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16/06/2022 | FRANCE | N°21/02273

France | France, Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 16 juin 2022, 21/02273


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 60A



3e chambre



ARRET N°



REPUTE CONTRADICTOIRE



DU 16 JUIN 2022



N° RG 21/02273





N° Portalis DBV3-V-B7F-UNUV



AFFAIRE :



[B] [T]

...



C/





S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Mars 2021 par le TJ , de Nanterre

N° Chambre : 2



N° RG : 1

9/02545



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :





Me Christophe DEBRAY



Me Marion SARFATI de la SELARL BARBIER ET ASSOCIES











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEIZE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'app...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 60A

3e chambre

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 16 JUIN 2022

N° RG 21/02273

N° Portalis DBV3-V-B7F-UNUV

AFFAIRE :

[B] [T]

...

C/

S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Mars 2021 par le TJ , de Nanterre

N° Chambre : 2

N° RG : 19/02545

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Christophe DEBRAY

Me Marion SARFATI de la SELARL BARBIER ET ASSOCIES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

1 / Monsieur [B] [T]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

2 / Madame [Z] [W]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

3 / Monsieur [A] [T]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

4 / Monsieur [X] [T]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

5 / Monsieur [F] [T]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

6 / Madame [M] [T] mineure, représentée par ses parents Monsieur [B] [T] et Madame [Z] [W]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 21122

Représentant : Me Quiterie LE JOSNE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1216

APPELANTS

****************

1/ S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

N° SIRET : 775 652 126

[Adresse 1]

[Adresse 1]

2/ S.A. MMA IARD

N° SIRET : 440 048 882

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Marion SARFATI de la SELARL BARBIER ET ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 102 - N° du dossier 317913

Représentant : Me Alain BARBIER de la SELARL BARBIER ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J042 -

INTIMEES

3/ CPAM DE PARIS

[Adresse 2]

[Adresse 3]

INTIMEE DEFAILLANTE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Avril 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise BAZET, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-José BOU, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,

----------

FAITS ET PROCÉDURE 

Le 24 mars 2016 à [Localité 7], alors qu'il circulait en scooter, M. [B] [T], né le [Date naissance 6] 1970, a été renversé par un véhicule assuré auprès de la société MMA Iard Assurances Mutuelles et la société MMA Iard ( les MMA) qui ne contestent pas son droit à indemnisation.

Il a subi un polytraumatisme qui a conduit à l'amputation de la jambe gauche au tiers moyen.

Il a été examiné dans le cadre d'une expertise amiable par les docteurs [G] et [L] qui ont déposé leur rapport le 15 juin 2017.

Les parties ont conclu une transaction le 26 avril 2018 sur l'indemnisation, à hauteur de 418 460,76 euros, des frais divers, des pertes de gains professionnels actuels, de l'assistance tierce personne, du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent, du préjudice esthétique permanent et du préjudice sexuel, réservant les postes de dépenses de santé actuelles et futures, les frais de logement et véhicule adaptés, les pertes de gains professionnels futures, l'incidence professionnelle et le préjudice d'agrément.

Une expertise amiable en vue d'évaluer le besoin en aides techniques a été réalisée le 14 novembre 2018 par M. [R], orthoprothésiste et ergothérapeute, désigné par l'assureur.

Par actes des 4 et 7 mars 2019, M. [B] [T], agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de [F] [T] et [M] [T], Mme [Z] [W], agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de [M] [T], M. [A] [T] et M. [X] [T] (ci-après ensemble, les consorts [T]) ont fait assigner les MMA et la Caisse primaire d'assurance maladie de Paris (ci-après, la CPAM) pour obtenir réparation des préjudices subis à la suite de l'accident.

Par ordonnance du 3 septembre 2019, le juge de la mise en état a condamné la société MMA à payer à M. [T] une somme de 33 695,34 euros à titre provisionnel pour les appareillages déjà acquis et une somme de 100 000 euros à titre provisionnel en réparation des préjudices non indemnisés.

Par jugement du 11 mars 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- dit que le droit à indemnisation de M. [B] [T] est entier,

- condamné la société MMA Iard à payer à M. [B] [T] les sommes suivantes, à titre de réparation de son préjudice corporel, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jugement :

au titre des dépenses de santé futures : 835 451,52 euros,

au titre de l'aménagement du véhicule : 8 314,06 euros,

au titre du logement adapté : 13 145 euros,

au titre du préjudice esthétique temporaire : 4 000 euros,

au titre du préjudice d'agrément : 10 000 euros,

- rejeté les demandes au titre des frais divers et du préjudice d'établissement,

- avant dire droit sur la liquidation des postes de pertes de gains professionnels futurs et d'incidence professionnelle, ordonné une expertise médicale et commis pour y procéder le docteur [D] [S], avec mission habituelle,

- sursis à statuer sur les postes de pertes de gains professionnels futurs et d'incidence professionnelle dans l'attente de la production des avis d'imposition de M. [B] [T] des trois années précédant l'accident et du rapport d'expertise,

- condamné la société MMA à payer à Mme [Z] [W] la somme de 4 000 euros en réparation de son préjudice d'affection avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- rejeté les autres demandes de Mme [Z] [W],

- condamné la société MMA à payer à M. [A] [T] la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice d'affection avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné la société MMA à payer à M. [X] [T] la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice d'affection avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné la société MMA à payer à M. [B] [T], ès qualités de représentant légal de M. [F] [T], la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice d'affection avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné la société MMA à payer à Mme [Z] [W] et M. [B] [T], ès qualités de représentants légaux de [M] [T], la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice d'affection avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- rejeté les autres demandes faites pour le compte de [M] [T],

- dit que les intérêts échus sur les condamnations prononcées produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil,

- rejeté les autres demandes de doublement du taux de l'intérêt légal ;

- déclaré le jugement commun à la CPAM,

- condamné la société MMA à payer à M. [B] [T], Mme [Z] [W], M. [A] [T] et M. [X] [T] chacun la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- renvoyé l'affaire à la mise en état,

- réservé les dépens.

Par acte du 6 avril 2021, les consorts [T] ont interjeté appel.

Le docteur [I], désigné aux lieu et place du docteur [S], a déposé son rapport le 7 décembre 2021.

Selon décompte des débours du 14 mai 2019, dont la Caisse a précisé le caractère définitif par courrier du 17 décembre 2021, la créance de la CPAM s'élève à la somme de 68 034,71 euros.

Par dernières écritures du 9 novembre 2021, les consorts [T] demandent à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a dit que le droit à indemnisation de M. [B] [T] est entier et en ce qu'il a alloué 13 145 euros au titre des frais d'aménagement du logement,

Et statuant de nouveau,

- fixer les préjudices de M. [B] [T], en deniers ou quittances, comme suit :

Préjudices patrimoniaux :

Dépenses de santé futures : 1 546 349,62 euros, à titre subsidiaire, sur la base d'une prothèse principale Proprio Foot : 1 358 269,19 euros,

Perte de gains professionnels futurs : provision de 600 000 euros,

Incidence professionnelle : provision de 900 000 euros, sous réserve de l'évocation,

Frais de véhicule adapté : 9 228,60 euros,

Préjudices extrapatrimoniaux

Préjudice esthétique temporaire : 7 000 euros,

Préjudice d'agrément : 50 000 euros,

Préjudice d'établissement : 20 000 euros,

- condamner les sociétés MMA à payer à M. [T] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal à compter du 24 novembre 2016, date à laquelle une offre provisionnelle aurait dû être faite au plus tard, et jusqu'au 15 novembre 2017, date à laquelle aurait dû être présentée une offre définitive ; cette condamnation aura pour assiette l'indemnité globale des préjudices, c'est-à-dire l'addition de l'indemnité allouée au titre de la transaction du 26 avril 2018 et de l'indemnité qui sera définitivement allouée dans le cadre de la présente procédure judiciaire ; cette sanction aura à s'appliquer sur les postes PGPF et IP pour lesquels il a été sursis à statuer par le tribunal,

- condamner les sociétés MMA au doublement des intérêts légaux sur l'indemnité arrêtée par la transaction du 26 avril 2018, à compter du 15 novembre 2017, date à laquelle une offre définitive aurait dû être faite au plus tard, et jusqu'au 26 avril 2018,

- condamner les sociétés MMA à payer à M. [T] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal de l'indemnité qui sera allouée dans le cadre de la présente procédure, à compter du 15 novembre 2017 et jusqu'à la date où la décision deviendra définitive, étant précisé que cette sanction a pour assiette la totalité de l'indemnité allouée par la décision avant imputation de la créance des organismes sociaux (Cass. civ. 2ème, 13 mars 2003),

- condamner les sociétés MMA à payer à chacune des victimes par ricochet les intérêts au double du taux de l'intérêt légal des indemnités qui leur seront allouées par la cour, à compter du 4 juin 2019 et jusqu'à la date où l'arrêt deviendra définitif,

- dire que les sanctions ainsi prononcées seront assorties de l'anatocisme,

- fixer les préjudices des proches de M. [T] comme suit :

Mme [Z] [W] :

préjudice d'affection : 8 000 euros,

troubles dans les conditions d'existence : 8 000 euros,

préjudice sexuel : 10 000 euros,

préjudice d'établissement : 20 000 euros,

MM. [A], [X] et [F] [T] :

préjudice d'affection : 8 000 euros chacun,

[M] [T] :

préjudice d'affection : 10 000 euros,

troubles dans les conditions d'existence : 10 000 euros,

- déclarer l'arrêt commun à la CPAM,

- débouter les sociétés MMA de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamner les sociétés MMA aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamner les sociétés MMA à verser, au titre de la première instance, une somme de 5 000 euros à M. [T], une somme de 1500 euros à Mme [W] et une somme de 1000 euros à chacun des enfants sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les sociétés MMA à verser, au titre de la procédure d'appel, une somme de 6 000 euros à M. [T], une somme de 2000 euros à Mme [W], une somme de

1 200 euros chacun à MM. [A], [X] et [F] [T] et de 1 500 euros à [M] [T] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières écritures du 23 mars 2022, les sociétés MMA demandent à la cour de :

- confirmer en tous points le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a évalué le poste dépenses de santé futures à la somme totale de 835 451,52 euros,

- juger irrecevables et, en tout état de cause mal fondées les demandes d'allocation de nouvelles provisions au titre des PGPF et de l'IP,

- en tout état de cause, surseoir à statuer sur ces postes de préjudice dans l'attente du rapport complété du docteur [I],

- débouter M. [T] de toutes ses demandes,

Statuant à nouveau,

- juger que l'indemnisation des dépenses de santés futures prendra la forme d'une rente annuelle indexée dans les conditions prévues à l'article 43 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985,

- fixer les arrérages dus à M. [T] pour ce poste de préjudice, et sur la période courue du 14 avril 2017 au 14 avril 2023 à la somme de 163 145,20 euros,

- fixer la rente annuelle indexée à la somme de 26 920,19 euros

- juger que la rente annuelle de 26 920,19 euros sera payable par mensualités d'un montant de

2 243,35 euros chacune, à termes échus, et pour la première fois le 15 mai 2023,

A titre infiniment subsidiaire,

- évaluer le poste DSF à la somme de 163 145,20 euros pour ce qui concerne les arrérages et à la somme de 771 263, 44 euros pour ce qui concerne le montant en capital, soit au total :

934 408,64 euros,

- juger que la sanction du doublement des intérêts légaux ne saurait porter que sur les postes de préjudice indemnisables, soit restant à indemniser, faisant l'objet de l'actuelle réclamation de M. [T], ceci pour la période écoulée du 16 novembre 2017 au 26 décembre 2019,

- juger n'y avoir lieu à l'octroi de frais irrépétibles en cause d'appel,

- statuer ce que de droit pour ce qui concerne les dépens d'appel.

Les consorts [T] ont fait signifier la déclaration d'appel et leurs conclusions à la CPAM, par acte du 3 mai 2021 remis à personne habilitée. Néanmoins, cette intimée n'a pas constitué avocat.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 mars 2022.

SUR QUOI LA COUR

Sur les préjudices de M. [T]

La disposition du jugement ayant fixé les dépenses d'adaptation du logement à 13145 euros n'est pas discutée et sera confirmée. Ne sont pas non plus critiquées les dispositions du jugement ayant ordonné une expertise sur les pertes de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle et celle relative aux dépens, qui seront également confirmées.

M. [T] demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a dit que son droit à indemnisation est entier et en ce qu'il lui a alloué 13 145 euros au titre des frais d'aménagement du logement. Toutefois la cour observe que le tribunal a rejeté la demande que formait M. [T] au titre des frais divers (1800 euros) et que ce dernier ne forme aucune demande à ce titre, de sorte que ce rejet sera confirmé.

La liquidation des préjudices de M. [T] se fera sur la base des conclusions du rapport des docteurs [G] et [L], qui sont les suivantes :

- consolidation des blessures : 14 avril 2017,

- arrêt de travail imputable : du 24 mars au 30 octobre 2016,

- déficit fonctionnel temporaire total : du 24 mars au 15 juillet 2016,

- déficit fonctionnel temporaire partiel classe III : du 16 juillet 2016 au 14 avril 2017,

- tierce personne avant consolidation : 3h30 par jour pour chaque week-end de sortie, 2h30 par jour du 16 juillet au 30 octobre 2016 et 1h30 par jour du 31 octobre 2016 au 14 avril 2017,

- souffrances endurées : 3,5/7,

- préjudice esthétique temporaire : 4 à 4,5/7,

- déficit fonctionnel permanent : 35 %,

- tierce personne après consolidation : 30 mn par jour pour M. [T] et 30 mn par jour jusqu'aux 12 ans de sa fille,

- préjudice esthétique permanent : 3,5/7,

- préjudice d'agrément : pour toutes les activités antérieures,

- incidence professionnelle : pénibilité accrue dans l'exercice de son métier avec des aménagements des déplacements, une impossibilité à rester toute une journée en position debout sur des lieux visités,

- aménagement du domicile : planche de baignoire (renouvellement tous les 2 ans) ; dans l'avenir, la prise en charge d'une douche à l'italienne avec un siège de douche adapté des barres d'appui,

- aménagement du véhicule : boîte de vitesse automatique ; éventualité d'une porte coulissante lors du prochain achat,

- préjudice sexuel : nécessité de changement postural.

Les préjudices seront liquidés en tenant compte de ce qu'en application de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006, le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge.

Le barème utilisé pour la capitalisation sera, conformément à la demande de M. [T], celui publié à la Gazette du palais en 2020 au taux zéro.

Le préjudice esthétique temporaire

Ce préjudice a été indemnisé à hauteur de 4000 euros par le tribunal. L'expert l'a évalué entre 4 et 4,5 sur 7 et il a résidé dans le fait pour M. [T] de se déplacer en fauteuil roulant puis dans l'amputation, étant rappelé que le préjudice permanent a été indemnisé dans le cadre de la transaction conclue entre les parties.

En considération de la période durant laquelle ce préjudice a été subi et de l'âge de la victime au moment de l'accident, il y a lieu de confirmer l'indemnisation fixée par le tribunal.

Les dépenses de santé futures

* les prothèses de marche

Le tribunal a retenu que les experts MM [G] et [L] avaient validé les appareillages prothétiques nécessaires selon des devis de la société Pommier Orthopédie du 20 mars 2017 chiffrant notamment une prothèse de marche de première mise et une de deuxième mise. Il a jugé que le rapport d'expertise amiable de M. [R], réalisé plus d'un an plus tard, constituait un mode de preuve approprié des besoins en appareillage de M. [T] et avait été réalisé contradictoirement par un spécialiste agréé qui confirmait les préconisations de l'expertise précédente. Le tribunal a retenu que ses conclusions ne sauraient être remises en cause par les seules préconisations, non contradictoires, du vendeur de prothèses, la société Pommier Orthopédie.

Les premiers juges ont observé que pour l'avenir M. [T] demandait le remboursement du coût d'acquisition d'une prothèse dotée d'un pied électronique ( la prothèse Empower) six fois plus élevé que celui de la prothèse mentionnée sur le devis du 20 mars 2017 alors qu'au cours de l'expertise il se disait satisfait de la prothèse qu'il utilisait quotidiennement depuis 18 mois.

M. [T] fait valoir que son choix d'un pied électronique est bien antérieur à l'expertise de M. [R], lequel a été désigné par l'assureur seul, que le pied Pro-flex dont il se disait satisfait n'avait été acquis que 1,5 mois après l'expertise des docteurs [G] et [L] et non auparavant . Il précise que s'il avait pu à l'époque s'en déclarer satisfait c'était en considération de sa précédente prothèse qui lui occasionnait de vives douleurs.

Les MMA contestent les demandes formées par M. [T] au titre de la prothèse Empower, soulignant que le vendeur d'appareillages prothétiques n'est pas une personne habilitée à la prescription médicale. Elles soutiennent que le fait que M. [T] n'ait pas été assisté par un expert prothésiste et que M. [R] ait été missionné par les MMA n'enlève rien au fait incontestable que M. [T] et son conseil de l'époque avaient approuvé sans réserve la désignation de ce spécialiste et de se soumettre à ses examens.

* * *

Il est constant que M. [R] a été désigné par les MMA et il n'est pas anodin de relever que son rapport n'a été adressé qu'à son mandant, le conseil de M. [T] ayant dû le réclamer auprès de l'assureur ( sa pièce B6). Il importe de rappeler qu'il est indifférent que M. [T] ait régulièrement assisté aux opérations de l'expertise dès lors qu'il s'agissait d'une expertise amiable diligentée par un tiers pour le compte des MMA et rétribué par celles-ci, le juge ne pouvant se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, peu important qu'elle l'ait été en présence de l'autre partie.

M. [T] justifie que lors de l'expertise amiable réalisée par les docteurs [G] et [L] le 18 mai 2017 il portait encore sa prothèse Variflex, la prothèse Pro-Flex ne lui ayant été livrée que le 29 juin 2017. Il avait fait l'essai de cette dernière peu de temps avant l'expertise et s'il fait à ce moment état d'une réelle amélioration, c'est en considération de la prothèse Variflex qu'il portait jusqu'alors et dont les experts ont noté qu'il la tolérait mal, rapportant son évocation de 'douleurs fulgurantes'. Le prothésiste qui le suit depuis plusieurs années au sein de la société Pommier orthopédie, avait établi le 30 mars 2018 un devis portant notamment sur un pied électronique et il n'est donc pas exact de soutenir que M. [T] aurait fait le choix d'une telle prothèse après l'expertise amiable réalisée par M. [R] en novembre 2018.

M. [R] note d'ailleurs que le périmètre de marche de M. [T] est réduit, que le 'moignon est de coloration bleu/jaune et légèrement induré à son extrémité distale laissant penser à un mauvais retour veineux par glissement du moignon' ce qui donne à penser que la prothèse Pro-Flex ne lui convient pas réellement et M. [T] justifie qu'en septembre 2019 il a fait l'objet d'arrêts de travail en rapport avec des infections cutanées dues au frottement de la prothèse.

Le prothésiste a alors fourni à M. [T] deux prothèses équipées d'un pied électronique ( le pied Empower de la marque Ottobock et le pied Proprio foot de la marque Ossür ) pour des essais à domicile durant 13 jours pour chacun d'eux. A l'issue de ces essais, le prothésiste a conclu que le pied électronique était le plus adapté aux besoins de l'intéressé et spécialement la prothèse Empower, tant en termes de confort de marche qu'au niveau de la réduction des douleurs à hauteur du moignon.

Le principe de la réparation intégrale commande de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit. Il implique de la faire bénéficier des avancées technologiques et de lui permettre d'être au plus près de la situation qui était la sienne avant l'accident, étant rappelé que l'indemnisation des besoins de la victime s'apprécie au jour où le juge statue.

Ce principe de la réparation intégrale conduit à faire droit aux demandes légitimes de M. [T] concernant l'acquisition d'une prothèse Empower.

S'agissant de la capitalisation, la cour se placera, ainsi qu'il est usuellement pratiqué, au moment du renouvellement de l'appareillage pour y procéder.

M. [T] justifie avoir acquis en juin 2017 la prothèse de marche Pro-Flex dont il est fondé à demander le remboursement, soit 12 377,77 euros. Il n'est pas établi, et la seule préconisation mentionnée sur la facture est insuffisante à le faire, qu'elle doive être renouvelée tous les trois ans. Ainsi M. [T] sera justement indemnisé si on fixe la première acquisition de la prothèse Empower au prononcé de l'arrêt, soit 5 ans après l'acquisition de la prothèse Pro-Flex, et son renouvellement aura lieu tous les six ans.

Il y a lieu d'allouer à M. [T] la somme de 75 318,31 euros pour la première acquisition de la prothèse Empower, capitalisée à compter de juin 2028 lors du premier renouvellement, sur l'indice de rente viager de 24,143, M. [T] étant alors âgé de 58 ans, soit la somme de 303 068,28 euros ( 75 318,31 : 6 = 12 553,05 x 24,143)

M. [T] ne conteste pas que la prothèse dite de secours ou de seconde mise sera une prothèse Pro-Flex et son renouvellement sera prévu tous les cinq ans. Ainsi il revient à M. [T] la somme de 12 377,77 euros pour une acquisition réalisée à la date du prononcé de l'arrêt, et capitalisée à compter de juin 2027 lors du premier renouvellement, sur l'indice de rente viager de 24,946, M. [T] étant alors âgé de 57 ans, soit la somme de 61 755,17 euros ( 12 377,77 : 5 = 2475,55 x 24,946).

La somme totale allouée au titre des deux prothèses de marche s'élève ainsi à 464 897,30 euros ( 12 377,77 + 75 318,31 + 303 068,28 euros + 12 377,77 euros + 61 755,17 ).

* les fournitures des prothèses

Pour la prothèse Empower, il faut prévoir le renouvellement sur six années de l'emboîture et du manchon, l'emboîture tous les 18 mois et le manchon tous les 4 mois, soit au cours des six ans 3 emboîtures (la prothèse vendue incluant une emboîture ) et 17 manchons supplémentaires.

Le coût d'une emboîture est de 2744,36 euros soit 1372,18 euros par an ( 2744,36 euros x 3 /6 ans).

La première acquisition de la prothèse est en juin 2022, incluant une emboîture. La première dépense liée une emboîture seule a lieu en décembre 2023. Il revient ainsi à M. [T] la somme de 1372,18 euros, capitalisée à partir de son renouvellement en juin 2025 alors qu'il est âgé de 55 ans soit la somme de 36 483,52 euros ( 1372,18 x 26,588).

La prothèse Empower étant fournie avec un manchon, il faut acheter 17 manchons sur la période de 6 ans, soit la somme de 2332,94 euros par an, le coût d'un manchon étant de 823,39 euros. La première acquisition de la prothèse étant en juin 2022, incluant un manchon, la première dépense liée à l'acquisition du manchon se situe en octobre 2022. Il revient ainsi à M. [T] la somme de 2332,94 euros capitalisée à partir de son renouvellement en octobre 2022, alors qu'il est âgé de 52 ans, soit la somme de 67 988,87 euros ( 2332,94 x29,143).

La prothèse de secours est à renouveler tous les 5 ans et fournie avec une emboîture. Il faut donc acheter sur la période de 5 ans deux emboîtures. Le coût d'une emboîture est de 2744,36 euros soit 1097,74 euros par an ( 2744,36 euros x 2 / 5 ans). La première dépense liée une emboîture seule a lieu en décembre 2023. Il revient ainsi à M. [T] la somme de 1097, 74 euros, capitalisée à partir de son renouvellement en juin 2025 alors qu'il est âgé de 55 ans soit la somme de 29 186,71 euros ( 1097,74 x 26,588).

S'agissant de l'habillage des prothèses de marche, des gaines couvre moignon, des bonnets couvre-moignon, des gaines de suspension et bas de recouvrement, le tribunal a à bon droit retenu que le simple devis versé aux débats ne permettait pas de justifier de la nécessité de les acquérir alors qu'il n'en est nullement fait état dans les rapports d'expertise amiable de M. [G] et [L] comme dans celui de M. [R]. Le rejet des demandes faites à ce titre sera confirmé.

Ainsi la somme totale allouée au titre des fournitures pour les deux prothèses s'élève à 138 461,96 euros (1372,18 + 36 483,52 + 2332,94 + 67 988,87 + 1097, 74 + 29 186,71 ), étant observé que les frais d'appareillage dont la CPAM fait état dans son relevé du 14 mai 2019 ne portent que sur des dépenses engagées en 2016.

* la prothèse de bains et les fournitures

La nécessité de détenir une telle prothèse n'est pas discutée. Il a été procédé à la première acquisition en avril 2017 pour la somme de 9781,58 euros,(sans prise en charge de la CPAM) et son renouvellement doit avoir lieu tous les 3 ans.

La dépense engagée est de 9781,58 euros x 2, soit 19 563,16 euros. Au delà d'avril 2023 il y a lieu de procéder à la capitalisation de la dépense annuelle s'élevant à 3260,52 au taux de rente viager de 28,279 pour un homme âgé de 53 ans lors du renouvellement, soit la somme de 92 204,24 euros.

La prothèse de bain est fournie avec une emboîture avec un revêtement Aqualeg, qui se renouvelle tous les 18 mois. M. [T] devra donc en acquérir séparément une au cours des trois années, au prix de 5992,36 euros, soit une dépense annuelle de 1997,45 euros.

La dépense engagée est de 5992,36 euros x 2 soit 11 984,72 euros. Au delà d'avril 2023 il y a lieu de procéder à la capitalisation de la dépense annuelle s'élevant à 1997,45 euros au taux de rente viager de 28,279 pour un homme âgé de 53 ans lors du renouvellement, soit la somme de 56 485,88 euros.

La prothèse de bain est vendue équipée d'un manchon, renouvelable tous les ans. M. [T] doit donc acquérir deux manchons sur la durée de vie de la prothèse de 3 ans.

Le coût d'un manchon est de 823,39 euros soit une dépense engagée de 3293,56 euros. A partir de 2023, il y a lieu de procéder à la capitalisation de la dépense annuelle s'élevant à 548,93 euros (823,39 x2:3) au taux de rente viager de 28,279 pour un homme âgé de 53 ans lors du renouvellement, soit la somme de 15 523,19 euros.

S'agissant de l'habillage de la prothèse de bain, le simple devis versé aux débats ne permet pas de justifier de la nécessité de l'acquérir alors qu'il n'en est nullement fait état dans les rapports d'expertise amiable de M. [G] et [L] comme dans celui de M. [R]. Cette demande sera rejetée.

Ainsi la dépense totale de la prothèse de bain s'élève à 199 054,75 euros (19 563,16 + 92 204,24 + 11 984,72 + 56 485,88 + 3293,56 +15 523,19).

* la prothèse de course et les fournitures

Les MMA ne discutent pas de la réalité du besoin d'une telle prothèse. Il y a lieu de fixer sa première acquisition à juin 2022 au vu du devis soumis à la cour et d'évaluer la dépense à 8090,45 euros. Son renouvellement est à prévoir tous les trois ans et l'assureur ne conteste pas le recours à l'euro de rente viager.

La dépense initiale est de 8090, 45 euros et à partir de juin 2025, il sera procédé à la capitalisation de la dépense annuelle s'élevant à 2696,81 euros au taux de rente viager de 26,588 pour un homme âgé de 55 ans lors du renouvellement, soit la somme de 71 702,96 euros.

Le coût d'une emboîture est de 2744,36 euros soit 1372,18 euros par an ( 2744,36 euros x 3 /6 ans ). La première acquisition de la prothèse de sport est en juin 2022, incluant une emboîture. La première dépense liée une emboîture seule aura lieu en décembre 2023. Il revient ainsi à M. [T] la somme de 1372,18 euros, capitalisée à partir de son renouvellement en juin 2025 alors qu'il est âgé de 55 ans soit la somme de 36 483,52 euros (1372,18 x 26,588).

La prothèse de sport comprend un manchon, dont le coût est de 823,39 euros, le manchon étant renouvelable deux fois par an. La dépense annuelle est de 548,92 euros (823,39x2:3) qu'il y a lieu de capitaliser à partir de son renouvellement en juin 2025 au taux de rente viager de 26,588 pour un homme âgé de 55 ans soit la somme de 14 594,86 euros.

S'agissant de l'habillage de la prothèse de sport, le simple devis versé aux débats ne permet pas de justifier de la nécessité de l'acquérir alors qu'il n'en est nullement fait état dans les rapports d'expertise amiable de M. [G] et [L] comme dans celui de M. [R]. Cette demande sera rejetée.

La dépense totale est donc de 132 792,89 euros ( 8090, 45 + 71 702,96 + 1372,18+36 483,52 + 548,92 + 14 594,86 ).

* la prothèse de ski et les fournitures

L'assureur ne discute pas de l'utilité de cette acquisition, d'une valeur de 9508,39euros, renouvelable tous les six ans.

La première acquisition de la prothèse est fixée en juin 2022, soit 9508,39 euros, et à partir de juin 2028 il sera procédé à la capitalisation de la dépense annuelle s'élevant à 1584,73 euros sur l'indice de rente viager de 24,143, M. [T] étant alors âgé de 58 ans soit la somme de 38 260,13 euros.

La prothèse de ski est vendue équipée d'une emboîture avec cuissard et M. [T] devra acheter deux emboîtures sur la durée de vie de 6 ans de la prothèse. Son coût annuel est de 1088,15 euros ( 3264,44 x2:6) La première dépense liée une emboîture seule aura lieu en juin 2024. Il revient ainsi à M. [T] la somme de 1088,15 euros, capitalisée à partir de son renouvellement en juin 2026 alors qu'il est âgé de 56 ans soit la somme de 28 031,83 euros (1088,15x 25,761).

La prothèse de ski inclut un manchon, qui se renouvelle une fois par an, soit 5 manchons que M. [T] devra acquérir séparément sur la durée de vie de 6 ans de la prothèse , soit un coût annuel de 685,83 euros ( 823,39 x 5 : 6) qu'il y a lieu de capitaliser à partir de son renouvellement en juin 2023 au taux de rente viager de 28,279 pour un homme âgé de 53 ans soit la somme de 19 394, 58 euros.

S'agissant de l'habillage de la prothèse de ski, le simple devis versé aux débats ne permet pas de justifier de la nécessité de l'acquérir alors qu'il n'en est nullement fait état dans les rapports d'expertise amiable de M. [G] et [L] comme dans celui de M. [R]. Cette demande sera rejetée.

La dépense totale afférente à la prothèse de ski est ainsi de 96 968,91 euros ( 9508,39 + 38 260,13 + 1088,15 + 28 031,83 + 685,83 + 19 394, 58 ).

* le fauteuil roulant manuel

Le tribunal a à bon droit retenu la dépense d'un fauteuil au coût de 4442,35 euros selon devis du 5 décembre 2019, renouvelable tous les 5 ans et a fixé sa première acquisition en 2021, la réalité d'un besoin antérieur n'étant pas démontrée.

Son renouvellement aura lieu en 2026 et la dépense annuelle ( 888,47 euros ) doit être capitalisée par un euro de rente viagère de 25,761 pour un homme qui sera âgé de 56 ans soit 22 887,87 euros.

La dépense totale est donc de 27 330,22 euros.

* le fauteuil de sport

L'assureur ne discute pas de l'opportunité de cette acquisition, d'une valeur de 1738 euros renouvelable tous les 5 ans et qui doit faire l'objet d'un entretien annuel s'élevant à 173,80 euros.

Le tribunal a à bon droit fixé sa première acquisition en 2021, la réalité d'un besoin antérieur n'étant pas démontrée. Son renouvellement aura lieu en 2026 et la dépense annuelle de 521,40 euros ( 1738:5 + 173,80 ) doit être capitalisée par un euro de rente viagère de 25,761 pour un homme qui sera âgé de 56 ans soit 13 431,78 euros.

La dépense totale est donc de 13 953,18 euros.

* les modalités de paiement des dépenses de santé futures

Le montant total des dépenses de santé futures s'élèvent à 1 073 459, 21 euros.

M. [T] n'a subi aucune altération de ses facultés mentales et il est en parfaite capacité de gérer ses biens. En dépit de ses handicaps, il a retrouvé un emploi qui lui procure un revenu. Si la rente est adaptée pour des victimes très jeunes ou très âgées, fortement handicapées, incapables de gérer leurs biens ou bien encore exposées à un risque de dilapidation, tel n'est pas le cas de M. [T] qui est en mesure de procéder au placement des fonds lui revenant et de les gérer au mieux de ses intérêts.

Il y a lieu en conséquence d'approuver le tribunal en ce qu'il a dit que l'indemnisation des dépenses de santé future prendrait la forme d'un capital.

Les pertes de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle

Le tribunal a ordonné une expertise afin de déterminer la difficulté ou l'impossibilité, temporaire ou définitive, pour M. [T] de poursuivre l'exercice de sa profession, ou opérer une reconversion, du fait des lésions conséquences de l'accident. Cette mesure d'investigation n'est pas critiquée par les parties.

Le docteur [I] a déposé son rapport le 3 novembre 2021 dans des conditions critiquées par le conseil des assureurs, qui reprochait à l'expert de ne pas avoir tenu compte du dire qu'il lui avait adressé. Par lettre du 14 février 2022, le magistrat chargé du contrôle des expertises a demandé à l'expert de répondre à ce dire. L'expert a intégré à son rapport les dires des conseils des parties et rendu son rapport définitif le 30 mars 2022.

Les demandes nouvelles que forme M. [T] à titre de provision ne sont pas irrecevables car elles tendent aux mêmes fins indemnitaires que celles formées devant les premiers juges et la demande que forment les MMA visant à ce qu'elles soient déclarées irrecevables sera rejetée.

La cour observe que M. [T] n'a pas critiqué le bien fondé de la mesure d'investigation ordonnée par le tribunal qui a sursis à statuer sur le mérite des demandes faites au titres de ses pertes de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle. Les MMA critiquent fortement l'imputabilité des pertes alléguées à l'accident du 24 mars 2016 dont il devra être débattu devant le tribunal et il ne peut être retenu que leur obligation n'est pas sérieusement contestable, de sorte que la demande de provision sera rejetée.

En revanche il est d'ores et déjà certain qu'il existe une incidence professionnelle résultant à tout le moins d'une plus grande pénibilité dans les emplois occupés ainsi que d'une perte de chance de connaître une meilleure évolution de sa carrière. M. [T] a fait l'objet de deux licenciements pour inaptitude le 21 février 2018 et le 26 octobre 2020 et indique occuper depuis mai 2021 un poste sédentaire sans autre précision. Il lui sera alloué à titre provisionnel la somme de 80 000 euros, qui correspond à la somme offerte par les MMA dans leurs dernières conclusions devant le tribunal du 15 mai 2020, au titre de l'incidence professionnelle.

L'aménagement du véhicule

Le tribunal sera approuvé d'avoir, pour des motifs que la cour adopte, indemnisé ce poste de préjudice à hauteur de 8314,06 euros et il n'est pas justifié par M. [T] de la nécessité de fixer une fréquence de renouvellement moindre que celle de 6 ans retenue par le tribunal et approuvée par l'assureur.

Le préjudice d'agrément

Le tribunal a retenu l'offre formée par l'assureur à hauteur de 10 000 euros, que M. [T] demande de fixer à 50 000 euros, faisant valoir qu'il était particulièrement sportif et qu'il ne peut plus pratiquer les activités antérieures dans les mêmes conditions. Les MMA concluent à la confirmation du jugement, soulignant que la somme de 10 000 euros indemnise correctement M. [T] à raison des activités qu'il pourra poursuivre mais pas dans les mêmes conditions qu'avant l'accident.

* * *

Le préjudice d'agrément indemnise l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs mais aussi la limitation de la pratique antérieure.

L'expert a retenu l'existence d'un préjudice d'agrément pour toutes les activités sportives pratiquées antérieurement, M. [T] ayant cité devant l'expert notamment le ski, la natation, la randonnée.

M. [T] verse aux débats deux attestations établissant qu'il pratiquait notamment le ski, la randonnée et la course à pied. Il justifie être inscrit dans une salle de sport.

Il est désormais obligé pour la poursuite de ces activités d'avoir recours à un appareillage imposant à l'évidence de réelles contraintes.

Le préjudice d'agrément appelle indemnisation à hauteur de 15 000 euros et le jugement sera infirmé de ce chef.

Le préjudice d'établissement

Le tribunal a rejeté la demande faite à ce titre au motif que l'échec allégué d'un projet familial imputable à l'accident ne présentait pas un lien direct démontré avec l'accident eu égard à l'âge du couple et à l'absence d'impact de l'accident sur les facultés de

procréation.

M. [T] soutient qu'au moment de l'accident, lui et sa compagne cherchaient à avoir un deuxième enfant ensemble et que dans cette perspective Mme [W] suivait un traitement hormonal. Il affirme que l'accident a mis un coup d'arrêt à ce projet et que Mme [W] étant désormais âgée de 46 ans, le couple a dû abandonner son projet d'enfant.

Les MMA font valoir que M. [T] ne peut invoquer une perte d'espoir de fonder une famille ou d'élever des enfants.

* * *

Le préjudice d'établissement répare la perte de la faculté de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité d'un handicap.

Au cas présent, M. [T] - qui était père de trois enfants nés d'une précédente union - a fondé une famille avec Mme [W] en devenant le père de [M] née le [Date naissance 4] 2013. C'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté la demande faite à ce titre.

Les victimes par ricochet

* Mme [W]

Mme [W] n'est pas fondée à se prévaloir d'un préjudice d'établissement alors qu'elle a fondé une famille avec M. [T] en donnant naissance à [M] le 31 juillet 2013. Le rejet de cette demande sera confirmé.

Mme [W] soutient que la somme allouée par le tribunal au titre de son préjudice d'affection, 4000 euros, ne rend pas compte de la réalité et de l'étendue de son préjudice. Elle fait valoir à raison qu'elle a été confrontée à l'amputation transtibiale de son conjoint tout en devant le soutenir moralement et s'occuper de leur fille alors âgée de 2 ans. Elle souligne que M. [T] était avant l'accident un homme dynamique et très sportif dont l'humeur a changé après l'accident et ses déconvenues professionnelles.

Le préjudice d'affection subi par Mme [W] sera utilement réparé par l'allocation de la somme de 8000 euros et le jugement sera infirmé de ce chef.

Mme [W] reproche au tribunal d'avoir rejeté sa demande faite au titre d'un trouble apporté dans ses conditions d'existence, les premiers juges relevant qu'il n'était pas justifié qu'elle ait dû assister son concubin dans les gestes de la vie quotidienne alors qu'au contraire les déclarations faites par M. [T] lors de l'expertise montrent qu'il a repris rapidement son autonomie. Force est de constater qu'elle ne verse aux débats aucune pièce, notamment des attestations, au soutien de ses allégations permettant à la cour d'apprécier la réalité et l'étendue des troubles allégués. Le rejet de cette demande sera donc confirmé.

Si, contrairement à ce que soutiennent les MMA, le préjudice sexuel du conjoint peut faire l'objet d'une indemnisation, encore faut-il qu'il soit caractérisé. Le tribunal a, à bon droit relevé que l'expert n'avait fait état que d'un inconfort positionnel pour M. [T], de sorte que la demande de Mme [W] a été à bon droit rejetée.

* les enfants de M. [T]

Il est certain que les enfants [A], [X] et [F] [T] , qui ne vivent pas sous le même toit que leur père, ont souffert de l'altération de l'état de santé de celui-ci tant physique que psychologique. La somme allouée par le tribunal, 2000 euros, est insuffisante et il y a lieu de la porter à 3000 euros pour chacun d'eux.

Les appelants font valoir à raison que le préjudice subi par [M] qui vit sous le même toit que son père est plus important, son père ayant été dans un premier temps absent puis étant revenu au domicile dans un fauteuil roulant.

Le préjudice d'affection subi par l'enfant sera réparé par l'allocation de la somme de 5000 euros et le jugement sera infirmé de ce chef.

Il n'est pas justifié d'un trouble exceptionnel apporté aux conditions d'existence de l'enfant et le rejet de cette demande sera confirmé.

Le doublement des intérêts

Le tribunal a à bon droit relevé que si la seconde offre, formée le 20 décembre 2017, était tardive puisqu'elle était intervenue six mois et cinq jours après le dépôt du rapport d'expertise, les parties avaient transigé le 26 avril 2018 sur la liquidation de plusieurs postes de préjudice et choisi d'en réserver d'autres. Le tribunal a rappelé que la transaction ayant valeur de jugement entre les parties, il ne pouvait être ultérieurement demandé au juge de sanctionner une présentation tardive ou insuffisante des offres à partir d'une date antérieure à cette transaction laquelle avait expressément réservé les postes de préjudice dont la liquidation a ensuite été demandée au tribunal.

En transigeant sur certains postes définitivement indemnisés par ce protocole et en réservant expressément l'indemnisation de certains autres postes, M. [T], qui était assisté d'un avocat, a nécessairement renoncé à se prévaloir du préjudice né d'un éventuel retard de l'offre.

S'agissant de l'insuffisance alléguée de l'offre, la cour observe qu'il demeure encore à ce jour impossible de l'apprécier au regard des sommes allouées par le tribunal mises en rapport avec celles offertes par l'assureur. En effet les experts mandatés par la victime et l'assureur avaient retenu qu'un 'arrêt de travail a été rédigé depuis la date accidentelle jusqu'au 30/10/2016 avec reprise des activités professionnelles à plein temps et au même poste depuis lors, et quelques difficultés surmontables à l'exercice de sa profession' , les experts précisant que la seule réserve était 'l'impossibilité à rester toute la journée en position debout sur des lieux visités'. Mais devant le tribunal, M. [T] a demandé, aux termes de ses dernières conclusions, l'indemnisation de ses pertes de gains professionnels futurs, de 2017 à 2019, à hauteur de la somme de 712 903,14 euros et, pour l'avenir qu'il soit sursis à statuer et que lui soit allouée une provision de 6 342 774,40 euros, sollicitant par ailleurs réparation de l'incidence professionnelle à hauteur de 2 000 000 euros. Dans le même temps, les MMA affirmaient qu'il n'existait pas ' de lien direct et certain entre l'accident du 24 mars 2016 et le licenciement de M. [T] le 24 février 2018 et, par voie de conséquence, avec son changement d'emploi au sein de la société Sodify' et demandaient au tribunal de débouter M. [T] de l'intégralité de ses demandes au titre de pertes de gains professionnels futurs et offrant une somme de 80 000 euros au titre de l'incidence professionnelle.

Le tribunal, au vu des pièces produites, de ces conclusions et offres fort contrastées, a ordonné une expertise.

Il y a lieu en conséquence de confirmer le rejet de la demande de doublement des intérêts formée par M. [T].

S'agissant des demandes nouvelles faites par les victimes par ricochet, sur le mérite desquelles les MMA ne consacrent pas de développement, l'article L 211-9 du code des assurances dispose que ' quelle que soit la nature du dommage, dans le cas où la responsabilité n'est pas contestée et où le dommage a été entièrement quantifié, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d'indemnisation qui lui est présentée'.

Au cas présent, Mme [W], à titre personnel et en qualité de représentante légale de sa fille [M] [T], ainsi que [A], [X] et [F] [T] ont formé une demande d'indemnisation auprès des MMA par l'assignation délivrée le 4 mars 2019. L'assureur a fait une offre tardive puisqu'elle est contenue dans ses conclusions signifiées le 26 décembre 2019, et a offert de verser la somme de 4000 euros à Mme [W] et celle de 2000 euros à chacun des quatre enfants de M. [T], ce qui est manifestement insuffisant au regard des sommes allouées par la cour ( 8000 euros pour Mme [W], 5000 euros pour [M] [T] et 3000 euros pour chacun des trois fils de M. [T]) cette insuffisance de l'offre équivalant à son absence.

Il y a lieu de juger en conséquence que les sommes allouées par la cour aux victimes par ricochet produiront intérêts au double du taux légal à compter du 4 juin 2019, date à laquelle l'offre aurait dû leur être faite, et jusqu'à ce que le présent arrêt soit définitif.

Les mesures accessoires

Les intérêts des sommes allouées seront capitalisés dans les conditions de l'article 1342-3 du code civil, y compris les intérêts doublés, l'article L211-9 précité ne dérogeant pas aux règles relatives à l'anatocisme.

Les dispositions du jugement relatives aux dépens seront confirmées.

En remboursement de leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel il sera alloué à M. [T] et à Mme [W] unis d'intérêts la somme de 7000 euros et à [A], [X] et [F] [T] chacun celle de 1000 euros.

Les MMA, qui succombent, seront condamnées aux dépens d'appel avec recouvrement direct.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par arrêt réputé contradictoire

Rejette la demande formée par les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard tendant à ce que soient déclarées irrecevables les demandes formées par M. [T] à titre de provision.

Infirme le jugement en ses dispositions relatives aux dépenses de santé futures, au préjudice d'agrément, au préjudice d'affection des victimes par ricochet et aux indemnités de procédure.

Confirme le jugement pour le surplus et précise que les condamnations sont prononcées contre les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard.

Statuant à nouveau des chefs infirmés

Fixe à la somme de 1 073 459, 21 euros les dépenses de santé futures.

Fixe à la somme de 15 000 euros le préjudice d'agrément.

Fixe à la somme de 8000 euros le préjudice d'affection de Mme [W].

Fixe à la somme de 5000 euros le préjudice d'affection de [M] [T] représentée par M. [T] et Mme [W].

Fixe à la somme de 3000 euros le préjudice d'affection de [A] [T], de [X] [T] et de [F] [T].

Condamne les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard à payer les sommes précitées provisions non déduites.

Y ajoutant

Condamne les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard à payer à M. [T] la somme de 80 000 euros à titre de provision à valoir sur l'incidence professionnelle.

Dit que les sommes allouées à Mme [W], à [M] [T] représentée par M. [T] et Mme [W], [A] [T], [X] [T] et [F] [T] au titre du préjudice d'affection produiront intérêts au double du taux légal à compter du 4 juin 2019 jusqu'à ce que le présent arrêt soit définitif.

Dit que les sommes allouées par le présent arrêt seront capitalisées dans les conditions de l'article 1342-3 du code civil.

Rejette les autres demandes formées par les consorts [T].

Condamne les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard à payer en remboursement de leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel :

* à M. [T] et Mme [W] la somme de 7000 euros

* à [A] [T], [X] [T] et [F] [T] chacun la somme de 1000 euros

Condamne les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-José BOU, Président et par Madame Claudine AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02273
Date de la décision : 16/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-16;21.02273 ?
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