COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 70H
4ème chambre expropriations
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 21 JUIN 2022
N° RG 20/01768 - N° Portalis DBV3-V-B7E-T2JU
AFFAIRE :
Les époux [N]
C/
S.A. CITALLIOS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Février 2020 par le juge de l'expropriation de NANTERRE
RG n° : 19/00007
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Oriane DONTOT
Me Alexandrine DUCLOUX
Mme [V] [Y] (Commissaire du gouvernement)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [P] [L] [C] [N]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me Pascale BERNERT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0190, substitué à l'audience par Me Sara NOURI-MESHKATI, avocat au barreau de PARIS
Madame [B] [I] épouse [N]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me Pascale BERNERT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0190, substitué à l'audience par Me Sara NOURI-MESHKATI, avocat au barreau de PARIS
APPELANTS
****************
SAEM CITALLIOS
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentant : Me Alexandrine DUCLOUX, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 556 et Me Jocelyn SIMON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0557
INTIMÉE
****************
Les fonctions du COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT étant exercées par [V] [Y], direction départementale des finances publiques.
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Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Agnès BODARD-HERMANT, Présidente, chargée du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Agnès BODARD-HERMANT, Président,, spécialement désigné pour présider cette chambre par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la cour d'appel de Versailles
Madame Pascale CARIOU, Conseiller à la cour d'appel de Versailles, désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la cour d'appel de Versailles
Madame Valentine BUCK, Conseiller, à la cour d'appel de Versailles, désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la cour d'appel de Versailles
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Kalliopi CAPO-CHICHI
***
Les époux [P] et [B] [N] sont propriétaires en indivision du lot de copropriété n°1 d'une superficie de 70 m² de la parcelle bâtie cadastrée section AC n°[Cadastre 3] situé [Adresse 4] et [Adresse 1] à [Localité 8].
Ce lot forme un local à usage commercial loué sous l'enseigne Franprix à une société dont M. [N] est le gérant et constitue avec le local de 230 m² auquel il est adjoint mais qui n'est pas concerné par la présente procédure, une unité commerciale.
L'opération d'aménagement de la ZAC « Entrée de ville » à [Localité 8] a été déclarée d'utilité publique au profit de la SAEM CITALLIOS suivant arrêté préfectoral du 22 mai 2017. Les parcelles nécessaires à la réalisation du projet en ce compris cette parcelle cadastrée AC n°[Cadastre 3] ont été déclarées cessibles par arrêté du 19 octobre 2017.
Le transfert de propriété du bien au profit de la SAEM CITALLIOS a été prononcé suivant ordonnance du 4 avril 2018.
A défaut d'accord intervenu entre les parties, la SAEM CITALLIOS a saisi le juge de l'expropriation le 8 février 2019 aux fins de fixation de l'indemnité de dépossession.
La date de transport a été fixée par ordonnance du 7 octobre 2019 et le transport sur les lieux a eu lieu le 7 novembre 2019.
Par jugement du 6 février 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
- fixé l'indemnité due par la SAEM CITALLIOS aux époux [N] pour la dépossession du lot n°1 dans l'ensemble immobilier, à la somme totale de 274.581 euros en valeur occupée soit :
* 248.710 euros au titre de l'indemnité principale ;
* 25.871 euros au titre de l'indemnité de remploi ;
- condamné la SAEM CITALLIOS à verser aux époux [N], la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rappelé que les dépens sont à la charge de la SAEM CITALLIOS par application de l'article L.312-1 du code de l'expropriation sans toutefois accorder aux époux [N] le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile s'agissant ici d'une matière ou le ministère d'avocat n'est pas obligatoire.
Les époux [N], expropriés ont interjeté appel de ce jugement suivant déclaration du 19 mars 2020 à l'encontre de la SAEM CITALLIOS.
Ils demandent à la cour, par conclusions reçues au greffe de la cour le 18 juin 2020, notifiées à l'expropriante (AR signé le 25-6-20) et au commissaire du gouvernement (AR signé le 23-6-20), au visa des dispositions des articles L.322-1 et L.322-2 du code de l'expropriation et du jugement entrepris, de :
- les déclarer biens fondés en leur appel et y faisant droit ;
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a fixé l'indemnité de dépossession à la somme totale de 274.581 euros ;
Et statuant à nouveau,
- fixer l'indemnité de dépossession (indemnité principale et de remploi comprise) à leur revenir à la somme de 649.920 euros ;
- condamner la SAEM CITALLIOS à leur verser la somme de 5.000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la SAEM CITALLIOS aux entiers dépens de la présente instance, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Me Oriane Dontot, avocat.
La SAEM CITALLIOS, expropriante, par conclusions reçues au greffe de la cour le 8 septembre 2020, notifiées aux expropriés (AR signé le 11-9-20) et au commissaire du gouvernement (AR signé le 11-9-20), demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- fixer le montant de l'indemnité totale revenant aux époux [N] pour dépossession à la somme de 274.581 euros en valeur occupée, toutes causes de préjudices confondues ;
- débouter les époux [N] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- réserver les dépens.
Le commissaire du gouvernement, par conclusions reçues au greffe de la cour le 21 septembre 2020, notifiées aux expropriés (AR signé le 25-9-20) et à l'expropriante (AR signé le 23-9-2020), sollicite la confirmation du jugement entrepris.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à la décision et aux conclusions susvisées pour plus ample exposé du litige.
SUR CE LA COUR
Vu l'article R311-26 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et l'exposé du litige ci-dessus, l'appel et les conclusions des parties sont recevables. Elles n'ont d'ailleurs pas formulé d'observation particulière à cet égard.
Les parties ne s'opposent en appel que sur le ratio et la méthode d'évaluation à retenir.
Le jugement entrepris, après avoir relevé l'accord des parties sur la méthode par comparaison, a retenu deux des termes de comparaison de l'expropriante et deux des 14 termes de comparaison des expropriés, excluant les ventes judiciaires, la vente d'un appartement et la vente de locaux à usage mixte,
Les appelants produisent en appel un rapport d'expertise [W] qui se fonde sur la méthode par comparaison sur laquelle les parties s'étaient entendues en première instance et sur la méthode par capitalisation pour étayer un ratio de 8.500 €/m² . Il mettent en avant, comme en première instance, l'excellente situation du bien exproprié, situé à 300 mètres de la cité judicière de [Localité 9], bien desservi par les transports en commun et jouissant d'une très bonne visibilité. Ils soutiennent que vétusté du bien exproprié est imputable à l'expropriante.
L'expropriante et le commissaire du gouvernement qui concluent à la confirmation du jugement entrepris soit à un ratio de 3.553 €/m², contestent la pertinence de la méthode par capitalisation, notamment quant au loyer projeté, en l'état d'arrêtés de péril imminent du 17 juin 2013 et d'interdiction d'exploiter 17 février 2015 qui réduisent à néant la commercialité du bien exproprié. Ils font au surplus valoir que la méthode par comparaison également utilisée par l'expert, cabinet privé sollicité pour les besoins de la cause, aboutit à un ratio de l'ordre de 4.000 €/m² et non 8.500 €/m², qui plus est sur la base de mutations anciennes voire très anciennes et non vérifiables, sans descriptif des lieux et de leur état.
La cour retient ce qui suit.
Les appelants contestent en vain l'insuffisante prise en compte des caractéristiques et qualités intrinsèques du bien exproprié pour les raisons suivantes.
D'une part, la méthode par capitalisation, compte tenu de son caractérère très aléatoire est généralement subsidiaire, en cas d'insuffisance des termes de comparaison disponible. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce. Elle ne peut donc être retenue. Ce d'autant que le loyer projeté est purement fictif en l'état des arrêtés de péril et d'interdiction d'exploiter précités (pièce n°1et 2).
D'autre part, le jugement entrepris a retenu par des motifs pertinents qu'il convient d'adopter les seuls termes de comparaison susvisés, tenant expressément compte de la situation privilégiée du bien exproprié et de son état, en pleine activité en dépit de quelques étais, en l'état d'une fourchette sufisamment large de quatre prix de cessions réalisées entre 2017 et 2019, soit 1.812 €/m² et 6.046,51 €/m², pour tenir dûment compte de ces facteurs de plus value prétendument omis.
Et seules les mutations proposées par l'expropriant comparables en terme de surface et postérieures au 6 février 2015, compte tenu de la date du jugement entrepris, peuvent être retenues. Or, elles ne renseignent nullement sur l'état et la situation spécifique des biens en cause et les appelants ne pallient pas cette carence, pourtant relevées par l'expropriante. Au demeurant, aucune des autres mutations que l'expropriant propose ne renseigne à cet égard si bien que le facteur de plus value invoqué est d'autant moins justifié qu'il est conséquent.
Le jugement entrepris sera donc confirmé du chef de l'indemnité de dépossession fixée.
S'agissant des demandes accessoires, le jugement entrepris a mis les dépens de première instance à la charge de l'expropriante conformément à l'article L.312-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et fait une application équitable de l'article 700 du code de procédure civile auquel renvoie l'article R .311-29 de ce premier code.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
Enfin, les appelants dont le recours échoue doivent supporter les dépens d'appel sans pouvour prétendre à une indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
Condamne les époux [P] et [B] [N] aux dépens d'appel et rejette toute autre demande.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Agnès BODARD-HERMANT, Président, et par Madame Kalliopi CAPO-CHICHI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,