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07/07/2022 | FRANCE | N°19/02858

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 07 juillet 2022, 19/02858


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 07 JUILLET 2022



N° RG 19/02858 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TKGX



AFFAIRE :



[K] [U]







C/

SAS BUREAU VERITAS EXPLOITATION









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 17 Mai 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E
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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Philippe CHATEAUNEUF



Me Stéphanie TERIITEHAU



le : 08 Juillet 2022





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEPT JUILLET DEUX MILLE VINGT...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 JUILLET 2022

N° RG 19/02858 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TKGX

AFFAIRE :

[K] [U]

C/

SAS BUREAU VERITAS EXPLOITATION

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 17 Mai 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : F18/03091

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Philippe CHATEAUNEUF

Me Stéphanie TERIITEHAU

le : 08 Juillet 2022

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant,fixé au 16 Juin 2022,puis prorogé au 30 Juin 2022,puis au 07 Juillet 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [K] [U]

Né le 17 Avril 1968 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par : Me Catherine VESSELOVSKY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0042 ; et Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619.

APPELANT

****************

SAS BUREAU VERITAS EXPLOITATION

N° SIRET : 790 184 675

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par : Me Christian BROCHARD de la SCP AGUERA AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 8,substitué par Me MOULIN Vincent, avocat au barreau de LYON ; Me Philippe CHATEAUNEUF, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 643.

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Avril 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT,

Rappel des faits constants

La SASU Bureau Veritas Exploitation, dont le siège social est situé à [Localité 6] dans les Hauts-de-Seine et qui vient aux droits de la société Bureau Veritas SA, est spécialisée dans l'évaluation de conformité appliquée aux domaines de la qualité, de la santé, de la société, de l'environnement et de la responsabilité sociale. Elle emploie plus de cinquante salariés et applique la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.

M. [K] [U], né le 17 avril 1968, a été engagé le 4 février 1991 par la société CEP Systèmes, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Bureau Veritas Exploitation, selon contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d'agent technique.

Le 28 juin 2018, la société Bureau Veritas Exploitation a mis en place un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) par voie d'accord collectif, étant précisé que l'entreprise avait déjà fait l'objet d'un premier PSE en 2014.

Arguant de la suppression de son poste dans le cadre de la réorganisation de l'entreprise à effet au 1er janvier 2019, M. [U] a, par courrier en date du 18 novembre 2018, pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Puis, par requête reçue au greffe le 23 septembre 2018, M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de faire juger que sa lettre de prise d'acte s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse reposant sur des motifs d'ordre économique.

La décision contestée

Par jugement contradictoire rendu le 17 mai 2019, la section encadrement du conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- dit et jugé que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par de M. [U] s'analyse en une démission,

- débouté M. [U] de ses demandes :

1) d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2) d'indemnité conventionnelle de licenciement,

3) de préavis,

4) de congés-payés sur préavis,

- débouté M. [U] de sa demande relative au bonus 2018,

- débouté M. [U] de sa demande de dommage et intérêts pour préjudice moral pour actes de harcèlement moral dont il ne rapporte pas la preuve,

- débouté M. [U] de toutes ses autres demandes,

- débouté la société Bureau Veritas Exploitation de sa demande reconventionnelle d'indemnité compensatrice de préavis, le conseil considérant que des manquements de l'employeur ont certes pu exister mais qu'ils ont été jugés insuffisamment graves pour justifier la requalification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné M. [U], qui succombe, à payer à la société Bureau Veritas Exploitation 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [U] aux éventuels dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement.

M. [U] avait demandé au conseil de prud'hommes :

- dire et juger que sa lettre de prise d'acte du 18 novembre 2018 s'analyse en un licenciement abusif reposant en réalité sur des motifs d'ordre économique imputables ' à l'emp1oyeur,

- faire droit à l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société Bureau Veritas à lui payer les sommes suivantes :

. sur la base d'une moyenne brute mensuelle de 14 946 euros,

. indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse : 360 000 euros,

. indemnité conventionnelle de licenciement : 250 200 euros,

. préavis : 57 100 euros,

. bonus 2018 : 40 000 euros,

. dommages-intérêts pour préjudice moral pour actes de harcèlement : 80 000 euros,

- débouter Bureau Veritas de l'ensemble de ses demandes,

- exécution provisoire,

- condamner l'employeur aux dépens y compris les frais de recouvrement forcée par voie d'huissier de justice ainsi qu'à 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que les sommes allouées porteront intérêts aux taux légal à compter de la saisine et jusqu'au parfait paiement avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil,

- entiers dépens.

La société Bureau Veritas Exploitation avait, quant à elle, conclu au débouté du salarié et avait sollicité sa condamnation à lui verser une somme de 36 153,60 euros (3 mois de salaire) au titre du préavis et 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La procédure d'appel

M. [U] a interjeté appel du jugement par déclaration du 9 juillet 2019 enregistrée sous le numéro de procédure 19/02858.

Prétentions de M. [U], appelant

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 10 mars 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [U] conclut à l'infirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris et demande à la cour d'appel, statuant de nouveau, de :

- dire et juger que l'employeur a modifié de manière très substantielle les postes qu'il a occupés et qu'en conséquence sa lettre de prise d'acte du 18 novembre 2018 s'analyse en un licenciement abusif reposant en réalité sur le refus des modifications imposées dans le cadre de la réorganisation et du PSE et donc est un licenciement dont les motifs d'ordre économique sont imputables à l'employeur,

- faire droit à l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société Bureau Veritas à lui payer, sur la base d'une moyenne brute mensuelle de 14 946 euros, les sommes suivantes :

. indemnité de licenciement abusif sans cause réelle ni sérieuse : 360 000 euros,

. indemnité conventionnelle de licenciement : 250 200 euros,

. préavis : 57 100 euros,

. congés payés sur préavis : 5 710 euros,

. bonus 2018 : 40 000 euros,

. dommages-intérêts pour préjudice moral pour actes de harcèlement : 80 000 euros.

L'appelant sollicite en outre les intérêts de retard au taux légal à compter de la saisine du bureau de conciliation et d'orientation, leur capitalisation, une somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de l'intimée aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Minault-Teriitehau agissant par Me Stéphanie Teriitehau avocat et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prétentions de la société Bureau Veritas Exploitation, intimée

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 11 décembre 2019, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société Bureau Veritas Exploitation conclut à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande formulée au titre de la non-exécution de son préavis par M. [U], et demande donc à la cour d'appel de :

- déclarer M. [U] mal fondé en son appel principal et l'en débouter,

- débouter M. [U] de la totalité de ses demandes, fins et conclusions,

- déclarer la société Bureau Veritas Exploitation recevable et bien fondée en son appel incident et y faisant droit,

- condamner M. [U] au paiement de la somme de 36 153,60 euros au titre du préavis de trois mois non effectué.

Elle sollicite une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et le bénéfice de la distraction pour ceux d'appel au profit de Me Philippe Chateauneuf, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ordonnance rendue le 5 janvier 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 27 janvier 2022. L'affaire a ensuite été renvoyée à l'audience du 14 avril 2022.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la prise d'acte

En vertu des dispositions de l'article L. 1231-1 du code du travail, le contrat de travail peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Le salarié peut mettre fin au contrat de travail unilatéralement en raison de faits imputables à l'employeur. Cette prise d'acte de la rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient, soit d'une démission dans le cas contraire. C'est au salarié de rapporter la preuve de ces manquements et de leur gravité.

M. [U] a, par courrier en date du 18 novembre 2018, pris acte de la rupture de son contrat de travail, dans les termes suivants :

" Comme vous le savez je suis entré chez Bureau Veritas le 4 février 1991 soit il y a plus de 27 ans et depuis ma nomination de janvier 2017 et ma délégation de pouvoir j'occupais les postes et fonctions de :

1. Directeur du Centre Technique France, reportant directement à [J] [F] Senior vice-président Bureau Veritas Exploitation, pour le centre Technique Industrie France,

2. Directeur du centre technique Europe, reportant fonctionnellement à [P] [H], Executive vice-président Operating Group Europe CIF, pour ses missions européennes,

3. Directeur métier industrie (excepté pour les activités TC) reportant pour cette mission à [O] [A], vice-président technique et performance, Bureau Veritas Exploitation.

Or, un PSE a été mis en place au mois de juin 2018 ainsi qu'une nouvelle organisation de notre groupe à compter du 1er janvier 2019 et force est de constater que je n'en fais plus partie et que mon avenir s'assombrit chaque jour, je ne comprends pas pourquoi je suis traité avec tant de mépris après tant de bons et loyaux services ce qui a justifié des arrêts maladie car je perds pied.

Les atteintes graves à mes fonctions et contrats sont les suivantes :

1/ Au fil des mois mes fonctions ont été considérablement modifiées et mon poste attribué à un autre pour l'année 2019 avec une mise à l'écart des réunions et je ne suis même plus destinataire des mails.

2/ il y a atteintes à mon salaire et accessoires.

3/ et plus aucune visibilité sur mon avenir au sein du groupe, je ne fais même plus partie des organigrammes 2019.

Je vais essayer de résumer ces trois points tant j'ai à dire sur ce qui m'arrive depuis des mois.

Comme je l'ai déjà exposé lors de mes rendez-vous des 29 août, du 10 septembre, du 5 octobre, du 17 octobre ou du 22 octobre 2018 avec la DRH, ou à chaque fois, je l'ai interrogée sur mon sort devant l'évidence de cette éviction, je n'ai reçu en retour qu'une injonction de « démissionner » ou accepter une somme inférieure à mes indemnités légales en cas de rupture ce qui est toujours dans le même objectif de me faire partir à moindres frais compte tenu de mon ancienneté.

Pour résumer :

1/ modification et retraits de mes attributions

Dans mon courrier du 26 octobre 2018 toujours sans réponse au 18 novembre 2018, je constate à regret encore, de multiples retraits de mes attributions, quasiment chaque jour des vexations et déstabilisations et l'absence de réponse sur les éléments cruciaux de mon contrat et des postes que j'occupais depuis plus de 27 ans.

Il apparaît clairement que je ne suis pas prévu dans votre organisation pour 2019 et que cela est prévu de longue date pour me pousser à partir.

Pour mémoire, c'est la deuxième fois depuis mon entrée dans l'entreprise le 4 février 1991 que je subis un tel traitement, avec cette fois-ci une violence accrue.

En effet, en 2014, suite à un précédent PSE organisé par [J] [F], actuel Président Directeur Général de Bureau Veritas Exploitation, j'ai été rétrogradé du statut de vice-président en charge du réseau Industrie à celui de Directeur d'Agence à un poste fonctionnel de directeur de Business Line Industrie.

A l'époque déjà, il a fallu que je questionne sur mon devenir et de nombreuses promesses m'avaient été faites sur le plan opérationnel et mon positionnement dans l'entreprise mais également sur le maintien de mes revenus.

Je subis en outre les interrogations de mes collaborateurs qui constatent que je ne suis plus convié aux réunions ni destinataire des mails ce qui est vexatoire et humiliant après tant d'années au service de l'entreprise.

En effet, à mes multiples interrogations, il m'a fréquemment été indiqué que je gardais mon poste, alors même qu'il n'existe plus dans l'organisation de 2019, ou que mon poste au sein de la DR Times était conservé alors même que cette direction n'existe pas à ce jour.

Contrairement à ce que vous indiquez par votre DRH, la nouvelle organisation remet significativement en cause mon avenir et les postes et fonctions que j'occupais avant la réorganisation et le PSE que je détaille à nouveau et qui étaient :

1/ Directeur du Centre Technique France, reportant directement à [J] [F] Senior Vice-président Bureau Veritas Exploitation, pour le centre Technique Industrie France

2/ Directeur du centre technique Europe, reportant fonctionnellement à [P] [H], Executive Vice-Président Operating Group Europe CIF, pour ses missions européennes

3/ Directeur métier industrie (excepté pour les activités TC) reportant pour cette mission à [O] [A], Vice-Président Technique et Performance, Bureau Veritas Exploitation.

Dans les faits, l'organisation 2019 ne conserve que la première fonction accompagnée d'une modification significative de périmètre puisqu'elle y adjoint d'autres métiers dont le nucléaire.

Donc deux de mes postes me sont enlevés et le premier modifié significativement, et jamais je n'ai reçu la moindre description par fiche de poste de ces modifications drastiques.

Dans le contexte du PSE, je vous ai fait savoir dès le mois de juin 2018 que je ne voulais pas faire partie de cette aventure en vous expliquant largement les raisons et que je souhaitais bénéficier des conditions de départ volontaire, mon poste étant concerné.

Je proposais ainsi d'accompagner l'entreprise pour que ma succession et la transition se passent de la meilleure façon possible.

J'ai subi la première vexation le 28 août 2018, date à laquelle où, alors que ma position était déjà incertaine et que j'avais rendez-vous avec la DRH le lendemain pour discuter de mon avenir, j'apprends en réunion, de la bouche de Messieurs [J] [F] (PDG) et [D] [X] (directeur désigné de la DR Times pour 2019), en même temps que de l'ensemble de mes collaborateurs, que son successeur, M. [W] [E] est déjà désigné.

Cet élément est d'ailleurs confirmé par l'organigramme nominatif que m'a adressé [D] [X] dès le 27 août 2018 pour commentaires dans lequel [W] [E] apparaît dans la case de Directeur d'agence.

Je suis stupéfait, très choqué et déstabilisé.

Il se renforcera par la suite au travers de divers échanges où [W] [E] est impliqué en tant que Directeur désigné pour l'organisation commerciale, la surface de locaux à considérer au budget, la validation des plans de formation des collaborateurs de l'agence au format 2019, les actions de recrutement le périmètre technique de l'agence ou encore quelques risques liés à l'organisation.

Dès le 28 août 2018, il ne fait plus aucun doute qu'en 2019 le directeur de l'agence expertise et projets est [W] [E] et plus moi. Il le reconnaît lui-même dans des échanges.

A la demande du cabinet Right Management, j'ai même été sollicité pour postuler dans le PSE ce que j'ai fait en toute loyauté et m'a valu les foudres de votre DRH.

Dès lors, j'ai fait l'objet d'une mise à l'écart quasi systématique, j'ai eu à subir un traitement et des propos contradictoires et inimaginables après 27 ans de services à l'entreprise jusqu'à des suspicions de malhonnêteté, ce qui m'a fortement affecté, entraînant une désorientation totale, un facteur de stress important, des insomnies, des pertes de poids et une dégradation de mon état de santé général.

Alarmé, mon médecin m'a prescrit un premier arrêt de travail de 2 semaines le 4 octobre 2018 accompagné d'antidépresseurs. Le 18 octobre il voulait le prolonger de 4 semaines, ce que j'ai finalement refusé, craignant de faire l'objet d'une exclusion encore accrue et d'ailleurs lors de mon dernier entretien avec la DRH elle m'a clairement dit « ne joue pas avec les arrêts de travail » ce qui m'a choqué et alerté sur la manière dont elle doutait de la sincérité de mon état ce qui n'a fait qu'aggraver mon état.

A titre d'illustration, mais il y en a d'autres, des mises à l'écart, notons :

. L'organisation du séminaire budget de l'agence est planifiée par [W] [E] et l'agenda montre qu'il est entièrement piloté par [D] [X] (RDE), [W] [E] (JPD) et [L] [C] (FDE ' Contrôleur de gestion). J'y étais convié à titre facultatif pour partager mon expérience.

. L'organisation des réunions budgétaires de l'agence dont je suis censé être le Directeur, organisées par [W] [E] ou [L] [C] et auxquelles je ne suis convié qu'à titre facultatif.

. La préparation de la réunion de présentation budgétaire à la direction générale est en premier lieu adressée pour action par [W] [E] aux collaborateurs sans que je ne sois en copie, puis ré-adressée avec instructions par [D] [X], me mettant cette fois dans la boucle. Il se trouve que les pages de présentation concernant l'agence sont demandées à JP [E]. A noter également que je n'ai pas été convié à la réunion de présentation à la Direction comme c'est habituellement le cas, alors que JP [E] a semblé y participer.

. L'organisation de réunions avec mes collaborateurs sans que je sois invité ni même informé ce qui est le comble de l'humiliation.

. Citons par exemple des réunions sur l'organisation du pôle administratif ou encore une réunion sur la préparation de l'organisation commerciale 2019 de l'agence, organisée par [D] [X] le 5 novembre 2018 à [Localité 5], dont l'objectif est « avec [W] de travailler sur notre organisation commerciale et nos cibles et nos objectifs 2019 » et à laquelle je ne suis ni invité ni tenu informé.

Outre ces mises à l'écart, j'ai eu à subir non seulement des propos violents « démissionne », « prend 200 000 euros et pars », « ne joue pas sur ton état de santé » mais mes questions sont restées sans réponse claires et souvent au prix de nombreuses relances par mail ou verbales et des rendez-vous repoussés au dernier moment ou enfin organisés après relances montrant un désintérêt manifeste de mes préoccupations pourtant légitimes et toujours la même volonté de me pousser à bout ce qui je crois est même du harcèlement.

Par ailleurs, au travers de la note de service NS DRHF 460 parue le 1er octobre 2018 sans que j'en sois préalablement informé comme il est d'usage, il apparaît manifeste que vous avez cherché à cacher une situation de fait concernant le positionnement de JP [E] en tant que directeur d'agence, me mettant à nouveau dans une position vexatoire et humiliante face à mes collaborateurs et mes collègues dont certains sont venus m'interroger sur ma position.

Je n'en suis toujours pas remis.

Dans le même registre, l'exercice budgétaire a montré de nombreuses hésitations et revirements puisque les accès aux outils en tant que directeur d'agence du périmètre concerné ne m'ont été ouverts que quelques temps après l'ouverture de l'exercice budgétaire, alors que de fait je devais y accéder.

Il est également à noter qu'alors que je suis parait-il encore le directeur d'agence, je suis censé être dans le centre budgétaire de direction de l'agence (CB833) or, je suis muté au CB550 qui est celui de la direction de Times alors que JP [E] est bien sur la direction d'agence.

En outre, dans l'hypothèse de la poursuite de mes activités telles qu'en 2018 de directeur métier industrie, le centre budgétaire DTPE doit acheter une partie de mon temps au CB auquel je suis affecté (CB550). Si c'était prévu initialement et inscrit comme tel, ça a changé en cours et je ne suis plus acheté montrant que je n'ai plus de fonction de directeur métier industrie au sein de la DTPE en 2019.

Il apparaît donc clairement que non seulement il n'est pas prévu que je sois directeur de l'agence Expertises et Projets en 2019 mais que mes attributions de Directeur Métier Industrie me sont également supprimées et que je ne suis plus non plus considéré dans les effectifs présents en 2019.

Dans ces conditions, plus aucun avenir ne s'offre à moi au sein de Bureau Veritas Exploitation.

2/ atteinte à mes salaires et accessoires

Dans les faits, depuis le PSE de 2014 et les engagements pris, tout autre chose s'est passé puisque depuis lors mon salaire et accessoires ne fait que diminuer sans que j'en sois prévenu avec des moyennes de revalorisation plus basses que la moyenne de l'entreprise.

Mes bonus se sont significativement réduits et le nombre d'actions gratuites attribuées divisé par presque 5 (2 600 en moyenne par an dans la période 2008 - 2013 et 600 dans la période 2014 - 2018).

Ce traitement est d'autant plus incompréhensible que mes évaluations annuelles ont toujours été bonnes voire très bonnes et que la plupart des objectifs assignés atteints voire dépassés dans un contexte ou ce qui m'était confié relevait presque systématiquement du challenge.

J'en ai à plusieurs reprises redressé des unités opérationnelles dont ces deux dernières années le Centre Technique dont j'ai poussé la croissance à 13% en 2017 et à 20% en 2018 et dont les résultats opérationnels ont été améliorés de plus d'1 million d'euros dans la même période, renouant avec une rentabilité significative.

3/ aucune visibilité sur mon avenir, je ne suis plus dans votre organisation 2019

Depuis l'annonce de la réorganisation prévue pour 2019 et le PSE qui l'accompagne, mon devenir, avec le flou associé du fait de l'absence de communication de votre part et de propositions contradictoires, n'annonce pas d'évolution et présente même une perte très évidente de prérogatives me concernant, me laissant présager un avenir bouché et l'absence de perspective d'évolution.

Je subis en outre les interrogations de mes collaborateurs qui constatent que je ne suis plus convié aux réunions ni destinataire des mails ce qui est vexatoire et humiliant après tant d'années au service de l'entreprise.

En effet, à mes multiples interrogations, il m'a fréquemment été indiqué que « je gardais mon poste » alors même qu'il n'existe plus dans l'organisation de 2019, ou que « mon poste au sein de la DR Times était conservé » alors même que cette direction n'existe pas à ce jour.

Dans ces conditions, plus aucun avenir ne s'offre à moi au sein de Bureau Veritas Exploitation.

Les faits précités constituent un grave manquement aux obligations contractuelles de Bureau Veritas Exploitation à mon égard et des atteintes graves à mes attributions, éléments de salaires et accessoires et avenir, et lui rendent cette rupture de mes contrats de travail entièrement imputable.

Votre silence, absence de proposition, de clarification, ces rétrogradations successives et humiliations, mise à l'écart, discréditation à l'égard des autres salariés, allégations mensongères, la suppression continue de mes attributions et fonctions depuis l'annonce de la réorganisation et de la mise en place du PSE constituent des manquements graves à l'exécution de mon contrat de travail de votre fait.

Par la présente, je prends donc acte de la rupture de mon contrat de travail car en ne respectant pas mes attributions et mon contrat de travail vous rendez impossible la poursuite de mon contrat de travail et ce à vos torts exclusifs, je vous en impute l'entière responsabilité.

Mon préjudice est en outre très important me trouvant à 50 ans dans une situation de détresse morale totale et subissant des problèmes de santé graves liés à la situation que vous avez créée depuis des mois contre moi.

Je n'ai aucune idée de mon avenir mais je ne peux prendre le risque d'une rétrogradation encore plus grave de ma santé vis-à-vis de mon épouse et de mes enfants qui comptent sur moi.

A réception de cette lettre, laquelle me libère de mes obligations à votre égard et de toute période de préavis qui en tout état de cause dans un tel contexte aurait été impossible à réaliser et l'annonce que vous avez déjà faite de mon départ en nommant un autre à mon poste pour 2019 montre que vous m'avez en fait « licencié de fait ».

Je ne vois pas d'ailleurs comment j'aurais pu exécuter un préavis alors que je suis quasiment sans tâches sérieuses depuis des semaines du fait du retrait de mes attributions confiées à d'autres salariés.

Je vous serais reconnaissant de bien vouloir me transmettre sans délai les documents obligatoires de fin de contrat et vous rappelle que le motif de « prise d'acte » doit être mentionné dans l'attestation Pôle emploi.

Cette rupture prendra effet à la date de première présentation du présent recommandé avec AR."

A l'appui de sa prise d'acte, M. [U] soutient que son employeur a commis trois types de manquements :

- des modifications substantielles de ses attributions puis leur retrait,

- des atteintes à sa rémunération,

- l'absence de visibilité sur son avenir professionnel.

M. [U] reproche ainsi en premier lieu à son employeur des modifications substantielles de certaines de ses attributions et leur retrait brutal.

Au regard de l'argumentation développée par le salarié, il convient de distinguer trois périodes :

- M. [U] prétend avoir subi une rétrogradation lors du PSE de 2014,

- il prétend avoir subi des modifications substantielles de ses fonctions à compter de janvier 2017,

- il prétend enfin que son poste a été purement et simplement supprimé, lors du PSE de 2018 et de la réorganisation de l'entreprise qui s'en est suivie.

S'agissant de la rétrogradation subie dans le cadre du PSE de 2014

M. [U] indique qu'en 2014, lors d'un précédent PSE, il a été rétrogradé du statut de vice-président en charge du réseau Industrie à celui de directeur d'agence occupant un poste fonctionnel de directeur Business Line Industrie.

Cependant, et sans qu'il n'y ait lieu de se prononcer sur la réalité de la rétrogradation alléguée, M. [U] indique lui-même avoir entériné cette situation en signant un avenant à son contrat de travail le 15 décembre 2014, de sorte qu'il ne peut plus aujourd'hui faire état d'une rétrogradation qui n'aurait pas été acceptée.

S'agissant des modifications substantielles de ses fonctions à compter de janvier 2017

L'ensemble de l'argumentation de M. [U], relative à la modification substantielle de certaines de ses attributions, est fondé sur le postulat qu'à compter du mois de janvier 2017, il a, selon lui, occupé cumulativement trois postes :

- directeur du Centre Technique France, reportant directement à [J] [F],

- directeur du Centre Technique Europe, reportant fonctionnellement à [P] [H],

- directeur métier industrie (excepté pour les activités TC) reportant pour cette mission à [O] [A].

Cette présentation de ses fonctions ne peut toutefois pas être retenue, dès lors qu'aux termes du dernier avenant contractuel, signé le 23 décembre 2016, M. [U] s'est vu attribuer le seul poste de « Industry Activities Director », à effet au 1er janvier 2017, que les bulletins de salaire visent uniquement cette même fonction « directeur réseau industrie » et qu'il n'est pas prouvé qu'il remplissait, dans les faits, ces trois fonctions.

L'argumentation du salarié, fondée sur ce postulat, et donc la modification substantielle de certaines de ses attributions, qu'il ne justifie pas exercer réellement, doit être écartée.

S'agissant de la suppression de son poste dans le cadre du PSE de 2018

M. [U] indique ensuite que la société Bureau Veritas Exploitation a mis en place un nouveau PSE en juin 2018 ainsi qu'une nouvelle organisation du groupe annoncée comme devant être mise en place en janvier 2019. Il explique que cette réorganisation consistait notamment à créer une direction appelée « Times » regroupant une partie des activités industrie de Bureau Veritas Exploitation France, et au sein de laquelle a été créée l'agence Expertise et Projet AG159 regroupant les activités du Centre Technique France, qu'il dirigeait jusqu'alors, et les activités nucléaires.

M. [U] prétend que cette réorganisation a eu un impact direct sur son activité puisque le poste de directeur de Centre Technique France a été converti en directeur de l'Agence Expertises et Projet ajoutant l'activité Nucléaire à celle du Centre Technique France mais qu'en réalité, cette nouvelle organisation a entraîné la suppression de son poste, celui-ci ne faisant plus partie de la nouvelle organisation.

Cependant, la société Bureau Veritas Exploitation justifie que le PSE, négocié et conclu avec les organisations syndicales, décomptait à l'origine deux directeurs d'agence des métiers Times, dont M. [U], que le périmètre Times mis en place au 1er janvier 2019 consistait en un rapprochement des entités Centre Technique, comprenant le poste de directeur d'agence occupé par M. [U], et Nucléaire, que dans le cadre de cette réorganisation, il était prévu la suppression d'un seul poste de directeur d'agence, l'autre subsistant au sein de la nouvelle entité Times, que le second directeur concerné, M. [T], occupant des fonctions au sein de l'entité nucléaire, a choisi de bénéficier des mesures d'accompagnement du PSE en postulant sur le poste de directeur d'agence Centre Val de Loire, que du fait de cette mobilité interne, en application du PSE, c'est son poste qui a été supprimé, celui de M. [U] ne l'ayant pas été.

Il résulte de ces explications, corroborées par les termes du PSE, que le poste de M. [U] n'a pas été supprimé dans le cadre du PSE et de la réorganisation induite de la société.

Certes, ainsi que l'invoque M. [U], M. [T] a finalement décliné la proposition de mobilité interne et s'est vu proposer le poste de M. [U], mais cette proposition est intervenue postérieurement à la prise d'acte, donc ne peut en être la cause, et, quoi qu'il en soit, M. [T] a refusé en définitive ce poste le 6 décembre 2018.

La société Bureau Veritas Exploitation admet que les fonctions de M. [U] devaient cependant évoluer dans le cadre de la réorganisation mais soutient que cette évolution n'entraînait aucune perte de ses prérogatives mais au contraire un élargissement de son périmètre d'intervention, du fait du rapprochement des deux entités distinctes.

M. [U] n'ignorait pas la teneur de cette réorganisation puisqu'il est justifié qu'il y a travaillé dès le premier semestre 2018 et la société Bureau Veritas Exploitation justifie d'ailleurs que M. [U] a même candidaté au poste de directeur de la nouvelle entité Times à compter du 1er janvier 2019 (même si l'entreprise a privilégié la candidature de M. [X]), ce qui démontre encore qu'il était parfaitement au fait des projets de la société.

La société Bureau Veritas Exploitation a écrit au salarié, par lettre recommandée du 22 octobre 2018, pour lui confirmer que son poste n'était pas supprimé, en ces termes : « Il s'avère que la nouvelle organisation ne remet pas en cause le poste que vous occupez », « Nous vous avons confirmé que vous étiez maintenu à votre poste », « Il n'est pas de l'intérêt de notre société de se passer de vos services ».

En tout état de cause, la nouvelle organisation ne devant être effective qu'au 1er janvier 2019, la prise d'acte de M. [U] du 18 novembre 2018, fondée sur la suppression de son poste non encore effective, était prématurée.

M. [U] reproche en deuxième lieu à son employeur des atteintes à sa rémunération.

Il prétend que son salaire et ses accessoires n'ont fait que diminuer, sans qu'il ne soit prévenu avec des moyennes de revalorisation plus basses que la moyenne de l'entreprise, que ses bonus ont été significativement réduits, que le nombre d'actions gratuites attribuées a été divisé par presque 5.

Il considère ce traitement d'autant plus incompréhensible que ses évaluations annuelles ont toujours été bonnes voire très bonnes et que la plupart des objectifs assignés ont été atteints voire dépassés dans un contexte où ce qui lui était confié relevait presque systématiquement du challenge, comme par exemple le redressement de deux entités opérationnelles.

M. [U] se limite toutefois à viser ses bulletins de salaire (sa pièce 5) et les entretiens annuels d'évaluation de performances (sa pièce 6) sans expliciter en quoi l'employeur aurait porté atteinte, de façon fautive, à sa rémunération.

Au demeurant, la société Bureau Veritas Exploitation souligne que, tout au long de sa carrière au sein de l'entreprise, depuis 1991, M. [U] a occupé successivement les postes d'agent technique, de chef de service, de directeur du réseau régional, de vice-président du réseau industrie, de directeur métiers industrie ou de directeur réseau industrie, qu'il a donc évolué significativement, bénéficiant d'un nombre important de promotions et d'une progression subséquente de sa rémunération, passant de 1 570,22 euros lors de son embauche à 12 051,20 euros au dernier état, soit une hausse de plus de 750 %.

Aucun manquement de l'employeur n'est ici caractérisé.

M. [U] reproche en dernier lieu à la société Bureau Veritas Exploitation l'absence de visibilité sur son avenir, n'étant plus dans l'organisation 2019 de Bureau Veritas Exploitation, ni du groupe.

Aucune obligation ne pesant sur l'employeur consistant à assurer une visibilité au salarié sur son avenir professionnel et faute, quoi qu'il en soit, d'avoir établi la réalité de la suppression de son poste, cet argument du salarié ne pourra être accueilli.

S'agissant du contexte de la rupture des relations contractuelles entre les parties, l'employeur explique que, selon ses constatations, le salarié a fait preuve d'une certaine lassitude en janvier 2018 lors de son entretien annuel, et ce malgré des résultats positifs soulignés par sa hiérarchie, qu'en réalité, celui-ci a ressenti le besoin d'évoluer vers de nouvelles fonctions au sein de la société ou de la quitter, qu'il a ainsi candidaté durant le premier semestre 2018 afin d'occuper la direction de la nouvelle entité Times à compter du 1er janvier 2019, que, postérieurement au rejet de sa candidature, il a adressé un projet professionnel détaillé de création d'entreprise, comportant un business plan, dans le cadre de la mobilité externe prévue par le PSE, qu'il ne fait aucun doute, selon lui, que M. [U] a souhaité débuter une nouvelle activité libérale et quitter l'entreprise. Il ajoute que, face à un salarié qui a toujours donné satisfaction dans l'exécution de ses mission, il a accepté de conclure une rupture conventionnelle à hauteur de 200 000 euros correspondant à l'indemnité conventionnelle de licenciement, conformément au souhait de ce dernier, dans le cadre de son projet de création d'entreprise mais n'a, à aucun moment, souhaité son départ.

En définitive, dans la mesure où aucun des manquements invoqués par le salarié n'est établi, sa prise d'acte doit produire les effets d'une démission.

Il s'ensuit le rejet de toutes les demandes subséquentes de M. [U], par confirmation du jugement entrepris.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis réclamée par l'employeur

La société Bureau Veritas Exploitation sollicite, à titre reconventionnel, paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, celui-ci n'ayant pas été exécuté par M. [U].

En l'absence de manquement empêchant la poursuite des relations contractuelles, imputable à la société Bureau Veritas Exploitation, celle-ci est en effet fondée à solliciter le paiement du préavis non effectué par M. [U].

Le salarié sera en conséquence condamné à verser à l a société Bureau Veritas Exploitation la somme de 36 153,60 euros correspondant à trois mois de salaire, conformément aux dispositions de l'article 27 de la convention collective applicable.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur le harcèlement moral

En application des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

Aux termes de l'article L. 1154-1 du même code, « Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 [...], le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »

Pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il y a lieu d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il y a lieu d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [U] sollicite l'allocation d'une somme de 80 000 euros à titre de dommages-intérêts sur ce fondement, sans relier le harcèlement à la rupture du contrat de travail.

Dans ses écritures, page 24, il se limite à faire valoir que « les actes démontrent en outre une réelle volonté de nuire de l'employeur et de déstabilisation du salarié caractéristiques de harcèlement moral » sans articuler un raisonnement spécifique à l'appui de cette demande.

Certains faits énoncés par le salarié, à savoir, la suppression de son poste, la modification substantielle de ses fonctions, le retrait de ses attributions, les atteintes à ses salaires et accessoires et l'absence de visibilité sur son avenir ont été précédemment écartés.

M. [U] fait en outre état de mises à l'écart, de vexations et de déstabilisations.

Il mentionne que son employeur a multiplié les vexations et humiliations pour le contraindre au départ à moindres frais, qu'il a dû subir un traitement et des propos contradictoires et inimaginables après 28 ans de services rendus à l'entreprise jusqu'à des suspicions de malhonnêteté, sans toutefois étayer ses allégations. Il fait certes état de réunions dont il aurait été tenu à l'écart sans pour autant donner de précisions sur leur date, leur objet et la raison pour laquelle il aurait dû être convié, se contentant de procéder par affirmations et de renvoyer à quelques pièces inintelligibles en l'absence d'explications, ne mettant pas la cour en mesure d'apprécier le sérieux de son argumentation.

Il prétend qu'il a eu à subir des propos violents comme « démissionne », « prend 200 000 euros et pars », « ne joue pas sur ton état de santé » mais n'en justifie pas.

M. [U] justifie d'un arrêt de travail du 4 au 19 octobre 2018 (sa pièce 61) et d'une prolongation d'un mois (sa pièce 86) sans qu'un lien ne soit établi avec ses conditions de travail.

Il s'ensuit qu'en l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée.

Aucun harcèlement ne peut dès lors être retenu.

M. [U] sera débouté de cette demande, par confirmation du jugement entrepris.

Sur le bonus 2018

M. [U] sollicite le paiement de l'intégralité de son bonus 2018, soit la somme de 40 000 euros tandis que la société Bureau Veritas Exploitation s'oppose à la demande, faute pour le salarié de remplir la condition de présence prévue contractuellement.

Le contrat de travail de M. [U] contient une clause de rémunération variable libellée comme suit : « Vous êtes informé qu'à cette rémunération annuelle fixe pourra s'ajouter un bonus individuel calculé en fonction d'objectifs individuels et de résultats financiers de l'entreprise en application des règles applicables en Zone France.

Le montant cible de ce bonus pour une année pleine est fixé à 40 000 euros bruts (quarante mille euros bruts).

Il est toutefois précisé que les objectifs et résultats conditionnant votre rémunération variable sont déterminés unilatéralement par la société, dans le cadre de son pouvoir de direction, de sorte qu'il est expressément convenu que leur évolution ne peut constituer une modification du contrat de travail.

Le versement de ce bonus est soumis à la condition de votre présence aux effectifs du Groupe le 31 décembre de l'année concernée. Le paiement de ce bonus intervient généralement, au mois de mars suivant la fin de l'année civile concernée ».

Aux termes de cette clause, le bénéfice de la rémunération variable est conditionnée à la présence du salarié dans les effectifs de la société le 31 décembre de l'année considérée.

Or, il est constant qu'en l'espèce, M. [U] a pris acte de la rupture de son contrat de travail en prenant l'initiative de quitter définitivement l'entreprise le 18 novembre 2018.

L'argument de M. [U], selon lequel le bonus lui est quand même dû puisque les objectifs étaient déjà atteints au moment de sa prise d'acte, n'est pas de nature à supprimer la condition de présence.

Faute d'avoir été présent dans les effectifs de la société le 31 décembre 2018, M. [U] n'était pas éligible au bonus 2018.

Il doit être débouté de sa demande, par confirmation du jugement entrepris.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

M. [U], qui succombe dans ses prétentions, supportera les entiers dépens, dont distraction pour ceux d'appel au profit de Me Chateauneuf, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il sera en outre condamné à payer à la société Bureau Veritas Exploitation une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 1 000 euros.

M. [U] sera débouté de sa demande présentée sur le même fondement.

Le jugement de première instance sera confirmé en ses dispositions concernant les dépens et les frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 17 mai 2019, excepté en ce qu'il a débouté la SASU Bureau Veritas Exploitation de sa demande reconventionnelle au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE M. [K] [U] à payer à la SASU Bureau Veritas Exploitation une somme de 36 153,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

CONDAMNE M. [K] [U] à payer à la SASU Bureau Veritas Exploitation une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE M. [K] [U] de sa demande présentée sur le même fondement,

CONDAMNE M. [K] [U] au paiement des entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de Me Chateauneuf, avocat.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code procédure civile et signé par Madame Valérie DE LARMINAT,Conseiller,en remplacement de Madame Isabelle VENDRYES,Président,légitimement empêché, et par Madame BOUCHET-BERT Elodie,Greffière,auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER P/ LE PRESIDENT empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 19/02858
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;19.02858 ?
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