COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
11e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 16 JUIN 2022
N° RG 20/01040 - N° Portalis DBV3-V-B7E-T3TT
AFFAIRE :
[T] [D]
C/
SARL ACTIPOLE GESTION en sa qualité de représentant du syndicat des copropriétaires de la [Adresse 6]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Mars 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY
N° Section : C
N° RG : F 18/00649
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Jean-Baptiste SOUFRON de la SELARL FELTESSE WARUSFEL PASQUIER & ASSOCIES
Me Magda ELBAZ
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEIZE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [T] [D]
né le 01 Février 1960 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentant : Me Jean-Baptiste SOUFRON de la SELARL FELTESSE WARUSFEL PASQUIER & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0028, substitué par Me Sabrina HASSAINI, avocat au barreau de PARIS
APPELANT
****************
SARL ACTIPOLE GESTION en sa qualité de représentant du syndicat des copropriétaires de la [Adresse 6]
N° SIRET : 503 217 432
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Magda ELBAZ, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0829
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 mai 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Hélène PRUDHOMME, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
Greffier lors des débats : Stéphanie HEMERY,
Le 10 juillet 1995, M. [T] [D] était embauché par la SARL Actipole Gestion, en tant que représentant du syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 6], en qualité de gardien d'immeuble, par contrat à durée indéterminée.
Le contrat de travail était régi par la convention collective des gardiens d'immeubles.
Le 11 avril 2018, la SARL Actipole Gestion convoquait M. [D] à un entretien préalable en vue de son licenciement. L'entretien se déroulait le 23 avril 2018.
Le 26 avril 2018, l'employeur lui notifiait son licenciement en raison de la suppression de son poste.
Le 15 octobre 2018, M. [D] saisissait le conseil des prud'hommes de Montmorency afin de contester le bien-fondé de son licenciement.
Vu le jugement du 16 mars 2020 rendu en formation paritaire par le conseil de prud'hommes de Montmorency qui a':
- Dit que le licenciement de M. [D] repose sur une cause réelle et sérieuse';
- Débouté M. [D] de l'intégralité de ses demandes';
- Laissé les éventuels dépens à la charge de M. [D].
Vu l'appel régulièrement interjeté par M. [D] le 2 juin 2020.
Vu l'ordonnance rendue par le magistrat de la mise en état le 4 octobre 2021.
Vu les conclusions de l'appelant, M. [D], notifiées le 3 décembre 2021 et soutenues à l'audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de :
- Infirmer en toutes ses disposition le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montmorency en date du 19 mars 2020 ;
Statuant à nouveau,
- Dire et juger que la procédure de suppression du poste de gardien de M. [D] engagée par le syndicat des copropriétaires [Adresse 6] est nulle en raison du fait que l'assemblée générale des copropriétaires a décidé de la suppression de son poste à la majorité des 2/3 alors que cette décision aurait dû être prise à l'unanimité ;
- Dire et juger que la procédure de suppression du poste de gardien de M. [D] engagée par le syndicat des copropriétaires [Adresse 6] est irrégulière en raison du fait que l'assemblée générale des copropriétaires a décidé de la suppression de son poste préalablement à l'entretien préalable ;
- Dire et juger que le licenciement économique pour suppression de poste dont a fait l'objet M. [D] est dépourvu de cause réelle et sérieuse';
Par conséquent,
- Condamner le syndicat des copropriétaires [Adresse 6] à verser à M. [D] une somme de 46'055,89 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts de droit à compter de la présente demande ;
- Condamner le syndicat des copropriétaires [Adresse 6] à verser à M. [D] une somme de 25'000 euros à titre de préjudice moral pour avoir été licencié dans des conditions brutales et vexatoires ;
- Condamner le syndicat des copropriétaires [Adresse 6] à verser à M. [D] une somme de 21'600 euros (somme à parfaire) à titre de préjudice matériel pour la perte de son logement ;
- Condamner le syndicat des copropriétaires [Adresse 6] à verser à M. [D] une somme de 6'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner le syndicat des copropriétaires [Adresse 6] aux dépens.
Vu les écritures de l'intimée, la SARL Actipole Gestion, notifiées le 21 décembre 2021 et développées à l'audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de':
- Déclarer M. [D] tant irrecevable que mal fondé en son appel,
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 16 mars 2020';
Y faisant droit,
In limine litis,
- Déclarer irrecevable M. [D] en sa demande tendant à dire que la procédure de suppression de poste du gardien engagée par le SDC des Jardins d'Ezzanville est nulle, par application notamment des dispositions de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 ;
Sur le fond';
- Dire et juger que le licenciement pour faute grave de M. [D] intervenu le 26 avril 2018 repose sur une cause réelle et sérieuse,
En conséquence de quoi';
- Débouter M. [D] de toutes ses demandes, fins et prétentions et notamment :
- Débouter M. [D] de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 46'055,89 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';
- Débouter M. [D] de sa demande indemnitaire au titre du préjudice moral d'un montant de 25'000 euros';
- Débouter MR [D] de sa demande indemnitaire au titre du préjudice matériel d'un montant à parfaire de 21'600 euros';
- Débouter M. [D] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens';
- Constater en tout état de cause l'absence de préjudice subi par M. [D] à la suite de la rupture des relations contractuelles';
Y ajoutant :
- Condamner M. [D] à verser au syndicat des copropriétaires de [Adresse 6] la somme de 5'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner M. [D] aux entiers dépens.
Vu l'ordonnance de clôture du 13 mai 2022.
SUR CE,
M. [D] fait valoir que la décision relative à la suppression de son poste et à l'aliénation de sa loge n'a pas été prise à l'unanimité en méconnaissance des dispositions de l'article 26 de la loi sur le statut de la copropriété, du 10 juillet 1965 dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014. Il précise que le syndic n'a pas respecté l'engagement pris à son égard par l'ensemble des copropriétaires de ne supprimer son poste qu'à l'occasion de son départ à la retraite. Il soutient que son licenciement a été prononcé pour un motif économique et que le syndicat des copropriétaires se devait de respecter les règles inhérentes à ce type de licenciement. Le salarié explique que lors de l'assemblée générale des copropriétaires du 11 janvier 2018, la suppression de son poste a été votée, de sorte que la décision de le licencier a été prise avant même sa convocation à l'entretien préalable. Il ajoute que le motif économique de la suppression de son poste et donc de son licenciement n'est pas justifié et que l'employeur n'a procédé à aucune proposition de reclassement. M. [D] fait également valoir qu'aucun motif économique n'est visé dans la lettre de licenciement et que la priorité de réembauche n'y figure pas.
La SARL Actipole Gestion soulève l'irrecevabilité de la contestation de la décision de suppression du poste de concierge, au regard des dispositions de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, qui réserve cette action aux seuls copropriétaires et l'enferme dans un délai de 2 mois à compter de la notification du procès-verbal d'assemblée. L'intimée se prévaut également de l'incompétence de la juridiction prud'homale et souligne que la demande de nullité de la résolution litigieuse a été formulée pour la première fois en appel.
Sur le fond, la SARL Actipole Gestion expose que la décision de suppression du poste, votée en assemblée générale, constitue le motif du licenciement. Le syndic soutient qu'un syndicat des copropriétaires n'est pas une entreprise au sens des dispositions de l'article L.12331-1 du code du travail et que le licenciement d'un salarié, même s'il repose sur un motif non inhérent à sa personne, n'est pas soumis aux dispositions concernant les licenciements pour motif économique. Il considère donc qu'il n'a pas à justifier d'un motif économique, ni d'une recherche de reclassement. Il explique qu'aucune procédure de licenciement ne pouvait être engagée tant que les copropriétaires, réunis en assemblée générale, n'avaient pas voté la suppression du poste de gardien.
Sur la recevabilité de la demande de nullité de la résolution relative à la suppression du poste de gardien d'immeuble
L'article 564 du code de procédure civile dispose que': «'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'».
Il ressort de l'examen du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montmorency le 16 mars 2020 que la demande de nullité de la résolution relative à la suppression du poste de gardien d'immeuble n'a pas été sollicitée en première instance, de sorte qu'en tant que nouvelle prétention formulée en appel, elle doit être déclarée irrecevable.
Sur la rupture du contrat de travail':
C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont exclu l'application des dispositions de l'article L.1233-1 du code du travail.
En effet, l'article L.1233-1 circonscrit le champ d'application du licenciement pour motif économique aux entreprises, établissements privés de toute nature ainsi que, sauf dispositions particulières, dans les entreprises et établissements publics industriels et commerciaux.
Or, un syndicat des copropriétaires n'est pas une entreprise, ni un établissement privé de toute nature, mais une personne morale de droit privé n'ayant aucune activité économique tendant à la vente de bien ou à l'offre de services.
Dans ces conditions, les dispositions des articles L.1233-1 et suivants du code du travail ne sont pas applicables au licenciement de M. [D].
Il ne peut être reproché au syndic d'avoir fait voter par l'assemble générale des copropriétaires la suppression du poste de M. [D] avant de le convoquer à un entretien préalable, dès lors qu'il s'agissait de la condition préalable à l'engagement de la procédure de licenciement.
Si Mme'[P] atteste de ce qu'il avait été convenu que le poste de gardien d'immeuble ne serait effectivement supprimé qu'au départ à la retraite de M. [D], la cour constate que la résolution, non contestée, adoptée le'11 janvier 2018, n'en fait pas mention.
Enfin, les éléments de la procédure ne permettent pas de caractériser les conditions brutales et vexatoires du licenciement invoquées par l'appelant.
En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a considéré que le licenciement de M. [D] repose sur une cause réelle et sérieuse et a débouté ce dernier de l'ensemble de ses demandes.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs.
L'équité commande de laisser à chacune des parties la charge de leurs dépens d'appel et de débouter la SARL Actipole Gestion de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant publiquement et contradictoirement
Confirme le jugement entrepris';
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens d'appel';
Déboute la SARL Actipole Gestion de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme'Sophie RIVIÈRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIERLe PRÉSIDENT