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30/06/2022 | FRANCE | N°19/03620

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 30 juin 2022, 19/03620


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 30 JUIN 2022



N° RG 19/03620 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TPFP



AFFAIRE :



SAS OCP INTERNATIONAL





C/

[R] [V]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 04 Septembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 17/02

428



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Sandrine HENRION



Me Séverine MARTEL



le : 1er Juillet 2022





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TRENTE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX ,

La cour d'a...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 30 JUIN 2022

N° RG 19/03620 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TPFP

AFFAIRE :

SAS OCP INTERNATIONAL

C/

[R] [V]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 04 Septembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 17/02428

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Sandrine HENRION

Me Séverine MARTEL

le : 1er Juillet 2022

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant,fixé au 19 Mai 2022,puis prorogé au 30 Juin 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

SAS OCP INTERNATIONAL

N° SIRET : 602 010 001

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par : Me Séverine MARTEL du PARTNERSHIPS REED SMITH LLP, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J097

APPELANTE

****************

Monsieur [R] [V]

né le 12 Février 1967 à [Localité 7] (Maroc)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par : Me Sandrine HENRION de la SELEURL SHP Avocats, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 Mars 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT,

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SAS OCP International est la filiale française du groupe marocain OCP, leader sur le marché des phosphates et de ses dérivés. Le capital d'OCP International est détenu à 100 % par OCP SA, société de droit marocain qui dispose d'un bureau de représentation à [Localité 5], aux Emirats Arabes Unis : OCP [Localité 5].

M. [R] [V], né le 12 février 1967, a travaillé pendant neuf ans pour la société Areva au sein de laquelle il occupait en dernier lieu les fonctions de 'Middle east vice-president and chief representative', en expatriation à [Localité 5], où il dirigeait le bureau de représentation. Il a quitté cette société dans le cadre d'un plan de départ volontaire pour rejoindre la société OCP International.

M. [V] a ainsi été engagé selon contrat de travail à durée indéterminée du 10 mai 2016, par la société OCP International, pour exercer à compter du 1er juillet 2016 les fonctions de directeur développement Moyen-Orient, moyennant une rémunération annuelle brute de 134 000 euros, outre une prime sur objectifs pouvant atteindre 30 % de cette rémunération et une prime d'intéressement. Ce contrat, soumis à la convention collective des industries chimiques, prévoyait une période d'essai de trois mois.

Le 15 juin 2016, les parties ont signé un avenant d'expatriation selon lequel le salarié s'est vu confier une mission de deux ans au sein de OCP [Localité 5] en qualité de directeur développement Moyen-Orient. Cet avenant prévoyait également une période probatoire de trois mois.

Conformément à la législation des Emirats Arabes Unis, un contrat de travail local a été conclu le 18 juillet 2016 entre la société OCP SA - [Localité 5] et M. [V].

Lors d'une réunion à [Localité 6] le 24 novembre 2016 avec la nouvelle présidente de la société OCP International et une représentante de OCP SA - [Localité 5], celles-ci ont fait part à M. [V] de leur décision de mettre un terme à la relation de travail. Par lettres du même jour, la société OCP SA - [Localité 5] a notifié au salarié la rupture de son contrat de travail local pendant la période probatoire avec effet immédiat et la société OCP International lui a confirmé qu'il était mis un terme à sa période d'essai, son contrat de travail français étant ainsi rompu le 25 novembre 2016 au soir.

Le 31 mars 2017, M. [V] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Paris aux fins de contester la rupture de son contrat de travail et de voir condamner la société OCP International au versement de diverses sommes. Par ordonnance du 3 mai 2017, le conseil de prud'hommes a condamné la société OCP International à payer à M. [V] un rappel de salaire d'un montant de 17 494,94 euros pour la période du 1er juillet au 17 septembre 2016 et a dit n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes, cette décision étant confirmée par un arrêt rendu le 7 juin 2018 par la cour d'appel de Paris, qui a néanmoins précisé que la condamnation était provisionnelle et que les congés payés afférents étaient dus.

Par requête reçue au greffe le 18 septembre 2017, M. [V] a saisi au fond le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de contester la rupture de son contrat de travail et de voir condamner la société OCP International au versement de diverses sommes.

Par jugement rendu le 4 septembre 2019, le conseil de prud'hommes a :

- constaté que la période d'essai de M. [V] était achevée à la date de la rupture du contrat de travail,

- confirmé l'arrêt et les condamnations prononcées par la cour d'appel de Paris le 7 juin 2018,

- dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société OCP International à verser à M. [V] les sommes de :

' 33 500 euros au titre du préavis et 3 350 euros au titre des congés payés afférents,

' 11 667 euros pour non-respect de la procédure de licenciement,

' 6 005,44 euros, en deniers ou quittance au titre des frais professionnels,

' 7 112,46 euros au titre des frais de logement,

avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la demande,

' 35 000 euros en réparation du préjudice causé par ce licenciement,

' 3 500 euros au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

' 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné la société OCP International à remettre à M. [V] un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation Pôle emploi conformes,

- condamné la société OCP International à une astreinte de 50 euros par jour de retard en cas de non-remise des documents mis en conformité,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- rappelé que sont exécutoires de droit à titre provisoire les condamnations ordonnant la délivrance de toutes pièces que l'employeur est tenu de remettre (bulletins de paye, certificat de travail ...) ainsi que celles ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l'article R. 1454-14 du code du travail dans la limite de neuf mensualités, étant précisé que la moyenne des trois derniers mois est fixée à 11 667 euros,

- mis les dépens à la charge de la société OCP International y compris les éventuels frais et actes d'exécution.

La société OCP International a interjeté appel de la décision par déclaration du 1er octobre 2019.

Par conclusions adressées par voie électronique le 27 décembre 2019, elle demande à la cour de :

- la dire et juger recevable et bien fondée dans son appel,

et y faisant droit,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que la période d'essai de M. [V] avec OCP International était achevée au jour de la rupture de son contrat de travail,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la rupture du contrat de travail de M. [V] devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné OCP International au paiement de la somme de 33 500 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 3 350 euros au titre des congés payés afférents,

- ordonner le remboursement par M. [V] à OCP International de la somme de 30 394,47 euros correspondant au montant net des condamnations d'ores et déjà perçues à titre d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents,

- dire et juger que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé par la cour de sa décision et ce, jusqu'à leur complet remboursement,

- assortir cette obligation d'une astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné OCP International au paiement de la somme de 35 000 euros en réparation du préjudice causé à M. [V] du fait de son licenciement,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné OCP International au paiement de la somme de 11 667 euros pour non-respect de la procédure de licenciement,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné OCP International au paiement de la somme de 6 005,44 euros à titre de frais professionnels,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné OCP International au paiement de la somme de 7 112,46 euros à titre de frais de logement,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [V] de sa demande tendant au paiement de frais d'installation,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté OCP International de ses demandes tendant au paiement des sommes de 10 000 euros à titre d'amende civile et 33 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

et statuant à nouveau,

- dire et juger que le contrat de travail de M. [V] avec OCP International a été rompu au cours de la période d'essai,

- dire et juger que les demandes de M. [V] relatives à la prise en charge des frais d'installation, des frais de logement et des frais professionnels ne reposent sur aucun fondement,

en tout état de cause,

- débouter M. [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [V] à verser à la société la somme de 33 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamner M. [V] au paiement de la somme de 10 000 euros à titre d'amende civile en application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile,

- condamner M. [V] à verser à OCP International la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens.

Par conclusions adressées par voie électronique le 25 mars 2020, M. [V] demande à la cour de : - confirmer que la période d'essai de M. [V] était incontestablement achevée,

- confirmer l'arrêt et les condamnations prononcées par la cour d'appel de Paris le 7 juin 2018,

- confirmer l'arrêt et les condamnations prononcées par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 4 septembre 2019 sur les points suivants :

' 33 500 euros bruts au titre de son préavis de trois mois et 3 350 euros bruts de congés payés afférents,

' 11 667 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,

' 6 005,44 euros au titre des frais professionnels,

' 27 397,26 AED (soit 7 112,46 euros) au titre des frais de logement diminués de la somme versée pour la période du 18 juillet au 24 novembre 2016,

- statuer de nouveau et condamner la société OCP International au paiement des sommes suivantes :

' 67 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 109 880 AED (soit 28 525 euros) au titre des frais d'installation,

' 33 500 euros à titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- confirmer que la société OCP International est déboutée de ses demandes à titre reconventionnel,

- condamner la société OCP international au paiement de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société OCP international aux intérêts légaux sur l'ensemble des demandes :

' à compter de la saisine en référé du conseil de prud'hommes de Paris pour le versement du préavis et des congés afférents, et

' à compter de la saisine du conseil de prud'hommes pour les autres condamnations,

- confirmer la condamnation de la société OCP International à remettre à M. [V] un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation Pôle emploi conformes, sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

- condamner la société OCP International aux entiers dépens.

Par ordonnance rendue le 2 mars 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 25 mars 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS

Sur l'exécution du contrat de travail

- sur le rappel de salaires

M. [V] demande à la cour de confirmer les condamnations prononcées par la cour d'appel de Paris le 7 juin 2018 à titre provisionnel.

Cependant, il n'entre pas dans les pouvoirs de la cour d'appel de Versailles de confirmer les condamnations prononcées par une autre cour, à savoir au cas présent la cour d'appel de Paris.

S'agissant de la demande en paiement dont la cour est saisie, le salarié fait valoir que dès son embauche par la société OCP International, le 1er juillet 2016, il a travaillé à la préparation de sa mission de directeur développement Moyen-Orient dans l'attente de l'obtention de son visa de travail, qu'il a demandé à plusieurs reprises, en vain, le paiement de ses salaires pour la période du 1er juillet au 17 septembre 2016.

La société OCP International s'oppose à la demande de rappel de salaire au motif que pendant cette période, M. [V] a en réalité continué à travailler pour le compte de son ancien employeur, la société Areva, qu'en outre à aucun moment avant le mois d'octobre 2016, il ne s'est étonné de ne pas avoir été payé, qu'il a ensuite tenté d'abuser Mme [T] [D], responsable des ressources humaines d'OCP International en lui demandant de faire en sorte qu'OCP [Localité 5] procède au paiement de salaires sur la période du 1er juillet au 31 octobre 2016, qu'après vérification, Mme [D] a fait procéder, le 20 octobre 2016, au versement par OCP [Localité 5] des salaires dus depuis le 18 septembre 2016, que M. [V] n'a ensuite plus jamais sollicité le paiement de salaires sur la période allant du 1er juillet au 17 septembre 2016 jusqu'à sa décision de saisir le conseil de prud'hommes.

M. [V] justifie toutefois, par la production de nombreux courriels, qu'il a effectivement commencé à travailler pour la société OCP International dès le 1er juillet 2016 (démarches administratives, prises de contacts, réunions, participation à des séminaires, visites de sites, réception de documentations de l'entreprise), tandis que l'employeur, auquel incombe cette preuve, ne démontre ni n'allègue lui avoir versé son salaire sur la période considérée.

Si, après le 1er juillet 2016, M. [V] a terminé les formalités de fermeture des sociétés dont il assurait la direction lorsqu'il travaillait pour la société Areva, il ne résulte pas des éléments communiqués que ces démarches l'ont empêché d'accomplir son travail pour le compte de son nouvel employeur, ni qu'elles ont été effectuées sans l'aval de ce dernier, sachant que ces démarches conditionnaient l'obtention de son visa de travail et donc le démarrage de sa mission à [Localité 5] pour le groupe OCP.

La société OCP International sera en conséquence condamnée à verser à M. [V] la somme, non discutée dans son calcul, de 17 494,94 euros, outre congés payés afférents, à titre de rappel de salaire pour la période du 1er juillet au 17 septembre 2016 (déduction faite du mois de congé sans solde).

- sur la prise en charge des frais d'installation

M. [V] sollicite le versement de la prime d'accueil, telle que prévue par l'article 7.4 de son avenant d'expatriation, soit la somme de 28 525 euros.

La société OCP International considère que cette demande est sans objet dès lors que le salarié n'a jamais quitté son logement familial qu'il occupait à [Localité 5] lorsqu'il était salarié d'Areva, qu'il n'a ainsi jamais eu à engager de quelconques frais pour s'installer à [Localité 5].

L'article 7.4 (Frais d'installation) de l'avenant d'expatriation signé le 15 juin 2016 est ainsi rédigé :

« Lors de votre installation définitive aux Emirats Arabes Unis, vous percevrez une prime d'accueil équivalente à deux mois de votre rémunération annuelle brute.

Lors de votre retour en France, vous recevrez une prime correspondant en brut à un douzième de votre nouveau salaire de base. Cette prime ne vous sera pas versée en cas de démission. »

Il n'est pas discuté qu'à la date de son engagement par la société OCP International, M. [V] disposait déjà d'un logement à [Localité 5], qu'il occupait avec sa famille. Dans la mesure où il a été recruté pour occuper les fonctions de directeur développement Moyen Orient, du fait de son expérience et de ses contacts dans cette zone, la société OCP International ne pouvait ignorer que l'intéressé, auparavant en charge du bureau de représentation de la société Areva à [Localité 5], résidait sur place. C'est donc manifestement en toute connaissance de cause que le versement d'une 'prime d'accueil' a été convenu entre les parties, le salarié faisant justement observer que cette situation présentait l'avantage pour l'employeur de ne pas avoir à prendre en charge des frais de déménagement.

Il en résulte que M. [V] est bien fondé à se voir verser cette prime pour le montant réclamé, qui n'est au demeurant pas discuté dans son calcul par l'employeur.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

- sur le remboursement des frais professionnels

M. [V] soutient que les frais professionnels résultant de l'exercice de ses fonctions, ou liés à son expatriation, ne lui ont jamais été remboursés. Il sollicite le paiement à ce titre d'une somme de 6 005,44 euros.

La société OCP International estime n'être redevable d'aucune somme de ce chef dès lors d'une part, que les notes de frais émises les 1er septembre, 16 septembre et 5 octobre 2016 ont déjà été remboursées à M. [V] et d'autre part, que les autres sommes dont celui-ci réclame le remboursement correspondent soit à des dépenses engagées à titre privé, soit à une période pendant laquelle il était salarié d'OCP [Localité 5] vers lequel il doit se tourner.

Comme le fait cependant observer M. [V], la structure OCP [Localité 5] à laquelle il a été rattaché à compter du 18 septembre 2016 n'était qu'un bureau de représentation sans personnalité juridique. Les notes de frais qui sont communiquées et qui sont accompagnées des justificatifs de dépenses démontrent le caractère professionnel des frais ainsi engagés, ce que confirme les courriels par ailleurs versés aux débats.

Or, la société OCP International n'apporte aucune preuve utile de leur remboursement au salarié, y compris les notes de frais des 1er septembre, 16 septembre et 5 octobre 2016 dont elle reconnaît le bien-fondé.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné l'appelante au paiement de ces frais à hauteur de la somme réclamée de 6 005,44 euros.

- sur la prise en charge des frais de logement

M. [V] fait ici valoir qu'en raison de la rupture brutale de son contrat de travail, il a dû organiser son déménagement et quitter le logement qu'il occupait avec sa famille à [Localité 5], que ce départ avant la fin du bail a engendré des frais de rupture anticipée du contrat qu'il a tenté de négocier au mieux. Il sollicite le paiement d'une somme de 7 112,47 euros, correspondant au reliquat des frais de logement entre le 25 novembre et le 19 décembre 2016, jour où il a quitté le logement.

La société OCP International s'y oppose en objectant que le montant réclamé n'est justifié par aucune pièce, qu'elle ne s'est nullement engagée à prendre en charge le loyer de M. [V] à [Localité 5], seule OCP [Localité 5] étant contractuellement tenue de le faire aux termes de l'article 7.1 de l'avenant d'expatriation, qu'en tout état de cause cette demande est infondée puisqu'elle porte sur une période où M. [V] n'était plus salarié ni d'OCP International ni d'OCP SA.

L'article 7.1 (Logement) de l'avenant d'expatriation signé le 15 juin 2016 prévoyait que pendant la durée de la mission, la société d'accueil (OCP SA - [Localité 5]) participerait financièrement aux frais de logement du salarié aux Emirats Arabes Unis, dans la limite d'un montant brut maximum de 400 000 AED par an.

Dans la mesure cependant où le signataire de l'avenant d'expatriation est bien la société OCP International, il apparaît légitime de lui faire supporter les frais qu'a entraîné la rupture brutale de la relation contractuelle et dont M. [V] justifie, sachant que l'usage aux Emirats Arabes Unis est de payer à l'avance pour l'année entière les frais de logement, ce que l'employeur ne pouvait ignorer.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société OCP International à payer au salarié la somme réclamée de 7 112,47 euros (27 397,26 AED).

- sur l'exécution déloyale du contrat de travail

La cour a précédemment retenu un certain nombre de manquements de la société OCP International dans l'exécution du contrat de travail la liant à M. [V].

Ce comportement déloyal doit conduire à confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'appelante à verser au salarié la somme de 3 500 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur la rupture du contrat de travail

M. [V] soutient que la période d'essai de trois mois prévue par le contrat de travail conclu le 10 mai 2016 avec la société OCP International, était terminée à la date de rupture du contrat le 25 novembre 2016, qu'en effet le point de départ, le 18 septembre 2016, de l'exécution de sa mission chez OCP [Localité 5], et donc de la période probatoire prévue par son avenant d'expatriation, a mis un terme à la période d'essai de trois mois du contrat de travail du 10 mai 2016, que la rupture de la période d'essai à l'initiative de l'employeur n'était ainsi plus possible et que le contrat de travail ne pouvait être rompu que par un licenciement, que la rupture doit dès lors être requalifiée en licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La société OCP International fait valoir en réplique que le contrat de travail conclu le 10 mai 2016 a été suspendu à tout le moins à compter du 18 septembre 2016, date à laquelle M. [V] s'est vu délivrer un visa et une autorisation de travail à [Localité 5] et a pu effectivement commencer à travailler à [Localité 5], que le contrat de travail entre M. [V] et OCP [Localité 5] a ainsi commencé à être exécuté le 18 septembre 2016 puis qu'il a été rompu le 24 novembre 2016, qu'à ce moment, la suspension du contrat de travail du 10 mai 2016 a pris fin et OCP International a notifié au salarié la rupture de sa période d'essai de trois mois, laquelle n'était aucunement arrivée à son terme. Elle en déduit que M. [V] ne peut se prévaloir de l'existence ni d'un licenciement irrégulier, ni d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Aux termes des articles L. 1221-19 et suivants du code du travail, le contrat de travail à durée indéterminée peut comporter une période d'essai, dont la durée maximale est de quatre mois pour les cadres et qui permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.

En l'espèce, M. [V] a été engagé par la société OCP International, selon un contrat de travail à durée indéterminée du 10 mai 2016, en qualité de directeur développement Moyen-Orient. Ce contrat faisait suite à une lettre de 'proposition d'emploi' que M. [V] a signé le 5 mai 2016 en acceptant l'emploi qui lui était proposé de 'Directeur développement Moyen-Orient à OCP International à [Localité 5]' à compter du 1er juillet 2016.

Le contrat de travail, qui prévoyait en son article 3 une période d'essai de trois mois, a effectivement débuté le 1er juillet 2016, le salarié démontrant avoir travaillé pour le compte de la société OCP International à partir de cette date.

Avant cela, le 15 juin 2016, les parties ont signé un avenant d'expatriation selon lequel le salarié s'est vu confier une mission d'une durée de deux ans au sein de OCP [Localité 5] en qualité de directeur développement Moyen-Orient. Il était prévu que la mission serait confirmée à l'issue d'une période probatoire de trois mois débutant le 1er juillet 2016, au cours de laquelle la société d'accueil (OCP SA - [Localité 5]) et le salarié pouvaient renoncer à la mission moyennant le respect d'un délai de prévenance de deux semaines (article 2), le salarié étant alors réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent au sein de la société OCP International (article 12).

Conformément à la législation des Emirats Arabes Unis, un contrat de travail local a par ailleurs été conclu le 18 juillet 2016 entre OCP [Localité 5] et M. [V].

Il résulte ainsi de ces constatations que, nonobstant l'obtention d'un visa et d'une autorisation de travail, tels que requis par la législation du pays d'accueil et qui ont été délivrés au salarié le 18 septembre 2016, les parties ont convenu que le point de départ de la relation contractuelle, et donc de la période d'essai de trois mois, serait fixé au 1er juillet 2016, ce que l'avenant d'expatriation n'a pas remis en cause.

Il n'est pas discuté que M. [V] a pris, en accord avec l'employeur, des congés sans solde au mois d'août 2016.

Compte tenu de la suspension du contrat pendant la période de congés, la période d'essai de trois mois a donc pris fin le 31 octobre 2016.

Ainsi, M. [V] n'était plus en période d'essai quand son contrat de travail avec la société OCP International a été rompu le 25 novembre 2016, comme l'ont justement retenu les premiers juges.

Il en résulte que cette rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société OCP International à verser à M. [V] la somme de 33 500 euros, correspondant à trois mois de salaire, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents.

Au vu des pièces et des explications fournies, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge et des conséquences de la rupture à son égard, la société OCP International sera condamnée à lui régler, par confirmation du jugement entrepris, la somme de 35 000 euros à titre indemnitaire.

Le non-respect de la procédure de licenciement doit par ailleurs conduire, en application de l'article L. 1235-2 du code du travail, à condamner la société OCP International à verser à M. [V], dont l'ancienneté dans l'entreprise était inférieure à deux ans, une indemnité égale à un mois de salaire, soit la somme de 11 166,67 euros, par infirmation du jugement entrepris.

Sur les intérêts moratoires

Les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance.

Sur les documents de fin de contrat

M. [V] est bien fondé à se voir remettre par la société OCP International un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation Pôle emploi conformes à la décision, les circonstances de l'espèce ne nécessitant pas d'assortir cette obligation d'une astreinte.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive

La société OCP International sollicite la condamnation de M. [V] à lui verser la somme de 33 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi qu'à payer une amende civile de 10 000 euros.

Elle considère que si le salarié avait parfaitement le droit de contester la régularité de la rupture de la période d'essai qui lui a été notifiée, il ne pouvait sans commettre d'abus réclamer le paiement de sommes sans objet ou dont le potentiel créancier n'est pas la société OCP International, et ce dans un contexte où l'intéressé a dissimulé le fait qu'il a, en réalité, continué à travailler pour Areva pendant toute la durée de sa collaboration au sein du groupe OCP.

Selon l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

La société OCP International, qui succombe dans ses prétentions, ne démontre en l'espèce ni faute du salarié, ni préjudice susceptibles de commander l'octroi de dommages-intérêts sur ce fondement, ce qui doit conduire à confirmer le jugement entrepris sur ce point.

Quant à l'amende civile prévue par l'article 32-1 susvisé, il s'agit d'une sanction dont l'initiative appartient non aux plaideurs mais à la juridiction et, outre que les faits de l'espèce ne justifient pas d'en faire application, la demande présentée à ce titre par la société OCP International doit être rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société OCP International supportera les dépens en application des dispositions de l'article'696 du code de procédure civile.

Elle sera en outre condamnée à payer à M. [V] une indemnité sur le fondement de l'article'700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, qui sont donc confirmés, et 2'500'euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement rendu le 4 septembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Nanterre sauf en ce qu'il a confirmé l'arrêt et les condamnations prononcées par la cour d'appel de Paris le 7 juin 2018, sauf en ce qu'il a débouté M. [R] [V] de sa demande au titre des frais d'installation et sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement et l'astreinte ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la société OCP International à verser à M. [R] [V] les sommes suivantes :

- 17 494,94 euros à titre de rappel de salaires,

- 1 749,49 euros au titre des congés payés afférents,

- 11 166,67 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement

- 28 525 euros à titre de prime d'accueil ;

DIT que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à compter du jugement de première instance ;

ORDONNE à la société OCP International de remettre à M. [R] [V] un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation Pôle emploi conformes à la décision ;

DIT n'y avoir lieu d'assortir cette obligation d'une astreinte ;

CONDAMNE la société OCP International à verser à M. [R] [V] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société OCP International de sa demande de ce chef ;

CONDAMNE la société OCP International aux dépens.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code procédure civile et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président, et par Madame BOUCHET-BERT Elodie,Greffière,auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 19/03620
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;19.03620 ?
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