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07/07/2022 | FRANCE | N°19/01907

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 07 juillet 2022, 19/01907


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 07 JUILLET 2022



N° RG 19/01907 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TEUN



AFFAIRE :



SARL AP'AIPS





C/

[X] [K]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 27 Mars 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : F 15/00841
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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Sophie CAUBEL



Me Claire RICARD







le : 08 Juillet 2022





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEPT JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX ,

La cour d'appel de Ver...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 JUILLET 2022

N° RG 19/01907 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TEUN

AFFAIRE :

SARL AP'AIPS

C/

[X] [K]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 27 Mars 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : F 15/00841

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Sophie CAUBEL

Me Claire RICARD

le : 08 Juillet 2022

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant,fixé au 09 Juin 2022,puis prorogé au 07 Juillet 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

SARL AP'AIPS

N° SIRET : 412 691 685

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par : Me Sophie CAUBEL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 472

APPELANTE

****************

Madame [X] [K]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par : Me Virginie VARAS de la SELARL DV AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS ; et Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 Avril 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT,

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société AP'AIPS est spécialisée dans la réalisation de prestations et la vente de produits dans le cadre de l'insertion de travailleurs handicapés. Elle emploie plus de dix salariés et applique la convention collective du commerce de gros du 23 juin 1970.

Par contrat de travail à durée indéterminée du 10 décembre 2007, Mme [X] [K] épouse [O], née le 2 novembre 1970, a été engagée par la société AP'AIPS en qualité de directrice, statut cadre, en charge du pilotage de l'exploitation, de l'animation et du management de l'entreprise adaptée AP'AIPS, en collaboration étroite avec la direction commerciale.

Elle percevait en dernier lieu un salaire brut mensuel de 4 084,47 euros, outre une prime d'ancienneté.

Par courrier du 29 décembre 2014, Mme [K] a été convoquée à un entretien préalable qui s'est tenu le 8 janvier 2015. Elle s'est vu notifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse par lettre du 16 janvier 2015 ainsi rédigée :

« Nous vous reprochons les faits suivants :

Le 25 novembre 2014 à 15h00, vous avez rencontré dans les couloirs de la société, le Directeur des Ressources Humaines et Directeur Administratif et Financier du Groupe.

A cette occasion, vous l'avez informé que vous seriez absente les 27 et 28 novembre 2014 en raison d'une formation.

Ce dernier vous a fait part de son étonnement dans la mesure où le service des ressources humaines, en charge de la gestion et de la formation du personnel, n'avait pas validé cette formation.

Sur sa demande d'explications, vous avez indiqué que cette formation était dispensée gratuitement par la société Bouygues Telecom et se déroulait sur plusieurs sessions.

Par courriel en date du 25 novembre 2014, vous lui avez alors adressé le programme de cette formation en précisant qu'il ne s'agissait pas d'une formation dans votre propre intérêt mais dans celui de l'entreprise.

Par courriel en date du 26 novembre 2014, ce dernier vous a fait part, par écrit, de son étonnement et de son désaccord sur votre façon de procéder et a sollicité la communication de l'ensemble des documents qui vous ont été remis dans le cadre de cette formation.

Une heure après ce courriel, vous avez adressé un courrier à la société Bouygues Telecom en prétendant que votre Direction ne souhaitait pas que vous participiez à cette formation.

Par courriel adressé une heure plus tard, Madame [Z], de la société BPI, mandatée par Bouygues Telecom, vous a fait part de son étonnement quant à ce désistement dans la mesure où vous aviez échangé avec elle depuis plusieurs semaines s'agissant de votre inscription et qu'un bulletin d'inscription avait été signé.

Par courriel expédié à Madame [Z] une demi-heure après, vous avez déclaré 'il semblerait que ma Direction ne soit pas en accord avec les objectifs et enjeux de cette formation'.

Par la suite nous avons pu prendre connaissance du 'bulletin d'inscription' que vous avez signé pour cette formation.

Nonobstant son intitulé, ce document s'avère être une convention engageant la société Bouygues Telecom et la société AP'AIPS.

Il ne s'agit donc pas de la simple inscription à une formation et encore moins d'un document vous engageant personnellement.

En effet, cette convention révèle que la formation dispensée par la société Bouygues Telecom correspond à l'exécution d'une convention signée par Madame la Déléguée Générale à l'Emploi et à la Formation Professionnelle afin de contribuer à recréer 367 emplois.

En raison de cette origine, la formation est dispensée au bénéficiaire en contrepartie de la souscription d'un certain nombre d'engagements stipulés notamment aux articles 1.2 et 1.3 de la convention.

Il résulte donc des faits exposés que :

- vous avez ratifié une convention engageant la société Ap'Aips alors que vous n'en avez pas le pouvoir, et ce sans même en informer votre hiérarchie ;

- vous avez décidé seule de la poursuite d'une formation personnelle sans accord, ni information préalable de votre hiérarchie et du service des ressources humaines ;

- vous avez déclaré à la société Bouygues Telecom, client de la société AP'AIPS, que votre absence à la formation souscrite résulterait d'un désaccord de votre Direction sur 'les objectifs et enjeux', vous défaussant ainsi de votre propre responsabilité.

Un tel comportement qui vise à s'affranchir de votre hiérarchie et à la discréditer auprès de tiers, ne saurait être toléré plus avant.

Ce d'autant que des faits similaires ont déjà été observés par le passé.

A titre d'exemple, en date du 28 janvier 2014, nous avions découvert fortuitement que vous aviez octroyé des primes à certains salariés de l'AP'AIPS, et ce sans autorisation de votre hiérarchie et sans définition des critères d'attribution, faisant ainsi encourir à notre société des actions prud'homales légitimes.

Cette attitude vous a été notamment rappelée lors de l'entretien préalable tenu le 8 janvier 2015, pour lequel vous étiez assistée de Madame [U] [A], déléguée syndicale CGT, et vos explications recueillies alors ne sont pas de nature à les légitimer.

Dès lors, nous vous notifions votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. Cette notification prend effet à la première présentation de la présente. (...) »

Par requête reçue au greffe le 23 mars 2015, Mme [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de contester son licenciement et voir condamner la société AP'AIPS au versement de diverses sommes indemnitaires et salariales.

Par jugement rendu le 27 mars 2019, le conseil de prud'hommes :

- a condamné la SARL AP'AIPS à verser à Mme [K] la somme de 27 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- a débouté Mme [K] de sa demande au titre des heures supplémentaires,

- a condamné la SARL AP'AIPS à verser à Mme [K] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- n'a pas ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- a condamné la société AP'AIPS aux dépens, y compris les frais éventuels d'exécution de la décision.

La société AP'AIPS a interjeté appel de la décision par déclaration du 18 avril 2019.

Par conclusions adressées par voie électronique le 3 juin 2021, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société AP'AIPS à verser à Mme [K] la somme de 27 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande de paiement d'heures supplémentaires,

et y ajoutant,

- condamner Mme [K] à verser à la société AP'AIPS la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [K] aux entiers dépens.

Par conclusions adressées par voie électronique le 9 septembre 2021, Mme [K] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en conséquence condamné la société AP'AIPS à l'indemniser de son préjudice ainsi qu'à lui verser une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 1 200 euros,

- infirmer pour le surplus ledit jugement,

statuant à nouveau, et y ajoutant,

- dire et juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié par lettre RAR en date du 15 janvier 2015 par la société AP'AIPS à Mme [K],

- condamner en conséquence la société AP'AIPS à payer à Mme [K] la somme de 79 017 euros, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société AP'AIPS à payer à Mme [K] la somme de 23 981,16 euros au titre des heures supplémentaires accomplies par cette dernière pour la période du 19 janvier 2012 au 19 janvier 2015,

- débouter la société AP'AIPS de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société AP'AIPS à payer à Mme [K] la somme complémentaire de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles visés par les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre l'application des dispositions de l'article 1154 du code civil.

Par ordonnance rendue le 15 septembre 2021, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 29 octobre 2021.

Une médiation a été tentée dans cette affaire, avec l'accord des deux parties, qui n'a cependant pas abouti.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS

Sur les heures supplémentaires

Mme [K], qui souligne qu'elle n'était pas soumise à une convention de forfait, prétend avoir été contrainte d'accomplir de nombreuses heures supplémentaires en dehors des horaires de l'entreprise (9h-13h et 14h-17h) et souvent aussi le week-end.

Elle sollicite, au titre de la période non prescrite, un rappel de salaire d'un montant de 23 981,16 euros correspondant aux 890,50 heures supplémentaires non payées, effectuées entre le 19 janvier 2012 et le 19 janvier 2015, date effective de son licenciement.

La société AP'AIPS s'y oppose, au motif que la salariée ne lui a jamais fait part d'une quelconque surcharge de travail justifiant la réalisation d'heures supplémentaires et ce, tandis qu'elle avait l'opportunité de porter à la connaissance du service paye l'accomplissement par elle de telles heures, étant chargée de transmettre à ce service le nombre d'heures supplémentaires accomplies par les salariés de l'entreprise.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences légales ainsi rappelées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Au soutien de sa demande de rappel de salaire, Mme [K] produit :

- une copie de ses agendas 2012, 2013 et 2014, mentionnant ses rendez-vous et réunions, ainsi que le nombre d'heures supplémentaires réalisées chaque jour et chaque semaine, outre les cumuls annuels,

- plusieurs courriels faisant apparaître des heures d'envoi ou de réception en dehors des horaires habituels de travail,

- une attestation de Mme [B] [V], salariée de l'entreprise d'octobre 2007 à juin 2013.

La salariée fournit ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

L'employeur fait observer en réplique que Mme [K] aménageait son planning en fonction de ses impératifs personnels, notamment pour s'occuper de son fils, que son décompte, qui n'a pas été fait de manière hebdomadaire, ne prend pas en compte les demi-journées où elle s'est absentée pour convenances personnelles sans poser de congé, ses prises de poste au-delà de 9 heures, ses départs de son poste avant 17 heures, qu'elle ne donne par ailleurs aucune indication sur l'horaire de ses pauses déjeuner alors que celles-ci étaient régulièrement supérieures à une heure.

Il souligne ensuite que les courriels produits aux débats par la salariée sont soit des courriels envoyés par des collègues ou des clients dans lesquels il n'est pas demandé une réponse immédiate, soit des courriels adressés majoritairement par elle depuis son smartphone, preuve qu'elle n'était plus à son poste de travail, et pour la plupart très courts et consistant soit à accuser réception de courriels, soit à en transférer d'autres.

Outre que la salariée a bien procédé à un décompte hebdomadaire de ses heures supplémentaires, la cour observe que l'employeur, auquel incombe le contrôle des heures de travail effectuées, ne produit aucun élément pour contester précisément l'accomplissement des heures invoquées.

Au regard de ces éléments, il y a lieu de retenir le principe d'heures supplémentaires, dans une moindre mesure cependant que celle revendiquée.

Les heures supplémentaires effectuées entre le 19 janvier 2012 et le 19 janvier 2015 seront évaluées à la somme de 7 492, 56 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur le licenciement

L'article L. 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement pour motif personnel à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.

L'article L. 1235-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute persiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties. En application de l'article L. 1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit comporter l'énoncé de faits matériellement vérifiables, à défaut de quoi le licenciement doit être jugé sans cause réelle et sérieuse.

Aux termes de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, il est reproché à la salariée :

- d'avoir décidé seule de l'inscription à une formation personnelle sans accord, ni information préalable de sa hiérarchie et du service des ressources humaines, d'avoir ratifié une convention engageant la société AP'AIPS alors qu'elle n'en avait pas le pouvoir puis d'avoir discrédité sa hiérarchie auprès de tiers ;

- d'avoir octroyé des primes à certains salariés de l'AP'AIPS, sans autorisation de sa hiérarchie et sans définition des critères d'attribution, faisant ainsi encourir à la société AP'AIPS des actions prud'homales légitimes.

S'agissant du premier grief, Mme [K] soutient que l'employeur avait parfaitement connaissance de son inscription à la formation Bouygues Telecom et des conditions dans lesquelles celle-ci devait avoir lieu, qu'ainsi elle avait bel et bien informé tant le directeur des ressources humaines, M. [S] [F], que le responsable ressources humaines (RRH) du groupe, également responsable de la formation, M. [H] [R].

Elle expose qu'au cours du premier semestre 2014, elle avait été contactée et sélectionnée par un cabinet de consultants en formations, spécialisé dans les profils de dirigeants d'entreprises adaptées, la société BPI Group, et ce pour participer à une formation en plusieurs sessions organisée par Bouygues Télécom, l'objet de cette formation étant de développer les performances commerciales de l'entreprise adaptée et créer ou développer des emplois adaptés, que la direction du groupe NSD l'ayant mandatée pour développer la structure AP'AIPS, elle avait considéré que cette formation, qui devait démarrer le 27 novembre 2014, pouvait constituer une opportunité, qu'en juin 2014, elle avait évoqué cette proposition avec M. [F], celui-ci n'ayant marqué alors aucune opposition, qu'elle s'était donc considérée en mesure de poursuivre sa démarche et avait fourni dans les semaines suivantes les informations sollicitées par BPI Group, qu'en octobre 2014, elle avait à nouveau informé la direction des ressources humaines à travers son RRH, M. [R], en lui transmettant les éléments relatifs à cette formation, aucune opposition d'aucune sorte n'étant pour la seconde fois exprimée par la direction des ressources humaines, que le 25 novembre 2014, M. [F], auquel elle avait rappelé qu'elle serait absente deux jours plus tard pour suivre la formation en cause, s'était déclaré surpris et avait exprimé des doutes quant à la gratuité du programme, qu'elle lui avait donc transmis à nouveau l'ensemble des informations, que pour la troisième fois, elle n'avait reçu aucune réponse négative pendant plus de 24 heures, jusqu'à un courriel du 26 novembre 2014, à 19h19, dans lequel M. [F] prétendait qu'il venait d'être informé de cette formation et manifestait son désaccord, qu'elle avait alors obtempérait et immédiatement annulé sa participation compte tenu de la proximité pour le moins immédiate de la première session, à savoir le lendemain matin.

Elle considère qu'elle a respecté la procédure habituelle, en informant en amont l'interlocuteur compétent en matière de formation, à savoir M. [R], et qu'il appartenait éventuellement à ce dernier d'en référer à sa propre hiérarchie s'il le jugeait nécessaire, ce qu'il a d'ailleurs probablement fait auprès de M. [F], qu'en outre en tant que directrice depuis près de 7 ans au sein de la société AP'AIPS, soit le plus haut poste de responsabilités au sein de la structure, elle était légitime et en capacité hiérarchique de juger de l'opportunité de la formation litigieuse, laquelle ne comportait aucune obligation de quelque sorte que ce soit à la charge de la société AP'AIPS.

Sur ce, il ressort du contrat de Mme [K] qu'en tant que directrice, elle était en charge du pilotage de l'exploitation, de l'animation et du management de l'entreprise adaptée AP'AIPS, en collaboration étroite avec la direction commerciale. Le contrat indique que l'intéressée représente la société AP'AIPS et favorise la connaissance de l'entreprise auprès des clients et des prospects, qu'elle recherche l'optimisation et le développement des activités, qu'elle s'assure que l'entreprise est en conformité avec les règles sociales et commerciales, qu'elle rend compte mensuellement de l'évolution des activités et des marges d'exploitation, qu'elle favorise la réduction des coûts du personnel et des coûts d'achat, qu'elle préconise le développement de nouvelles activités en justifiant du choix et des besoins à mettre en 'uvre.

Mme [K] était placée sous la subordination de :

- M. [C] [T], gérant de la société AP'AIPS et président de la société NSD, société mère de l'entité,

- M. [D] [T], Directeur général de la société NSD,

- et du directeur administratif et financier du groupe NSD, en charge également de la direction des ressources humaines, poste occupé jusqu'en août 2010 par M. [J] [Y] puis par M. [S] [F].

Il ne résulte pas des explications ni des pièces fournies par les parties que la salariée bénéficiait d'une quelconque délégation de pouvoirs des dirigeants de la société.

Or, elle a signé le 20 octobre 2014, en qualité de représentante 'dûment habilitée' de la société AP'AIPS, un document intitulé 'Bulletin d'inscription - Université de l'[5]'.

Aux termes de cet écrit, signé par ailleurs par la société Bouygues Télécom, il était convenu que la société AP'AIPS communique à la société BPI Group, cabinet de conseil en développement économique et en ressources humaines mandaté par la société Bouygues Télécom, « la situation économique de son entreprise, son effectif, et les projets de développement de son activité » (article 1.1), qu'en outre elle « s'engage - autant que faire se peut - à mettre en 'uvre les moyens pour : - développer ou maintenir son activité au sein de son département ; - créer ou maintenir 2 emplois sur le périmètre d'intervention de la convention de revitalisation Bouygues Télécom », lesdits emplois devant être occupés dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ou d'un contrat à durée déterminée de 6 mois minimum (article 1.2). Il était précisé qu'au démarrage et à la fin de la convention de revitalisation, la société BPI Group aurait pour mission de mesurer le maintien ou la création d'emplois, ainsi que les principales données économiques de l'entreprise, et que le non-respect par la société AP'AIPS de ses engagements était susceptible de donner lieu à résiliation de la convention.

En contrepartie des engagements de la société AP'AIPS, la société Bouygues Télécom s'engageait à financer en sa faveur une prestation de formation selon un planning initialement prévu du 27 novembre 2014 au 31 mai 2015.

Il s'en déduit que contrairement à ce que prétend la salariée, cette formation n'était pas 'gratuite' mais financée par la société Bouygues Télécom en contrepartie d'engagements pris par la société AP'AIPS, laquelle indique d'ailleurs que la société Bouygues Télécom est son plus gros client.

Comme le fait justement observer l'employeur, Mme [K] ne pouvait ignorer qu'elle ne disposait d'aucun mandat pour signer cette convention qui engageait la société AP'AIPS d'une part, à créer ou maintenir des emplois - cette compétence relevant au demeurant du directeur des ressources humaines - et d'autre part, à accorder à la société Bouygues Télécom un droit de regard sur la gestion de la société,,en acceptant de transmettre sur demande des informations sur sa situation sociale, économique et financière et son évolution, et ce alors qu'au surplus la convention signée avec Bouygues Télécom mentionnait expressément que la société AP'AIPS était représentée par « Madame [X] [K], directrice d'exploitation, dûment habilitée ».

Mme [K] produit son courriel du 27 octobre 2014 à M. [R], RRH en charge de la formation, justifiant de la transmission du 'Bulletin d'inscription - Université de l'[5]', et du programme des trois modules de formation.

Elle ne pouvait cependant se suffire de cette simple information et se contenter de supposer que M. [R] la répercuterait à sa hiérarchie, compte tenu du caractère contraignant de l'accord signé par ses soins 7 jours plus tôt. Il lui appartenait d'en référer elle-même à sa hiérarchie, et ce avant même la signature de la convention. En ne le faisant pas, la salariée a manqué à ses obligations contractuelles, ce qui constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le second grief visé dans la lettre de rupture.

Mme [K] doit dès lors être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, par infirmation du jugement entrepris.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société AP'AIPS supportera les dépens en application des dispositions de l'article'696 du code de procédure civile.

Elle sera en outre condamnée à payer à Mme [K] une indemnité sur le fondement de l'article'700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, qui sont donc confirmés, et 1'000'euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement rendu le 27 mars 2019 par le conseil de prud'hommes de Nanterre sauf en ce qui concerne les frais irrépétibles de première instance et les dépens ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que le licenciement notifié à Mme [X] [K] épouse [O] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

DÉBOUTE Mme [X] [K] épouse [O] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société AP'AIPS à verser à Mme [X] [K] épouse [O] la somme de 7 492,56 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires ;

CONDAMNE la société AP'AIPS à verser à Mme [X] [K] épouse [O] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société AP'AIPS de sa demande de ce chef ;

CONDAMNE la société AP'AIPS aux dépens.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code procédure civile et signé par Madame Valérie DE LARMINAT,Conseiller,en remplacement de Madame Isabelle VENDRYES,Président,légitimement empêché, et par Madame BOUCHET-BERT Elodie,Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER P/ LE PRESIDENT empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 19/01907
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;19.01907 ?
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