COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 48C
1re chambre 3e section
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 17 JUIN 2022
N° RG 19/03376 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TF77
AFFAIRE :
[L] [K] [R]
[G] [B] épouse [R]
...
C/
SCP GIBIER SOUCHON FESTIVI
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Mars 2019 par le Tribunal d'Instance d'ASNIERES-SUR-SEINE
N° Chambre :
N° Section : SUREND
N° RG : 1118002148
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Toutes les parties
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [L] [K] [R]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Assisté de Me Julien GIBIER de la SELARL GIBIER FESTIVI RIVIERRE GUEPIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000021
Comparant
Madame [G] [B] épouse [R]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Julien GIBIER de la SELARL GIBIER FESTIVI RIVIERRE GUEPIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000021
Non comparante
APPELANTS
****************
SCP GIBIER SOUCHON FESTIVI
[Adresse 5]
[Localité 3]
S.A. [7]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Emilie GATTONE, plaidant/postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, substituant Me Mathieu KARM de la SCP PICHARD DEVEMY KARM, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000040 - N° du dossier 28269
COMMISSION DE SURENDETTEMENT
[Adresse 1]
[Localité 6]
INTIMEES - non comparantes, non représentées
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Mai 2021, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Lorraine DIGOT, conseillère chargée de l'instruction de l'affaire et du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle CHESNOT, présidente,
Madame Lorraine DIGOT, conseillère,
Madame Michèle LAURET, conseillère,
Greffière, faisant fonction : Madame Virginie DE OLIVEIRA,
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 2 juin 2016, M. et Mme [R] ont saisi la commission de surendettement des particuliers des Hauts-de-Seine, ci-après la commission, d'une demande de traitement de leur situation de surendettement, qui a été déclarée recevable le 29 août 2016.
Statuant sur un recours contre cette décision, le tribunal d'instance d'Asnières-sur-Seine, par jugement rendu le 16 octobre 2017, a déclaré les époux [R] recevables en leur demande.
Saisi d'une demande de vérification de créances par M. et Mme [R], le tribunal d'instance d'Asnières-sur-Seine, par jugement rendu le 31 mai 2018, a :
- écarté de la procédure la créance de la SCP Gibier-Souchon-Festivi,
- fixé la créance de M. [W] [R] à la somme de 27 000 euros,
- déclaré irrecevables les demandes indemnitaires formées par les époux [R] à l'encontre de la [7],
- fixé la créance de la [7] au titre du prêt habitat Primo n° 7196975 à la somme de 173 245,89 euros,
- renvoyé le dossier devant la commission aux fins de poursuite de la procédure.
Par jugement du 26 novembre 2018, ce même tribunal a rejeté la requête en omission de statuer présentée par M. et Mme [R] et renvoyé le dossier à la commission aux fins de poursuite de la procédure.
La commission a notifié à M. et Mme [R], ainsi qu'à leurs créanciers, sa décision du 5 octobre 2018 d'imposer des mesures consistant en un rééchelonnement du paiement des créances sur une durée de 24 mois et une réduction à 0% du taux des intérêts des créances rééchelonnées, en retenant une capacité mensuelle de remboursement de 1 824,18 euros. Ce plan provisoire était assorti de l'obligation pour les débiteurs de vendre leur bien immobilier d'une valeur estimée à 380 000 euros.
Statuant sur le recours de M. et Mme [R], le tribunal d'instance d'Asnières-sur-Seine, par jugement rendu le 25 mars 2019, a :
- déclaré le recours recevable,
- fixé à 1 824,18 euros la contribution mensuelle totale de M. et Mme [R] à l'apurement du passif de la procédure,
- arrêté les mesures propres à traiter la situation de surendettement de M. et Mme [R] selon les modalités du plan adopté par la commission.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postée le 19 avril 2019, M. et Mme [R] ont interjeté appel de ce jugement, notifié par lettre recommandée dont les avis de réception ont été signés le 6 avril 2019.
Après plusieurs renvois ordonnés à la demande des parties, elles ont toutes été convoquées par le greffe à l'audience du 13 mai 2022, par lettres recommandées avec demandes d'avis de réception postées le 20 décembre 2021.
* * *
A l'audience devant la cour,
M. et Mme [R] sont respectivement assisté et représentée par leur conseil qui, développant oralement les conclusions écrites déposées à l'audience et visées par Mme le greffier, demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris,
- déclarer recevable la demande de vérification des créances,
- déchoir la [7] de son droit aux intérêts,
- ordonner à la [7] de produire un décompte actualisé de sa créance, expurgé des intérêts,
- débouter la [7] de sa demande au titre des intérêts de retard ayant couru entre la déchéance du terme et le 26 août 2016, à hauteur de 55 375,94 euros,
- prendre acte que les époux [R] ont versé la somme totale de 210 225,89 euros entre 2007 et 2017 et celle de 149 543,25 euros depuis la déchéance du terme,
- fixer la créance de la [7] à la somme de 86 805,24 euros sous réserve de la déchéance du droit aux intérêts et de la production du décompte actualisé,
- débouter la [7] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- condamner la [7] à régler les dépens et à leur payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Oralement, sur interrogation de la cour, le conseil de M. et Mme [R] indique que l'appel est limité à la vérification de créance et qu'il n'y a plus de demande de modification des mesures imposées autre que celle qui résulterait du nouveau montant de la créance vérifiée.
La cour renvoie à ces conclusions pour le détail des moyens et arguments. En substance, le conseil des appelants expose et fait valoir que le 9 août 2007, la [7] a consenti à M. et Mme [R] un prêt immobilier d'un montant de 250 000 euros devant être remboursé sur une durée de 120 mois, au taux effectif global (TEG) de 4,66% l'an, que le 13 janvier 2010 la [7] leur a adressé une mise en demeure de régler des échéances impayées, que le 22 janvier 2010, elle a provoqué la déchéance du terme, que le 7 octobre 2010, elle leur a fait signifier un commandement de payer valant saisie immobilière, que par acte d'huissier du 12 avril 2011, M. et Mme [R] ont assigné la [7] aux fins de condamnation au paiement de dommages-intérêts, que par arrêt rendu le 5 juin 2014, la cour d'appel de Versailles les a condamnés à payer à la [7] la somme de 181 975 euros avec intérêts au taux de 4,35% l'an à compter du 22 juillet 2013 et celle de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts aux taux légal à compter du 22 janvier 2010, que par arrêt du 6 avril 2016, la Cour de cassation a rejeté leur pourvoi, que le premier juge a rejeté leur demande de vérification de créance en se référant au jugement rendu le 31 mai 2018, que cependant, un tel jugement n'est susceptible d'aucun recours et n'a pas autorité de chose jugée, que la vérification de créance par le juge du surendettement n'a qu'un caractère provisoire, qu'elle ne s'impose pas au juge lui-même, que s'il est saisi d'une nouvelle demande de vérification relative à la même créance à l'occasion de la contestation des mesures imposées, il doit statuer, que, sur le fond, le TEG tel que fixé dans le contrat de prêt est erroné au regard des dispositions de l'article L. 314-1 du code de la consommation, qu'en effet, le taux de l'assurance souscrite et les frais d'acte notarié n'ont pas été intégrés dans le calcul de ce taux, que la sanction est celle de la déchéance du droit aux intérêts, qu'au surplus, le premier juge a retenu une créance de 200 245,89 euros alors qu'elle avait été fixée à la somme de 173 245,89 euros dans le jugement de vérification de créance du 31 mai 2018, que la [7] n'a jamais produit de décompte du calcul des intérêts ayant couru entre la déchéance du terme et le 26 août 2016, date de recevabilité du dossier de surendettement, à hauteur de 55 375,94 euros, que le jugement de vérification de créance retient des paiements à hauteur de 118 778,54 euros alors que les époux [R] ont versé la somme totale de 122 853,09 euros après la déchéance du terme et celle de 26 690,16 euros au 30 septembre 2021, que ces règlements doivent être déduits des sommes dues.
La SA [7] est représentée par son conseil qui , développant oralement les conclusions écrites déposées à l'audience et visées par Mme le greffier, demande à la cour de dire les époux [R] irrecevables et mal fondés en leur appel, de les condamner à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive par application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile et celle de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec distraction au profit de la SCP Pichard Devemy Karm.
La cour renvoie à ces conclusions pour le détail des moyens et arguments. En substance, le conseil de l'intimée expose et fait valoir que le montant de sa créance a été définitivement fixé tant par l'arrêt rendu le 5 juin 2014 par la cour d'appel de Versailles, définitif dès lors que le pourvoi en cassation a été rejeté, que par le jugement du 31 mai 2018 statuant sur la demande de vérification de créance revêtu de l'autorité de la chose jugée, que de surcroît, en l'absence de recours contre le jugement rendu le 26 novembre 2018 sur la requête en omission de statuer, l'appel des époux [R] est irrecevable, en même temps qu'infondé et abusif.
Aucun des autres intimés, régulièrement touchés par les courriers de convocation, ne comparaît ou n'est représenté.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de l'appel et de la demande de vérification de créance
L'appel est recevable pour avoir été interjeté dans le délai et dans les formes prescrites par les articles R. 713-7 du code de la consommation et 932 du code de procédure civile, et contre un jugement susceptible d'appel en vertu de l'article R. 733-17 du code de la consommation.
L'article R. 723-7 du code de la consommation dispose que la vérification de la validité des créances, des titres qui les constatent et de leur montant est opérée pour les besoins de la procédure et afin de permettre à la commission de surendettement de poursuivre sa mission. Elle porte sur le caractère liquide et certain des créances ainsi que sur le montant des sommes réclamées en principal, intérêts et accessoires. Les créances dont la validité ou celle des titres qui les constatent n'est pas reconnue sont écartées de la procédure.
Par ailleurs, aux termes de l'article L. 733-12 du même code, à l'occasion de la contestation des mesures imposées par la commission de surendettement des particuliers le juge peut, même d'office, vérifier la validité des créances et des titres qui les constatent ainsi que le montant des sommes réclamées.
Il découle de ces dispositions que la vérification des créances par le juge du surendettement n'est opérée qu'à titre provisoire pour les besoins de la procédure et ne s'impose pas au juge lui-même qui, saisi d'une nouvelle demande de vérification relative à la même créance à l'occasion de la contestation relative aux mesures imposées, peut à nouveau statuer sur la vérification de celle-ci sans être lié par une précédente décision qu'il aurait lui-même rendue.
En effet, le jugement rendu en dernier ressort par le juge du surendettement dans le cadre d'une vérification de créance n'est pas susceptible d'appel ni de pourvoi immédiat et n'a pas autorité de la chose jugée à ce jour, dans la mesure où il ne met pas fin à l'instance.
Ainsi, le jugement rendu par le tribunal d'instance d'Asnières-sur-Seine, le 31 mai 2018, qui a fixé la créance de la [7] à la somme de 173 245,89 euros, n'est pas revêtu de l'autorité de la chose jugée et M. et Mme [R] doivent être déclarés recevables à demander une nouvelle vérification de cette créance.
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a écarté cette demande des époux [R] en se référant uniquement au jugement rendu le 31 mai 2018.
Sur la vérification de la créance de la [7]
La validité et le montant de la créance de la [7] ont été constatés dans un titre exécutoire, définitif, et ne peuvent être remis en cause dans le cadre d'une procédure de vérification de créance, sauf pour les débiteurs à établir qu'ils auraient bénéficié d'une remise partielle de leur dette consentie par le créancier, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Au cas d'espèce, par un arrêt rendu le 5 juin 2014 par la cour d'appel de Versailles, devenu définitif à la suite du rejet du pouroi en cassation (1re Civ., 6 avril 2016, pourvoi n° 14-24.272), M. et Mme [R] ont été condamnés à payer à la [7] la somme totale de 189 975,43 euros avec intérêts au taux de 4,35% l'an sur la somme de 181 975,43 euros à compter du 22 juillet 2013 et au taux légal sur la somme de 8 000 euros à compter du 22 janvier 2010.
Il appartenait aux époux [R] de soulever devant la cour d'appel l'irrégularité de l'offre de prêt en raison du caractère erroné du TEG.
Seule une actualisation est possible dans le cadre de la présente procédure.
La décision rendue par la commission le 29 août 2016 déclarant les époux [R] recevables au bénéfice de la procédure de surendettement, qui n'a pas été remise en cause par le jugement du 16 octobre 2017, a arrêté le cours des intérêts. Leur taux a ensuite été réduit à 0% au titre des mesures imposées.
Aucun décompte des sommes dues au titre des intérêts ayant couru entre les dates fixées par l'arrêt du 5 juin 2014, comme constitutives du point de départ du cours desdits intérêts, et le 29 août 2016, n'a été produit.
Dès lors, la créance telle que fixée par cet arrêt ne peut être actualisée à ce titre.
En revanche, il ressort des pièces aux débats que des paiements ont été effectués par les débiteurs entre juin 2014 et février 2021.
Le décompte produit par la [7] (pièce n° 4 de son dossier) fait apparaîtredes paiements pour un montant total de 38 148,50 euros jusqu'en septembre 2016.
Par ailleurs, M. et Mme [R] produisent leurs relevés de compte dont il ressort qu'aucun prélèvement n'a été effectué au titre de la créance litigieuse entre octobre 2016 et avril 2019, qu'en revanche, une somme totale de 6 376,36 euros a été réglée entre mai 2019 et février 2021.
Dès lors, la créance la [7] doit être fixée, pour les seuls besoins de la procédure de surendettement, à la somme de 145 450,57 euros (189975,43 - 38148,50 - 6376,36).
Le jugement sera infirmé en ce sens.
Le montant ainsi fixé de la créance de la [7] n'aurait pas eu d'incidence sur les mesures imposées par le premier juge dont la durée de 24 mois est expirée au jour du présent arrêt.
Il n'y a pas lieu dès lors à imposer de nouvelles mesures.
Chaque partie succombant partiellement, les dépens seront supportés par moitié par chacune d'elles.
Les demandes présentées sur le fondement du caractère abusif de la procédure et au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront donc rejetées.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, et par arrêt réputé contradictoire,
Dit M. [L] [R] et Mme [G] [B] épouse [R] recevables en leur appel,
Infirme le jugement rendu le 25 mars 2019 par le tribunal d'instance d'Asnières-sur-Seine en ce qu'il a écarté la demande de vérification de la créance de la SA [7] formée par M. [L] [R] et Mme [G] [B] épouse [R] et dit que le montant de cette créance était de 173 245,89 euros ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Dit recevable la demande de vérification de créance,
Fixe après vérification et pour les besoins de la procédure de surendettement, la créance de de la SA [7] à la somme de 145 450,57 euros,
Dit n'y avoir lieu à de nouvelles mesures imposées,
Fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties,
Rejette les demandes présentées sur le fondement du caractère abusif de la procédure et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe à chacune des parties par lettre recommandée avec avis de réception et que copie en sera adressée à la commission de surendettement des particuliers des Hauts-de-Seine.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle CHESNOT, présidente, et par Madame Virginie DE OLIVEIRA, faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière, faisant fonction,La présidente,