COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
19e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 06 JUILLET 2022
N° RG 20/01835 - N° Portalis DBV3-V-B7E-UAXK
AFFAIRE :
S.A. KEYNECTIS
C/
[X] [I]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Juillet 2020 par le Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT
N° Chambre :
N° Section : E
N° RG : F 18/00855
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES
la AARPI INTEGRALES AVOCATS
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A. KEYNECTIS
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES,Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625
Représentant : Me Caroline MASSON de l'AARPI OZERWAY, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 586
APPELANTE
****************
Monsieur [X] [I]
né le 23 Mars 1960
de nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Sandrine FARGE-VOUTE de l'AARPI INTEGRALES AVOCATS, Déposant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0115
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 31 Mai 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle MONTAGNE, Président,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Anne-Sophie CALLEDE,
EXPOSE DU LITIGE
[X] [I] a été engagé par la société Keynectis suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 29 mars 2016 en qualité d'ingénieur commercial, statut cadre, position 3.1, coefficient 170, en référence aux dispositions de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil, dite Syntec.
Par lettre datée du 18 décembre 2017, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 3 janvier 2018, puis par lettre datée du 26 janvier suivant, l'employeur lui a notifié son licenciement pour insuffisance professionnelle, en le dispensant d'exécution du préavis.
Par lettre datée du 2 février 2018 et par courriel du 27 mars 2018, le salarié a contesté son licenciement auprès de la société Keynectis.
Par lettres datées des 26 février 2018 et 22 mai 2018, la société Keynectis a informé le salarié de ce qu'elle maintenait sa décision.
Le 2 juillet 2018, [X] [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt afin d'obtenir la condamnation de la société Keynectis à lui payer des dommages et intérêts au titre du licenciement qu'il estime nul en raison de la discrimination dont il estime avoir été victime à raison de son âge, ou, à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse, des rappels de salaire sur commissions, ainsi que des dommages-intérêts au titre du préjudice de carrière et de l'exécution déloyale du contrat de travail.
Par jugement mis à disposition le 9 juillet 2020, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, les premiers juges ont :
- dit le licenciement pour insuffisance professionnelle infondé,
- condamné la société Keynectis à régler à [X] [I] les sommes suivantes :
* 14 438 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 14 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de carrière,
* 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale,
* 1 146,90 euros à titre de rappel sur Rex 2016,
* 114,69 euros au titre des congés payés afférents,
* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté [X] [I] du reste de ses demandes,
- débouté la société Keynectis de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- mis les éventuels dépens à la charge de la société Keynectis.
Le 25 août 2020, la société Keynectis a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 19 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Keynectis demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté [X] [I] de ses demandes en nullité du licenciement et de rappel de commissions pour les dossiers Parlement Européen et Micl Algérie,
- à titre principal, infirmer le jugement sur les autres dispositions et débouter [X] [I] de toutes ses demandes, subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 14 438 euros,
- en tout état de cause, condamner [X] [I] à la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 29 mars 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, [X] [I] demande à la cour de débouter la société Keynectis de ses demandes et de :
- confirmer le jugement sur le principe du rappel de commissions sur le Rex 2016 et du préjudice de carrière mais le réformer sur les montants des condamnations à ces titres, statuant à nouveau, condamner la société Keynectis à lui verser les sommes de :
* 2 800 euros à titre de rappel sur le Rex 2016,
* 280 euros à titre de congés payés y afférents,
* 56 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice de carrière,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de rappel de commissions au titre du dossier Parlement Européen et du dossier Micl Algérie, de nullité du licenciement en raison d'une discrimination, statuant à nouveau, juger le licenciement nul, condamner la société Keynectis à lui verser les sommes de :
* 480 euros à titre de commission sur le dossier Parlement Européen,
* 48 euros au titre des congés payés y afférents,
* 19 400 euros au titre des commissions du dossier Micl Algérie,
* 1 940 euros au titre des congés payés y afférents,
* 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,
- subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement pour insuffisance professionnelle sans cause réelle et sérieuse, mais le réformer sur le montant de la condamnation, statuant à nouveau, juger que doit être écarté le montant maximal d'indemnisation prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable et condamner la société Keynectis à lui verser la somme de 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Keynectis à lui verser 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- en tout état de cause, condamner la société Keynectis à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Une ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 31 mai 2022.
MOTIVATION
Sur les rappels de salaire au titre de la rémunération variable
La société Keynectis conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a accordé un rappel de commission sur le Rex 2016 ainsi qu'à la confirmation du jugement en ses déboutés des demandes de commissions sur les dossiers Parlement Européen et Micl Algérie.
[X] [I] conclut à l'infirmation du jugement sur ces points et demande un rappel dû sur le Rex 2016 de 2 800 euros et dans le dossier Parlement Européen de 480 euros ainsi que de lui accorder une commission de 19 400 euros dans le dossier Micl Algérie.
Il appartient à l'employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable d'un salarié et, lorsqu'il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation.
S'agissant de la prime de Résultat d'exploitation 2016, le salarié fait valoir que la commission due à résultat collectif atteint est de 4 000 euros, mais que seule la somme de 1 200 euros lui a été versée en juin 2017 à ce titre et réclame par conséquent la différence de 2 800 euros.
La société Keynectis fait valoir qu'elle n'est plus redevable de cette prime, versée indépendamment des performances individuelles sur la base d'un résultat collectif atteint, qui est incluse dans le total de la rémunération variable due et versée au salarié au titre de l'année 2016.
Il ressort du récapitulatif de la rémunération variable due au salarié, qu'il ne conteste pas, ainsi que des bulletins de paie des mois d'avril à juillet 2016 et de janvier et février 2017, que la rémunération variable due au salarié, qui a débuté son contrat de travail avec la société Keynectis le 29 mars 2016, s'est élevée à 10 466,26 euros au titre des objectifs individuels et collectifs d'une part et au titre des objectifs qualitatifs portant sur le résultat d'exploitation s'élevant à 3 986 euros, qu'il a été versé au salarié la somme totale de 6 666,68 euros sur les bulletins de paie d'avril à juillet 2016 et les sommes de 1 812 euros en janvier 2017 et 1 987,58 euros en février 2017, ce qui correspondant à une somme globale de 10 466,26 euros.
Il s'ensuit que l'intégralité de la rémunération variable incluant la prime sur Rex 2016 à laquelle le salarié avait droit lui a effectivement été versée.
Celui-ci sera par conséquent débouté de sa demande au titre de la prime sur Rex 2016 et des congés payés afférents et le jugement sera infirmé sur ces points.
S'agissant du dossier Parlement Européen, [X] [I] fait valoir qu'il ne lui a été versé qu'une partie de la commission à laquelle il avait droit, sans raison valable.
La société Keynectis réplique que l'absence de versement de l'intégralité de la commission s'explique par le fait que le salarié n'a pas géré le compte-client, qui a été repris par [T] [P] sur les discussions puis la finalisation de la commande.
Il ressort des pièces produites devant la cour que la société a versé une commission de 2 056 euros en février 2018 ainsi qu'une prime de 1 500 euros à titre d'ouverture de compte nouveau client avec le solde de tout compte, que le salarié n'a pas effectué la gestion de ce compte et n'a notamment pas sollicité le client lors du renouvellement du bon de commande.
Il s'ensuit que la société justifie avoir versé l'intégralité de la commission due au salarié au titre du dossier Parlement Européen.
Celui-ci sera par conséquent débouté de sa demande au titre du reliquat de commission sur le dossier Parlement Européen et des congés payés afférents et le jugement sera confirmé sur ces points.
S'agissant du dossier Ministère de l'intérieur et des collectivités locales d'Algérie, [X] [I] fait valoir qu'il n'a perçu aucune commission sur ce dossier alors qu'il s'est déplacé à Alger pour travailler sur ce dossier depuis le début de l'année 2017 et a réalisé la négociation finale du dossier avec le ministère algérien lors d'une réunion le 14 décembre 2017.
La société Keynectis réplique que le contrat a été signé grâce à l'intervention d'un autre commercial le 16 octobre 2018, soit plus de six mois après la fin juridique du contrat de travail du salarié qui ne s'était pas investi sur ce dossier et que le salarié ne verse aucun élément justifiant des actions qu'il aurait menées sur ce dossier.
Alors qu'une commission n'est due au titre d'une prise de commande que si la commande est reçue par la société sous la forme d'un bon de commande ou d'un contrat signé par le client/partenaire et validé par le département finance, force est de constater que le contrat avec la Ministère de l'intérieur et des collectivités locales d'Algérie n'a été signé que le 16 octobre 2018, à une époque où le salarié avait quitté les effectifs de l'entreprise depuis plus de six mois.
L'ordre de mission, la copie du passeport du salarié mentionnant plusieurs séjours en Algérie et le procès-verbal de la réunion de négociation du 14 décembre 2017 à laquelle participait d'ailleurs, outre le salarié, M. [T] [P] en qualité de 'VP Sales', n'apportent aucun élément de nature à établir les actions concrètes effectivement réalisées par le salarié pour aboutir à la signature du contrat.
Celui-ci sera par conséquent débouté de sa demande au titre des commissions sur le dossier Micl Algérie et des congés payés afférents et le jugement sera confirmé sur ces points.
Sur la discrimination et la validité du licenciement
L'article L. 1132-1 du code du travail dispose : 'Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ('), aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, (') en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français'.
En application de l'article L. 1134-1 du même code, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance de ces dispositions, il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de présenter au juge des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que les mesures prises sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Au soutien de la discrimination qu'il invoque, [X] [I] expose qu'il a été licencié à l'âge de 58 ans et qu'il était la quatrième personne de plus de 55 ans dont la société venait de se séparer, que M. [R], âgé de 55 ans, M. [Y], âgé de 58 ans, M. [L], âgé de 59 ans ont ainsi été remplacés par des salariés plus jeunes et que lui-même a été remplacé en juin 2018 par M. [W] sur le Benelux et la Suisse et M. [D], sur l'Afrique et le Moyen-Orient, tous deux âgés d'une trentaine d'années.
La société Keynectis réplique qu'elle a engagé [X] [I] alors qu'il était âgé de 56 ans, que M. [L] a été engagé à l'âge de 54 ans, que M. [R] et [Y] ont quitté volontairement la société aux termes d'une rupture conventionnelle, que depuis l'engagement de la procédure de licenciement du salarié, elle a embauché quatre personnes âgées entre 51 et 55 ans.
Force est de constater que [X] [I], né le 23 mars 1960, a été engagé par la société Keynectis le 29 mars 2016, alors qu'il était âgé de 56 ans et exerçait alors une activité de consultant indépendant, qu'il a été licencié moins de deux ans plus tard pour un motif sans rapport avec son âge mais en raison d'une insuffisance professionnelle et que les salariés qu'il cite au soutien de son moyen ont tous été engagés par la société Keynectis alors qu'ils étaient âgés d'au moins 54 ans.
Le salarié ne présente ainsi pas des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte en raison de son âge. Aucune discrimination en raison de l'âge du salarié n'est établie.
Le salarié sera débouté de sa demande de nullité du licenciement pour discrimination liée à l'âge. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur le bien-fondé du licenciement
La lettre de licenciement notifiée à [X] [I] est fondée sur une insuffisance professionnelle en raison :
- d'insuffisances dans la compréhension des besoins et enjeux commerciaux des clients,
- d'absences et insuffisances dans le 'reporting' commercial,
- d'insuffisances organisationnelles pour répondre dans les délais impartis aux appels d'offres,
- d'insuffisances comportementales en raison d'insuffisance dans l'interaction avec les collègues de travail,
- d'insuffisances de résultats commerciaux.
La société Keynectis conclut que le licenciement est fondé sur l'insuffisance professionnelle du salarié, alors que celui-ci avait été alerté sur celle-ci lors de son entretien d'évaluation.
[X] [I] conclut que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, les griefs qui lui sont faits n'étant pas justifiés mais liés au contexte international.
En application de l'article L. 1232-1 du code du travail, un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.
L'insuffisance professionnelle, qui se manifeste par la difficulté du salarié à exercer correctement sa prestation de travail, quelle que soit sa bonne volonté, constitue un motif de licenciement dès lors qu'elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié.
L'insuffisance professionnelle, sauf abstention volontaire ou mauvaise volonté délibérée du salarié, ne constitue pas une faute.
L'insuffisance de résultats ne constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement que si elle procède, soit d'une insuffisance professionnelle, soit d'une faute imputable au salarié.
Il ressort du compte-rendu du seul entretien d'évaluation du salarié au sein de la société Keynectis au titre de l'année 2016/2017 une mention sur la faiblesse des résultats dans les axes de progrès mais aussi dans la synthèse la mention suivante : 'excellent état d'esprit. Performance va suivre'.
S'agissant des insuffisances dans la compréhension des besoins et enjeux commerciaux des clients, la lettre de licenciement se réfère au traitement par le salarié des dossiers Conseil de l'Union Européenne, Emirats Arabes Unis et Gemalto.
Au soutien des insuffisances relatives au traitement des deux premiers dossiers, le parties produisent de part et d'autre quelques échanges de courriels entre le salarié et sa hiérarchie entre octobre et décembre 2017. Leur examen attentif ne permet pas d'établir précisément le grief formulé dans la lettre de licenciement.
Il ressort de courriels adressés par [G] [Z], interlocuteur de la société Keynectis au sein de Gemalto à [X] [I] les 15 et 21 novembre 2017, une insatisfaction de ce client quant au prix proposé par le salarié. Par courriel du 21 novembre 2017, le salarié a apporté des explications quant au prix et a apporté des points d'amélioration sur la proposition financière, en indiquant venir d'obtenir un accord sur une remise exceptionnelle, ce qui amène à relativiser le reproche ainsi formulé.
S'agissant des absences et insuffisances dans le 'reporting' commercial, la lettre de licenciement se réfère au traitement par le salarié des dossiers Pki nationale du Bénin et Emirats Arabes Unis.
Aucune pièce utile ne vient corroborer l'allégation tirée d'une insuffisance dans le 'reporting' commercial de ces deux dossiers.
S'agissant des insuffisances organisationnelles pour répondre dans les délais impartis aux appels d'offres, la lettre de licenciement se réfère au traitement par le salarié du dossier Emirats Arabes Unis.
Il ressort des courriels produits devant la cour que la réponse au client dont celui-ci avait reporté la limite du 29 novembre au 4 décembre 2017 à 17 heures, a été apportée par le salarié le 5 décembre 2017, ce qui correspond à un dépassement du délai de réponse d'environ 24 heures.
Il n'est produit aucun élément sur l'allégation tenant à 'un effet désastreux sur l'image de Keynectis qui s'est retrouvée en indélicatesse avec le partenaire' alléguée dans les écritures de la société.
Il s'ensuit que ce grief manque de sérieux.
S'agissant des insuffisances comportementales en raison d'insuffisance dans l'interaction avec les collègues de travail, il n'est produit aucune pièce utile au soutien de ce reproche formulé de manière vague et imprécise.
S'agissant de l'insuffisance de résultats commerciaux, la lettre de licenciement reproche au salarié de n'avoir atteint que 52 % des objectifs qui lui avaient été fixés, représentant 6 % de la prise de commandes globales de la société.
Toutefois, au regard de l'analyse des faits ci-dessus, l'insuffisance professionnelle du salarié ne procède d'aucun fait objectif, matériellement établi et sérieux et ne peut être tenue pour établie.
Dans ces conditions, alors qu'aucune faute n'est invoquée, il s'ensuit que l'insuffisance de résultats reprochée au salariée n'est pas fondée.
Il ressort de tout ce qui précède que le licenciement n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail, [X] [I] a par conséquent droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
[X] [I] conclut à l'infirmation du jugement sur le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse retenue à hauteur de deux mois de salaire, qu'il demande de fixer à 50 000 euros.
Il demande que soit écarté le montant maximal d'indemnisation prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, en faisant valoir que le barême d'indemnisation issu de l'ordonnance du 22 septembre 2017 ne permet pas de s'assurer que le salarié pourra recevoir l'indemnisation intégrale des préjudices subis en violation des articles 24 de la Charte sociale européenne ainsi que 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT qui sont d'effet direct dans la législation française et prévoient le droit pour les travailleurs licenciés à une indemnité adéquate ou une autre réparation appropriée et le droit au procès équitable protégé par la convention européenne des droits de l'homme.
Il indique que licencié à 58 ans, il subit un grave préjudice financier puisqu'il est resté sans emploi jusqu'au 2 mars 2020, date à laquelle il a pu être engagé comme conseiller Pôle emploi, soit à un travail sans aucun lien avec son emploi d'ingénieur d'affaires et avec une rémunération mensuelle de 1 802 euros et que le plafonnement de son indemnisation à 3,5 mois maximum de salaire compte tenu de son ancienneté de deux ans et un mois, ne caractérise pas un dédommagement adéquat ni suffisant du préjudice subi.
D'une part, les dispositions de la Charte sociale européenne ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers de sorte que l'invocation de son article 24 ne peut pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail.
D'autre part, les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la convention n° 158 de l'OIT, de sorte qu'il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la convention précitée.
Enfin, il n'est avancé aucun moyen de fait au soutien de la violation invoquée de l'article 4 de la convention n° 158 de l'OIT et du droit à un procès équitable.
Il s'ensuit que le licenciement abusif doit donner lieu à une indemnisation dans les termes prévus par l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de l'article 2 de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui prévoit une indemnité comprise entre un et deux mois de salaire brut au regard de l'ancienneté du salarié, entendue à la date à laquelle la société Keynectis lui a notifié le licenciement, soit le 26 janvier 2018, correspondant à une année d'ancienneté complète.
Au regard des éléments apportés par le salarié, des circonstances dans lesquelles le licenciement est intervenu et de la rémunération moyenne mensuelle brute de 7 219 euros, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 14 438 euros.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
La société Keynectis conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a accordé une indemnisation de 20 000 euros au salarié au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail en relevant que le salarié ne fonde pas en droit sa demande, qu'il ne rapporte pas la preuve d'une exécution déloyale du contrat de travail, ni de l'existence d'un préjudice réel et certain présentant un lien de causalité avec le manquement allégué.
[X] [I] conclut à la confirmation du jugement sur ce chef en faisant valoir que la société Keynectis lui a demandé durant l'exécution de son contrat de travail de réaliser des opérations hors de son périmètre de responsabilité, qui avaient été initiées antérieurement à son arrivée.
Le salarié ne produit aucun élément de preuve au soutien de ses allégations tenant à l'exécution de tâches ne faisant pas partie du périmètre de sa fonction, ce dont il s'ensuit que le manquement de la société Keynectis à l'exécution loyale du contrat de travail n'est pas établi.
Il convient de le débouter de sa demande de ce chef. Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur le préjudice spécifique de carrière
La société Keynectis conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a accordé une indemnisation au titre d'un préjudice distinct de carrière en faisant valoir que le salarié ne fonde pas sa demande en droit, ne rapporte pas la preuve d'un préjudice de carrière actuel, direct et certain et d'un lien de causalité entre celui-ci et la rupture du contrat de travail.
[X] [I] conclut à l'infirmation du jugement sur le montant de l'indemnisation accordée au titre de son préjudice de carrière en demandant à la cour de la porter à 56 000 euros en faisant valoir son expérience de 30 ans en qualité d'ingénieur d'affaires, le caractère brutal du licenciement intervenu alors qu'il était âgé de 58 ans, le fait qu'il n'ait retrouvé un emploi qu'en mars 2020, une perte financière de son indemnisation par Pôle emploi du fait de l'absence de règlement de ses commissions.
Outre que les circonstances dans lesquelles le licenciement est intervenu, l'âge du salarié et les conséquences du licenciement sur sa situation au regard de l'emploi ont été pris en compte pour l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse allouée, les autres circonstances invoquées par le salarié ne peuvent fonder le préjudice distinct dont il demande réparation. En effet, son expérience antérieure au contrat de travail avec la société Keynectis est indépendante de la rupture du présent contrat de travail et les commissions qu'il réclame ne sont pas dues de sorte qu'aucune perte d'indemnisation par Pôle emploi n'est établie.
Il convient de débouter le salarié de sa demande tendant à l'indemnisation d'un préjudice spécifique de carrière. Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Au regard de la solution du litige, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance et de condamner la société Keynectis aux dépens d'appel et à payer à [X] [I] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement en ce qu'il a condamné la société Keynectis à régler à [X] [I] les sommes de 14 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de carrière, 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale, 1 146,90 euros à titre de rappel sur Rex 2016 et 114,69 euros au titre des congés payés afférents,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
DEBOUTE [X] [I] de ses demandes au titre du préjudice de carrière, de l'exécution déloyale du contrat de travail et de rappel sur Rex 2016 et de congés payés afférents,
CONFIRME le jugement pour le surplus des dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE la société Keynectis à payer à [X] [I] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE les parties des autres demandes,
CONDAMNE la société Keynectis aux dépens d'appel,
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Anne-Sophie CALLEDE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,