COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 38E
16e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 23 JUIN 2022
N° RG 21/03014 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UPZK
AFFAIRE :
[UI] [GJ]
et autres
C/
THE HONG KONG AND SHANGAI BANKING CORPORATION LIMI
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Avril 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de VERSAILLES
N° RG : 18/04923
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 23.06.2022
à :
Me Thierry VOITELLIER de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Claire RICARD, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT TROIS JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [UI] [GJ]
né le [Date naissance 52] 1980 à [Localité 123]
de nationalité Française
[Adresse 27]
[Localité 91]
Monsieur [KA] [DB]
né le [Date naissance 2] 1981 à [Localité 121]
de nationalité Française
[Adresse 67]
[Localité 114]
Monsieur [DL] [JN]
né le [Date naissance 46] 1952 à [Localité 115]
de nationalité Française
[Adresse 69]
[Localité 28]
Monsieur [NA] [JN]
né le [Date naissance 65] 1978 à [Localité 114] (44)
de nationalité Française
[Adresse 41]
[Localité 91]
Monsieur [M] [JF]
né le [Date naissance 37] 1987 à [Localité 91] (75)
de nationalité Française
[Adresse 85]
[Localité 91]
Monsieur [KA] [JF]
né le [Date naissance 64] 1946 à [Localité 91] (75)
de nationalité Française
[Adresse 85]
[Localité 91]
Monsieur [FX] [GS]
né le [Date naissance 3] 1990 à [Localité 121]
de nationalité Française
[Adresse 70]
[Localité 91]
Monsieur [WW] [N]
né le [Date naissance 55] 1988 à [Localité 122]
de nationalité Française
[Adresse 45]
[Localité 91]
Monsieur [UI] [MN]
né le [Date naissance 57] 1981 à [Localité 91] (75)
de nationalité Française
[Adresse 80]
[Localité 91]
Monsieur [DS] [B]
né le [Date naissance 35] 1984 à [Localité 97] (92)
de nationalité Française
[Adresse 79]
[Localité 91]
Monsieur [UI] [K]
né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 111] (13)
de nationalité Française
[Adresse 81]
[Localité 91]
Monsieur [FO] [K]
né le [Date naissance 32] 1991 à [Localité 91]
de nationalité Française
[Adresse 81]
[Localité 91]
Monsieur [CX] [K]
né le [Date naissance 18] 1987 à [Localité 91]
de nationalité Française
[Adresse 81]
[Localité 91]
Monsieur [MF] [K]
né le [Date naissance 50] 1993 à [Localité 91]
de nationalité Française
[Adresse 81]
[Localité 91]
Monsieur [TS] [J]
né le [Date naissance 66] 1985 à [Localité 91] (75)
de nationalité Française
[Adresse 59]
[Localité 96]
Monsieur [MF] [D]
né le [Date naissance 11] 1985 à [Localité 120] (92)
de nationalité Française
[Adresse 84]
[Localité 91]
Monsieur [IT] [PS]
né le [Date naissance 24] 1989 à [Localité 75] (45)
de nationalité Française
[Adresse 74]
[Localité 114]
Madame [X] [ZJ]
née le [Date naissance 58] 1955 à [Localité 75] (45)
de nationalité Française
[Adresse 23]
[Localité 30]
Madame [UA] [GW]
née le [Date naissance 10] 1929 à [Localité 91] (75)
de nationalité Française
[Adresse 109]
[Localité 72]
Madame [ZS] [Z] [GW]
née le [Date naissance 61] 1956 à [Localité 99]
de nationalité Française
[Adresse 33]
[Localité 71]
Monsieur [GN] [G]
né le [Date naissance 47] 1985 à [Localité 119]
de nationalité Française
[Adresse 83]
[Localité 75]
Madame [JW] [O]
née le [Date naissance 26] 1980 à [Localité 105] (91)
de nationalité Française
[Adresse 95]
[Localité 91]
Monsieur [GB] [G]
né le [Date naissance 54] 1951 à [Localité 78] (49)
de nationalité Française
[UE] [C]
[Localité 78]
Madame [R] [G]
née le [Date naissance 13] 1955 à [Localité 99]
de nationalité Française
[UE] [C]
[Localité 78]
Monsieur [JS] [XE]
né le [Date naissance 22] 1988 à [Localité 114] (44)
de nationalité Française
[Adresse 104]
PAYS BAS
Monsieur [CZ] [L]
né le [Date naissance 62] 1982 à [Localité 97] (92)
de nationalité Française
[Adresse 73]
[Localité 97]
Monsieur [T] [DH]
né le [Date naissance 16] 1966 à [Localité 101] (33)
de nationalité Française
[Adresse 82]
[Localité 49] - AUSTRALIE
Monsieur [AP] [GF]
né le [Date naissance 9] 1988 à [Localité 91] (75)
de nationalité Française
[Adresse 87]
[Localité 91]
Monsieur [PB] [ZN]
né le [Date naissance 17] 1970 à [Localité 112]
de nationalité Française
[Adresse 43]
[Localité 60]
Monsieur [TF] [A]
né le [Date naissance 6] 1983 à [Localité 91] (75)
de nationalité Française
[Adresse 44]
[Localité 92]
Monsieur [H] [XE]
né le [Date naissance 63] 1983 à [Localité 88] (72)
de nationalité Française
[Adresse 25]
[Localité 88]
Madame [V] [XE]
née le [Date naissance 12] 1984 à [Localité 88] (72)
de nationalité Française
[Adresse 25]
[Localité 88]
Monsieur [LX] [MW]
né le [Date naissance 8] 1981 à [Localité 125] - AUTRICHE
de nationalité Française
[Adresse 107]
[Localité 77]
Monsieur [S] [A]
né le [Date naissance 68] 1987 à [Localité 91] (75)
de nationalité Française
[Adresse 40]
[Localité 98]
Madame [MB] [CT] veuve [P]
née le [Date naissance 53] 1928 à [Localité 113]
de nationalité Française
[Adresse 94]
[Localité 91]
Monsieur [Y] [I]
né le [Date naissance 64] 1983 à [Localité 124]
de nationalité Française
[Adresse 106]
[Adresse 106]
PHILIPPINES
Madame [WN] [K] épouse [CO]
née le [Date naissance 12] 1985 à [Localité 91] (75)
de nationalité Française
[Adresse 86]
[Localité 91]
Monsieur [PF] [PN]
né le [Date naissance 39] 1983 à [Localité 103]
de nationalité Française
[Adresse 51]
[Localité 91]
Monsieur [MJ] [XE]
né le [Date naissance 48] 1953 à [Localité 88] (72)
de nationalité Française
[Adresse 117]
[Localité 90]
Madame [ZW] [XE]
née le [Date naissance 4] 1992 à [Localité 88] (72)
de nationalité Française
[Adresse 56]
[Localité 91]
Monsieur [PJ] [XA]
né le [Date naissance 14] 1949 à [Localité 116] - ALLEMAGNE
de nationalité Française
[Adresse 108]
[Localité 89]
Monsieur [CR] [TJ]
né le [Date naissance 7] 1985 à [Localité 91] (75)
de nationalité Française
[Adresse 38]
THAILANDE
Monsieur [DL] [AH]
né le [Date naissance 15] 1979 à [Localité 91] (75)
de nationalité Française
[Adresse 21]
[Localité 88]
Madame [XM] [AH]
née le [Date naissance 5] 1979 à [Localité 75] (49)
de nationalité Française
[Adresse 21]
[Localité 88]
Monsieur [W] [RM]
né le [Date naissance 29] 1985 à [Localité 118] (78)
de nationalité Française
[Adresse 42]
[Localité 93]
Monsieur [U] [XI]
né le [Date naissance 34] 1959 à [Localité 102]
de nationalité Française
[Adresse 109]
[Localité 31]
S.C.I. CAYLUS
N° Siret 504 769 514 (RCS D'Angers)
[Adresse 110]
[Localité 76]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
S.C.I. CHATEAU SOYER
N° Siret 399 382 936 (RCS de Nanterre)
[Adresse 20]
[Localité 91]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
S.A.R.L. O&S CONSEIL
N° Siret 527 696 041 (RCS de Paris)
[Adresse 36]
[Localité 91]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0187 - Représentant : Me Thierry VOITELLIER de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 - N° du dossier 018232
APPELANTS
****************
THE HONG KONG AND SHANGAI BANKING CORPORATION LIMITED
Société de droit hongkongais
[Adresse 19]
Central, Région administrative Spéciale de Hong Kong
CHINE
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Rémi PASSEMARD de la SELARL BOUCKAERT ORMEN PASSEMARD & AUTRES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0555 - Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2211385
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 Mai 2022, Madame Sylvie NEROT, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Fabienne PAGES, Président,
Madame Sylvie NEROT, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,
Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO
EXPOSÉ DU LITIGE
La société NFT Investment Limited (ci-après : NFT), constituée le 06 septembre 2011 à Hong Kong par M. [TN] [FT], a été inscrite au registre du commerce et des sociétés de cette ville et a ouvert, en octobre 2011, un compte bancaire auprès de la société de droit honkongais HSBC Hong Kong and Shangai Banking Corporation Limited (ci-après : HSBC).
Le formulaire d'ouverture de compte précisait notamment, à la rubrique relative à la nature des services offerts qu'ils consistaient à  : Provide Business management training, project development and supporting and design their strategies for automates trading systems » soit, selon la traduction de la demanderesse à l'action : «dispenser des formations en gestion d'entreprises, en développement de projets, et à soutenir et concevoir les stratégies pour les systèmes de trading automatisés », la région administrative spéciale de Hong Kong, la Chine et la France étant mentionnées comme le lieu de leur exercice.
A la suite de la proposition, par la société NFT, d'un produit d'investissement de gestion collective consistant à recourir à des stratégies de gestion alternative (ou « hedge fund »), les demandeurs à la présente action ont souscrit à ce produit en consentant des prêts à cette société, chacun de ces « prêteurs » qui se destinait à réaliser ainsi des investissements s'étant engagé (selon l'article 2 du contrat) à effectuer le transfert de fonds correspondant au montant de l'emprunt sur le compte bancaire précité de la société NFT. Selon son article 7, il était stipulé que le droit applicable à cette convention de prêt était celui de la common law anglaise et des règles d'équité de la Grande-Bretagne appliquée à Hong Kong.
Découvrant que la société NFT Investment Ltdd avait fait un usage non autorisé du logo HSBC et du nom de la société HSBC Hong Kong and Shangai Banking Corporation Limited dans sa documentation commerciale, cette dernière a bloqué le compte bancaire de la société NFT Investment puis procédé à sa fermeture en octobre 2014.
Se présentant comme victimes d'agissements frauduleux commis par monsieur [FT] ayant engendré la perte quasi-totale des fonds investis (soit environ 6 millions d'euros), selon eux rendus possibles du fait de la négligence de la société HSBC par le biais de laquelle monsieur [FT] aurait réalisé des détournements, par acte du 17 novembre 2015, divers investisseur, à savoir :
M. [UI] [GJ], M. [KA] [DB], la Sci Caylus, M. [DL] [JN], M. [NA] [JN], Messieurs [M] et [KA] [JF], M. [FX] [GS], M.[WW] [N], M. [UI] [MN], Messieurs [UI], [FO], [CX] et [MF] [K], M. [TS] [J], M. [MF] [D], M. [IT] [PS], Mme [X] [ZJ], M. [DS] [B], Mme [UA] [GW], Mme [ZS] [Z] [GW], M. [GN] [G], Mme [JW] [O], M. [GB] [G], Mme [R] [G], M. [JS] [XE], M. [CZ] [L], M. [T] [DH], M. [AP] [GF], M. [UI] [MN] (sic : même identité que ci-dessus, autre adresse), M. [PB] [ZN], M. [TF] [A], la Sci Château Soyez représentée par madame [DN], M. [H] [XE], Mme [V] [XE], M. [LX] [MW], M. [S] [A], la Sarl O&S Conseil représentée par monsieur [CZ] [L], M. [CX] [K], monsieur [H] [XE] et madame [V] [XE]
ont assigné la société HSBC devant le tribunal de grande instance de Versailles aux fins de réparation de l'intégralité du préjudice qu'ils estiment avoir subi, évalué à la somme totale de 8 623 034,12 euros.
Saisi par la société HSBC d'un incident tendant à contester la compétence territoriale du tribunal de grande instance de Versailles, par ordonnance contradictoire rendue le 20 mars 2017, le juge de la mise en état désigné a :
déclaré le tribunal de grande instance de Versailles incompétent,
renvoyé les requérants à mieux se pourvoir,
dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné les demandeurs aux dépens.
Ceci, ainsi que précisé par les premiers juges, aux motifs que l'éventuelle faute de la société HSBC consistant à laisser volontairement la société NFT utiliser son logo sans avertir les cocontractants, ne saurait être matériellement constituée en France, ni dans le ressort du tribunal de grande instance de Versailles, la société HSBC n'ayant aucune activité en France ni établissement secondaire, que le lieu du fait dommageable ne se situe donc pas en France, ni dans le ressort du tribunal de grande instance de Versailles, que le lieu de la réalisation du dommage est celui où l'appropriation indue par le dépositaire des fonds s'est produite, soit à Hong Kong, lieu où était matériellement tenu le compte de la société NFT ouvert à la banque HSBC Hong Kong avant de disparaître.
Cependant, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort le 15 février 2018, la cour d'appel de Versailles, sur appel interjeté par les requérants le 9 mai 2017,
infirmé l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a dit incompétent le tribunal de grande instance de Versailles pour connaître des demandes formées à l'encontre de la société HSBC Hong Kong and Shangai Banking Corporation Limited par Mme [XV] [MS] et Mme [CV] [F] et, statuant à nouveau,
dit le tribunal de grande instance de Versailles territorialement compétent pour connaître de l'action engagée par acte du 17 novembre 2015 ('),
condamné la société HSBC Hong Kong and Shangai Banking Corporation Limited à payer à M. [UI] [GJ], M. [KA] [DB], M. [DL] [JN], M. [NA] [JN], M. [M] [JF], M. [KA] [JF], M. [FX] [GS], M. [WW] [N], M. [UI] [MN], M. [UI] [K], M. [FO] [K], M. [MF] [K], M. [TS] [J], M. [MF] [D], M. [IT] [PS], Mme [X] [ZJ], M. [DS] [B], Mme [UA] [GW], Mme [ZS] [Z] [GW], M. [GN] [G], Mme [JW] [O], M. [GB] [G], Mme [R] [G], M. [JS] [XE], M. [CZ] [L], M. [T] [DH], M. [AP] [GF], M. [UI] [MN], M. [PB] [ZN], M. [S] [A], M. [H] [XE], Mme [V] [XE], M. [LX] [MW], M. [TF] [A], M. [CX] [K], la SCI Caylus, la SCI Château Soyez et la Sarl O&S Conseil la somme globale de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
rejeté la demande présentée par la société HSBC Hong-Kong and Shangai Banking Corporation Limited sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la société HSBC Hong-Kong and Shangai Banking Corporation Limited aux dépens de première instance et aux entiers dépens d'appel, ces derniers étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La cour d'appel a notamment retenu, toujours selon la synthèse des premiers juges, que si le tribunal de grande instance de Versailles était territorialement incompétent en application de l'article 46 du code de procédure civile, le fait dommageable n'ayant pu être commis en France, où la banque ne dispose d'aucun établissement et n'exerce aucune activité, et le lieu où le dommage est survenu étant Hong Kong, il était néanmoins territorialement compétent en application de l'article 14 du code civil, qui consacre une compétence subsidiaire du juge français pour les obligations contractées par un étranger en pays étranger envers des Français, pour connaître des manquements allégués de la banque hongkongaise et de son obligation à réparation éventuellement contractée en pays étranger envers les victimes françaises des faits.
L'affaire a ainsi été renvoyée devant le tribunal de grande instance de Versailles déjà saisi, où l'instance s'est poursuivie.
Enfin, par conclusions d'intervention volontaire notifiées le 20 octobre 2019 d'autres investisseurs, à savoir : Mme [MB] [CT] veuve [P], M. [Y] [I], Mme [WN] [K] épouse [CO], Mme [PF] [PN], M. [MJ] [XE], Mme [ZW] [XE], M.[PJ] [E], M. [CR] [TJ], M. [DL] et Mme [XM] [JB], M. [W] [RM] et M. [U] [XI], sont intervenus volontairement à l'instance, invoquant un préjudice représentant la somme totale de 1.699.404,02 euros.
Par jugement contradictoire rendu le 1er avril 2021 le tribunal judiciaire de Versailles a, sans prononcer l'exécution provisoire  :
dit la loi hongkongaise applicable,
débouté M. [UI] [GJ], M. [KA] [DB], M. [DL] [JN], M [NA] [JN], M. [M] [JF], M. [KA] [JF], M. [FX] [GS], M. [WW] [N], M. [UI] [MN], M. [UI] [K], M. [FO] [K], M. [MF] [K], M. [TS] [J], M. [MF] [D], M. [IT] [PS], Mme [X] [ZJ], M. [DS] [B], Mme [UA] [GW], Mme [ZS] [Z] [GW], M. [GN] [G], Mme [JW] [O], M. [GB] [G], Mme [R] [G], M. [JS] [XE], M. [CZ] [L], M. [T] [DH], M. [AP] [GF], M. [UI] [MN], M. [PB] [ZN], M. [S] [A], M. [H] [XE], Mme [V] [XE], M. [LX] [MW], M. [TF] [A], M. [CX] [K], la Sci Caylus, la Sci Château Soyez, la Sarl O&S Conseil, Mme [MB] [CT] veuve [P], M. [Y] [I], Mme [WN] [K] épouse [WJ] [JJ], Mme [PF] [PN], M. [MJ] [XE], Mme [ZW] [XE], M. [PJ] [E], M. [CR] [TJ], M. [DL] et Mme [XM] [JB], M. [W] [RM] et M. [U] [XI] de l'intégralité de leurs demandes,
(les) a condamnés in solidum aux dépens, qui pourront être recouvrés par Maître Claire Ricard conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
(les) a condamnés in solidum à payer à la société HSBC Hong Kong and Shangai Banking Corporation Limited la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Lesdits demandeurs à l'action et intervenants volontaires (tels que précisément identifiés en tête du présent arrêt) ont relevé appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe le 10 mai 2021.
Et, par dernières conclusions (n° 4) notifiées le 03 mai 2022, ils demandent à la cour, au visa des articles 46, 68, 74 et suivants, 329 du code de procédure civile, 3, 14 et 1240 du code civil, L.561-1 et suivants du code monétaire et financier, des directives 2004/39/CE et 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du Règlement Général de l'Autorité des Marchés Financiers, de l'Anti Money Laundering Ordinance, du guideline in Anti-Money Laundering and counter terrorist financing, de la recommandation n°10 du GAFI :
de juger recevable et bien fondée l'action des appelants, et de rejeter toutes les demandes, fins, conclusions et exceptions formulées par la société HSBC Hong Kong,
sur le recours
d'infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de « Paris » (sic) le 1er avril 2021 en ce qu'il a dit la loi hongkongaise applicable // débouté les demandeurs de l'intégralité de leurs demandes // condamné in solidum les demandeurs à payer à la société HSBC Hong Kong and Shangai Banking Corporation Ltd la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile // condamné in solidum les demandeurs aux dépens d'instance conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
statuant à nouveau,
de juger que la règle de conflit de lois en matière d'action délictuelle désigne le droit français,
de juger que la société NFT Investment Ltd ne disposait d'aucun agrément ni en France ni à Hong Kong,
de juger que la banque HSBC Hong Kong a manqué à ses obligations de vigilance en qualité de banquier teneur de compte de la société NFT Investment Ltd,
en conséquence
de condamner la société HSBC Hong-Kong à payer les sommes suivantes (correspondant au montant total investi) aux appelants :
M [UI] [GJ]Â : 50 000 euros
M [KA] [DB]Â : 10 000 euros
SCI Caylus : 8 000 euros
M [DL] [JN]Â : 28 000 euros
M [NA] [JN]Â : 30 000 euros
M [M] [JF]Â : 9 000 euros
M [KA] [JF]Â : 45 000 euros
M [FX] [GS]Â : 15 000 euros
M [WW] [N]Â : 50 000 euros
M [UI] [MN]Â :10 000 euros
M [DS] [B]Â : 50 000 euros
M [UI] [K]Â : 19 852 euros
M [FO] [K]Â : 100 000 euros
M [CX] [K]Â : 100 000 euros
M [MF] [K]Â : 100 000 euros
M [TS] [J]Â :19 000 euros
M [MF] [WS]Â : 45 000 euros
M [IT] [PS]Â : 15 000 euros
Mme [X] [ZJ]Â : 24 000 euros
Mme [UA] [PW]Â :3 746 000 CHF (3 604 651 76 euros)
Mme [ZS] [Z]Â : 820 149 72 CHF (741 262 ,78 euros )
M [GN] [G]Â : 37 000 euros
Mme [JW] [O]Â : 110 000 euros
M [GB] [G] et madame [R] [G]Â :115 000 euros
M [JS] [XE]Â : 37 000 euros
M [CZ] [L]Â : 200 000 euros
M [T] [DH]Â : 1 723 333 euros
M [AP] [GF]Â : 97 000 euros
M [UI] [MN]Â : 10 000 euros
M [PB] [ZN]Â : 200 000 euros
M [TF] [A]Â : 170 000 euros
SCI Château Soyer : 300 000 euros
M [H] [XE]Â et madame [V] [XE]: 79 900 euros
Mme [V] [XE]Â : 9 000 euros
M [LX] [MW]Â : 100 000 euros
[S] [A]Â : 30 000 euros
O&S Conseil : 70 000 euros
[MB] [CT] veuve [P]Â : 900 000 euros
[Y] [I]Â : 50 000 euros
[WN] [K] épouse [CO] :80 000 euros
[PF] [PN]Â : 25 000 euros
[MJ] [XE]Â : 105 000 euros
[ZW] [XE]Â : 29 404,02 euros
[PJ] [E]Â : 75 000 euros
[CR] [TJ]Â : 5 000 euros
[DL] et [XM] [JB]Â : 40 000 euros
[W] [RM]Â : 20 000 euros
[U] [XI]Â : 370 000 euros
de condamner, à défaut, la société HSBC Hong Kong à payer aux appelants les intérêts au taux légal de 4,06% annuel, ce jusqu'au remboursement de leur perte en capital,
de condamner la société HSBC Hong Kong à payer la somme de 8.000 euros à chacun des appelants au titre de leur préjudice moral,
en tout état de cause
de condamner la société HSBC Hong Kong à payer à chacun des appelants la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la Scp Courtaigne, avocats.
Par dernières conclusions (n° 3) notifiées le 04 mai 2022 la société de droit hongkongais The Hong Kong and Shangai Banking Corporation Limited prie la cour :
de confirmer le jugement rendu le 1er avril 2021 par le tribunal judiciaire de Versailles en toutes ses dispositions,
en conséquence,
de débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de HSBC Hong Kong,
de condamner in solidum les appelants au paiement à HSBC Hong Kong d'une somme de 80.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
de condamner les appelants aux entiers dépens de l'instance, dont le recouvrement pourra être effectué directement par Maître Claire Ricard.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 mai 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la désignation de la loi applicable dans ce litige impliquant des éléments d'extranéité
Les appelants qui agissent en responsabilité délictuelle à l'encontre de la banque hongkongaise HSBC en lui reprochant de n'avoir pas respecté son devoir de vigilance en s'abstenant de vérifier la détention du nécessaire agrément de la société NFT, de porter attention aux dysfonctionnements du compte de cette société et en faisant preuve de complaisance fautive en prêtant son nom à une escroquerie massive et qui sollicitent à titre principal sa condamnation au paiement de sommes égales au capital investi, poursuivent l'infirmation du jugement qui désigne la loi hongkongaise applicable au litige et demandent à la cour de juger que la loi française lui est applicable.
Il convient de rappeler que, pour statuer comme il l'a fait, le tribunal s'est fondé sur l'article 4 du règlement n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 (dit règlement Rome II), d'applicabilité directe en droit interne à compter du 11 janvier 2009 et relatif à la loi applicable aux obligations non contractuelles relevant de la matière civile et commerciale dans une situation de conflit de lois selon lequel
«1. Sauf dispositions contraires du présent règlement, la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent»
et sur le considérant n° 16 de son préambule précisant que :
«Le rattachement au pays du lieu où le dommage direct est survenu ('' lex loci damni '') crée un juste équilibre entre les intérêts de la personne dont la responsabilité est invoquée et ceux de la personne lésée et correspond également à la conception moderne du droit de la responsabilité civile et au développement des systèmes de responsabilité objective».
Il en a déduit que le facteur de rattachement déterminant la loi applicable réside dans le lieu où le dommage survient, entendu comme le dommage direct découlant immédiatement du fait générateur (à savoir, en l'espèce, la perte des fonds investis qui s'est produite à Hong Kong sur le compte ouvert auprès de la société HSBC par la société NTF) et non au lieu du fait générateur et jugé qu'il ne doit pas être tenu compte du préjudice indirect, tel le préjudice financier consécutif au préjudice matériel direct qui s'est produit ailleurs, ou, comme cela ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, au lieu du domicile du demandeur où serait localisé le centre de son patrimoine au seul motif qu'il en aurait perdu des éléments dans un autre Etat.
Pour affirmer qu'à tort le tribunal a refusé de faire application du droit français, les appelants évoquent un avis de l'Autorité des marchés financiers du 24 juin 2015 - transmis au juge d'instruction dans le cadre de l'information ouverte à l'encontre de monsieur [TN] [FT] et autres (messieurs [DJ] [AH] et [IX] [FT]) pour escroquerie qui a donné lieu au prononcé, le 26 février 2021, d'une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel - concluant à la nécessité d'un agrément de la société NFT par l'autorité de régulation française et se prévalent de l'application du principe de proximité prévu au paragraphe 3 de l'article 4, du Règlement Rome II selon lequel :
« 3. S'il résulte de l'ensemble des circonstances que le fait dommageable présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé aux paragraphes 1 ou 2, la loi de cet autre pays s'applique. Un lien manifestement plus étroit avec un autre pays pourrait se fonder, notamment, sur une relation préexistante entre les parties, telle qu'un contrat présentant un lien étroit avec le fait dommageable »
en faisant valoir que toutes les victimes, résidentes en France, ont effectué des virements au profit de la banque HSBC Hong Kong depuis leurs comptes bancaires français, après démarchage en France par la société NFT, en exécution de contrats signés en France rédigés en français et utilisant l'euro comme devise, ajoutant que les informations contenues dans la convention d'ouverture de compte de la société NFT confirment ce lien, selon eux, indéniable puisqu'il y était indiqué que le pays de son siège social était la France, que ses lieux d'activité et le pays d'origine des fonds se situaient notamment en France et que monsieur [FT] avait « manifestement » signé cette convention depuis l'agence française d'HSBC située [Adresse 100] qui y a apposé son tampon.
Ils s'approprient les termes d'une analyse doctrinale publiée en 2009 selon laquelle « le critère de rattachement de ce Règlement n'est plus désigné par le point de départ du fait juridique illicite (l'élément générateur du délit) mais par son point d'arrivée (l'avènement du dommage direct) » ou encore : « dans le domaine de la responsabilité civile, le souci d'indemnisation de la victime prend le pas sur celui de son auteur », cela pour conclure à l'application de la loi française, ajoutant qu'en tout état de cause la législation hongkongaise contient des dispositions similaires au droit français en matière d'obligation de vigilance.
Ceci étant exposé et indépendamment de la question du bénéfice du privilège de juridiction définitivement tranchée, c'est à juste titre que le tribunal, saisi d'un litige dont l'objet porte sur des agissements de nature délictuelle présentant des éléments d'extranéité et qui se sont produits postérieurement au 11 janvier 2009, date d'entrée en vigueur de Règlement dit « Rome II », a fait application de la règle générale qu'il prévoit pour se prononcer sur la loi compétente, étant observé que ce point n'est pas contesté par les parties.
Avec pertinence et sans confondre, comme l'affirment à tort les appelants, les procédures pénale et présentement civile engagées, la société HSBC qui poursuit, quant à elle, la confirmation du jugement en cette disposition, reprend les termes précis de l'article 4 §1 de ce Règlement à savoir la désignation de la loi « du pays où le dommage survient » qui ne vise pas le lieu du domicile du demandeur où serait localisé le centre de son patrimoine - en l'espèce en France où les appelants, se présentant comme titulaires de comptes bancaires personnels à partir desquels ils ont procédé à des virements, subissent effectivement une perte financière consécutivement à un dommage initial - mais vise, en revanche, à la fois le lieu où le dommage est survenu et le lieu de l'événement causal qui est à l'origine du dommage.
Au cas particulier, s'agissant d'une action en responsabilité délictuelle intentée à l'encontre d'une banque hongkongaise dont il est soutenu que par manque de vigilance elle aurait rendu possible une escroquerie commise par divers animateurs de sa cliente, le lieu de survenance du dommage est le lieu où était matériellement tenu le compte par lequel ont transité les fonds détournés, à savoir à Hong Kong.
A cet égard, la société HSBC démontre que, de façon erronée, les appelants laissent entendre que le formulaire d'ouverture du compte aurait été signé par monsieur [FT] en France, le document qu'elle produit en pièce n° 1 établissant qu'en réalité ce simple formulaire (qui ne créait pas de relation contractuelle lors de son établissement mais devait être traité et approuvé par la banque pour ce faire) a été signé par un représentant de l'actionnaire majoritaire de la société NFT, la société Laurence Pountry Ltd (en page 13) et monsieur [FT] n'ayant obtenu que la reconnaissance matérielle de la signature autorisée dont il bénéficiait (« authorised signature(s) (') certified as a true and original copy », ainsi que mentionné en page 9).
S'agissant de la désignation du lieu où l'événement causal immédiat s'est produit, il se situe également à Hong Kong puisque sont incriminés les manquements de la banque honkongaise à ses obligations professionnelles à l'occasion de l'ouverture ou de la tenue du compte de la société NFT, par conséquent au lieu d'exercice de son activité comme le fait valoir l'intimée, et non point les faits d'escroquerie faisant l'objet de poursuites pénales à l'encontre des animateurs de cette société.
Les appelants ne peuvent non plus être suivis en leur argumentation tendant à voir appliquer la clause d'exception prévue au paragraphe 3 de l'article 4 précité, qualifiée de « clause dérogatoire » au considérant 14 du préambule du Règlement, qui ne peut être envisagée que comme un principe résiduel exigeant la démonstration de liens « manifestement plus étroits » .
S'il est vrai qu'ils font état de divers éléments de rattachement à la France, outre le fait qu'ils opèrent, ainsi que le soutient la banque, un amalgame entre les activités de commercialisation de ses produits financiers par monsieur [FT] sur le territoire français et les faits dommageables imputés à faute à la banque ou font état de critères personnels inopérants en la matière, force est de considérer que l'article 4 du Règlement dit « Rome II » pose le principe de l'application de la loi du lieu de survenance du fait dommageable et que le principe de proximité invoqué n'a vocation à être appliqué qu'à titre d'exception dans des situations de délits complexes, lorsque la responsabilité recherchée a pour origine une pluralité de faits générateurs localisés dans divers Etats ou quand il s'avère que la loi désignée n'a qu'un lien fortuit avec le litige, ou encore que certains éléments du fait générateur se révèlent insuffisamment déterminants.
Les appelants ne font pas la démonstration de « liens manifestement plus étroits » avec la loi française tandis que la Banque - qui ne se contente pas d'invoquer l'absence de relation préexistante entre les parties, contrairement à ce qui est soutenu par ses adversaires - énumère à juste titre les nombreux et manifestes éléments de rattachement à Hong Kong, à savoir le lieu d'exercice de son activité où les manquements allégués ne peuvent qu'être localisés, sa soumission à la loi hongkongaise en vertu d'un agrément délivré par la Hong Kong Monetary Autority, le lieu d'exercice à Hong Kong d'une partie de l'activité de la société NTF, le lieu d'approbation de l'ouverture du compte de cette société à Hong Kong dans les livres de la société HSBC Hong Kong, en 2011, et de l'exécution de leur relation contractuelle jusqu'en octobre 2014, le lieu où les fonds ont été déposés en compte et ce même lieu, Hong Kong, où ils ont fait l'objet d'une appropriation indue par la société NFT.
Il résulte de tout ce qui précède que le jugement doit être confirmé en ce qu'il retient que la loi hongkongaise est seule applicable au litige.
Sur l'action en responsabilité à l'encontre de la banque pour manquements à son obligation de vigilance
Pour conclure que la société HSBC n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité et débouter les demandeurs à l'action de leurs prétentions, le tribunal a d'abord jugé qu'était inopérante la référence de ceux-ci à la loi française, qu'il convenait de faire application du droit en vigueur dans la région administrative spéciale (ou RAS) de Hong Kong, où coexistent une législation locale, spécifiquement applicable à ce territoire et les règles de la common law, ainsi qu'il ressort de la loi fondamentale édictée à la suite de la déclaration commune sino-britannique, les juridictions hongkongaises continuant ainsi de se référer aux décisions rendues dans le système de la common law, utilisant la technique des précédents.
Il a considéré, en préambule, que le droit de la responsabilité délictuelle issu de la common law obéit à des règles différentes de celles du droit français dans la mesure où le champ des personnes protégées y est plus restreint qu'en droit français puisqu'il appartient à la victime alléguée de démontrer qu'ont été commis des délits spécifiques (the torts) et que la personne dont la responsabilité délictuelle est recherchée était tenue à son égard d'un devoir (duty), ajoutant, par ailleurs, que dans les systèmes de common law un devoir de vigilance (duty of care) ne peut dériver d'un devoir statutaire (statutory duty).
Il a ensuite apprécié le grief tiré de la violation de la législation locale relative à la réglementation bancaire et pénale - plus précisément l'Anti-money laundering and counter-terrorist financing ordinance (ou AMLO), aux recommandations de l'autorité monétaire de Hong Kong, la Hong Kong monetary authority (ou HKMA), et à l'Organized and serious crimes ordinance (ou OSCO) - pour dire que leurs dispositions ne permettent pas à un justiciable d'exercer sur ce fondement une action de droit privé et qu'elles ne créent pas davantage un devoir spécifique (duty) de common law pour fonder une responsabilité pour torts. Et, se référant à une décision rendue le 05 mars 2021 par une juridiction hongkongaise, le tribunal a ajouté que cette juridiction a expressément reconnu que la violation d'une obligation statutaire (issue de l'OSCO et des recommandations de l'HKMA) ne pouvait fonder une action de droit privé ni ne créait de devoir spécifique au sens de la common law, tant en matière contractuelle que délictuelle.
Il s'est enfin prononcé sur le grief tiré de la violation d'un devoir de vigilance, jugeant qu'il appartenait aux demandeurs à l'action de démontrer tout à la fois que la banque était tenue envers eux non point d'un devoir général mais d'un devoir spécifique (la règle prévalant en common law étant celle d'une absence de devoir spécifique envers les tiers non clients, sauf circonstances particulières) supposant donc un lien de proximité suffisant entre les parties, que, par ailleurs, le dommage allégué était raisonnablement prévisible pour la banque et qu'enfin il soit juste et raisonnable de faire peser sur elle une telle obligation à leur égard.
Pour conclure qu'il n'était pas démontré qu'étaient réunies les conditions permettant d'engager la responsabilité délictuelle de la banque à raison de ce grief, les premiers juges ont repris les manquements précisément incriminés, examiné les circonstances particulières de la cause, retenu le défaut de relations contractuelles nouées avec la banque, l'absence de déclaration de la société NFT à la banque de ses activités de service d'investissement, le fait qu'il n'était pas établi que la banque avait connaissance de la cause des virements internationaux crédités et des obligations de restitution pesant sur NFT (le dommage allégué n'étant donc pas raisonnablement prévisible pour elle) et pas davantage démontré qu'elle ait eu connaissance des activités réelles de cette société (l'obligation de se renseigner sur celles-ci, alors que rien ne laissait présumer de leur illicéité, constituant une obligation excessivement lourde, peu important le montant des virements effectués).
Ces circonstances ainsi appréciées ont conduit le tribunal à juger qu il ne saurait être mis à sa charge un devoir spécifique ou une obligation particulière de vigilance (duty of care) envers les demandeurs, qui s'avérerait injuste et déraisonnable. La perte des sommes d'argent qui ont été déposées sur le compte de la société NFT est en effet avant tout imputable aux agissements de celle-ci et à ceux de M. [TN] [FT], mais il ne serait pas juste que la banque soit obligée de garantir les promesses faites par ce dernier aux demandeurs.
Poursuivant l'infirmation du jugement sur cet autre point, les appelants estiment d'abord que c'est à la faveur d'un raisonnement erroné que le tribunal a considéré qu'il n'était pas établi que la banque aurait eu connaissance des activités réelles de la société NFT. Ils évoquent les termes du réquisitoire définitif du 1er juin 2020 dans la procédure pénale précitée révélant des anomalies apparentes et des discordances majeures des flux financiers qu'aurait dû, selon eux, relever la banque, outre les exigences de l'AMLO lui imposant diverses obligations de « connaissance-client » ainsi que la simple consultation d'un document daté de 2012 visible sur internet qui permettait à la banque de vérifier la concordance entre l'activité déclarée (portant au demeurant sur une activité de trading) et les flux financiers transitant sur le compte ou encore le document de présentation de la société NFT.
Ils le critiquent également en qu'il a refusé de mettre à la charge de la banque une obligation de vigilance au motif que la soumission à un tel devoir spécifique serait « injuste et déraisonnable » alors qu'il s'agit d'une obligation générale que tout professionnel de la finance est tenu de respecter, invoquant le droit positif français et l'ordonnance de lutte contre le blanchiment des capitaux (ou AMLO) du droit hongkongais imposant à la banque de procéder à des contrôles sur l'identité et l'activité de ses clients préalablement à l'ouverture du compte d'une personne morale.
Partant du postulat selon lequel la législation hongkongaise dont se prévaut leur adversaire « contient des dispositions similaires au droit français en matière d'obligation de vigilance », les appelants consacrent des développements nourris (pages 37 à 51/97 de leurs dernières conclusions) relatifs à la responsabilité de la banque sur ce point, tant sur le fondement de l'article 1241 (nouveau) du code civil et la construction prétorienne française concernant cette obligation que sur celui des dispositions du code monétaire et financier, soutenant que l'obligation de prendre des renseignements sur le client pour lui ouvrir un compté, prévue en son article R 312-2 se retrouve dans les textes fondamentaux du droit hongkongais, AMLO et OSCO.
Plus précisément, s'agissant de l'absence de vérification par la banque de la détention de l'agrément nécessaire à l'exercice de son activité par son client à l'origine de la gestion frauduleuse d'abord incriminé, ils font valoir que la banque devait, de plus, se conformer aux recommandations du Groupe d'action financière (ou GAFI) créé en 1989 dont Hong Kong est membre depuis 1991 et qui participe à leur élaboration, parmi lesquelles figure la recommandation n° 10 relative au « devoir de vigilance relatif à la clientèle et conservation des documents » reproduite dans leurs conclusions qui doit s'exercer tant lors de l'ouverture du compte que durant la relation d'affaires.
Compte tenu des éléments connus de la banque, qui comportaient de nombreuses anomalies apparentes et révélaient une dissimulation flagrante de ses activités par la société NFT, elle a, selon eux, manqué à son devoir de vigilance en s'abstenant de procéder à des démarches plus approfondies.
Ils citent, à cet égard et en premier lieu, le signataire de la demande d'ouverture de compte, la société Laurence Pountey Ltd appartenant, selon eux, « à la nébuleuse France Offshore, système d'évasion fiscale et de blanchiment d'argent de grande envergure » et ayant son siège social dans un paradis fiscal, les Iles Vierges britanniques. Ils évoquent, en deuxième lieu, son absence de recherche et de vigilance quant à l'objet social de NFT ou en regard de sa documentation commerciale dont elle a pu disposer puisque l'usage de son nom et de son logo sur celle-ci a motivé, en juillet 2014, le blocage du compte. Ils font état, en troisième lieu et pour dire qu'il est constitutif d'une autre incohérence, du nom de la société NFT Investment évoquant une activité orientée vers la finance et vers le conseil. Ils tirent enfin argument du pouvoir d'engagement et de signature de monsieur [FT] qui n'était pourtant ni le directeur ni l'associé principal de la société NFT.
Ils se prévalent également du fait que la banque ne pouvait ignorer les activités de prestataire de services d'investissement sur le territoire français de cette société, évoquant les dizaines de millions provenant, selon des « chiffres ronds correspondant à de l'épargne » d'investisseurs français, crédités sur le compte bancaire litigieux et des moyens dont la banque disposait pour appréhender son caractère illicite, ainsi qu'apprécié en 2015 par l'AMF retenant le défaut d'un nécessaire agrément ou, en 2017, par la directrice de l'AMHK selon laquelle « l'obtention d'informations sur le but et la nature prévue de la relation bancaire établie, y compris la raison de l'établissement de la relation, est une mesure standard de CDD applicable à tous les types de clients et découle des normes internationales que Hong Kong est tenue d'appliquer ». Ils reprochent à la banque de n'avoir rien décelé de cette activité illicite et de s'être abstenue de faire une déclaration d'opération suspecte concernant ce client, ce qui aurait permis d'éviter les agissements frauduleux de la société NFT qu'elle a laissé disposer à sa guise des fonds collectés.
Cette négligence fautive ouvre donc droit à réparation sur le fondement de l'article 1382 du code civil, les dispositions du droit hongkongais (soit les recommandations de l'AMLO) étant, à leur sens, identiques au devoir général de vigilance du droit français
S'agissant du défaut d'attention de la banque relatif aux dysfonctionnements constatés dans les livres de compte de ses clients, en deuxième lieu imputé à faute, ils se fondent sur l'article 322-4 du Règlement général de l'Autorité des marchés financier français identique, selon eux, à Hong-Kong au fund manager code of conduct établi par le SFC, lesquels ont semblablement pour but, en imposant la séparation des avoirs des clients de ceux du prestataire, d'empêcher le type de détournement réalisé et affirment que grâce à la complaisance coupable de la société HSBC, [TN] [FT] a pu manipuler dans l'opacité la plus totale les sommes qui étaient investies par ses victimes sans être inquiété.
S'agissant de la complaisance fautive de la banque ayant prêté son nom à une escroquerie massive, en troisième lieu reprochée à l'intimée, les appelants tirent argument de la mention des références de la société HSBC, établissement bancaire qu'ils qualifient de réputé, dans les contrats-investisseurs destinés à les séduire et les mettre en confiance en donnant du crédit à l'activité de la société NFT..
Ils estiment que la banque, tenue de se renseigner sur son client, selon l'article R 312-2 du code monétaire et financier ou la réglementation de l'AMLO, a fautivement laissé son nom servir à la fraude qu'elle n'a pas su déceler.
Ainsi, malgré les multiples occasions de constater des anomalies patentes, concluent-ils, en n'exerçant que tardivement l'obligation de surveillance de son client, ne bloquant son compte qu'en juillet 2014, la banque n'a pas permis d'empêcher ou de limiter la fraude commise par la société NFT de sorte qu'ils sont fondés à se prévaloir de l'existence d'un lien de causalité entre ces fautes et le préjudice subi dont ils demandent réparation.
Enfin, si la société HSBC verse une consultation rédigée à sa demande par un cabinet hongkongais selon laquelle le droit de Hong Kong ne prévoirait pas de responsabilité des banques à l'égard des tiers au titre de l'AMLO, « ce qui reste à confirmer » indiquent-ils, les appelants estiment qu'elle est orientée en ce qu'elle se concentre sur l'AMLO mais n'envisage pas la question de la responsabilité délictuelle de la banque à son obligation générale de vigilance et, en réalité, « ne tire pas les conséquences de ses propres constatations ».
Ceci étant exposé, il y a lieu de considérer que par motifs pertinents que la cour fait siens le tribunal a mis en exergue, dans le préambule à sa motivation sus-évoqué, les spécificités du droit hongkongais sur les conditions de mise en 'uvre de la responsabilité ici recherchée et que c'est de manière tant lapidaire qu'erronée que les appelants se prévalent de la similitude du droit français et du droit honkongais seul applicable à l'espèce.
Sur l'engagement de la responsabilité des banques à l'égard de tiers en vertu de la réglementation bancaire de Hong Kong
Si les appelants invoquent divers manquements de la société HSBC en regard de cette réglementation qui aurait dû la conduire à exercer son devoir de vigilance, ils ne sauraient se fonder sur les recommandations du Groupe d'action financier sur le blanchiment des capitaux (ou GAFI).
Cet organisme intergouvernemental n'a, en effet, pour objectif que de promouvoir une stratégie globale de lutte contre de tels agissements, au demeurant étrangers au présent litige, et, surtout, il ne fait qu'inviter les pays, à travers 40 Recommandations révisées en 2012 et notamment étendues au financement du terrorisme, à prendre les mesures nécessaires pour lutter contre le blanchiment de capitaux.
Celles-ci ne peuvent être regardées comme ayant une force normative et leur efficacité est conditionnée à leur transposition dans l'ordre juridique interne par l'adoption de mesures contraignantes soumises à évaluations régulières.
Les appelants ne peuvent, non plus, utilement se prévaloir de l'ordonnance de lutte contre le blanchiment des capitaux (l'Anti money Laundering ordinance ou AMLO) et des recommandations de l'autorité monétaire de Hong-Kong (la Hong Kong Monetary Authority ou HKMA) émises en application de l'article 7 de l'AMLO et visant ces mêmes agissements.
Car la société HSBC produit sur ce point une déclaration de monsieur [RA] [TW] du cabinet d'avocats international de Hong Kong Allen & Overy (selon une traduction libre non contestée) que les appelants ne peuvent valablement critiquer en se bornant à écrire qu'elle est « orientée » ou que son contenu « reste à démontrer » en s'abstenant de lui opposer une preuve contraire, lequel précise (pièce n° 2 (a) de l'intimée) :
« 12. En premier lieu, l'AMLO ne crée pas en elle-même la possibilité pour des personnes privées telles que les demandeurs d'agir en justice à l'encontre de HSBC HK au titre d'un manquement aux obligations AML. Selon l'AMLO, les sanctions prévues en cas de manquement allégué à l'AMLO sont soit de nature disciplinaire (article 21 de l'AMLO), soit de nature pénale (par exemple article 5(5) de l'AMLO).
Toutefois, l'AMLO ne contient aucune disposition permettant à une personne privée d'agir en justice en cas de manquement [...].
15. Etant donné cette formulation limpide et en l'absence d'une quelconque autre disposition de l'AMLO suggérant le contraire, il est évident que l'AMLO ne crée pas en elle-même la possibilité pour un particulier d'agir en justice au titre d'un manquement aux obligations AML ».
Le tribunal a par ailleurs justement suivi la société HSBC en sa défense, se fondant sur l'article 7 de l'AMLO selon lequel « la violation d'une recommandation ne peut permettre d'engager à elle seule la responsabilité de son auteur devant une juridiction, et ne pourra être prise en compte que comme élément de preuve» et qui limite la portée de cette disposition aux actions exercées en vertu de l'AMLO par les autorités compétentes.
Il s'est, de plus, fondé sur une décision de la High Court du ressort de la région administrative de Hong Kong rendue le 05 mars 2021 (HCA 1249/2016, Luk Wing Yan/CMB Wing Lung Bank Ltd, § 218) énonçant notamment :
« les obligations d'une banque en vertu des lois et réglementations relatives à la lutte contre le blanchiment sont du ressort du gouvernement et des autorités de réglementation. Ces lois et règlements visent à protéger le public en général, plutôt qu'une catégorie spécifique de personnes ou une personne en particulier. Elles ne donnent lieu à aucune action de droit privé pour violation d'une obligation légale. Elles ne créent pas non plus d'obligation en common law. Les codes réglementaires ne s'insèrent pas non plus, d'une manière ou d'une autre, dans un contrat entre la banque et son client, ni ne donnent lieu à une prétendue obligation délictuelle de diligence».
Monsieur [RA] [TW] a confirmé son appréciation dans sa déclaration complémentaire du 21 novembre 2021 produite en cause d'appel (pièce n° 2, b)
Il s'en déduit que le tribunal doit être approuvé en ce qu'il juge que, dans le cadre d'une action judiciaire sur le terrain du droit civil à l'encontre d'une banque, l'AMLO et les recommandations de l'HKMA, susceptibles de fonder une action disciplinaire ou pénale devant les juridictions de Hong Kong, de même que l'Organized ans serious crimes ordonnance (ou OSCO) ayant trait à la criminalité organisée, ne créent pas d'obligations légales ou délictuelles envers les tiers-non clients, de sorte qu'ils ne peuvent servir de fondement à leur action en responsabilité civile dirigée contre la société HSBC Hong Kong en raison de manquements à la réglementation bancaire.
Sur les circonstances particulières et éléments pertinents susceptibles de permettre l'engagement de la responsabilité civile délictuelle de la banque à l'égard des tiers
Le droit de Hong Kong étant applicable au présent litige, les appelants ne sont pas fondés à se prévaloir d'un devoir général de vigilance auquel seraient soumises les banques en citant force jurisprudence française sur ce point afin d'emporter la conviction de la cour.
Alors que pour permettre son application la défenderesse à l'action produit aux débats des déclarations émanant d'un associé, depuis 1996, du cabinet de solicitors Allen&Overy à Hong Kong spécialisé en droit bancaire et financier, qui étaye son analyse par des références jurisprudentielles et doctrinales, les appelants versent, comme en première instance et sans plus de complément, une « consultation du cabinet Minter Ellison » du 09 juin 2015 qui conclut en particulier :
« Au regard de nos observations ci-dessus sur la nature et le domaine des lois pertinentes, nous vous remercions de nous indiquer si vous voudriez bien que nous prenions en compte les faits sous-jacents et que nous donnions notre avis sur la question de savoir si vos clients pourraient avoir une réclamation potentielle contre HSBC ».
C'est par conséquent à juste titre que la société HSBC qualifie cette « consultation » de théorique, sans application aux faits de l'espèce.
De manière inopérante les appelants invoquent les différents manquements de la banque ci-dessus rappelés en s'appuyant sur un principe général et abstrait de responsabilité civile fondé sur la faute dès lors qu'en common law il est constant qu'il convient de s'interroger sur le point de savoir si la situation factuelle donne lieu à un recours ou une action en justice (cause of action) comme précisé par le juge Diplock dans l'affaire Letang v Cooper 1QB232 (1995).
Ceci en regard des précédents comme l'est, sur la question du devoir de vigilance (duty of care), l'arrêt Caparo Industries Plc v Dickman 2AC605 (1990) qui dégage trois critères permettant de déterminer l'existence et l'étendue de ce devoir, à savoir :
que le dommage doit être raisonnablement prévisible,
qu'il doit y avoir un rapport de proximité entre les parties (entendu, selon l'arrêt Donoghue v Stevenson AC562,581 (1932), comme « des relations si étroites et directes que l'acte reproché affecte directement une personne dont la personne censée être tenue de prendre soin serait directement affectée par son acte imprudent »
et qu'il soit juste et raisonnable d'imposer un devoir de responsabilité (l'arrêt Caparo se référant, pour expliciter ce troisième critère, à la décision Goldberg v Housing Authority of the city of Newark 186A2d291, 293 énonçant : « l'existence d'une obligation est en fin de compte une question d'équité. L'enquête implique une évaluation de la relation des parties, de la nature du risque et de l'intérêt public dans la solution proposée »)
Le devoir de vigilance de toute personne ne peut donc exister que dans sa sphère de responsabilité et il convient de se prononcer sur sa prévisibilité raisonnable en considération de la relation spéciale (special relationship) entre les parties qui se forme, selon divers précédents (notamment Hedley v Heller&Parners), quand le défendeur à l'action, poursuivi comme en l'espèce en réparation d'un préjudice de nature économique et moral, s'est engagé à donner un conseil professionnel auquel le demandeur à l'action s'est raisonnablement fié.
A l'aune de ces exigences, force est de considérer que les appelants, sur lesquels pèse la charge de la preuve, ne peuvent se prévaloir de l'existence d'un lien quelconque avec la banque.
Aux termes de l'article 2 du contrat de prêt consenti au bénéfice de la société NFT Investment Ltd, ils s'engageaient simplement « à effectuer le transfert des fonds correspondant au montant de l'emprunt fixé à l'article 1 du (présent) contrat dans un délai d'une semaine à compter de l'entrée en vigueur de la (présente) convention » sur le compte ouvert par la société NFT en les livres de la société HSBC Hong Kong.
Il résulte, à cet égard, des recherches de monsieur [RA] [TW] sur la doctrine en common law dont se prévaut la banque que « dans le texte faisant autorité, Encyclopaedia of banking law, il est indiqué qu'en l'absence de circonstances particulières, une banque qui consent des facilités bancaires à une personne exerçant une activité non autorisée de collecte de fonds n'a aucune obligation envers ceux qui déposent des fonds auprès de cette personne non autorisée »
Le grief tiré de la complaisance fautive de la banque, en ce qu'elle se serait associée à l'escroquerie pénalement dénoncée, à l'égard de son seul cocontractant, la société NFT, et qui pourrait s'analyser en des « circonstances particulières », ne résulte que des assertions des appelants qui ne démontrent pas, en particulier, que la banque ait eu connaissance de l'usage de ses signes distinctifs dans la documentation commerciale de la société NFT avant juillet 2014, date à laquelle elle s'est prévalue de leur usage non autorisé pour bloquer puis clôturer son compte.
La banque HSBC déclare quant à elle, sans être démentie, qu'elle n'était pas tenue de réclamer ces documents commerciaux à l'ouverture du compte, au demeurant remis par sa cliente à des tiers démarchés en langue et territoire étrangers, et affirme (sans qu'une preuve contraire vienne y faire échec) qu'ils ne lui ont pas été communiqués.
Ils n'établissent pas, non plus, que la banque, qui s'était informée, comme elle y était tenue par l'AMLO, de l'identité de la société NFT lors de l'ouverture du compte « au regard des documents, données et informations fournis par lui », ait eu connaissance des activités réellement exercées de trading (autrement dit d'achats et de vente effectués sur les marchés financiers, à finalité spéculative), la déclaration de la société NFT relative à son activité se présentant dans le formulaire d'ouverture comme suit (selon la traduction par expert assermenté produite par les appelants) et comme déjà évoqué : « fournir de la formation, de la gestion de projets et du support aux gestionnaires et concevoir leurs stratégies destinées à l'automatisation de systèmes de négoce » (« provide business management training, project development and supporting and design their strategies for automates trading systems » ) .
Les appelants, qui ne peuvent se prévaloir d'un engagement de la banque à leur égard relatif à la surveillance de la gestion de ce compte professionnel et, par conséquent, d'une confiance raisonnable qui, au demeurant, ne pourrait porter que sur des diligences destinées à éviter un dommage raisonnablement prévisible dans la sphère de responsabilité de la banque, ne rapportent pas même la preuve qu'ils aient sollicité, d'une quelconque manière, les services de la banque durant le fonctionnement du compte bancaire de la société NFT, qu'il s'agisse d'une demande de conseil, voire d'une demande de renseignements sur les transferts de fonds opérés, du fait de la présence de ses signes distinctifs sur la documentation commerciale.
Il peut être relevé qu'alors qu'ils produisent quelques 80 pièces au soutien de leur action, ils ne versent pas de documents dans ce sens autres que les courriers de leur avocat à la banque en juillet et août 2015.
Il résulte par conséquent de l'analyse des faits pertinents du cas d'espèce, sur la base des principes de proximité et de relation, que la banque n'avait pas l'obligation d'éviter ou de prévenir les dommages de nature économique et morale dont se prévalent les appelants, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner le caractère juste et raisonnable d'une sanction.
Le jugement sera, dans ces conditions, confirmé en ce qu'il déboute les demandeurs à l'action de l'intégralité de leurs demandes.
Sur les autres demandes
L'équité conduit à la cour à condamner les appelants à verser à la société HSBC la somme complémentaire de 25 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboutés de ce dernier chef de réclamation, les appelants qui succombent supporteront les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe ;
CONFIRME le jugement entrepris et, y ajoutant ;
Condamne in solidum les quarante neuf appelants désignés en tête des présentes à verser à la société de droit hongkongais The Hong Kong and Shangai Banking Coroporation Limited (HSBC Hong Kong) la somme complémentaire globale de 25.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,