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16/06/2022 | FRANCE | N°19/03175

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 16 juin 2022, 19/03175


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 16 JUIN 2022



N° RG 19/03175 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TMFH



AFFAIRE :



[C] [J]





C/

SAS AVIS LOCATION DE VOITURES









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 23 Juillet 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E

RG : F18/00730



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Alexia BONNET



Me DUPUIS Martine





le : 17 Juin 2022





Expédition numérique délivrée à Pôle Emploi, le 17 Juin 2022





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 JUIN 2022

N° RG 19/03175 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TMFH

AFFAIRE :

[C] [J]

C/

SAS AVIS LOCATION DE VOITURES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 23 Juillet 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : F18/00730

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Alexia BONNET

Me DUPUIS Martine

le : 17 Juin 2022

Expédition numérique délivrée à Pôle Emploi, le 17 Juin 2022

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant,fixé au 07 Avril 2022,puis prorogé au 09 Juin 2022,puis au 16 Juin 2022, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [C] [J]

né le 24 Août 1980 à [Localité 29]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par : Me Alexia BONNET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

SAS AVIS LOCATION DE VOITURES

N° SIRET : 652 023 961

[Adresse 22]

[Adresse 22]

[Localité 2]

Représentée par :Me Déborah ATTALI du PARTNERSHIPS EVERSHEDS Sutherland (France) LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J014, substituée par Me TOMASZEWSKI Audrey, avocate au barreau de Paris ; et Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Février 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT,

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SAS Avis Location de Voitures exerce une activité de location de courte durée de voitures et de véhicules automobiles légers. Elle est présente sur tout le territoire français au travers d'agences régionales localisées notamment dans les gares et les aéroports. Elle emploie plus de dix salariés.

Par contrat de travail à durée indéterminée du 11 août 2003, M. [C] [J], né le 24 août 1980, a été engagé par la société Budget Milton Location de Voitures en qualité de chef de groupe opérations, statut employé, niveau III, échelon 2, coefficient 225 de la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981. Il a été affecté au sein de l'établissement situé à l'aéroport de [30].

Le 1er octobre 2009, son contrat de travail a été transféré à la société Avis Location de Voitures, avec reprise de l'ancienneté acquise au sein de la société Budget Milton Location de Voitures.

En dernier lieu, et depuis le 1er septembre 2012, il occupait le poste de city manager [Localité 27], statut cadre, niveau II A, et percevait un salaire brut mensuel de base de 3 284,93 euros versé sur 13 mois, outre une rémunération variable.

Par courrier du 27 août 2014, M. [J] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable qui s'est tenu le 9 septembre 2014. Il s'est vu notifier son licenciement pour faute grave par lettre du 16 septembre 2014 ainsi rédigée :

« Nous vous rappelons que vous occupez le poste de City Manager [Localité 27]/[Localité 26] depuis le 1er septembre 2012. A ce titre, vous avez la possibilité de bénéficier d'un véhicule de service (NRT) pour les besoins de votre activité professionnelle.

Le 26 août 2014, nous avons procédé à un contrôle de l'utilisation des NRT par les City Managers du District IDF/[Localité 23]. Sur les 6 personnes contrôlées, seul votre dossier laissait apparaitre des anomalies, graves qui plus est.

Ces anomalies sont les suivantes :

Vous avez pris un NRT à [Localité 27] du 8 au 23 janvier 2014 (VAG GOLF VII BVA ' [Immatriculation 10]), en catégorie L, non autorisée pour les City Managers (CM).

Le 10 janvier 2014, vous avez utilisé un NRT (VOLKSWAGEN TIGUAN-[Immatriculation 14]) à l'aéroport de la station de [25] pour une journée alors que vous étiez en RTT.

Le Dimanche 12 janvier 2014, vous avez pris un autre NRT (VOLKSWAGEN TOUARE (Touareg ) - [Immatriculation 11]) d'[Localité 27] qui a été déposé le jour même à la station de [25]).

Du 23 au 26 janvier 2014, vous avez utilisé un NRT en catégorie L, non autorisé par la procédure NRT.

Le 14 février 2014, sur la station de [25], vous avez pris un NRT (VAG GOLF VII BVA ' [Immatriculation 7]) pendant une journée de congés payés.

Le dimanche 16 février 2014, jour de repos, vous avez pris un NRT (VOLVO XC70 BVA 2- [Immatriculation 6]) sur la station de [25].

Le lundi 17 février 2014, vous étiez censé travailler mais nous n'avons pas de trace de l'utilisation de NRT.

Du 21 au 25 février 2014, nous n'avons pas retrouvé de traces de l'utilisation de NRT de votre part dans Wizard.

Du 26 février 2014 au 8 mars 2014, vous avez utilisé un NRT (VAG GOLF VII BVA- [Immatriculation 9]) en catégorie L, non autorisé par la procédure NRT et sans informer votre manager.

Le dimanche 9 mars 2014, vous avez pris un NRT (OPEN INSIGNIA CDT- [Immatriculation 13]) à la station [25], pour la déposer le 10 mars 2014 à [Localité 27].

Le samedi 22 mars 2014, vous avez pris un NRT (VOLVO XC60 BVA 2-[Immatriculation 8]) en catégorie M, non autorisé par la procédure NRT à [Localité 27] pour le déposer à [Localité 4]. Le jour même, vous avez pris un NRT (OPEL INSIGNIA CDT '[Immatriculation 16]) à [Localité 4] que vous avez déposé à [Localité 27] le 24 mars 2014.

Du 24 au 26 mars 2014, vous avez utilisé un NRT en catégorie L (VAG GOLF VII BVA-[Immatriculation 12]), non autorisé par la procédure NRT et sans informer votre manager.

Du 4 au 14 avril 2014, vous avez pris un NRT (MERCEDES B180 CDI-[Immatriculation 17]). Or, le 11 avril 2014, vous avez pris un autre NRT au départ d'[Localité 27] que vous avez laissé à la gare de [Localité 24]. Le même jour, vous avez pris un autre NRT au départ d'[Localité 27] que vous avez rendu à [Localité 5] le 13 avril 2014. Ainsi, vous avez fait usage de plusieurs NRT en même temps.

Vous avez été en arrêt maladie du 25 juin au 17 août 2014. Durant cette période, vous avez pris un NRT (VOLKSWAGEN VAG GO-[Immatriculation 21]) en catégorie L, catégorie non autorisée pour les City Manager du 20 juin au 10 juillet 2014. Le 10 juillet 2014, vous reprenez un NRT (MERCEDES B180 CDI-[Immatriculation 19]) jusqu'au 30 juillet 2014. Mais le 19 juillet dernier, vous avez pris pour la journée un NRT (RENAULT MEGANE GO-[Immatriculation 18]) à la station de [25].

Vous avez repris le 30 juillet 2014 un NRT (PEUGEOT 3008-HDI [Immatriculation 20]) à [Localité 27] jusqu'au

13 août 2014. Le 2 août 2014, vous avez utilisé un NRT (TOYOTA AURIS 1.8 ' [Immatriculation 15]) à la station [25] pour la journée.

Or, votre Manager n'a pas été informé que vous preniez des NRT.

En outre vous avez le droit d'utiliser un NRT dans le cadre de vos fonctions exclusivement lorsque vous travaillez et en aucun cas pendant un arrêt maladie.

Nous vous rappelons que la procédure NRT (OPS-029-v03-201109) prévoit un certain nombre de règles :

- Les City Managers ont le droit d'utiliser les catégories suivantes : A-B-C-D-H-I (Article 3-2-1) ;

- Le collaborateur ne peut avoir plusieurs NRT en même temps (Article 3-1-4) ;

- Dans le cadre de déplacements pour une mission en France (Article 3-3) : l'accord du manager est obligatoire et l'usage d'une catégorie non autorisée nécessite l'accord écrit du Directeur des Opérations ;

- Les City Managers ont le droit à une voiture de services c'est-à-dire qu'elle ne peut être utilisée que pour les 'besoins de son activité professionnelle' (Article 2-1).

Or, vous n'avez pas respecté ces règles :

- Votre supérieur hiérarchique, Madame [R] [K], District Manager, n'a jamais été informée de l'usage de ces NRT hors du District, ni du fait que vous avez utilisé des véhicules d'une catégorie non autorisée (sur 35 NRT utilisées depuis Janvier, 15 sont en catégorie non autorisée) ;

- Vous avez utilisé un véhicule de service pendant un arrêt maladie sans autorisation ;

- A cinq reprises vous avez utilisé plusieurs NRT en même temps ;

- Des NRT ont été utilisées pendant des weekends ou des RTT notamment sur [Localité 24] pour un usage à titre personnel et sans accord de la hiérarchie, ce que nous ne pouvons tolérer. En effet, nous vous rappelons que Avis loue à son personnel des véhicules à tarif préférentiel (tarif NE).

Vous avez reconnu durant l'entretien avoir utilisé des véhicules à titre personnel notamment sur [Localité 24].

De plus, lors de l'entretien, nous vous avons interrogé sur l'absence de NRT utilisés pour les périodes du 2 au 4 février 2014 et du 10 au 18 mars 2014 alors que vous étiez en poste et que votre activité vous conduit quasi systématiquement à prendre des NRT.

Vous avez répondu avoir pris des NRT sur ces périodes et que des collaborateurs, notamment sur [Localité 27], n'ont pas fait le nécessaire pour tracer le véhicule dans les systèmes.

Une telle réponse est surprenante dans la mesure où il vous appartient, en tant que responsable du site d'[Localité 27], de contrôler les rapports de suivi des voitures inactives (Wizard, rapport 01).

Vous auriez dû dans ce cas-là, vous rendre compte de ces irrégularités et les faire rectifier.

Nous vous rappelons que, en tant que collaborateur, vous avez pour obligation de vous conformer aux règles de fonctionnement de l'entreprise. L'usage à titre personnel de véhicules de la société, de façon répétée, crée un préjudice financier pour la société, qui ne peut alors pas louer ces véhicules.

Vos explications durant l'entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits et de leur gravité.

Considérant que vous n'avez pas respecté les dispositions des procédures d'utilisation des véhicules de la société et que les faits précités créent un préjudice financier pour l'entreprise, nous avons le regret de vous informer que nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour faute grave, ces agissements rendant impossible votre maintien dans l'entreprise. (...) »

Par requête reçue au greffe le 6 février 2015, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de contester son licenciement et de voir condamner la société Avis Location de Voitures au versement de diverses sommes indemnitaires et salariales.

Par jugement rendu le 23 juillet 2019, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- dit et jugé que le licenciement de M. [J] repose sur une cause réelle et sérieuse mais pas sur une faute grave,

- condamné la SAS Avis Location de Voitures à verser à M. [J] les sommes suivantes :

* 9 080,83 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 9 854,70 euros à titre d'indemnité de préavis,

* 985,47 euros à titre de congés payés y afférents,

* l 343,84 euros à titre de rappel de salaire correspondant au paiement de la mise à pied,

* 134,38 euros à titre de congés payés y afférents,

avec intérêts au taux légal à compter du 6 Février 2015,

- dit que les intérêts échus depuis plus d'un an à compter du jugement seront eux-mêmes productifs d'intérêts,

- rappelé que sont exécutoires de droit à titre provisoire les condamnations ordonnant la délivrance de toutes pièces que l'employeur est tenu de remettre (bulletin de paie, certificat de travail ...) ainsi que celles ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visés à l'article R.1454-14 [anc. R. 516-18) du code du travail dans la limite de neuf mensualités étant précisé que la moyenne des salaires des trois derniers mois doit être fixée à 3 864,19 euros,

- dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire pour le surplus,

- condamné la SAS Avis Location de Voitures à verser à M. [J] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [J] du surplus de ses demandes,

- reçu et débouté la SAS Avis Location de Voitures de sa demande 'reconventionnelle',

- laissé les éventuels dépens à la charge de chacune des parties en ce qui la concerne.

M. [J] a interjeté appel de la décision par déclaration du 5 août 2019.

Par conclusions adressées par voie électronique le 3 novembre 2019, il demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

statuant à nouveau,

- juger que le licenciement de M. [J] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner, en conséquence, la SAS Avis Location de Voitures à verser à M. [J] :

' rappel de salaire sur mise à pied : 1 343,84 euros bruts,

' congés payés afférents : 134,38 euros bruts,

' indemnité de licenciement : 9 080,83 euros nets,

' indemnité compensatrice de préavis : 9 854,79 euros bruts,

' congés payés afférents : 985,47 euros bruts,

' dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse : 60 000 euros nets,

' dommages et intérêts au titre des conditions vexatoires de la rupture : 20 000 euros,

En toute hypothèse,

- condamner la SAS Avis Location de Voitures à verser à M. [J] les sommes suivantes :

' rappel de salaire au titre du 'travail égal-salaire égal' : 18 833,31 euros,

' congés payés afférents : 1 883,33 euros bruts,

' rappel de rémunération variable : 3 106,65 euros bruts,

' congés payés afférents : 310,66 euros bruts,

en conséquence,

' fixer le salaire mensuel moyen brut à la somme de : 4 739,88 euros bruts,

' fixer l'indemnité de licenciement à la somme de 11 191,37 euros nets et condamner la SAS Avis Location de Voitures à verser à M. [J] la somme de 2 110,54 euros nets à titre de rappel d'indemnité de licenciement,

' fixer l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 12 230,76 euros bruts et condamner la SAS Avis Location de Voitures à verser à M. [J] la somme de 2 375,97 euros bruts à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis,

' fixer les congés payés afférents à la somme de 1 223,07 euros bruts et condamner la SAS Avis Location de Voitures à verser à M. [J] la somme de 237,59 euros bruts à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- prononcer l'intérêt au taux légal à compter de la réception de la demande par la société défenderesse,

- condamner la société Avis Location de Voitures à verser à M. [J] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même au paiement des entiers dépens.

Par conclusions adressées par voie électronique le 23 janvier 2020, la société Avis Location de Voitures demande à la cour de :

A titre principal,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que :

* le licenciement de M. [J] reposait sur une cause réelle et sérieuse mais pas sur une faute grave,

* la société Avis Location de Voitures versera à M. [J] les sommes suivantes :

' 9 080,83 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

' 9 854,70 euros à titre d'indemnité de préavis,

' 985,47 euros à titre de congés payés y afférents,

' 1 343,84 euros à titre de rappel de salaire correspondant au paiement de la mise à pied,

' 134,38 euros à titre de congés payés y afférents,

' 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté M. [J] sur le surplus de ses demandes,

en conséquence,

- juger la société Avis Location de Voitures recevable et bien fondée en ses conclusions,

- dire et juger que le licenciement de M. [J] repose sur une faute grave,

- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes.

A titre subsidiaire,

- juger que le licenciement de M. [J] repose sur une cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

- condamner M. [J] à verser à la société Avis Location de Voitures la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.

Par ordonnance rendue le 19 janvier 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 18 février 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS

Sur l'inégalité de traitement

M. [J] prétend qu'il a été victime d'une inégalité de traitement dans la mesure où il percevait une rémunération mensuelle fixe brute d'un montant inférieur à celle dont bénéficiait Mme [F] [T], qui occupait les mêmes fonctions de city manager, et ce d'autant qu'il a été nommé à ce poste en janvier 2012, une année avant elle. Il considère que le parcours différent de deux salariés ne peut permettre de justifier un écart de rémunération au même poste, avec des fonctions identiques et une ancienneté comparable.

Il s'estime bien fondé à revendiquer un rappel de salaire de 18 833,31 euros au titre des années 2013 et 2014, outre les congés payés afférents, un rappel de rémunération variable de 3 106,65 euros, outre les congés payés afférents. Il réclame en outre le versement d'un rappel de salaire au titre de la mise à pied, d'un complément d'indemnité de licenciement et d'un complément d'indemnité compensatrice de préavis.

La société Avis Location de Voitures (ci-après Avis) s'oppose à ces demandes.

Il sera rappelé que le principe de l'égalité de traitement impose à l'employeur d'assurer une égalité de rémunération entre tous les salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L. 3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe de l'égalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et il incombe ensuite à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

Aux termes de son contrat de travail, l'appelant a été engagé le 11 août 2003 en qualité de chef de groupe opérations sur le site de l'aéroport de [30]. Il ressort des avenants à ce contrat qu'il a été nommé responsable d'agence le 1er janvier 2004 puis responsable d'agence en charge de l'audit des standards qualité à compter du 1er janvier 2009. Lors du transfert de son contrat de travail à la société Avis, le 1er octobre 2009, il s'est vu attribuer le titre de station manager. Le 1er février 2012, il a été nommé en qualité d'airport manager sur le site de l'aéroport d'[Localité 27], avec le statut de cadre. Il occupait en dernier lieu, et depuis le 1er septembre 2012, le poste de city manager [Localité 27].

Selon les informations figurant dans le tableau récapitulatif établi par M. [J] pour la période de septembre 2012 à septembre 2014, confirmées par ses bulletins de paie, l'avenant du 1er septembre 2012 à son contrat de travail ainsi que le courrier de notification d'augmentation du 29 avril 2014, il a perçu, outre une rémunération variable, un salaire brut de base de 3 076,92 euros (versé sur 13 mois), porté à 3 101,92 euros à compter du 1er mars 2013 puis à 3 284,93 euros à compter du 1er avril 2014.

L'appelant produit un tableau récapitulatif des salaires versés à Mme [T] en 2013 et 2014 ainsi qu'un unique bulletin de paie du mois de janvier 2014 dont il ressort que celle-ci bénéficiait d'un salaire fixe s'élevant à 3 766,83 euros en janvier 2013, à 3 846,15 euros en février et mars 2015 puis à 4 076,92 euros d'avril 2013 à décembre 2014.

Ce faisant, il justifie d'éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération.

La société Avis fait cependant valoir en réplique que si les salariés occupaient tous deux un poste de city manager, l'un sur le site d'[Localité 27], la seconde sur le site de [30] puis à [Localité 28], ils ne disposaient pas d'une ancienneté équivalente au sein de l'entreprise, Mme [T] ayant été en effet embauchée le 6 octobre 1997 tandis que M. [J] l'a été le 11 août 2003.

L'intimée rapporte ainsi la preuve d'éléments objectifs justifiant la différence de rémunération entre les deux salariés, ce qui doit conduire, par confirmation du jugement entrepris, à rejeter la demande de rappel de salaires fixe et variable de M. [J].

Sur le licenciement

L'article L. 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement pour motif personnel à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.

La faute grave se définit comme la faute qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

Il appartient à l'employeur qui entend se prévaloir d'une faute grave du salarié d'en apporter seul la preuve. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Il sera en outre rappelé que les dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail interdisent l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur a eu connaissance des faits fautifs.

Aux termes de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, il est reproché au salarié de ne pas avoir, à plusieurs reprises, respecté les règles de procédure relatives à l'utilisation des véhicules de services NRT et d'avoir fait un usage abusif de ces véhicules.

La société Avis prétend avoir eu connaissance des manquements imputables à l'intéressé à l'occasion du contrôle auquel elle a procédé le 26 août 2014.

M. [J] invoque tout d'abord la prescription de l'essentiel des griefs visés dans la lettre de licenciement, soulignant que 14 des 16 griefs sont antérieurs de plus de deux mois à l'introduction de la procédure de licenciement et que l'employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire en considérant pendant plusieurs années qu'un tel comportement n'était pas constitutif d'une faute.

Il énonce ensuite que les motifs avancés ne sont ni réels ni sérieux, que les faits qui lui sont reprochés ne constituent pas une faute, a fortiori grave, que l'employeur ne peut soutenir qu'il a découvert les faits le 26 août 2014, qu'avant le licenciement aucune procédure d'utilisation des NRT n'a été portée à sa connaissance ni à celle de ses collègues, que dans le cadre de ses fonctions de city manager, en charge des sites d'[Localité 27] et de [Localité 26], il bénéficiait, au vu et au su de tous, d'un véhicule de service qui était laissé à sa disposition en dehors de ses heures de travail pour son usage personnel, ce qui concrètement est la définition d'un véhicule de fonction, que d'autres salariés, comme Mme [T], dont les fonctions étaient identiques aux siennes, bénéficiaient de manière officielle d'un véhicule de fonction, que par ailleurs il était d'usage pour les salariés de la société d'utiliser les véhicules NRT à des fins personnelles, ce que l'employeur n'ignorait pas et qu'il considérait comme un avantage en nature sans pour autant le mentionner sur les bulletins de paie, qu'en réalité, après deux plans de sauvegarde successifs en 2011 et en 2013, ce sont des raisons de nature structurelle qui ont motivé son licenciement, l'employeur ayant procédé à une réorganisation de son schéma d'agences qui a conduit à la suppression de postes de city managers et à la création de nouveaux postes à moindres responsabilités. Il indique ainsi que quatre autre city managers, ayant acquis entre 15 et 27 années d'ancienneté, se sont vu licenciés pour insuffisance professionnelle au cours du dernier trimestre 2014.

Sur ce, il résulte des explications et des pièces fournies par la société Avis que le 26 août 2014, elle a procédé à un contrôle de l'utilisation par les city managers du district Ile-de-France/[Localité 23] des véhicules de services NRT (Non Revenue Ticket, c'est-à-dire contrats de location ne générant pas de revenus). Elle produit un échange de courriels du 26 août 2014 entre M. [H] [D], responsable ressources humaines Ile-de-France/[Localité 23], et M. [Y] [B], un extrait du fichier d'utilisation des véhicules NRT par M. [J] sur la période de janvier à août 2014 ainsi qu'un document intitulé 'Procédure de gestion des NRT' daté du 22 septembre 2011.

Sachant que seul ce contrôle a permis à la société d'avoir connaissance des griefs ici opposés au salarié, la prescription invoquée ne sera pas retenue.

Ce dernier document distingue, s'agissant des véhicules de type NRT, les véhicules dits de fonction, que les salariés qui en bénéficient, en tant qu'avantage en nature, sont autorisés à utiliser pendant et en dehors de ses heures de travail, et les véhicules dits de service, confiés par la société aux salariés pour les besoins de leur activité professionnelle. Il décline la procédure à respecter pour utiliser des véhicules de service NRT.

Outre cependant que l'employeur se limite à affirmer que ce document était accessible sur l'intranet de l'entreprise sans en rapporter la preuve, ni démontrer qu'il a été porté à la connaissance des salariés et en particulier de M. [J], ce dernier verse aux débats plusieurs courriels dont il résulte une pratique courante et tolérée de l'employeur consistant pour les salariés de l'entreprise, y compris de districts différents, à utiliser des véhicules de service NRT en dehors de leur temps de travail et à des fins personnelles, la cour observant que le salarié n'a jamais fait l'objet d'aucun rappel à l'ordre ni d'aucune sanction au cours des onze années précédant le licenciement, et ce alors que l'emprunt de véhicules NRT faisait l'objet d'un enregistrement sur le logiciel Wizard que ses supérieurs hiérarchiques pouvaient consulter à leur convenance.

M. [S] [U] atteste ainsi qu'un véhicule était mis à sa disposition en tant que chef de station et qu'il pouvait le garder après le travail, le week-end et pendant ses jours de congés, qu'en fonction de la disponibilité, il pouvait aussi bénéficier d'un véhicule de type familial voire monospace pour partir en vacances.

Comme le fait justement observer M. [J], il n'est en outre pas possible d'apprécier s'il a fait un usage abusif de ces véhicules dans la mesure où la société Avis se borne à communiquer des informations sur son utilisation des véhicules NRT, de surcroit sur une période limitée à quelques mois en 2014, sans produire aucun élément comparatif s'agissant de ses collègues.

Le salarié énonce, sans être contredit, qu'il pouvait être contraint de changer de véhicule pour les besoins d'une agence afin de rendre le véhicule disponible à la location, ce que confirme au demeurant M. [U] dans son attestation. Il indique également que son nom, en tant que city manager, était régulièrement enregistré pour autoriser des transferts entre les agences dont il avait la responsabilité et les agences en dehors de son secteur, ce qui explique que l'employeur ait pu relever que certains jours, il utilisait plusieurs véhicules NRT à la fois.

La cour observe enfin que la société Avis ne démontre pas le préjudice financier qu'elle invoque, ni n'en donne une estimation chiffrée.

Il se déduit de ces éléments l'absence de cause réelle et sérieuse motivant le licenciement de M. [J].

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il s'est limité à retenir l'absence de faute grave..

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse

- sur le rappel de salaire sur mise à pied

M. [J] est bien fondé à se voir allouer, par confirmation du jugement entrepris, un rappel de salaire sur mise à pied de 1 343,84 euros, outre congés payés afférents.

- sur l'indemnité compensatrice de préavis

M. [J] est en droit de prétendre, par confirmation du jugement entrepris, à une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de trois mois de salaire, pour un montant de 9 854,79 euros, outre congés payés afférents.

- sur l'indemnité conventionnelle de licenciement

Sur la base d'un salaire moyen de 3 684,19 euros à la date de la cessation du contrat de travail, l'indemnité légale de licenciement s'établit, par confirmation du jugement entrepris, à la somme de 9 080,83 euros.

- sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Au vu des pièces et des explications fournies, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à l'appelant, de son âge, de son ancienneté depuis le 11 août 2003, de sa perception d'allocations Pôle emploi dans les termes des pièces produites aux débats et des conséquences de la rupture à son égard, la société Avis sera condamnée à lui régler la somme de 40 000 euros à titre indemnitaire, par infirmation du jugement entrepris.

Il convient en outre d'ordonner le remboursement par la société aux organismes concernés des indemnités de chômage effectivement versées à M [J] dans la limite de deux mois conformément aux dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail.

Sur les conditions vexatoires de la rupture

M. [J] s'estime bien fondé à solliciter le versement de dommages-intérêts à hauteur de 20 000 euros au titre du préjudice moral résultant des circonstances brutales et vexatoires de la rupture des relations contractuelles, faisant valoir qu'il a été licencié sans ménagement pour faute grave, pour de fallacieux prétextes, après plus de onze années de bons et loyaux services, que la mise à pied conservatoire dont il a fait l'objet a participé à la brutalité de la rupture, qu'au surplus cette mesure a été prise alors qu'il avait été arrêté par son médecin traitant quelques semaines auparavant pour des symptômes anxiodépressifs engendrés par un stress professionnel.

Il ne démontre cependant pas l'existence d'un préjudice distinct de celui résultant de la perte d'emploi, qui a déjà fait l'objet d'une indemnisation.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de ce chef.

Sur les intérêts moratoires

Les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, soit en l'espèce le 6 février 2015, et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

Sur les dépens de l'instance et les frais irrépétibles

La société Avis supportera les dépens en application des dispositions de l'article'696 du code de procédure civile.

Elle sera en outre condamnée à payer à M. [J] une indemnité sur le fondement de l'article'700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, qui sont donc confirmés, et 2'000'euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement rendu le 23 juillet 2019 par le conseil de prud'hommes de Nanterre sauf en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [C] [J] reposait sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a débouté M. [C] [J] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT le licenciement notifié à M. [C] [J] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société Avis Location de Voitures à verser à M. [C] [J] la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

ORDONNE le remboursement par la société Avis Location de Voitures à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à la suite du licenciement de M. [C] [J] dans la limite de deux mois et dit qu'une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée par le greffe par lettre simple à la direction générale de Pôle emploi conformément aux dispositions de l'article R. 1235-2 du code du travail;

CONDAMNE la société Avis Location de Voitures à verser à M. [C] [J] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société Avis Location de Voitures de sa demande de ce chef ;

CONDAMNE la société Avis Location de Voitures aux dépens.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code procédure civile et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président, et par Madame BOUCHET-BERT Elodie,Greffière,auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 19/03175
Date de la décision : 16/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-16;19.03175 ?
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