1ère Civ,7 février 2018, pourvoi n° 17-14.184) et que d'autre part, elle présente un caractère mixte à la fois alimentaire et indemnitaire (Cass. 1ère Civ, 29 juin 2011, pourvoi n°10-16.096), qui ne permet pas d'assortir son exécution de délais de paiement s'ils n'ont pas été accordés dans la décision qui liquide cette prestation conformément aux règles applicables en la matière. Il en résulte qu'en principe, même si par accord des parties le paiement de la prestation compensatoire est différé, le point de départ des intérêts n'est quant à lui pas modifié.

En dépit de l'erreur commise par le juge de l'exécution lorsqu'il a fait droit à la demande de délais de paiement à M [T], son jugement du 7 août 2008 a autorité de la chose jugée. Il convient cependant de rappeler que le juge de l'exécution dans cette instance avait été saisi par M [T] d'une contestation d'une mesure de saisie-attribution du 30 janvier 2008 partiellement fructueuse, mais qu'en cours de procédure celui-ci a renoncé à sa demande de nullité et de mainlevée de la saisie, pour limiter sa demande au délai de grâce sollicité, ce dont le juge de l'exécution a pris acte. En septembre 2008, les délais ont donc porté sur la créance objet de la saisie attribution du 30 janvier 2008, en principal, frais de saisie, et intérêts ayant couru depuis le 10 décembre 2007, date à laquelle la décision de divorce est devenue irrévocable, soit 85 728,21 €, dont à déduire le montant pour lequel la saisie a été fructueuse, de 667,85 €, à raison de l'effet attributif immédiat attaché à cette voie d'exécution.

La demande de délais étant formée sur le fondement de l'article 1244-1 du code civil (ancien) alors applicable, elle a seulement eu pour effet de reporter ou échelonner le paiement de ce montant de la créance pendant deux années, et non pas celui du seul capital de 85 000 €. L'alinéa 2 de cette disposition permet au juge qui accorde des délais, par une décision spéciale et motivée, de prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital. M [T] avait sollicité la suppression totale des intérêts qui a été rejetée par le juge pour défaut de fondement légal. Il en résulte que les délais tels qu'accordés, ont suspendu les mesures d'exécution pendant deux années, mais n'ont pas contrarié le cours normal des intérêts. Il n'est pas contesté que M [T] a respecté les conditions de paiement imposées par le juge, mais qu'il n'a pas réglé le solde restant dû à l'issue, et qui au vu du décompte produit par Mme [H], imputant strictement le fruit de la saisie-attribution et tous les versements échelonnés de M [T] à leur date, sur les intérêts puis sur le capital, s'établissait à 79 629,64 € au titre du principal et 4 515,51 € au titre des intérêts échus. Sa mise en demeure du 13 septembre 2010, s'applique donc à ces sommes.

La philosophie justifiant l'octroi de délais de grâce consiste à mettre le débiteur à l'abri des poursuites le temps nécessaire à un retour à meilleure fortune ou à la recherche de financements, afin qu'il soit en mesure avant la fin des délais accordés de se libérer totalement de sa dette, le créancier étant indemnisé de sa patience par la perception d'intérêts moratoires.

Dans le cadre de l'instance introduite sur procès-verbal de difficulté élevé par le notaire chargé de la liquidation des intérêts patrimoniaux des ex époux, ayant donné lieu au jugement du 8 mars 2013, Mme [H] avait parmi les difficultés à trancher, demandé au juge aux affaires familiales de lui donner acte du montant de sa créance de prestation compensatoire augmentée des intérêts échus au taux légal, qu'elle chiffrait alors à 105 502,79 €, et sollicité la capitalisation des intérêts. C'est dans ce contexte que le juge a donné instruction au notaire d'intégrer dans le compte à faire entre les parties, le restant dû sur la prestation compensatoire, qu'il n'a pas chiffré, avec ses intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 13 septembre 2010. La demande de capitalisation des intérêts a quant à elle été rejetée.

La cour d'appel, dans son arrêt du 18 décembre 2014, a seulement décidé qu'il n'appartenait pas à la juridiction chargée de la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, d'ajouter la capitalisation des intérêts à la fixation de la prestation compensatoire telle qu'elle a été prononcée par le jugement de divorce. Elle n'a pas tranché la question du point de départ des intérêts.

Si cette disposition non infirmée est désormais définitive c'est en vertu du jugement du 8 mars 2013. Or, Mme [H] doit être suivie en son raisonnement suivant lequel le restant dû sur la prestation compensatoire selon les termes de cette décision portant intérêts à compter de sa mise en demeure du 13 septembre 2010, est le montant de la créance en principal et en intérêts à cette date, ainsi qu'il résulte de l'application normale de la décision ayant accordé des délais à M [T]. Son décompte est parfaitement conforme à cette disposition puisqu'il calcule bien les intérêts sur le capital restant dû à cette date de 79 629,67 €, ce qui ne fait pas échec à son droit de percevoir les intérêts échus antérieurement, de 4 515,51 €. En décider autrement contreviendrait à la chose jugée par le jugement du 7 août 2008 qui a débouté M [T] de sa demande de suppression des intérêts pendant les délais accordés, et qui n'a pas annulé la saisie attribution du 30 janvier 2008 qui a joué son plein effet.

L'erreur matérielle relevée par les parties et constatée par la cour sur la date du 13 septembre 2020 indiquée comme point de départ des intérêts sera corrigée au dispositif de l'arrêt, étant précisé cependant, que cette date ne présente aucun intérêt pour départager les parties, eu égard à la base de calcul de la créance sur laquelle les intérêts courent à partir de cette date.

Sur la prescription des intérêts

M [T] soutient qu'en application des articles 122 du code de procédure civile et 2224 du code civil, Mme [H] est irrecevable à solliciter le paiement de tout intérêt de retard datant de plus de 5 ans avant sa requête du 11 septembre 2020, soit antérieurs au 11 septembre 2015.

Cependant tout paiement s'imputant en priorité sur les intérêts échus en application de l'article 1254 du code civil (désormais 1343-1) il y a lieu de constater que M [T] a fait des paiements jusqu'au 10 septembre 2010, puis le 31 juillet 2013 puis le 1er février 2016, puis le 31 octobre 2019, qui sont tous interruptifs de prescription et intervenus successivement à des intervalles de temps d'une durée inférieure à 5 années. Par conséquent, aucune période d'intérêts échus n'est couverte par la prescription.

Sur le montant de la créance et la saisie des rémunérations

Dans la décision dont appel, le premier juge ne pouvait pas comme il l'a fait imputer à nouveau les versements faits pendant la période de délais de grâce sur le capital de prestation compensatoire de 85 000 €, pour à compter du 13 septembre 2010, faire courir les intérêts sur un principal de 66 832,15 € au mépris des règles rappelées ci-dessus et de la règle d'imputation prioritaire des paiements sur les intérêts échus, de sorte que son calcul de la créance est erroné.

En dépit des développements de M [T] sur le caractère prétendument abusif de la saisie, il demande selon la formulation du dispositif de ses conclusions, que la saisie de ses rémunérations soit ordonnée pour les sommes qui seraient dues au titre de la prestation compensatoire et des intérêts de retard, dont il ne propose pas de décompte.

Le décompte proposé par Mme [H] pour la période postérieure à celle qui vient d'être examinée, n'est pas critiquable. Il tient compte à leur date, des versements faits par M [T], imputés prioritairement sur les intérêts, le dernier en date du 31 octobre 2019 ne laissant plus subsister qu'un principal de 34 434,14 € sur lequel les intérêts au taux légal majoré ont couru pour atteindre à la date de l'ordonnance du 30 juillet 2021 ayant autorisé l'intervention de Mme [H] sur saisie des rémunérations, la somme de 5147,42 €.

M [T] ne prétend pas que d'autres règlements seraient à prendre en compte pour amender en sa faveur le décompte présentement validé par la cour.

En ce qui concerne le taux de l'intérêt légal, il convient de rappeler que par application de l'article L 3252-13 du code du travail, les majorations de retard prévues par l'article 3 de la loi n° 75-619 du 11 juillet 1975 relative au taux de l'intérêt légal cessent de s'appliquer aux sommes retenues à compter du jour de leur prélèvement sur la rémunération. Il s'en suit que seul le taux légal d'intérêts non majoré s'applique depuis la mise en place de la saisie soit le 31 juillet 2021. Mme [H] doit être déboutée de sa demande à ce titre, à compter de cette date. Cette disposition fait également obstacle à la capitalisation des intérêts telle que demandée par Mme [H].

En ce qui concerne les frais d'exécution à la charge du débiteur, Mme [H] actualise sa demande dans le cadre de la procédure d'appel à la somme de 6 551,90 €.

M [T] soutient que les frais d'actes exposés antérieurement au 11 septembre 2015 seraient prescrits. En réalité, la prescription n'a pas couru pendant le temps des délais accordés à M [T] puisque Mme [H] était légalement empêchée d'agir au cours de cette période.

Ensuite, Mme [H] produit des actes d'exécution pratiqués spécifiquement en vue du recouvrement de la prestation compensatoire, qui sont tous interruptifs de prescription et intervenus successivement sur des intervalles de temps d'une durée inférieure à 5 années. Par conséquent la fin de non-recevoir soulevée par M [T] ne peut prospérer.

Par ailleurs, le décompte de la créance résulte d'une imputation des paiements sur les seuls intérêts, de sorte que les frais invoqués par Mme [H] , même si dans les faits l'huissier s'en est payé par prélèvement sur les sommes perçues, sont présumés être restés à sa charge, et c'est à M [T] qu'il appartiendrait de faire la démonstration qu'il aurait déjà réglé une partie des actes d'exécution dont elle demande de remboursement.

Au moment du dépôt de la requête à fins de saisie des rémunérations les frais d'exécution étaient chiffrés à 3 951,90 €. Le premier juge a retenu une somme de 2268,62 € composée comme suit :

-1280,19 € retenus dans l'ordonnance d'intervention du 30 juillet 2021 et portant sur :

-signification jugement divorce du 9 novembre 2007

-dénonciation saisie attribution 5 février 2008

-procès-verbal carence 12 février 2008

-saisie attribution 1er mars 2011 et dénonciation du 7 mars 2011

-certificat non-contestation 11 avril 2011 et signification du certificat 15 avril 2011

-procès-verbal carence 1er septembre 2011

-signification d'un certificat de non-contestation 10 octobre 2013

-droit proportionnel

-coût requête en saisie des rémunérations

-commandement de payer du 7 janvier 2008 :396,34 €

-saisie attribution 30 janvier 2008 :127,05 €

-itératif commandement 7 février 2011 :68,08 €

-commandement de payer 7 janvier 2019 :396,96 €

Mme [H] pour justifier du montant de sa demande à hauteur de 6551,90 €, donne le détail de son calcul comme suit en page 27/42 de ses conclusions : 725,39 € + 1730,45 € + 396,96 € + 1027,03 € + 72,07 € + 2600 € , en renvoyant à ses pièces 50 à 54. La cour constate qu'il peut y être retrouvé les sommes retenues à la fois dans l'ordonnance du 30 juillet 2021 et dans le jugement dont appel, mais que pour le surplus, s'agissant de factures d'honoraires successives et donc se recouvrant partiellement, de récapitulatifs de frais listés mais sans les actes correspondants pour vérifier qu'il s'agit bien d'actes en recouvrement de la prestation compensatoire, sans indication précise ni des justificatifs permettant de retrouver les sommes telles qu'additionnées ci-dessus, ni de ceux qui n'auraient pas été pris en compte par le premier juge, ces documents ne sont pas exploitables pour retenir le montant sollicité par Mme [H].

Les frais seront donc taxés pour la somme de 2 268,62 €, le jugement étant confirmé sur ce point.

M [T] ne proposant pas de régler le solde de sa dette par un autre moyen qui lui permettrait notamment de stopper définitivement le cours des intérêts, la saisie des rémunérations doit être ordonnée pour le recouvrement des sommes suivantes :

-principal restant dû au 30 juillet 2021 :

-34 434,14 € avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 31 juillet 2021,

-intérêts échus à cette date :5147,42 €

-frais :2 268,62 €

Sur la demande de dommages et intérêts pour abus de saisie

Dans ces conditions, la saisie étant bien-fondée, elle ne peut être déclarée abusive et la demande de dommages et intérêts de M [T] ne peut prospérer. Le jugement rejetant la demande de dommages-intérêts doit être confirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

Mme [H] rappelle qu'elle se bat depuis 15 ans pour obtenir le solde de sa créance dont le principal n'a toujours pas été apuré par les versements insuffisants que M [T] a faits ponctuellement, et jamais spontanément mais notamment pour tenter d'échapper à des condamnations pénales pour abandon de famille. Elle fait connaître qu'elle a dû recourir à plusieurs emprunts qu'elle aurait pu éviter si M [T] lui avait versé immédiatement la prestation compensatoire qu'il lui doit ; qu'en réalité, il a agi de manière déloyale et fait preuve de mauvaise foi en refusant toujours d'exécuter les décisions de justice, alors que sa situation était bien meilleure que ce qu'il en laissait paraître.

Pour refuser de faire droit à cette demande, le premier juge a indiqué que M [T] avait vu une partie de ses demandes accueillies puisque la saisie n'a été ordonnée que pour un montant très inférieur à celui pour lequel elle était demandée.

Compte tenu de l'issue du litige en cause d'appel, il apparaît que le préjudice dont se plaint Mme [H] est suffisamment réparé par le taux des intérêts de retard majoré, étant observé qu'il est de l'intérêt des deux parties de hâter la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux et le partage, Mme [H] étant de son côté redevable d'indemnités d'occupation, et d'une soulte sur l'attribution préférentielle du bien ayant constitué le domicile conjugal. Le jugement sera donc confirmé sur le rejet de sa demande de dommages-intérêts .

M [T] supportera les entiers dépens de première instance et d'appel et l'équité commande d'allouer à Mme [H] la somme de 2500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort,

Corrige l'erreur matérielle entachant au dispositif du jugement dont appel, du chef de la fixation du point de départ des intérêts dûs sur le solde de la prestation compensatoire à la date du 13 septembre 2020 alors qu'il fallait lire 13 septembre 2010 ;

CONFIRME dans la limite de la dévolution de l'appel, la décision entreprise sauf en ce qu'elle a ordonné la saisie des rémunérations de M. [R] [T] pour les sommes de :

principal : 6001,49 euros,

intérêts échus au 15 novembre 2021 : 1037,30 euros,

et dit que Mme [H] devra rembourser à M. [T] les sommes éventuellement perçues indument au-delà de la somme de 9307,41 euros en exécution de la saisie des rémunérations, et en sa disposition sur les dépens ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette les fins de non-recevoir tirées de la prescription opposées par M [T] ;

Ordonne la saisie des rémunérations de M [K] pour obtenir le paiement du solde de la prestation compensatoire résultant du jugement de divorce du 13 septembre 2007, à savoir :

principal restant dû au 30 juillet 2021 :34 434,14 € à augmenter des intérêts au taux légal non majoré à compter du 31 juillet 2021, jusqu'à apurement de la dette

intérêts échus à cette date :5147,42 €

(-frais : confirmation du jugement2 268,62 €)

Ordonne que les prélèvements opérés en exécution de l'ordonnance du 30 juillet 2021 et du jugement du 17 janvier 2022, s'imputent en priorité sur les intérêts échus et les frais ;

Rejette la demande complémentaire de Mme [S] [H] relative à la majoration des intérêts jusqu'à l'extinction de la dette ;

Condamne M [K] à payer à Mme [S] [H] la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M [K] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 16e chambre
Numéro d'arrêt : 22/00658
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;22.00658 ?
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