COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
11e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 23 JUIN 2022
N° RG 21/00725 - N° Portalis DBV3-V-B7F-ULJL
AFFAIRE :
[L] [Y]
C/
[E] [F] exploitant le fond de commerce 'LE PETIT CHAMBORD'
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Février 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
N° Section : C
N° RG : F 18/01177
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Mélina PEDROLETTI
Me Nicolas CHAIGNEAU de la SELARL CPNC Avocats
Me Nathalie DAHAN AOUATE
Expédition numérique délivrée à : PÔLE EMPLOI
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT TROIS JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [L] [Y]
née le 08 Novembre 1977 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Victor EDOU de la SELARL EDOU - DE BUHREN - HONORE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0021, substitué par Me Naïma CHEIKH, avocat au barreau de PARIS - Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626
APPELANTE
****************
Monsieur [E] [F] exploitant le fond de commerce 'LE PETIT CHAMBORD'
N° SIRET : 523 821 619
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Nicolas CHAIGNEAU de la SELARL CPNC Avocats, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0230, substitué par Me Christian MARQUES, avocat au barreau de PARIS
S.N.C. L'AMICALE DES CHAMPIONS À BORD
N° SIRET : 798 700 720
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Nathalie DAHAN AOUATE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN484, substituée par Me Marine LE CONTE, avocat au barreau de PARIS
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Mai 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Hélène PRUDHOMME, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,
Le 24 septembre 2015, Mme [L] [Y] était embauchée par la SNC L'amicale des champions à bord, exploitant un fonds de commerce de bar, brasserie, tabac sous l'enseigne Le Petit Chambord, en qualité de serveuse, par contrat à durée indéterminée.
Le contrat de travail était régi par la convention collective nationale des hôtels cafés et restaurants.
A compter du mois d'octobre 2016, la salariée faisait l'objet d'un arrêt maladie. Elle réintégrait son poste le 2 mai 2017 dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique. Le 10 janvier 2018, le médecin expert de la CPAM l'autorisait à reprendre son emploi à temps plein.
Le 21 août 2018, une rupture conventionnelle était signée par les parties.
Le 27 septembre 2018, Mme [Y] saisissait le conseil des prud'hommes de Boulogne-Billancourt afin de demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en reprochant différents manquements à l'employeur, notamment un harcèlement moral et le caractère frauduleux de la rupture conventionnelle.
Le 28 septembre 2018, la SNC L'amicale des champions à bord vendait son fonds de commerce au profit de M. [E] [F].
Vu le jugement du 3 février 2021 rendu en formation paritaire par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt qui a':
- Débouté Mme [Y] de l'ensemble de ses demandes ;
- Débouté L'amicale des champions à bord de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Prononcé la mise hors de cause de M. [F] ;
- Débouté M. [F] de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné Mme [Y] aux entiers dépens.
Vu l'appel régulièrement interjeté par Mme [Y] le 2 mars 2021.
Vu les conclusions de l'appelante, Mme [Y], notifiées le 7 avril 2022 et soutenues à l'audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de :
- Déclarer Mme [Y] recevable et bien fondée en son appel,
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- Débouté Mme [Y] de l'ensemble de ses demandes ;
- Prononcé la mise hors de cause M. [F]';
- Condamné Mme [Y] aux entiers dépens.
Et statuant à nouveau :
- Condamner in solidum et à défaut solidairement L'amicale des champions à bord et M. [F] à remettre à Mme [Y] des bulletins de salaire rectifiés pour les mois décembre 2017 et de janvier 2018, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours commençant à courir à compter de la notification du jugement à la société L'amicale des champions à bord';
- Condamner in solidum et à défaut solidairement L'amicale des champions à bord et M. [F] au titre du complément de salaire pris en charge par la prévoyance salariale pour la période du 1er au 9 janvier 2018 estimée à la somme de 60 euros (à parfaire)';
- Condamner in solidum et à défaut solidairement L'amicale des champions à bord et M. [F] à payer à Mme [Y] la somme de 360,68 euros bruts au titre des congés imposés du 1er au 7 août 2018';
- Condamner in solidum et à défaut solidairement L'amicale des champions à bord et M. [F] la somme de 747,67 euros bruts au titre des congés imposés du 29 juillet 2016 au 17 août 2016';
- Condamner in solidum et à défaut solidairement L'amicale des champions à bord et M. [F] à remettre à Mme [Y] des bulletins de salaire rectifiés pour les mois juillet 2016 et d'août 2016, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours commençant à courir à compter de la notification du jugement à L'amicale des champions à bord';
- Juger que L'amicale des champions à bord n'a pas respecté les obligations qui lui incombaient en tant qu'employeur';
- Juger que L'amicale des champions à bord n'a pas respecté l'obligation de sécurité à laquelle elle est tenu à l'égard de Mme [Y] et a commis des actes constitutifs d'une situation de harcèlement moral et d'une situation de discrimination liée à son état de santé';
- Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [Y] aux torts de son employeur';
- Juger que la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse';
- Subsidiairement, Juger que la rupture conventionnelle en cause est nulle et de nul effet';
- Juger que la nullité de la rupture conventionnelle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse';
Et par conséquent :
- Condamner in solidum et à défaut solidairement L'amicale des champions à bord et M. [F] à verser à Mme [Y] les sommes suivantes :
- Dommages et intérêts au titre du préjudice moral pour manquement à l'obligation de sécurité et pour harcèlement moral : 15'000 euros';
- Dommages et intérêts au titre du préjudice moral pour discrimination liée à l'état de santé: 10'000 euros';
- Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (4 mois) : 6'624,08 euros bruts';
- Indemnité compensatrice de préavis (2 mois selon la Convention collective) : 3'312,04 euros bruts';
- Congés payés sur préavis : 331,24 euros bruts';
- Condamner in solidum et à défaut solidairement L'amicale des champions à bord et M. [F] à remettre à Mme [Y] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail, et des bulletins de salaire conformes, sous astreinte de 50 euros pat jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours commençant à courir à compter de la notification du jugement à L'amicale des champions à bord.
- Condamner in solidum et à défaut solidairement L'amicale des champions à bord et M. [F] au paiement de la somme de 2'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner in solidum et à défaut solidairement L'amicale des champions à bord et M. [F] aux entiers dépens de l'instance.
- Débouter L'amicale des champions à bord de ses demandes, fins et conclusions';
- Débouter M. [F] de son appel incident';
- Débouter M. [F] de ses demandes, fins et conclusions';
- Juger que les créances salariales sont productives d'intérêt au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le Bureau de Conciliation et d'Orientation, et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les ordonne';
- Ordonner la capitalisation au visa de l'article 1342-2 du code civil.
Vu les écritures de l'intimée, la SNC L'amicale des champions à bord, notifiées le 21 juillet 2021 et développées à l'audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de':
À titre principal
- Débouter Mme [Y] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- Confirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 3 février 2021 en toutes ses dispositions,
- Condamner Mme [Y] à verser à L'amicale des champions à bord la somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
A titre subsidiaire et si la Cour entrait en voie de condamnation
- Constater que le contrat de travail de Mme [Y] a été transféré de plein droit à la charge du nouvel employeur et mettre hors de cause L'amicale des champions à bord,
A titre infiniment subsidiaire
- Rapporter les demandes indemnitaires de Mme [Y] à de plus justes proportions au regard des barèmes en vigueur.
Vu les écritures de l'intimé, M. [F], notifiées le 18 mars 2022 et développées à l'audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de':
- Recevoir M. [F] en ses conclusions, le déclarer bien fondé ;
Y faisant droit :
Sur l'appel de Mme [Y],
A titre principal,
- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 3 février 2021 en ce qu'il a prononcé la mise hors de cause de M. [F] ;
A titre subsidiaire, si le Cour devait faire droit aux demandes de Mme [Y],
- Dire que L'amicale des champions à bord doit être condamnée à garantir M. [F] de toute condamnation ;
Sur l'appel incident de M. [F],
- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 3 février 2021 en ce qu'il a rejeté la demande de M. [F] visant à condamner tout succombant à lui verser la somme de 3'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau,
- Condamner Mme [Y] à verser à M. [F] la somme de 3'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance';
En tout état de cause,
- Débouter Mme [Y] et L'amicale des champions à bord de toutes leurs demandes dirigées à l'encontre de M. [F]';
- Condamner tout succombant à verser à M. [F] la somme de 3'000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la présente instance';
- Condamner tout succombant aux entiers dépens.
Vu l'ordonnance de clôture du 11 avril 2022.
SUR CE,
Sur la demande de résiliation du contrat de travail
Sur le fondement des articles 1217 et 1224 du code civil, il relève du pouvoir souverain des juges du fond d'apprécier si l'inexécution de certaines des dispositions résultant d'un contrat synallagmatique présente une gravité suffisante pour en justifier la résiliation.
Au soutien de sa demande de résiliation judiciaire, Mme [Y] invoque à l'encontre de l'employeur les manquements suivants.
- Sur le refus par l'employeur de sa reprise du travail à temps plein
La salariée explique qu'à la suite de son arrêt de travail, le médecin expert de la sécurité sociale a décidé qu'elle pouvait reprendre son travail à temps plein à partir du 11 janvier 2018, ce que l'employeur, dûment informé de cette décision par la remise en main propre des conclusions du docteur [O], a refusé, lui ordonnant chaque jour de quitter son poste à 11 heures sans décharge ni modification du contrat de travail. Elle précise n'avoir pu reprendre à temps plein qu'après l'intervention de l'inspection du travail le 29 janvier 2018.
L'employeur répond n'avoir été informé de la volonté de la salariée de reprendre son poste que le 17 janvier 2018, et qu'il a attendu la confirmation de l'inspecteur du travail au regard des relations difficiles avec Mme [Y].
Il ressort du courrier recommandé que la salariée a adressé à l'employeur le 17 janvier 2018 qu'elle a rappelé à ce dernier lui avoir remis le 11 janvier 2018 le compte rendu de visite établi le 10 janvier 2017 par le médecin expert de la sécurité sociale l'autorisant à reprendre son activité professionnelle à temps plein et qu'elle a contesté le refus de l'employeur de la réintégrer à son poste à temps complet.
L'employeur n'a pas remis en cause les termes de ce courrier.
Mme [Y] communique le courriel qu'elle a été contrainte d'adresser à l'inspection du travail le 14 janvier 2018 afin de dénoncer cette situation et l'employeur reconnaît qu'il a attendu l'intervention de l'inspecteur du travail pour autoriser la salariée à reprendre son activité à temps plein. S'il invoque des relations difficiles avec Mme [Y], cet argument est inopérant, dès lors que la salariée lui avait remis le rapport d'expertise médical du 10 janvier 2017 imposant sa réintégration à temps complet.
Le manquement est établi.
- Sur le refus de paiement de certains éléments de salaire
Mme [Y] explique que':
- l'employeur ne lui a pas payé le rappel de salaire dû au titre de la période courant du 11 au 28 janvier 2018 au cours de laquelle il a refusé de manière illégitime qu'elle reprenne son poste à temps plein';
- l'employeur a refusé de lui payer le salaire relatif aux jours fériés pendant le temps partiel thérapeutique';
- elle n'a pas bénéficié des jours fériés payés ou compensés en temps ou indemnisés au titre de l'année 2017 et du 1er janvier 2018 ainsi que le prévoit pourtant la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants.
Elle relate avoir dû relancer à de nombreuses reprises l'employeur afin d'obtenir le paiement de ces éléments de salaire, mais précise qu'il a persisté à refuser la régularisation des bulletins de salaire de décembre 2017 et janvier 2018, qui indiquent de manière erronée « reprise temps partiel sans arrêt de travail du 01/12 au 18/12/2017 inclus » alors que la période du mois de décembre 2017 est couverte par l'arrêt maladie du 4 juillet 2017, en la possession de l'employeur, prescrivant un temps partiel thérapeutique jusqu'au 31 décembre 2017. Elle ajoute qu'un avis d'arrêt de travail du 19 décembre 2017 a prolongé l'arrêt jusqu'au 15 janvier 2018 et concernant le bulletin de paie de janvier 2018, qu'il y est indiqué « mi-temps normal du 11/01 au 31/01/2018 », alors que c'est son employeur qui lui a imposé ce temps partiel. Elle considère que le retard de paiement, la non-rectification du bulletin de salaire du mois de décembre 2017, en sus du comportement du gérant, M. [Z], qui n'a fini par payer qu'après plusieurs relances, est constitutif d'un manquement grave.
L'employeur indique avoir été harcelé par les multiples courriers et SMS de la salariée, qui n'a pas hésité à faire intervenir son avocat par le biais de sa protection juridique. Il considère que la salariée ne justifie d'aucun préjudice.
Il ressort des pièces communiquées que le conseil de Mme [Y] a dû écrire à l'employeur le 28 mai 2018 afin d'obtenir le paiement des éléments de salaire précités, qui n'est intervenu qu'en août 2018. L'examen du bulletin de paie du mois de décembre 2017 permet de constater qu'il porte effectivement mention d'une « reprise temps partiel sans arrêt de travail du 01/12 au 18/12/2017 inclus », alors que l'employeur ne conteste pas détenir l'arrêt maladie du 4 juillet 2017 prescrivant un temps partiel thérapeutique jusqu'au 31 décembre 2017. Si l'employeur explique que l'expert-comptable a indiqué à Mme [Y] ne pouvoir légalement modifier un bulletin de paie, cette affirmation, au demeurant erronée, n'est corroborée par aucune pièce probante. Enfin, l'employeur ne saurait arguer d'une absence de préjudice pour la salariée, alors qu'il lui incombe l'obligation d'établir des bulletins de paie conformes aux conditions d'exécution du contrat de travail.
Le manquement est établi.
La SNC L'amicale des champions à bord, seul employeur de la salariée au cours de la période concernée, sera condamnée à remettre à Mme [Y] un bulletin de paie des mois de décembre 2017 et janvier 2018 rectifié, sous astreinte de 10 euros par jour de retard passé le délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt'; l'astreinte courra pendant 3 mois.
- Sur les humiliations, les propos vexatoires et les insultes
Mme [Y] expose avoir subi de la part du gérant du Petit Chambord des propos humiliants, injurieux, insultants et violents tenus devant les clients, l'expert-comptable et l'autre serveuse.
L'employeur conteste les insultes, propos outranciers, précisant que c'est la salariée qui s'est montrée irrespectueuse et menaçante.
Mme [Y] produit en pièce n°13 un échange de SMS du 8 juillet 2018 avec M. [Z], gérant du bar brasserie, qui, mécontent de la demande de rappel de salaire de cette dernière, lui écrit': « tu es la pire goûteuse de merde que je connaisse », avant de la traiter d' « hypocrite », de «'lâche'» et d'ajouter': « tu vas te faire une sale et exécrable réputation » et que « même bénévolement on ne voudrait pas de toi ».
Elle communique également un témoignage très circonstancié de Mme [A], qui atteste avoir assisté à une altercation particulièrement violente le 1er juin 2018 au cours de laquelle, M. [Z], mécontent de la demande de Mme [Y] concernant le paiement de ses salaires lui a dit': «'Hey, toi, viens ici'! tu me cherches des emmerdes'; j'ai reçu le torchon de ton avocat. Qu'est-ce que tu cherches'' ''». Mme [A] explique que M. [Z] a ensuite «'' haussé le ton en déversant ses diatribes contre Mme [Y] («'méchante, vicieuse, assoiffée par l'argent, tordue, malade ''») ''». Elle précise que l'expert-comptable et le fils du gérant ont essayé en vain de calmer M. [Z] qui hurlait et se montrait odieux avec Mme [Y], lui reprochant ensuite d'avoir accepté une pièce d'un euro d'une dame ayant demandé à utiliser les toilettes sans consommer': «'' le gérant a repris cette pièce à Mme [Y]. Lors de l'altercation, le gérant a reproché à Mme [Y] d'avoir voulu prendre la pièce, arguant': «'ce n'est pas toi qui paie l'eau'; tu n'avais pas à prendre cette pièce'; tu n'es pas chez toi'! C'est moi le patron'! C'est moi qui décide'! Tu n'es qu'une employée alors tu restes à ta place'». Elle ajoute': «'le gérant a ensuite reproché à Mme [Y] d'avoir fait venir l'inspection du travail ' a traité Mme [Y] de vicieuse, de voleuse. Hurlait qu'elle n'avait aucune reconnaissance alors qu'il avait repris Mme [Y] après plusieurs mois d'arrêt maladie'; il a ensuite pris le courrier de l'avocat de Mme [Y] et l'a montré à son fils en lui disant': «'regarde, regarde mon fils comment les employés se comportent avec leurs patrons, lis'! lis'!'» Le gérant a dit à Mme [Y] «'heureusement que tu n'es pas ma femme'» ' «'Je vais te donner un petit billet de 100 euros et à la fin du mois de juin tu te casses d'ici'; je ne veux plus te voir'; vas travailler ailleurs, vas faire des extras'» puis il la traitait d''«'ingrate, ingrate'» ' de plus en plus fort. Le gérant a reparlé de l'arrêt maladie de Mme [Y] et lui a redit «'tu n'es qu'une ingrate'! tu ne m'es même pas reconnaissante alors que je t'ai repris après des mois d'arrêt maladie, alors que tu as failli crever'» ''».
La salariée produit encore une attestation de Mme [J], cliente de l'établissement, qui indique avoir elle aussi assisté à une scène au cours de laquelle M. [Z] a humilié Mme [Y] devant les clients.
Si l'employeur communique trois attestations de MM. [C], [B] et [V] évoquant un comportement inapproprié d'une employée, la cour constate qu'ils n'en précisent pas l'identité alors qu'il ressort de l'attestation de Mme [A] qu'une autre serveuse («'[S]'») travaillait dans l'établissement. Au surplus, les témoins évoquent un manque de respect et de politesse de la serveuse à l'égard de la clientèle ; cependant, ces dires s'avèrent insuffisamment précis pour corroborer l'affirmation de l'employeur concernant le comportement attribué à la salariée. Enfin, quand bien même ce comportement serait démontré, il ne saurait justifier les propos violents, insultants, déplacés et humiliants tenus par M. [Z] à l'égard de Mme [Y] tels que rappelés supra.
Le manquement est établi.
- Sur le retard de paiement des salaires des mois de juillet, d'août et de septembre 2018
Mme [Y] explique que son salaire de juillet 2018 a été payé les 6 et 9 août 2018, que le salaire d'août 2018 a été payé les 5 et 12 septembre 2018 et que celui de septembre 2018 a été réglé par chèque du 9 octobre 2018.
L'employeur ne conteste pas les retards de paiement, mais répond avoir rencontré des difficultés financières. Si, comme le souligne la salariée, les difficultés économiques de l'employeur ne peuvent justifier le report du paiement du salaire, les retards de paiement apparaissent très limités, de sorte que le manquement n'est pas établi.
- Sur les congés imposés
La salariée indique avoir été prévenue tardivement, le 11 juillet 2018, de la fermeture de la brasserie au mois d'août 2018 et que l'employeur a ensuite modifié, le 27 juillet 2018, les dates de fermeture, en méconnaissance des dispositions des articles D.3141-6 et L.3141-16 2° du code du travail et alors qu'elle avait déjà pris ses congés.
L'employeur répond qu'au mois d'août 2018, comme chaque année en période de congés d'été, M. [Z] a fermé la brasserie et cela en vertu de ses pouvoirs d'employeur et en prenant soin d'en informer la salariée qui avait déjà pris ses congés de sorte qu'il avait été convenu qu'elle serait en absence autorisée.
L'article D.3141-6 du code du travail dispose que «'L'ordre des départs en congé est communiqué, par tout moyen, à chaque salarié un mois avant son départ'».
Par ailleurs, l'article L.3141-16 2° du même code prévoit que l'employeur « ne peut, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, modifier l'ordre et les dates de départ moins d'un mois avant la date de départ prévue ».
Or, Mme [Y] produit en pièces n°14 et 15 un SMS du 11 juillet 2018 l'informant de la fermeture de l'établissement du 1er au 12 août 2018 inclus, alors que la salariée avait déjà pris ses congés. Il lui demandait donc de prolonger ses congés jusqu'au 13 août, avant de lui indiquer par SMS du 27 juillet 2018 que le bar brasserie ne serait finalement fermé que du 1er au 7 août 2018.
L'employeur ne rapporte pas la preuve de la fermeture habituelle de l'établissement au mois d'août, ni de l'accord conclu avec la salariée concernant une absence autorisée durant cette période. Il ressort au contraire des SMS de M. [Z] que la fermeture de la brasserie a été imposée à la salariée, le bulletin de paie du mois d'août 2018 démontrant qu'elle a été placée d'office en congés payés du 1er au 7 août 2018.
En conséquence, le manquement est établi et la SNC L'amicale des champions à bord, seul employeur de la salariée au cours de la période concernée, sera condamnée à payer à Mme [Y] un rappel de salaire de 360,68 euros.
En revanche, la salariée sera déboutée de sa demande de rappel de salaire au titre de la période courant du 29 juillet au 17 août 2016, dès lors qu'elle ne rapporte pas la preuve de l'information tardive alléguée.
- Sur le manquement au titre des diligences nécessaires auprès de la prévoyance de l'entreprise
La salariée fait valoir que pendant son temps partiel thérapeutique, elle a perçu avec retard les indemnités de la prévoyance car son employeur n'effectuait les diligences nécessaires qu'avec beaucoup de retard. Elle explique que les indemnités versées par la prévoyance pour les mois de novembre et décembre 2017 n'ont été réglées qu'au mois de mai 2018. Elle ajoute qu'elle reste à ce jour en attente de ses indemnités pour la période de temps partiel thérapeutique allant du 1er au 9 janvier 2018 faute de diligences nécessaires de la part de son employeur.
L'employeur répond avoir toujours effectué les diligences relatives au mi-temps thérapeutique et ne saurait être tenu pour responsable des retards de paiement par les organismes compétents.
La cour constate que Mme [Y] ne rapporte pas la preuve du paiement tardif de ses indemnités de prévoyance, ni celle du défaut de diligence de l'employeur, de sorte que le manquement n'apparaît pas établi.
- Sur le non-respect des règles de calcul sur la quotité saisissable mensuelle
La salariée expose qu'au mois de décembre 2017, l'employeur a retiré en une seule fois la somme de 423 euros sur son salaire au titre d'une saisie-arrêt sur rémunération en méconnaissance totale des règles de calcul sur la quotité saisissable mensuelle
Cependant, comme le souligne pertinemment l'employeur, la détermination du montant de la quotité saisissable ne relève pas de son appréciation'; au surplus, il n'avait pas la possibilité de décider d'un échelonnement de la dette fiscale.
Le manquement n'est pas établi.
- Sur le défaut d'information de la vente du fonds de commerce
L'employeur n'a pas respecté son obligation d'informer sa salariée de la vente du fonds de commerce à M. [F] le 28 septembre 2018 au plus tard 2 mois avant la vente, en méconnaissance de l'article L.141-23 du code de commerce.
L'employeur répond avoir été confronté à un divorce douloureux en sus du climat anxiogène créé par la salariée, de sorte que, épuisé par la situation, il n'a eu d'autre choix que l'arrêt complet de son activité et la vente de son fonds de commerce. Il explique avoir informé verbalement la salariée de son projet de vente du fonds de commerce au mois de juillet 2018 et lui avoir proposé de signer une rupture conventionnelle, qui lui permettait de percevoir les indemnités de Pôle emploi. Il précise que son conseil a transmis le nom des nouveaux propriétaires à la salariée par courriers des 8 et 9 octobre 2018.
L'article L.141-23 alinéa 1er du code de commerce dispose que : «'Dans les entreprises qui n'ont pas l'obligation de mettre en place un comité d'entreprise en application de l'article L. 2322-1 du code du travail, lorsque le propriétaire d'un fonds de commerce veut le vendre, les salariés en sont informés, et ce au plus tard deux mois avant la vente, afin de permettre à un ou plusieurs salariés de l'entreprise de présenter une offre pour l'acquisition du fonds'».
L'employeur ne justifie pas de l'information verbale qu'il aurait donnée à la salariée concernant la vente de son fonds de commerce le 28 septembre 2018. Il ne démontre pas davantage l'avoir prévenue par écrit dans le délai de deux mois de l'article L.143-23 précité, de sorte que Mme [Y] est demeurée dans l'ignorance de la cession du fonds de commerce et de l'avenir de son contrat de travail lorsqu'elle l'a découverte le 28 septembre 2018 (cf le courrier recommandé de la salariée à l'employeur du 1er octobre 2018).
Le manquement est établi.
- Sur le non-respect de la procédure de rupture conventionnelle et le non-respect de sa rétractation
La salariée soutient que l'employeur, le 5 septembre 2018, lui a fait signer en plein service une rupture conventionnelle antidatée au 21 août 2018 sans respect de la procédure et avec une fin du délai de rétractation fixée au lendemain 6 septembre 2018. Elle indique s'être rétractée le jour même, M. [Z] ayant reçu son courrier de rétractation le 7 septembre 2018. Elle souligne qu'il n'en a pas tenu compte puisqu'il a fait homologuer la rupture conventionnelle par la Direccte.
L'employeur répond que Mme [Y] a régulièrement signé le 21 août 2018 le formulaire de rupture conventionnelle, qui a été adressé à la Direccte, qui l'a homologuée. Il sollicite la confirmation du jugement qui a considéré que la rétractation de la salariée était tardive.
La salariée établit avoir adressé un courrier recommandé à l'employeur le 5 septembre 2018 en expliquant': «'En date du 05/09/2018, vous m'avez demandé de signer la convention de rupture conventionnelle (') pendant que j'effectuais mon service auprès des clients. Cette rupture conventionnelle est datée du 21/08/2018 sur un document photocopié. Celui qui m'a été remis seulement le 05/09/2018, soit la veille du dernier [jour] de rétractation. A l'endroit de ma signature il ne m'a pas été possible d'inscrire une date étant donné que votre document portait déjà la date du 21/08/2018. A aucun moment vous ne m'avez convoquée à un entretien préalable de rupture conventionnelle comme mentionné sur votre document. Je vous informe par la présente lettre me rétracter sur le document signé ''».
Or, l'employeur qui a reçu ce courrier le 7 septembre 2018 n'a pas contesté ces éléments. La cour constate que nonobstant la mention d'un entretien préalable qui se serait déroulé le 21 août 2018, il ne justifie d'aucune convocation de la salariée à cette fin. En outre, la concordance de date entre l'entretien préalable et la signature du formulaire de rupture conventionnelle, ne laissant aucun délai de réflexion à Mme [Y], conforte les dires de la salariée concernant la fraude de l'employeur.
Le manquement est établi.
Il ressort de ces éléments que Mme [Y] rapporte la preuve de manquements imputables à la SNC L'amicale des champions à bord d'une gravité suffisante pour justifier le prononcé de la résiliation du contrat de travail de la salariée.
L'article L.1224-1 du code du travail dispose que « lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ».
En outre, le nouvel employeur est tenu des obligations notamment pécuniaires de l'ancien employeur à la date du transfert.
Ainsi, l'article L.1224-2 du code du travail énonce que « le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification sauf dans les cas suivants :
1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ;
2° Substitution d'employeurs intervenue sans qu'il y ait eu de convention entre ceux-ci ».
Compte tenu de l'irrégularité de la rupture conventionnelle et en application des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail, le contrat de travail de Mme [Y] a été transféré à M. [F], nouveau propriétaire du fonds de commerce suivant acte de cession du 28 septembre 2018 .
Mme [Y] justifie avoir alerté à plusieurs reprises M. [F] sur ce point par courriers recommandés des 1er, 3 et 4 octobre 2018, en vain. Le refus de fournitures de travail de M. [F] est établi.
M. [F] ne saurait se prévaloir de la rupture du contrat de travail par l'effet de la remise des documents de fin de contrat, dès lors que la SNC L'amicale des champions à bord a procédé à cette remise en exécution d'une rupture conventionnelle frauduleuse.
Enfin, les stipulations de la convention de cession du fonds de commerce précisant l'absence de contrat de travail en cours sont inopposables à la salariée qui n'a pas été partie à l'acte.
Au regard des bulletins de paie communiqués, la SNC L'amicale des champions à bord et M. [F] doivent être condamnés in solidum à payer à Mme [Y] la somme de 3'312,04 euros au titre du préavis, outre les congés payés afférents, soit la somme de 331,24 euros.
Par ailleurs, alors qu'à la date de la rupture du contrat de travail l'entreprise employait moins de 11 salariés, il est établi que Mme [Y] percevait un salaire mensuel moyen de 1'656,02 euros, qu'elle était âgée de 45 ans et bénéficiait d'une ancienneté de 6 années complètes. Mme [Y] ne communique pas d'information concernant sa situation personnelle et professionnelle actuelle. En conséquence, la SNC L'amicale des champions à bord et M. [F] doivent être condamnés in solidum à payer à Mme [Y] la somme de 6'624,08 euros de dommages et intérêts au titre de l'article L.1235-3 du code du travail.
Il ressort de l'acte de cession du fonds de commerce du 28 septembre 2018 que la SNC L'amicale des champions à bord a déclaré que le fonds de commerce était libre de tout contrat de travail': « 5°) Le vendeur déclare qu'il n'existe plus de contrats de travail de manière à ce que l'acquéreur ne soit ni inquiété ni recherché. Il est précisé qu'en cas de déclaration inexacte ou incomplète aux présentes, toutes indemnités et salaires quelconques pouvant être dus aux salariés par l'acquéreur en vertu des dispositions du Code du travail seront mises à la charge du vendeur, ainsi que ce dernier s'y oblige (').
Le vendeur s'engage à relever et à garantir l'acquéreur ou ses ayant-droits de toutes les indemnités pouvant être dues ou allouées à quelque titre que ce soit à ses anciens salariés ainsi que de toutes les condamnations susceptibles d'être prononcées au titre de ces mêmes salariés dans le cadre d'éventuelles actions prud'homales fondées sur l'exécution des contrats de travail antérieures à la date d'effet de la cession, ainsi que de tous les frais, y compris d'avocat, qui seraient occasionnés à l'acquéreur des dites procédures. »
Ces stipulations justifient la condamnation de la SNC L'amicale des champions à bord à garantir M. [F] de toutes les condamnations prononcées à son encontre dans le cadre de cette instance.
Sur le harcèlement et la discrimination
Mme [Y] soutient que ses conditions de travail se sont dégradées à son retour d'arrêt maladie, afin de la pousser à la démission, cette situation ayant généré un état anxio-dépressif.
L'employeur répond que la salariée ne verse pas en l'espèce de certificats médicaux, de témoignages de collègues ou de tiers permettant d'établir la matérialité et la répétition des agissements de harcèlement moral ou encore d'une discrimination
L'article L.1132-1 du code du travail dispose que : « Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français ».
L'article L.1134-1 du même code précise qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
L'article L.1142-1 3° du code précité interdit de « prendre en considération du sexe ou de la grossesse toute mesure, notamment en matière de rémunération, de formation, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle ou de mutation ».
Par ailleurs, il résulte de l'article L. 1152-1 du code du travail que : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Selon l'article L. 1152-2 du même code, « Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ».
En application des disposition des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code précité, lorsque le salarié présente des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; dans l'affirmative, il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Mme [U] se prévaut des faits invoqués au soutien de la demande de résiliation du contrat de travail. Pour les motifs précités, les faits suivants sont établis :
- le refus par l'employeur de sa reprise du travail à temps plein à l'issue de son arrêt maladie et de sa reprise à mi-temps thérapeutique le 11 janvier 2018,
- le retard de paiement de certains éléments de salaire et le refus de régularisation du bulletin de paie de décembre 2017,
- les humiliations, les propos vexatoires et les insultes,
- les congés imposés en août 2017,
- le défaut d'information de la vente du fonds de commerce,
- le non-respect de la procédure de rupture conventionnelle.
La salariée communique en outre un certificat médical du docteur [G] du 9 octobre 2018 attestant d'un état anxieux intense avec troubles du sommeil et humeur dépressive.
Mme [U] établit ainsi l'existence matérielle de faits qui, pris dans leur ensemble s'agissant du harcèlement moral, laissent présumer l'existence d'une discrimination en raison de son état de santé et d'un harcèlement moral à son encontre.
Pour les motifs susvisés, l'employeur ne démontre pas que les faits matériellement établis par Mme [U] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et à toute discrimination en raison de son état de santé.
La discrimination en raison de l'état de santé et le harcèlement moral sont par conséquent établis.
Compte tenu des circonstances de la discrimination et du harcèlement moral subis, de leur durée, et des conséquences dommageables qu'ils ont eues pour Mme [U] telles qu'elles ressortent des pièces, la SNC L'amicale des champions à bord, seul employeur de la salariée et seul responsable des manquements au cours de la période concernée, doit être condamnée au paiement de deux sommes de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur le remboursement par l'employeur à l'organisme des indemnités de chômage
En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par la SNC L'amicale des champions à bord et M. [F], condamnés in solidum, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de six mois d'indemnités.
Sur la remise des documents de fin de contrat
La SNC L'amicale des champions à bord sera condamnée à remettre à Mme [Y] un bulletin de salaire se rapportant au rappel de salaire de 360,68 euros alloué au titre des congés payés imposés du 1er au 7 août 2018, sous astreinte de 10 euros par jour de retard passé le délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt'; l'astreinte courra pendant 3 mois.
Par ailleurs, la SNC L'amicale des champions à bord et M. [F] seront condamnés in solidum à remettre à Mme [Y] une attestation pôle emploi et un certificat de travail conformes à la présente décision, ainsi qu'un bulletin de paie récapitulatif des sommes allouées, hormis celles accordées au titre des congés payés imposés du 1er au 7 août 2018, du harcèlement moral et de la discrimination, sous astreinte de 10 euros par jour de retard passé le délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt'; l'astreinte courra pendant 3 mois.
Sur les intérêts
Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale seront dus à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation. S'agissant des créances de nature indemnitaire, les intérêts au taux légal seront dus à compter de la décision les ayant prononcées.
Les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera infirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la SNC L'amicale des champions à bord et M. [F], condamnés in solidum.
Ces derniers seront également condamnés in solidum à payer à Mme [Y] la somme de 2'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant publiquement et contradictoirement
Infirme le jugement entrepris, sauf en celles de ses dispositions relatives au rappel de complément de salaire au titre de la prévoyance, au rappel de salaire au titre des congés payés imposés du 29 juillet au 17 août 2016 et à la remise d'un bulletin de salaire rectifié à ce titre';
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Prononce la résiliation du contrat de travail de Mme [L] [Y]';
Condamne in solidum la SNC L'amicale des champions à bord et M. [E] [F] à payer à Mme [L] [Y] les sommes suivantes':
- 3'312,04 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 331,24 euros au titre des congés payés afférents,
- 6'624,08 euros de dommages et intérêts au titre de l'article L.1235-3 du code du travail';
Condamne la SNC L'amicale des champions à bord à payer à Mme [L] [Y] les sommes suivantes':
- 5 000 euros au titre de la discrimination en raison de l'état de santé,
- 5 000 euros au titre du harcèlement moral,
- 360,68 euros au titre des congés payés imposés du 1er au 7 août 2018';
Condamne la SNC L'amicale des champions à bord à remettre à Mme [L] [U] les bulletins de paie des mois de décembre 2017 et janvier 2018 rectifiés et un bulletin de salaire se rapportant au rappel de salaire de 360,68 euros alloué au titre des congés payés imposés du 1er au 7 août 2018, sous astreinte de 10 euros par jour de retard passé le délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt'; l'astreinte courra pendant 3 mois ;
Condamne in solidum, la SNC L'amicale des champions à bord et M. [E] [F] à remettre à Mme [Y] une attestation pôle emploi et un certificat de travail conformes à la présente décision, ainsi qu'un bulletin de paie récapitulatif des sommes allouées, hormis celles accordées au titre des congés payés imposés du 1er au 7 août 2018, du harcèlement moral et de la discrimination, sous astreinte de 10 euros par jour de retard passé le délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt'; l'astreinte courra pendant 3 mois.
Ordonne le remboursement par la SNC L'amicale des champions à bord et M. [E] [F], condamnés in solidum, aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées à Mme [L] dans la limite de 6 mois d'indemnités en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail';
Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt';
Dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil';
Condamne la SNC L'amicale des champions à bord à garantir M. [E] [F] de toutes les condamnations prononcées à son encontre dans le cadre de cette instance';
Condamne in solidum la SNC L'amicale des champions à bord et M. [E] [F] aux dépens de première instance et d'appel';
Condamne in solidum la SNC L'amicale des champions à bord et M. [E] [F] à payer à Mme [L] [Y] la somme de 2'500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme'Sophie RIVIÈRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIERLe PRÉSIDENT