La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2022 | FRANCE | N°17/06512

France | France, Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 07 juillet 2022, 17/06512


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 63A



3e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 07 JUILLET 2022



N° RG 17/06512



N° Portalis DBV3-V-B7B-RZVN



AFFAIRE :



ONIAM



C/



[A] [S]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Juin 2017 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° Chambre : 4

N° RG : 15/00281



Expéditions exécuto

ires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Claire RICARD



Me Martina BOUCHE



Me Blandine HEURTON



Me Catherine LEGRANDGERARD



Me Christophe DEBRAY







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEPT JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 63A

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 JUILLET 2022

N° RG 17/06512

N° Portalis DBV3-V-B7B-RZVN

AFFAIRE :

ONIAM

C/

[A] [S]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Juin 2017 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° Chambre : 4

N° RG : 15/00281

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Claire RICARD

Me Martina BOUCHE

Me Blandine HEURTON

Me Catherine LEGRANDGERARD

Me Christophe DEBRAY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

ONIAM (OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX, DES AFFECTIONS IATROGENES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 12]

Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2017298

Représentant : Me Samuel m. FITOUSSI de la SELARL DE LA GRANGE ET FITOUSSI AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R112 substitué par Me Yasmine Ben Chaabane, avocat plaidant

APPELANT

****************

1/ Monsieur [A] [S]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 19]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 14]

Représentant : Me Blandine HEURTON, Postulant et Plaidant, avocat au barreau du VAL D'OISE, vestiaire : 139 - N° du dossier 040189

INTIME

2/ CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL D'OISE

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 13]

Représentant : Me Catherine LEGRANDGERARD, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 391

INTIMEE

3/ HOPITAL PRIVÉ DE [Localité 18] - CLINIQUE [16]

N° SIRET : 432 197 150

[Adresse 10]

[Localité 11]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 17713

Représentant : Me Vincent BOIZARD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0456 substitué par Me Aurélie EUSTACHE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0456

INTIME

4/ Société de droit irlandais MEDICAL INSURANCE COMPANY (M.I.C), prise en la personne de son représentant légal en France, la SAS François BRANCHET

N° SIRET : 443 083 384

[Adresse 7]

[Localité 8]

5/ SAS BRANCHET représentant légal de la Compagnie MIC LTD

N° SIRET : 443 083 384

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représentant : Me Martina BOUCHE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 266

Représentant : Me Laure SOULIER de la SELARL Cabinet AUBER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R281 substitué par Me Sophie TABARY, Plaidant.

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 Mai 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise BAZET, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-José BOU, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,

-----

FAITS ET PROCÉDURE

Présentant des douleurs lombaires, M. [A] [S], né le [Date naissance 4] 1957, a été opéré le 11 juillet 2011 d'une arthrodèse lombaire L2-L3 par le docteur [V] à l'hôpital privé de [Localité 18], exerçant sous le nom de la clinique [16], avec l'intervention du docteur [C] [O] en qualité d'anesthésiste.

Se plaignant de troubles moteurs de ses membres inférieurs, M. [S] a été de nouveau opéré le 12 juillet par le docteur [V] pour une reprise opératoire.

M. [S] a obtenu, par ordonnance du juge des référés du 6 août 2013, la désignation d'un expert, le docteur [T], neurochirurgien, lequel a déposé son rapport le 12 mai 2014.

Par actes des 3, 8, 15 et 23 décembre 2014, M. [S] a fait assigner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ci-après, l'ONIAM), [C] [O] et son assureur, la société MIC (ci-après, la MIC), représentée par la société François Branchet (ci-après, la société Branchet), la clinique [16] (ci-après la clinique) et la CPAM du Val d'Oise devant le tribunal de grande instance de Versailles.

Par jugement du 29 juin 2017, le tribunal a :

- réservé l'indemnisation des dépenses de santé, de frais divers et de logement adapté,

- condamné l'ONIAM à payer à M. [S] la somme de 248 640,49 euros au titre de l'indemnisation de ses autres préjudices,

- condamné la clinique [16] à payer à M. [S] la somme de 85 633,86 euros au titre de l'indemnisation de ses autres préjudices,

- condamné [C] [O] et son assureur, la société MIC représentée par la société Branchet, in solidum à payer à M. [S] la somme de 85 633,86 euros au titre de l'indemnisation de ses autres préjudices,

- condamné l'ONIAM, la clinique [16], [C] [O] et son assureur, la société MIC représentée par la société Branchet, in solidum, à payer à M. [S] la somme de 4 500 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné la clinique [16] à payer à la CPAM du Val d'Oise la somme de 32 974,52 euros avec intérêt au taux légal, à titre de dommages et intérêts compensatoires, à compter de l'état récapitulatif définitif du 12 janvier 2015, à titre moratoire à compter de la date du jugement,

- condamné [C] [O] et son assureur, la société MIC représentée par la société Branchet, in solidum, à payer à la CPAM du Val d'Oise la somme de 32 974,52 euros avec intérêt au taux légal, à titre de dommages et intérêts compensatoires à compter de l'état récapitulatif définitif du 12 janvier 2015, à titre moratoire à compter de la date du jugement,

- condamné la clinique [16] à payer à la CPAM du Val d'Oise la somme de 523,50 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et celle de 750 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné [C] [O] et son assureur, la société MIC, in solidum, à payer à la CPAM du Val d'Oise la somme de 523,50 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et celle de 750 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné l'ONIAM, la clinique [16], [C] [O] et son assureur, la société MIC représentée par la société Branchet, in solidum, aux dépens,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par acte du 30 août 2017, l'ONIAM a interjeté appel.

[C] [O] est décédé le [Date décès 3] 2018.

Par ordonnance du 7 janvier 2019, le magistrat de la mise en état a constaté l'interruption de l'instance à l'égard de [C] [O] et dit que l'instance se poursuit entre l'ONIAM, M. [S], la CPAM du Val d'Oise, la clinique [16] et la société MIC représentée par la société Branchet.

Par arrêt du 18 avril 2019, la cour d'appel de Versailles a :

- confirmé le jugement entrepris en ses dispositions emportant condamnation au profit de la CPAM du Val d'Oise, en celles relatives aux dépens et à l'indemnité de procédure,

- infirmé pour le surplus,

Statuant à nouveau,

- récapitulé comme suit les préjudices subis par M. [S] et mis à la charge de la clinique [16], poste par poste et indépendamment de la créance des tiers payeurs :

au titre de la tierce personne temporaire : 3690 euros,

au titre de la tierce personne permanente arrérages échus :13230 euros,

au titre de l'aménagement du véhicule : 683 euros,

au titre du déficit fonctionnel temporaire : 1513,80 euros,

au titre du déficit fonctionnel permanent : 18560 euros,

au titre du préjudice d'agrément : rejet,

au titre du préjudice sexuel : 1000 euros,

au titre des souffrances endurées : 3 000 euros,

au titre du préjudice esthétique temporaire : 800 euros,

au titre du préjudice esthétique permanent : 1200 euros,

- condamné la clinique [16] au paiement des sommes précitées en deniers ou quittances,

- récapitulé comme suit les préjudices subis par M. [S] et mis à la charge de la société MIC représentée par la société François Branchet, poste par poste et indépendamment de la créance des tiers payeurs :

au titre de la tierce personne temporaire : 3690 euros,

au titre de la tierce personne permanente arrérages échus : 13230 euros,

au titre de l'aménagement du véhicule : 683 euros,

au titre du déficit fonctionnel temporaire : 1513,80 euros,

au titre du déficit fonctionnel permanent : 18560 euros,

au titre du préjudice d'agrément : rejet,

au titre du préjudice sexuel : 1000 euros,

au titre des souffrances endurées : 3 000 euros,

au titre du préjudice esthétique temporaire : 800 euros,

au titre du préjudice esthétique permanent : 1200 euros,

- condamné la société MIC représentée par la société François Branchet au paiement des sommes précitées, en deniers ou quittance,

- récapitulé comme suit les préjudices subis par M. [S] et mis à la charge de l'ONIAM, poste par poste et indépendamment de la créance des tiers payeurs :

au titre de la tierce personne temporaire et de la tierce personne permanente arrérages échus : 0 après imputation de la CPH,

au titre de l'aménagement du véhicule : 2040 euros,

au titre du déficit fonctionnel temporaire : 4541,40 euros,

au titre du déficit fonctionnel permanent : 55 680 euros,

au titre du préjudice d'agrément : rejet,

au titre du préjudice sexuel : 3000 euros,

au titre des souffrances endurées : 9 000 euros,

au titre du préjudice esthétique temporaire : 2400 euros,

au titre du préjudice esthétique permanent : 3600 euros,

- condamné l'ONIAM au paiement des sommes précitées, en deniers ou en quittance,

- condamné la clinique [16] et la société MIC représentée par la société François Branchet à verser chacune à M. [S] une rente annuelle de 2636,80 euros,

- condamné l'ONIAM à verser à M. [S] une rente annuelle de 7910,40 euros,

- dit que les rentes seront payables mensuellement à terme échu et revalorisables le 1er janvier de chaque année et que leur versement pourra être suspendu en cas d'hospitalisation supérieure à 45 jours,

- dit que M. [S] devra porter annuellement à la connaissance de l'ONIAM le montant des aides perçues (PCH ou APA), ou au contraire justifier de l'absence de perception d'aide et qu'il appartiendra à l'ONIAM, si M. [S] justifie de la réduction ou de la suppression des prestations servies au titre de la compensation de son handicap, de compenser la différence ainsi créée au détriment de M. [S],

- avant dire droit sur l'aggravation de l'état de M. [S] et sur la nécessité d'adapter son logement, ordonné une expertise médicale et commis M. [B] [R] [M] pour y procéder, lequel s'adjoindra si nécessaire tout sapiteur de son choix dans une spécialité distincte de la sienne, avec mission habituelle,

- dit qu'il est sursis à statuer sur le mérite des demandes relatives aux frais de logement, aux indemnités de procédure et aux dépens dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert.

M. [R] [M] a été remplacé par M. [Z] le 14 juin 2019, lequel a déposé son rapport le 2 novembre 2021.

Par dernières écritures du 24 mars 2022, l'ONIAM demande à la cour de :

- le recevoir en ses écritures et les dire bien fondées,

- limiter l'obligation indemnitaire de l'ONIAM au titre de l'aggravation du déficit fonctionnel temporaire partiel de M. [S] à la somme de 2 875,23 euros,

- limiter l'obligation indemnitaire de l'ONIAM au titre de l'aggravation du déficit fonctionnel permanent de M. [S] à la somme de 2 042,64 euros,

- débouter M. [S] de sa demande d'indemnisation au titre de ses frais de logement adaptés,

- à titre subsidiaire sur ce point, réserver le poste de préjudice relatif aux frais de logement adaptés de M. [S] dans l'attente de la production de justificatifs permettant d'évaluer la réalité de ce préjudice,

- débouter M. [S] de sa demande de condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire ce que droit sur les dépens d'instance.

Par dernières écritures du 13 avril 2022, M. [S] demande à la cour de :

- débouter l'ONIAM, la Clinique [16] et la société Branchet représentant la société MIC de toutes leurs demandes, fins et prétentions,

En conséquence,

- condamner solidairement l'ONIAM, la société Branchet représentant la société MIC, en qualité d'assureur de [C] [O], la Clinique [16] à indemniser les préjudices aggravés et réservés de M. [S] dans les proportions suivantes :

condamner l'ONIAM à payer à M. [S] en réparation de ses préjudices la somme de 195 991,99 euros, correspondant aux postes suivants :

DFT : 2 875,23 euros,

DFP : 5 400 euros,

Logement adapté : 187 716,76 euros,

condamner la société Branchet représentant la MIC, en qualité d'assureur de [C] [O], à payer à M. [S] en réparation de ses préjudices la somme de 65 330,66 euros correspondant aux postes suivants :

DFT : 958,41 euros,

DFP : 1 800 euros,

Logement adapté : 62 572,25 euros,

condamner la Clinique [16] à payer à M. [S] en réparation de ses préjudices la somme de 65 330,66 euros correspondant aux postes suivants:

DFT : 958,41 euros,

DFP : 1 800 euros,

Logement adapté : 62 572,25 euros,

- condamner solidairement la Clinique [16], la société Branchet représentant la société MIC, en qualité d'assureur de [C] [O], et l'ONIAM, à payer à M. [S] au titre des frais irrépétibles la somme de 6 000 euros

- condamner 'les défendeurs' aux entiers dépens.

Par dernières écritures du 12 avril 2022, la Clinique [16] demande à la cour de :

Sur l'aggravation,

- fixer le taux de DFTP pour la période du 4 avril 2013 au 11 juillet 2014 à 5%,

- allouer à M. [S] une indemnité de 532,45 euros au titre du DFTP, soit 106,49 euros à la charge de la Clinique [16],

- allouer à M. [S] une indemnité de 7000 euros au titre du DFP de 5%, soit 1 400 euros à la charge de la Clinique [16],

- débouter M. [S] du surplus de ses demandes,

Sur le poste frais de logement adapté,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de provision,

Sur la demande de liquidation du poste frais de logement adapté formulée devant la cour :

- à titre principal, rejeter la demande de M. [S] au titre du poste frais de logement adapté comme étant infondée,

- à titre subsidiaire, fixer à 39 582,32 euros l'indemnité revenant à M. [S] au titre des frais de logement adapté, soit 7916,46 euros à la charge de la Clinique [16],

- ramener la demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions,

- débouter toute partie de toute demande contraire aux présentes,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Par dernières écritures du 5 avril 2022, la société MIC et la société Branchet demandent à la cour de :

- recevoir les exposants en leurs conclusions et les déclarer bien fondés,

- constater que l'aggravation du préjudice de M. [S] se limite à un DFT de 10% sur 463 jours et un DFP de 5%,

- limiter l'indemnisation de l'aggravation du préjudice de M. [S] à la charge de l'assureur de [C] [O] comme suit :

DFT : 212,98 euros,

DFP : 1 400 euros,

- débouter M. [S] et toutes autres parties de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions dirigées à l'encontre des exposants et contraires aux présentes,

- réduire la demande de M. [S] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions,

- laisser les dépens à la charge respective des parties.

Par dernières écritures du 4 avril 2022, la CPAM demande à la cour de :

- donner acte à la caisse de ce qu'elle n'a pas de créance à faire valoir,

- statuer ce que de droit quant aux dépens.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 avril 2022.

SUR QUOI, LA COUR

Le tribunal, dans son jugement du 29 juin 2017, a jugé que les préjudices subis par M. [S] étaient dus en partie à un accident médical consistant en la survenue d'un hématome post-opératoire et en partie aux fautes commises par le personnel infirmier de la clinique [16] et par le docteur [O], anesthésiste de garde et appelé par les infirmiers.

Dans son arrêt du 18 avril 2019, la cour a approuvé le tribunal d'avoir jugé que l'ONIAM était tenu d'indemniser les préjudices subis par M. [S] à hauteur de 60%, la clinique à hauteur de 20% et le docteur [O], et par voie de conséquence son assureur, à hauteur de 20%, la cour soulignant alors qu'elle n'était saisie d'aucune demande de condamnation 'in solidum' formée à leur encontre. La cour observe qu'à l'occasion des préjudices qu'il y a lieu de liquider présentement, M. [S] demande la condamnation solidaire de l'ONIAM, de la clinique et de la MIC mais pour aussitôt après ventiler ses demandes et solliciter la condamnation de chacun d'eux en tenant compte de la part de responsabilité fixée par la cour. La cour n'est donc pas saisie de demande de condamnation in solidum de l'ONIAM, de la clinique et de l'assureur du docteur [O] au paiement des diverses sommes sollicitées par M. [S].

Dans son arrêt du 18 avril 2019, la cour a liquidé les préjudices subis par M. [S] - autres que ceux réservés - sur la base des conclusions du rapport de l'expert, M. [T], dont la cour notait qu'elles n'étaient pas contestées et qui fixaient la date de consolidation de M. [S] au 4 avril 2013, alors que ce dernier était âgé de 56 ans.

L'expert judiciaire désigné le 18 avril 2019 dans le cadre de l'évaluation de l'aggravation alléguée a estimé que la date de consolidation retenue par M. [T] n'était pas adaptée et a proposé celle du 11 juillet 2014 qui correspondrait également selon lui à celle de la consolidation de l'aggravation.

La cour observe qu'il était demandé à l'expert de se prononcer sur l'aggravation et non sur les préjudices initiaux, que ceux-ci ont été liquidés sur la base de la date de consolidation proposée par M. [T] et qu'elle ne saurait être aujourd'hui modifiée. La clinique et la MIC font donc valoir à bon droit que l'indemnisation des préjudices aggravés liés au déficit fonctionnel, temporaire et permanent, doit se faire en considération d'une consolidation des préjudices initiaux fixée au 4 avril 2013 et de l'aggravation au 11 juillet 2014.

Après avoir comparé les résultats de son examen à celui réalisé par M. [T], l'état de M. [S] présente selon l'expert judiciaire les différences suivantes :

- M. [S] marchait avant avec deux cannes et des releveurs des pieds alors qu'à présent, il marche avec un déambulateur jugé plus stable

- il présente un affaiblissement des releveurs des pieds du côté droit. Ils ont été côtés à 3,5/5 en 2014 alors qu'ils sont actuellement à 0/5. Les fléchisseurs des orteils n'ont pas été testés en 2014 et actuellement ils sont également à 0/5,

- il existe une hyposensibilité plus marquée et plus diffuse au niveau des membres

inférieurs alors qu'il s'agissait auparavant d'une hyposensibilité du côté gauche et plus distale du côté droit.

- cet affaiblissement majoré des releveurs du pied droit depuis 2014 avec une hyposensibilité plus diffuse au niveau des membres inférieurs explique les difficultés du patient à la marche et sa dépendance vis-à-vis des releveurs des pieds et surtout du déambulateur qui lui procure plus de stabilité que les cannes.

- la rupture itérative de la coiffe des rotateurs n'est pas imputable d'une façon certaine, directe et exclusive au fait dommageable mais cette rupture a majoré le handicap de M. [S] qui sollicite ses membres supérieurs en utilisant un déambulateur pour se déplacer.

- il n'est pas retenu d'aggravation imputable à l'accident médical pour ce qui concerne les troubles mictionnels, la dysfonction érectile ainsi que l'état anxiodépressif qui est stable depuis 2014.

Les conclusions de l'expert sont les suivantes :

- M. [S] présente une aggravation de son état de santé depuis la dernière expertise de 2014 imputable au fait dommageable initial. Cette aggravation sensitivo-motrice touchant les membres inférieurs est plus marquée du côté droit. Elle est évaluée à 5% selon le barème indicatif des préjudices séquellaires en droit commun

- le DFP actuel est de l'ordre de 45% selon le barème indicatif des préjudices séquellaires en droit commun.

* le déficit fonctionnel temporaire

Dans son arrêt du 18 avril 2019, la cour a indemnisé ce préjudice au vu des conclusions de l'expert qui retenait un déficit total du 11 juillet au 28 octobre 2011, puis de 60% du [Date mariage 6] 2011 au 27 avril 2012 et de 50% du 28 avril 2012 au 4 avril 2013.

Il y a lieu de retenir, au vu des conclusions de M. [Z], un déficit fonctionnel temporaire de 45% entre le 4 avril 2013 et le 11 juillet 2014, indemnisé sur la base journalière de 23 euros - correspondant au taux retenu par la cour dans son précédent arrêt - soit la somme de 4792,05 euros (463 jours x 23 euros x 45% ).

Il sera mis à la charge de l'ONIAM la somme de 2875,23 euros, celle de 958,41 euros pour la clinique ainsi que pour l'assureur du docteur [O]

* le déficit fonctionnel permanent

L'aggravation du déficit fonctionnel permanent a été évaluée par l'expert à 5% et réside dans la dégradation sensitivo-motrice touchant les membres inférieurs, M. [S] étant âgé de 57 ans lors de la consolidation de cette aggravation.

Ce préjudice sera indemnisé à hauteur de 1400 euros du point, soit la somme de 7000 euros.

Il sera mis à la charge de l'ONIAM la somme de 4200 euros, tandis que la clinique et la MIC supporteront chacune celle de 1400 euros.

* les frais de logement

Il importe de rappeler que lors de l'accident médical de 2011, M. [S] était locataire d'un logement social situé à [Localité 17], au 3ème étage sans ascenseur.

En ordonnant l'expertise, la cour, dans son arrêt du 18 avril 2019, avait retenu que l'expert M. [T] soulignait les difficultés de M. [S] pour marcher, ce dernier devant s'aider de deux cannes. La cour avait ajouté que si son état s'était aggravé comme il l'affirmait, son maintien dans un logement situé au 3ème étage allait s'avérer très difficile et avait chargé l'expert de préciser les adaptations de logement que requérait l'état de M. [S].

M. [S] avait exposé à la cour que n'ayant pu obtenir un logement de même superficie au rez- de- chaussée ou dans un immeuble pourvu d'un ascenseur, il avait fait le choix, postérieurement au jugement, d'acquérir en décembre 2017 un terrain à [Localité 15] en vue d'y édifier une maison dont les aménagements seraient compatibles avec son handicap. Depuis, M. [S] y a fait édifier une maison.

Lors de l'exécution de sa mission, l'expert n'a donc pas fait état de mesures d'aménagement du logement et a conclu que M. [S] occupait une maison sans étage et sans escalier, dont la salle de bains avait été aménagée. Ce dernier verse aux débats des photographies montrant que les sanitaires ont également fait l'objet d'un aménagement. Elles permettent également de constater que la construction édifiée par M. [S] et son épouse à [Localité 17] est dépourvue de tout caractère somptuaire, est d'aspect fort simple, de taille modeste et surtout qu'elle permet à M. [S] de circuler librement avec un déambulateur dont l'usage lui est devenu permanent.

Avant de faire édifier cette maison, M. [S] justifie avoir déposé et renouvelé durant plusieurs années des demandes en vue de l'obtention, dans le secteur social, d'un logement adapté aux normes PMR, situé au rez-de-chaussée ou dans un immeuble pourvu d'un ascenseur mais en vain. Il sera observé que si, dans ses demandes, M. [S] mentionnait qu'il était divorcé, ce qui a conduit les parties tenues à indemnisation à s'interroger sur les chances de succès de ses demandes d'obtention d'un logement de type F4, M. [S] justifie qu'il partageait sa vie avec Mme [W], devenue depuis son épouse, et qu'il hébergeait son fils [X].

Le principe de la réparation intégrale du préjudice lié aux frais de logement adapté commande que les personnes tenues à réparation prennent en charge les dépenses permettant à M. [S] de bénéficier d'un habitat adapté à son handicap, dont il est certain qu'il ne pourra s'améliorer.

La nécessité d'acquérir un terrain et d'y construire une maison permettant à M. [S] de s'y mouvoir sont donc imputables à l'accident médical et au handicap qui en est résulté. Au vu des pièces produites par ce dernier, la dépense totale réalisée s'est élevée à 312 861,27 euros, se décomposant comme suit :

* acquisition terrain incluant frais d'agence : 145 000 euros

* travaux de terrassement et mise en place des fourreaux : 12 956 euros

* raccordement eau, gaz et électricité : 5195,75 euros, 642,55 euros et 1154,88 euros

* raccordement ligne téléphonique : 1653,95 euros

* construction du logement : 146 258,14 euros

Les débiteurs de l'obligation indemnitaire font observer que le terrain a été acquis par M. [S] et son épouse le 14 août 2018, tous deux étant mariés sous le régime de la communauté depuis le [Date mariage 6] 2016, de sorte qu'en tout état de cause ils ne pourraient être tenus qu'au paiement de la moitié de la dépense, M. [S] affirmant quant à lui qu'il a seul financé le coût de l'acquisition et des travaux avec les sommes qui lui ont été allouées en réparation de ses préjudices.

La cour rappelle que la victime doit être replacée dans une situation aussi proche que possible de celle qui aurait été la sienne si le fait dommageable et son aggravation ne s'étaient pas produits. Le besoin d'un logement adapté à l'état de M. [S] et de son aggravation a été parfaitement identifié et c'est ce besoin qu'il importe de réparer. Or, le coût de l'acquisition du terrain et de la construction correspond au besoin dont M. [S] est fondé à demander réparation, peu important à cet égard que son épouse occupe ou non le bien.

Il y a lieu en conséquence d'accueillir la demande de M. [S] dans son intégralité et de dire que l'ONIAM sera tenu au paiement de la somme de 187 716,76 euros, la clinique de celle de 62 572,25 euros tout comme la Mic.

* les mesures accessoires

L'ONIAM, la MIC et la clinique, qui succombent, seront condamnés in solidum à payer à M. [S] la somme de 6000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux dépens d'appel qui comprendront le coût de l'expertise ordonnée le 18 avril 2019.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Vu l'arrêt du 18 avril 2019

Condamne l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à payer à M. [S] les sommes suivantes :

- 2875,23 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

- 4200 euros en réparation du déficit fonctionnel permanent

- 187 716,76 euros au titre des dépenses d'adaptation du logement

Condamne l'hôpital privé de [Localité 18], exerçant sous le nom de la clinique [16], à payer à M. [S] les sommes suivantes :

- 958,41 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

- 1400 euros en réparation du déficit fonctionnel permanent

- 62 572,25 euros au titre des dépenses d'adaptation du logement

Condamne la société Medical Insurance Company à payer à M. [S] les sommes suivantes:

- 958,41 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

- 1400 euros en réparation du déficit fonctionnel permanent

- 62 572,25 euros au titre des dépenses d'adaptation du logement

Condamne in solidum l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, l'hôpital privé de [Localité 18], exerçant sous le nom de la clinique [16] et la société Medical Insurance Company à payer à M. [S] la somme de 6000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles d'appel.

Condamne in solidum l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, l'hôpital privé de [Localité 18], exerçant sous le nom de la clinique [16] et la société Medical Insurance Company aux dépens d'appel qui incluront le coût de l'expertise ordonnée le 18 avril 2019.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-José BOU, Président et par Madame Claudine AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 17/06512
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;17.06512 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award