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07/07/2022 | FRANCE | N°19/01084

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 07 juillet 2022, 19/01084


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 07 JUILLET 2022



N° RG 19/01084 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TAVY



AFFAIRE :



[P] [I]





C/

SAS RECTICEL









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Décembre 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : F 17/01292



Copies ex

écutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA



Me Roger KOSKAS





le : 08 Juillet 2022



Expédition numérique délivrée à Pôle Emploi, le 08 Juillet 2022



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 JUILLET 2022

N° RG 19/01084 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TAVY

AFFAIRE :

[P] [I]

C/

SAS RECTICEL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Décembre 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : F 17/01292

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA

Me Roger KOSKAS

le : 08 Juillet 2022

Expédition numérique délivrée à Pôle Emploi, le 08 Juillet 2022

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [P] [I]

né le 10 Novembre 1984 à [Localité 6]

De nationalité française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par : Me Roger KOSKAS de la SELARL Brihi-Koskas & Associés, Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0137 ; et Me Olivia MAHL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

SAS RECTICEL

N° SIRET : 702 001 785

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par : Me Jules SACHEL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS Me Pascal LAGOUTTE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0020 ; et Me Côme DE GIRVAL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0020 ; Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52

.

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Mai 2022,devant la cour composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le groupe belge Recticel est spécialisé dans la fabrication de mousse de polyuréthane souple et rigide et de produits connexes. Ce groupe, créé en 1967, emploie environ 7 500 salariés dans 27 pays. Il est composé de quatre divisions :

- division Isolation : fabrication et commercialisation d'isolations thermiques durables en mousse rigide polyuréthane,

- division Literie : développement, production et commercialisation de matelas, de sommiers et de lits entièrement finis,

- division Automobile : fabrication en mousse à peau d'éléments de finition intérieure (peaux de tableaux de bord et habillage de panneaux de porte) et de coussins de siège en mousse moulée à froid,

- division Mousses Souples : production et transformation de produits semi-finis en mousse de polyuréthane souple. Elle fournit notamment les divisions Literie et Automobile.

La filiale française, SAS Recticel, dont le siège social se situe à [Localité 11] en Seine-et-Marne en région Île-de-France, intervient sur le marché français des mousses souples.

En 2015, elle employait 565 salariés répartis sur cinq sites - [Localité 7] (43), [Localité 8] (27), [Localité 11] (77), [Localité 5] (18) et [Localité 10] (72).

La convention collective nationale applicable est celle de la plasturgie du 1er juillet 1960.

Au cours d'une réunion du comité central d'entreprise qui s'est tenue le 4 février 2016, la direction a présenté un projet de réorganisation emportant fermeture définitive de l'usine de [Localité 9], s'accompagnant de la suppression de 25 postes.

Le 31 mars 2016, la société et les organisations syndicales ont signé un accord collectif portant plan de sauvegarde de l'emploi lequel a été validé par la Direccte le 13 mai 2016 .

Entre le 13 et le 19 juillet 2016, l'inspection du travail a autorisé le licenciement des salariés protégés concernés par le projet de fermeture de l'établissement de [Localité 9]. Le tribunal administratif de Nantes a cependant déclaré illégales les décisions administratives ayant autorisé le licenciement des salariés protégés. Par décision du 27 avril 2022, le Conseil d'Etat a rejeté le pourvoi de la société.

M. [P] [I], né le 10 novembre 1984, a été engagé par cette société en qualité de responsable des opérations et support technique le 2 juillet 2008 par contrat de travail à durée indéterminée. Il travaillait sur le site de [Localité 9] dans la Sarthe.

En dernier lieu, M. [I] occupait le poste de responsable des opérations [Localité 9] et support technique Recticel Flex Foam France.

Dans le cadre de la procédure de licenciement économique initiée, la société Recticel a notifié à M. [I] son licenciement pour motif économique par courrier du 8 aout 2016.

(...) Recticel est un groupe belge de dimension principalement européenne, qui intervient dans la fabrication de mousse de polyuréthane souple et rigide. Le groupe est organisé en quatre divisions : l'isolation, la literie, l'automobile et les mousses souples.

La division mousse souple est dédiée à la production et à la transformation de produits semi-finis en mousse de polyuréthane souple, destinés au marché du 'confort' ( siège, literie...) et au marché dit des 'mousses techniques' qui regroupe des applications techniques vendues dans l'industrie et utilisées pour leurs propriétés liées à l'acoustique, l'étanchéité ou la filtration. L'activité de cette division représente près de la moitié de celle du groupe.

Compte tenu de son poids économique, la division est composée de deux pôles intervenant sur deux marchés distincts: le pôle Eurofoam ( Europe de l'Est) qui a été construit autour d'une 'joint-venture' détenue à 50% par le groupe Recticel et à 50% par le groupe Greiner et qui intervient principalement dans les pays d'Europe de l'Est et le Pôle 100% Recticel ( Europe de l'Ouest) qui est composé des sociétés historiques du groupe, détenues à 100% par la société Recticel NVSA et qui intervient principalement en Europe de l'ouest.

La société Recticel SAS intervient sur le marché français des mousses souples. A ce titre, elle fait partie du secteur d'activité des mousses souples de l'Europe de l'ouest.

Or, le marché des mousses souples de l'Europe de l'ouest est impacté négativement par la dégradation persistante de l'économie des pays de l'Europe de l'ouest, dont celle de l'économie française et une fuite du marché de l'ameublement, dont celui du siège, vers les pays de l'Europe de l'est et de l'Asie.

En effet, le phénomène de délocalisation qui touche l'ensemble de l'activité industrielle des pays de l'Europe de l'ouest frappe particulièrement le marché de l'ameublement . Plusieurs acteurs du marché clients de Recticel SAS ont été contraints à la liquidation.

Du fait de ces éléments, en 2014, le secteur d'activité mousses souples Europe de l'Ouest du groupe Recticel a connu un résultat négatif de plus de 6,5 millions d'euros

Au regard de l'absence d'évolution du chiffre d'affaires de ce secteur en 2015 et de l'absence d'évolution significative des prévisions de chiffre d'affaires pour l'année 2018, aucune évolution structurelle des résultats de ce secteur d'activité ne peut être envisagée.

Au sein du secteur d'activité mousse souple Europe de l'ouest du groupe Recticel, les résultats de la société Recticel SAS sont particulièrement inquiétants. Ainsi, le résultat d'exploitation de la société qui était positif de 548 000 euros en 2012 n'a été que de 76 000 euros en 2013 pour devenir négatif en 2014 à hauteur de moins 1 416 000 euros.

Au cours de l'année 2015, la société a pris plusieurs mesures destinées à permettre un retour à la compétitivité et notamment le déploiement d'une démarche 'lean' destinée à l'amélioration de la productivité des sites industriels de la société, une structuration d'un service achat pour réaliser des économies sur les approvisionnements et une mise en place d'un partenariat avec une société de logistique destiné à générer des économies sur les coûts de transports 'projets 4PL'.

Toutefois, malgré les mesures correctives mises en place en 2015, le résultat d'exploitation de la société a continué à chuter pour atteindre 2'091 000 euros.

Il est donc indispensable, pour sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe et assurer la pérennité de la société, que Recticel SAS procède à la fermeture de l'établissement de [Localité 9] dont le chiffre d'affaires est en baisse quasiment constante depuis 2011 et dont les résultats sont structurellement négatifs.

C'est dans ce contexte que la suppression du poste d'opérateur transformation profil n°3 que vous occupez au sein de l'établissement de [Localité 9] n'a pas pu être évité.

Nous avons tout mis en 'uvre afin de procéder à votre reclassement, conformément aux obligations qui nous incombent (...).

Pour l'ensemble de ces raisons, nous n'avons pas d'autres choix que de prononcer votre licenciement pour motif économique (...)'

Par requête reçue au greffe le 17 mai 2017, M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre en contestation de son licenciement.

Par jugement rendu le 20 décembre 2018, le conseil de prud'hommes de Nanterre, section encadrement, a :

- constaté la réalité des difficultés économiques,

- dit et jugé que le licenciement de M. [I] est parfaitement justifié,

- dit et jugé que la société Recticel a parfaitement respecté son obligation de reclassement,

- débouté purement et simplement M. [I] de l'ensemble d ses demandes,

- débouté la société Recticel de sa demande d'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les éventuels dépens seront à la charge de M. [I].

M. [I] avait demandé au conseil de prud'hommes de :

- le déclarer recevable et bien fondé dans l'ensemble de ses fins et prétentions,

- dire et juger que le licenciement pour motif économique de M. [I] est sans cause réelle et sérieuse,

- réparation du préjudice subi du fait de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement : 38 015,23 euros net,

- article 700 du code de procédure civile : 2 500 euros,

- ordonner l'exécution provisoire des condamnations à intervenir sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile,

- condamner la société Recticel aux intérêts légaux ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance en ce compris les frais de procédure et les éventuels frais d'exécution du jugement.

M. [I] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 4 mars 2019.

Par conclusions adressées par voie électronique le 13 septembre 2021, M. [I] demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé dans l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 20 décembre 2018 dans toutes ses dispositions,

Et, statuant à nouveau :

- dire et juger que le licenciement pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Recticel SAS à payer à M. [I] la somme de 38 015,23 euros nets à en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement,

- condamner la société Recticel SAS à verser à M. [I] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Recticel SAS aux intérêts légaux ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, en ce compris, les frais de procédure et les éventuels frais d'exécution.

Par conclusions adressées par voie électronique le 1er aout 2019, la société Recticel demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre du 20 décembre 2018 en ce qu'il a :

* constaté que le secteur d'activité retenu pour apprécier les difficultés économiques est parfaitement justifié,

* constaté la réalité des difficultés économiques,

* dit et jugé que le licenciement de M. [I] est parfaitement justifié,

* dire et jugé que la société a parfaitement respecté son obligation de reclassement,

En conséquence :

- débouté M. [I] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté M. [I] de sa demande d'exécution provisoire,

- condamner M. [I] à verser à la société la somme de 5 000 euros à la société au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance rendue le 15 septembre 2019, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction.

Par arrêt rendu le 16 décembre 2021, la cour d'appel de Versailles a :

- ordonné le sursis à statuer dans le cadre de la présente affaire pour permettre d'examiner ensemble tous les dossiers concernant le même licenciement économique collectif et dans l'attente de l'arrêt du Conseil d'État à la suite du pourvoi formé contre le jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 juin 2020,

- dit que l'affaire sera rappelée à l'audience collégiale du Mardi 24 mai 2022 à 09h00 en salle n°3,

- réservé les dépens.

Les parties ont été entendues à l'audience du 24 mai 2022 à 9h .

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS

L'instance n'a plus lieu d'être suspendue alors que dans les termes de l'article 378 du code de procédure civile cette suspension n'a cours que jusqu'à la survenance de l'événement qui l'a déterminé.

S'agissant de la cause économique du licenciement, la société Recticel fait valoir que le licenciement économique est justifié par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de la société au regard des difficultés rencontrées au sein du secteur d'activité 'mousses souples Europe de l'Ouest'.

Elle rappelle à cet égard que le périmètre du groupe à prendre en considération pour apprécier la cause économique est l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L.2331-1 du code du travail et que les sociétés du groupe Eurofoam avec lequel le groupe Recticel a construit une joint-venture en Europe de l'Est et dont il ne détient que 50% des parts ne sauraient être dès lors incluses dans le secteur d'activité des mousses souples Europe de l'Ouest, ces sociétés Eurofoam constituant un groupe distinct du groupe Recticel.

Elle ajoute que plusieurs critères, objectivement appréciables, permettent de distinguer le secteur Eurofoam et le secteur 100% Recticel ( Europe de l'Ouest) étant observé que leur secteur géographique d'intervention est distinct ( les entreprises Eurofoam étant présentes en quasi totalité en Europe de l'Est à l'exception de l'Allemagne et de l'Autriche pour des raisons historiques) , que le pôle Recticel 100% ne peut vendre ses produits sur les territoires du groupe Eurofoam, que la comptabilité du groupe distingue bien les deux pôles d'activité.

La société intimée fait état de ce que la ligne managériale et la clientèles attachée au 'groupe Recticel 100%' diffèrent de celles d'Eurofoam , que la délimitation du secteur géographique n'a jamais soulevé de difficulté auprès de l'ensemble des instances consultées et interrogées sur le projet de fermeture du site de [Localité 10] non plus que devant l'inspection du travail dans le cadre de sa décision du 13 juillet 2016.

La société énonce que l'activité des mousses souples en Europe de l'Ouest ainsi identifiée devait se réorganiser pour sauvegarder sa compétitivité ce, compte tenu de la dégradation incontestable des résultats ( chiffre d'affaires et résultat d'exploitation) dans le secteur d'activité retenu, sans perspective d'amélioration , cette dégradation étant d'autant plus inquiétante qu'elle a lieu dans un contexte favorable à la société. Elle mentionne les nombreuses mesures d'ores et déjà prises pour tenter de rétablir la situation , les difficultés économiques étant par ailleurs tout autant présentes au niveau du groupe et se répercutant sur la société et notamment sur l'établissement de [Localité 10].

La société fait par ailleurs valoir qu'elle a parfaitement satisfait à ses obligations en matière de reclassement.

M. [I] conteste pour sa part la cause économique du licenciement étant observé que le secteur d'activité du groupe doit être envisagé comme une notion fonctionnelle faisant référence à l'activité économique des entreprises ayant le même objet , l'imbrication des activités des sociétés d'un même groupe tendant à contredire l'existence de secteurs d'activité différents, le fait que des filiales soient implantées sur des territoires différents et se destinent à intervenir sur des marchés géographiquement distincts n'étant pas susceptible de justifier l'existence de secteurs d'activité différents.

Il retient que les divisions Isolation , Literie, Automobile , Mousses Souples ne constituent que des segments d'un seul et même secteur d'activité : la fabrication et la transformation des mousses de polyuréthane, que la nature des produits fabriqués, transformés, distribués, commercialisés par les différentes sociétés du groupe Recticel ainsi que les liens étroits existant entre elles démontrent qu'elles participent d'un unique secteur d'activité.

Subsidiairement, il ajoute que l'appréciation du motif économique ne saurait être invoqué sur le seul périmètre géographique de l'Europe de l'Ouest , le groupe appréciant d'ailleurs ses résultats, sa stratégie et sa compétitivité sur le secteur 'mousses souples' au niveau mondial tous pays confondus , aucun élément lié à la spécificité de l'activité ou du marché en Europe de l'Est ne permettant de les distinguer avec ceux d'Europe de l'Est. Il en déduit que le motif économique invoqué à l'appui du licenciement ne pouvant se limiter aux seuls résultats de l'Europe de l'Ouest, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

Sur ce,

La cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient.

Le périmètre du groupe à prendre en considération à cet effet est l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 2331-1 du code du travail, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national.

L'article L.2331-1 du code du travail retient que

'I. - Un comité de groupe est constitué au sein du groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

II. - Est également considérée comme entreprise dominante, pour la constitution d'un comité de groupe, une entreprise exerçant une influence dominante sur une autre entreprise dont elle détient au moins 10 % du capital, lorsque la permanence et l'importance des relations de ces entreprises établissent l'appartenance de l'une et de l'autre à un même ensemble économique.

L'existence d'une influence dominante est présumée établie, sans préjudice de la preuve contraire, lorsqu'une entreprise, directement ou indirectement :

- peut nommer plus de la moitié des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance d'une autre entreprise ;

- ou dispose de la majorité des voix attachées aux parts émises par une autre entreprise ;

- ou détient la majorité du capital souscrit d'une autre entreprise.

Lorsque plusieurs entreprises satisfont, à l'égard d'une même entreprise dominée, à un ou plusieurs des critères susmentionnés, celle qui peut nommer plus de la moitié des membres des organes de direction, d'administration ou de surveillance de l'entreprise dominée est considérée comme l'entreprise dominante, sans préjudice de la preuve qu'une autre entreprise puisse exercer une influence dominante'.

L'article L.233-16 du code de commerce énonce notamment que

(...) II le contrôle exclusif par une société résulte :

1° Soit de la détention directe ou indirecte de la majorité des droits de vote dans une autre entreprise ;

2° Soit de la désignation, pendant deux exercices successifs, de la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance d'une autre entreprise. La société consolidante est présumée avoir effectué cette désignation lorsqu'elle a disposé au cours de cette période, directement ou indirectement, d'une fraction supérieure à 40 % des droits de vote, et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détenait, directement ou indirectement, une fraction supérieure à la sienne ;

3° Soit du droit d'exercer une influence dominante sur une entreprise en vertu d'un contrat ou de clauses statutaires, lorsque le droit applicable le permet.

III.-Le contrôle conjoint est le partage du contrôle d'une entreprise exploitée en commun par un nombre limité d'associés ou d'actionnaires, de sorte que les décisions résultent de leur accord.

Si la société Recticel retient ici que les entreprises Eurofoam constituent un groupe distinct du groupe Recticel dès lors que ce groupe ne possède pas 51% des parts de la 'joint venture' Eurofoam non plus que la majorité des droits de vote au sein des sociétés Eurofoam, ces deux éléments restent insuffisants pour écarter l'existence d'une influence dominante du groupe Recticel sur les entreprises intégrées dans la joint- venture.

En effet, cette influence dominante se déduit, en l'espèce et dans les termes de l'article L.2331-1 susvisé, de la permanence et de l'importance des relations entre les sociétés constituant la joint- venture Eurofoam et le groupe Recticel établissant leur appartenance à un même ensemble économique.

La cour observe en effet que dans le cadre des mesures sociales d'accompagnement du projet de fermeture de l'établissement de [Localité 9] communiquées aux débats, il est mentionné que le groupe belge Recticel est organisé en quatre divisions dont celle des mousses souples laquelle est composée de deux 'pôles' , le pôle Eurofoam et le pôle Recticel.

Aux termes du document soumis au titre de l'information consultation sur le projet de fermeture du site de [Localité 9], il est également indiqué que 'Recticel est un groupe belge de dimension européenne. Il est, toutefois, également actif dans d'autres pays du monde. Le Groupe intervient dans la fabrication de la mousse de polyuréthane souple et rigide'.

La page 2 du document est consacrée à la définition des activités des quatre divisions du groupe dont la 'division mousses souples' couvrant la production et la transformation de produits semi finis en mousse de polyuréthane souple, celle-ci étant organisée autour de deux 'pôles' Eurofoam et Recticel, le premier construit autour d'une joint-venture détenue à 50% par le groupe Recticel et à 50% par le groupe Greiner existant depuis les années 1990 et s'étant principalement développé dans les pays de l'Europe de l'Est dont l'Allemagne et le second étant composé des sociétés historiques du groupe Recticel, détenues à 100% par la société Recticel NVSA et comprenant principalement des sociétés situées en Europe de l'ouest et notamment en Belgique.

Il s'en déduit que les deux pôles Eurofoam et Recticel sont intégrés dans le même groupe, le document susvisé décrivant à cet égard les délocalisations opérées en son sein soit 'dans les pays à bas coût de main d'oeuvre dont les pays de l'Europe de l'Est frappant directement des marchés comme le confort mais aussi les mousses techniques' ( page25) tandis que les résultats du groupe sont communiqués en page 33 sans distinction entre les deux pôles,

L'analyse de la situation économique de la société et du groupe Recticel par la société de commissaires aux comptes '01Auditassistance' vient tout autant décrire l'intégration des deux pôles au sein du même groupe, le fait qu'Eurofoam soit détenu à 50% par le groupe belge et le groupe Greiner n'empêchant pas une présentation consolidée des comptes de la division mousses souples, soit des deux pôles, au sein du groupe belge , les commissaires aux comptes énonçant par ailleurs qu'ils vendent des produits identiques (page 3).

Le moyen portant sur le périmètre du groupe développé par la société Recticel sera donc écarté.

S'agissant du secteur d'activité à prendre en considération, le salarié fait à bon droit remarquer que la seule circonstance que les sociétés appartenant aux deux pôles soient implantées sur des territoires différents et se destinent à intervenir sur des marchés géographiques distincts ne saurait justifier l'existence de secteurs d'activité distincts.

Afin d'identifier un tel secteur, il convient en effet de prendre en considération un faisceau d'indices relatifs tout particulièrement à la nature des produits fabriqués .

Or, en l'espèce, le conseil de prud'hommes a relevé à juste titre, en s'appuyant plus particulièrement sur le rapport Secafi, que le groupe Recticel se présente lui même comme leader sur le secteur de la transformation chimique du polyuréthane sans autre forme de distinction, les différentes activités se chevauchant et faisant du groupe un ensemble unique et intégré, la caractérisation de différentes divisions au sein desquelles les produits se répartissent en fonction de leurs commodités et de leurs techniques de production ne suffisant pas à identifier des secteurs d'activité distincts au sein de l'exploitation des mousses de polyuréthane.

Il s'en déduit que l'activité liée aux mousses souples de l'Europe de l'Ouest ne saurait constituer un secteur d'activité distinct alors que la filiale française Recticel Sas appartient au secteur d'activité unique du groupe Recticel soit la fabrication et la transformation des mousses de polyuréthane.

Ces éléments conduiront, par infirmation du jugement entrepris, à retenir le défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement entrepris compte tenu du périmètre erroné d'appréciation du motif économique.

Au vu des pièces et des explications fournies, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération mensuelle moyenne versée à M. [I] (3801,52 euros), de son âge, de son ancienneté depuis le 1er septembre 2008 et des conséquences du licenciement à son égard, la société Recticel sera condamnée à lui verser la somme de 32500 euros net de CSG/CRDS, à titre indemnitaire, étant rappelé que celle- ci n'est pas imposable à l'impôt sur le revenu dans les termes de l'article 80 duodecies du code général des impôts.

Il convient d'ordonner le remboursement par la société Recticel aux organismes concernés des indemnités de chômage effectivement versées à M. [I] dans la limite de deux mois conformément aux dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail.

La créance indemnitaire susvisée portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision en retenant le principe et le montant.

Il sera statué sur les dépens et frais irrépétibles dans les termes du dispositif.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

INFIRME le jugement entrepris;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT le licenciement de M. [P] [I] dénué de cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société Recticel à payer à M. [P] [I] la somme de 32500 euros net de CSG/CRDS à titre d'indemnité pour défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

ORDONNE le remboursement par la société Recticel à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à la suite du licenciement de M. [P] [I] dans la limite de deux mois et dit qu'une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée par le greffe par lettre simple à la direction générale de Pôle emploi conformément aux dispositions de l'article R. 1235-2 du code du travail;

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Recticel à payer à M. [P] [I] la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

DÉBOUTE la société Recticel de sa demande de ce chef,

CONDAMNE la société Recticel aux dépens ;

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code procédure civile et signé par Madame Valérie DE LARMINAT,Conseiller,en remplacement de Madame Isabelle VENDRYES,Président,légitimement empêché, et par Madame BOUCHET-BERT Elodie,Greffière,auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER P/ LE PRESIDENT empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 19/01084
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;19.01084 ?
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