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07/07/2022 | FRANCE | N°18/03706

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 07 juillet 2022, 18/03706


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 07 JUILLET 2022



N° RG 18/03706 - N° Portalis DBV3-V-B7C-STH5



AFFAIRE :



[V] [O]





C/

SA SOPRA STERIA GROUP









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 11 Juillet 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : F16

/01091



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me France CARMINATI-GELBERT



Me Jérôme POUGET







le : 08 Juillet 2022





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEPT JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX ,
...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 JUILLET 2022

N° RG 18/03706 - N° Portalis DBV3-V-B7C-STH5

AFFAIRE :

[V] [O]

C/

SA SOPRA STERIA GROUP

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 11 Juillet 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : F16/01091

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me France CARMINATI-GELBERT

Me Jérôme POUGET

le : 08 Juillet 2022

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant,fixé au 30 Juin 2022,puis prorogé au 07 Juillet 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Madame [V] [O]

née le 02 Août 1978 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par : Me France CARMINATI-GELBERT de la SELARL ACTIS AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : 1 .

APPELANTE

****************

SA SOPRA STERIA GROUP

N° SIRET : 326 820 065

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par : Me Jérôme POUGET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1366.

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Mai 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie  DE LARMINAT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT,

Rappel des faits constants

La SA Sopra Steria Group, dont le siège social est situé à [Localité 4] en Haute-Savoie, est spécialisée dans la vente de prestations informatiques. Elle emploie plus de dix salariés et applique la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec.

Mme [V] [O], née le 2 août 1978, a été engagée par la société Sopra Group devenue la société Sopra Steria Group le 16 mai 2006, selon contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d'ingénieur débutante, moyennant une rémunération mensuelle de 2 300 euros bruts.

En dernier lieu, Mme [O] occupait le poste d'ingénieur d'études, moyennant une rémunération mensuelle de 2 533,04 euros bruts par mois pour un 4/5ème dans le cadre d'un congé parental à temps partiel, augmentée d'une prime équivalente de 13ème mois.

Après un entretien préalable qui s'est déroulé le 14 avril 2014, Mme [O] s'est vu notifier, par courrier du 17 avril 2014, son licenciement pour faute grave, motif pris de son refus réitéré de remplir la mission sur laquelle elle était affectée.

Mme [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre en contestation de son licenciement, par requête reçue au greffe le 22 avril 2016.

La décision contestée

Par jugement contradictoire rendu le 11 juillet 2018, la section encadrement du conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- dit et jugé que le licenciement Mme [O] pour faute grave est justifié,

- débouté Mme [O] de toutes ses demandes,

- laissé les éventuels dépens à la charge de Mme [O].

Mme [O] avait demandé au conseil de prud'hommes de :

- dire et juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et en conséquence condamner la société Steria Sopra Group à lui verser les sommes suivantes :

. indemnité compensatrice de préavis : 9 231,39 euros,

. congés payés afférents au préavis : 923,13 euros,

. indemnité conventionnelle de licenciement : 8 120,20 euros,

. indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 55 388,34 euros,

. dommages-intérêts pour préjudice moral et matériel : 18 462,78 euros,

- assortir les condamnations des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et anatocisme,

- ordonner la remise des documents de rupture (attestation destinée à Pôle emploi, certificat de travail et reçu pour solde de tout compte) conformes sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document,

- article 700 du code de procédure civile : 3 000 euros,

- entiers dépens,

- exécution provisoire (article 515 code de procédure civile).

La société Sopra Steria Group avait, quant à elle, conclut au débouté de la salariée et avait sollicité sa condamnation à lui verser une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La procédure d'appel

Mme [O] a interjeté appel du jugement par déclaration du 14 août 2018 enregistrée sous le numéro de procédure 18/03706.

Prétentions de Mme [O], appelante

Par conclusions adressées par voie électronique le 4 février 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [O] conclut à l'infirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris et demande à la cour d'appel, statuant de nouveau, de :

- dire et juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et en conséquence condamner la société Steria Sopra Group à lui verser les sommes suivantes :

. indemnité compensatrice de préavis : 9 231,39 euros,

. indemnité de congés payés sur préavis : 923,13 euros,

. indemnité conventionnelle de licenciement : 8 120,20 euros,

. indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 55 388,34 euros,

. dommages-intérêts pour préjudice moral et matériel : 18 462,78 euros.

L'appelante sollicite en outre l'exécution provisoire, les intérêts de retard au taux légal, leur capitalisation, la remise d'un certificat de travail, d'une attestation destinée à Pôle emploi et d'un reçu pour solde de tout compte conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document et une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Prétentions de la société Sopra Steria Group, intimée

Par conclusions adressées par voie électronique le 29 mars 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société Sopra Steria Group conclut à la confirmation du jugement entrepris et demande donc à la cour d'appel de :

- dire et juger que le licenciement de Mme [O] est justifié par une faute grave,

- débouter Mme [O] de l'intégralité de ses demandes.

Elle sollicite en outre une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance rendue le 14 avril 2021, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 27 mai 2021.

À l'issue des débats, il a été proposé aux parties de recourir à la médiation, ce qu'elles ont accepté. La tentative de médiation a cependant échoué, de sorte que l'affaire a été rappelée à l'audience du 12 mai 2022.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur le licenciement pour faute grave

L'article L. 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement pour motif personnel à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.

La faute grave se définit comme la faute qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

Il appartient à l'employeur qui entend se prévaloir d'une faute grave du salarié d'en apporter seul la preuve. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Par courrier du 17 avril 2014, la société Sopra Steria Group a notifié à Mme [O] son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :

" A la fin du mois d'août 2013, une mission vous a été proposée, en adéquation avec vos compétences et votre expérience, au sein de notre équipe Primmo chez notre client Société Générale. Cette mission devait commencer le 16 septembre 2013 mais en raison de vos demandes de congés sans solde successifs, que nous avons acceptés, cette mission a finalement débuté le 25 novembre 2013.

Vous avez accepté cette mission après un entretien client, mission qui est en totale cohérence avec ce que nous sommes en droit d'attendre d'un Business Analyst ayant votre expérience professionnelle.

Néanmoins, le 14 mars 2014, nous avons eu la surprise de recevoir un mail dans lequel vous expliquiez les raisons qui vous conduisaient à vouloir quitter cette mission de manière prématurée.

Vous avez été reçue par votre directeur d'agence le 20 mars 2014 pour échanger avec vous sur les points que vous souleviez.

Nous avons répondu à votre mail point par point, en vous demandant de poursuivre votre mission.

Nous vous avons également proposé deux mesures d'accompagnement : faire un point de situation sur votre prestation avec le client et suivre une formation comportementale sur l'organisation et la gestion du stress.

Le 24 mars 2014, nous avons constaté que vous vous trouviez dans les locaux de notre agence puisque vous aviez décidé d'arrêter votre mission, de votre propre initiative et sans l'accord de votre hiérarchie, alors qu'elle n'était pas terminée et que nous vous avions formellement demandé de la poursuivre.

Vous avez confirmé ces faits par mail et avez soutenu que vous ne « reviendriez pas sur votre décision ».

Vous avez également refusé toute proposition de point de situation et de formation

Ce même jour, face à votre attitude de refus, nous vous avons remis en main propre une mise en demeure de reprendre votre mission dans les plus brefs délais, vous demandant de reprendre votre mission chez le client, sous peine d'encourir des sanctions disciplinaires.

Vous avez persévéré dans votre comportement fautif alors que nous vous avons alertée à diverses reprises sur les éventuelles conséquences disciplinaires de ce refus.

Le 28 mars, à votre demande, vous avez été reçue par votre RHD à votre demande. Lors de cet entretien nous vous avons confirmé que nous souhaitions que vous poursuiviez la mission sur laquelle vous avez été affectée et que vous aviez acceptée.

Ce même jour, vous avez répondu « la mission ne me va pas, je ne reste pas. Je sais que j'aurai des sanctions ».

Le 28 mars 2014, nous vous avons remis en main propre une seconde mise en demeure de vous rendre sur le site du client afin de poursuivre votre mission, sous peine d'encourir des sanctions disciplinaires.

Depuis, vous persévérez sciemment dans une attitude que vous savez fautive, qui consiste à refuser de reprendre votre mission chez le client, en vous rendant dans nos locaux, malgré nos nombreuses alertes.

D'ailleurs vous avez reconnu les faits lors de l'entretien préalable, sans pour autant parvenir à les justifier.

Un tel comportement est inacceptable et constitue une grave insubordination.

Votre attitude nous cause un préjudice en termes d'image, puisque vous nous mettez dans une position délicate vis-à-vis du client. Celui-ci nous a d'ailleurs exprimé à diverses reprises sa profonde insatisfaction, ce qui nous cause un préjudice d'image important vis-à-vis d'un client stratégique.

Votre comportement nous est également préjudiciable financièrement puisque nous avons dû consentir des jours de gratuité à notre client afin de couvrir vos manquements. Ce préjudice est encore aggravé par votre comportement à votre retour de congé maternité : vous avez demandé à de multiples reprises, sans délai de prévenance, des congés sans solde successifs.

Afin d'être conciliants, nous les avons acceptés, mais ces absences nous ont causé un lourd préjudice financier puisque ces absences successives n'ont pas permis de vous affecter sur la mission prévue, nous faisant perdre cette prestation commerciale.

Enfin votre absence a empêché des transferts de connaissance qui devaient se dérouler la semaine du 24 mars 2014, mettant nécessairement en difficulté la poursuite du projet sur lequel vous étiez positionnée. Une telle attitude a conduit inéluctablement à une désorganisation du service où vous étiez affectée, et à un report de votre charge de travail sur l'équipe.

En conséquence, nous sommes contraints de vous licencier pour faute grave, sans indemnité de licenciement ni préavis ."

Aux termes de cette lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, la société Sopra Steria Group reproche à Mme [O] son refus réitéré de remplir la mission à laquelle elle était affectée.

Il convient en effet de préciser que la deuxième série de faits visés dans la lettre de licenciement concernant les « efforts préalablement consentis par la société auprès de Mme [O] », notamment l'acceptation de congés sans solde sans délai de prévenance pour permettre à la salariée de gérer des problèmes de garde d'enfants, engendrant différents préjudices pour la société, ne constitue pas un grief, mais un rappel du contexte dans lequel le licenciement est intervenu, ainsi que l'admettent les parties aux termes de leurs conclusions.

Mme [O] reconnaît avoir refusé de poursuivre sa mission auprès de la Société Générale mais estime son refus légitime, faisant essentiellement valoir que cette mission lui a été confiée dans des circonstances particulièrement fautives de la part de son employeur et que celle-ci était, quoi qu'il en soit, irréalisable compte tenu de son inadéquation avec ses compétences.

Concernant les circonstances d'attribution de la nouvelle mission alors qu'elle était encore en congé maternité

Mme [O] fait ici valoir qu'elle était en congé maternité du 13 avril au 1er septembre 2013, qu'elle a pourtant été contactée par ses supérieurs le 14 août 2013 pour passer un entretien téléphonique le 23 août 2013 pour une nouvelle mission au sein de la Société Générale, qu'elle a dû consacrer plusieurs heures à la préparation de cet entretien, que la société Sopra Steria Group a de ce fait manqué à son obligation de sécurité.

La société Sopra Steria Group justifie que le congé maternité de Mme [O] a pris fin le 4 août 2013, ainsi que l'écrit elle-même la salariée dans un courriel du 6 août 2013 (sa pièce 18), qu'elle ne peut donc se prévaloir d'une protection spécifique en lien avec son congé maternité après le 4 août 2013.

La société Sopra Steria Group reconnaît avoir pris contact avec la salariée afin d'organiser son retour au sein de l'entreprise. Elle justifie cependant que Mme [O] a remercié son interlocuteur de cette démarche en ces termes : « Sinon concernant LCL, ma mission a-t-elle pris fin ou est-elle suspendue temporairement ' Donc je suis en inter-contrat, je te remercie de m'avoir prévenue. Si tu veux qu'on en discute, peux-tu préciser un créneau horaire dans lequel je puisse t'appeler ' Encore merci [M]. Bien cordialement, [V] », ce dont il se déduit l'absence de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Concernant les conditions de réintégration de la salariée

Mme [O] prétend qu'à son retour de congé maternité, elle n'a pas bénéficié de son droit à réintégration dans son emploi précédent, celle-ci revendiquant le bénéfice de sa mission auprès de LCL.

L'article L. 1225-25 du code du travail dispose en effet qu'à l'issue du congé maternité, la salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente.

Il convient de rappeler que Mme [O] exerçait les fonctions d'ingénieur d'études, position 2.2, coefficient 130, telles qu'elles résultent de la fiche métier détaillée produite par l'employeur (sa pièce 1) et qu'avant son congé maternité, elle était affectée sur une mission auprès de LCL, tandis qu'après son congé maternité, elle a été affectée sur une mission au sein de la Société Générale.

La cour retient ici que, pour autant, malgré ce changement de mission, Mme [O] a continué à exercer les mêmes fonctions, a conservé le même niveau de rémunération, le même titre et le même positionnenement conventionnel.

La société Sopra Steria Group explicite que le congé maternité de la salariée devait initialement prendre fin le 4 août 2013 mais qu'à cette date, la mission au sein de LCL avait pris fin et n'était donc plus disponible, que la salariée ne pouvait donc pas réintégrer cette mission.

C'est ce que lui a d'ailleurs rappelé son employeur par courriel du 20 mars 2014 en ces termes : « Je tiens à te rappeler que ton emploi n'a absolument pas été modifié. Le changement de mission est inhérent à notre activité de service et tu ne peux pas prétendre que ton emploi a été modifié simplement parce que tu as changé de mission, la précédente n'étant de toute façon plus disponible. Ta mission actuelle entre parfaitement dans les compétences dont tu disposes et celles d'un Business Analyst niveau 2. ».

L'employeur n'a donc pas méconnu les dispositions susvisées.

Concernant l'établissement d'un ordre de mission

Mme [O] fait valoir qu'elle n'a pas reçu d'ordre de mission, de sorte que son employeur ne peut lui reprocher d'avoir quitté une mission qu'elle n'a jamais formellement acceptée et dont elle ne connaissait ni l'étendue, ni les tâches avec précision.

Mais, comme le soutient pertinemment l'employeur, l'affectation de Mme [O] au sein de la Société Générale a eu lieu après un entretien avec cette société aux termes duquel la salariée a obtenu toutes les informations nécessaires sur sa mission, qu'elle a commencé à exercer sa mission sans signaler aucune difficulté, de sorte qu'elle ne peut aujourd'hui se retrancher derrière l'absence d'ordre de mission pour prétendre que cela l'aurait empêchée de connaître la teneur et l'étendue de sa mission.

Il est rappelé que, conformément aux termes de l'article 51 de la convention collective Syntec, l'ordre de mission vise à définir les modalités de prise en charge des frais de déplacement et non à entériner l'acceptation ou le refus de la mission.

Concernant l'inadéquation de la mission à ses qualifications

Mme [O] oppose ici que le poste proposé était celui d'un business analyst alors qu'elle a été engagée en qualité d'ingénieur d'études.

La société Sopra Steria Group justifie toutefois que le poste d'ingénieur d'études est en réalité divisé en plusieurs filières, dans le cadre du référentiel métier de la société, à savoir « ISS Project Management » et « Business Analysis », que les notions présentées par la salariée ne sont en réalité pas opposées mais que celle de business analyst correspond à une spécialité du métier d'ingénieur d'études, que c'est donc à tort que la salariée les oppose.

Cet argument sera en conséquence écarté.

Concernant l'inadéquation de la mission avec son temps partiel

Mme [O] soutient enfin qu'elle ne pouvait pas valablement exercer ses fonctions au sein de la Société Générale en raison de son congé parental à temps partiel.

La société Sopra Steria Group oppose cependant avec pertinence qu'elle était en mesure d'assurer la continuité du service et que le client, pleinement informé de cette situation, l'avait acceptée et s'était dit pleinement satisfait de la prestation de Mme [O].

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que le refus de la salariée de poursuivre sa mission auprès de la Société Générale n'était fondé sur aucun motif légitime.

La société Sopra Steria Group justifie de plusieurs démarches auprès de la salariée pour tenter d'obtenir des explications et pour l'inviter à reprendre sa mission, sans résultat cependant.

Dans ces conditions, le refus réitéré de la salariée d'accomplir le travail qui lui a été confié, sans motif valable, constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

Ainsi, le licenciement pour faute grave prononcé par la société Sopra Steria Group à l'égard de Mme [O] est bien fondé.

Mme [O] sera dès lors déboutée des demandes subséquentes, par confirmation du jugement entrepris.

Sur le préjudice moral et matériel

Mme [O] sollicite l'allocation d'une somme de 18 462,78 euros à titre de dommages-intérêts sur ce fondement.

A l'appui de sa demande, la salariée explique pèle-mêle qu'elle a été particulièrement touchée par son licenciement après huit années d'ancienneté sans aucun reproche, que dès son retour de congé maternité, elle a constaté une dégradation de ses conditions de travail, qu'elle a été affectée sur une mission qui ne lui correspondait pas, que la charge de travail qui lui a été confiée était incompatible avec un temps partiel, qu'elle n'a bénéficié d'aucune revalorisation de salaire alors que le salarié en poste avant elle était mieux rémunéré, qu'elle a très mal vécu cette discrimination injustifiée à son retour de congé maternité, qu'en outre, son licenciement est intervenu alors que sa famille s'était agrandie avec l'arrivée d'un second enfant, ce qui a nécessairement entraîné une augmentation de ses charges, que sa situation financière s'est également aggravée compte tenu des faibles indemnités qu'elle a perçues durant ses deux années de recherche d'emploi alors que son licenciement est intervenu dans un contexte économique difficile et très concurrentiel.

Il est constant qu'un licenciement pour autant fondé peut néanmoins ouvrir droit à une indemnisation au profit du salarié du fait de préjudices spécifiques, à la condition de justifier d'une faute de l'employeur à l'origine de ces préjudices.

En l'espèce cependant, Mme [O] ne produit aucune pièce utile au soutien de ses allégations et ne justifie donc d'aucun comportement fautif de l'employeur susceptible de commander l'allocation de dommages-intérêts.

Au demeurant, la société Sopra Steria Group démontre, alors que la salariée soutient n'avoir bénéficié d'aucune augmentation sur la période contractuelle, lui avoir consenti une augmentation de 80 euros début 2012 et à nouveau début 2014 tandis que l'existence d'une discrimination n'est étayée par aucun élément.

Mme [O] sera déboutée de cette demande, par confirmation du jugement entrepris.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

Mme [O], qui succombe dans ses prétentions, supportera les dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Elle sera en outre condamnée à payer à la société Sopra Steria Group une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 1 000 euros.

Mme [O] sera déboutée de sa demande présentée sur le même fondement.

Le jugement de première instance sera confirmé en ses dispositions concernant les dépens et les frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 11 juillet 2018,

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme [V] [O] à payer à la SA Sopra Steria Group une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE Mme [V] [O] de sa demande présentée sur le même fondement,

CONDAMNE Mme [V] [O] au paiement des entiers dépens.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code procédure civile et signé par Madame Valérie DE LARMINAT,Conseiller,en remplacement de Madame Isabelle VENDRYES,Président,légitimement empêché, et par Madame BOUCHET-BERT Elodie,Greffière,auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER P/ LE PRESIDENT empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 18/03706
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;18.03706 ?
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