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15/06/2022 | FRANCE | N°19/04744

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 15 juin 2022, 19/04744


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80B



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 15 JUIN 2022



N° RG 19/04744 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TUTX



AFFAIRE :



[W] [Y]





C/

SARL SERVIER FRANCE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Octobre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : 17/03003



Copies e

xécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SCP LBBA



la SELARL CAPSTAN LMS







le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUINZE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80B

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 JUIN 2022

N° RG 19/04744 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TUTX

AFFAIRE :

[W] [Y]

C/

SARL SERVIER FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Octobre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : 17/03003

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SCP LBBA

la SELARL CAPSTAN LMS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [W] [Y]

née le 16 Mars 1951 à [Localité 5] (ALGERIE)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Thomas HOLLANDE de la SCP LBBA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P469

APPELANTE

****************

SARL SERVIER FRANCE

N° SIRET : 402 23 2 1 69

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Sandrine LOSI de la SELARL CAPSTAN LMS, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0020

Représentant : Me Thomas SALOMÉ de la SELARL CAPSTAN LMS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0020

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 9 Novembre 2021, Madame Isabelle MONTAGNE, Président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Marie-Laure BOUBAS, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Monsieur Mame NDIAYE

FAITS ET PROCEDURE,

Filiale du groupe Servier qui exerce des activités de recherche et développement, de production chimique et pharmaceutique, de promotion et de commercialisation de médicaments, la société Servier France exerce une activité de promotion, principalement, de médicaments protégés par des brevets, dits princeps, et de délivrance d'informations médicales et scientifiques en France métropolitaine.

[W] [Y] a été engagée par la société Biopharma, désormais la société Servier France, suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er février 1985, en qualité de déléguée médicale, en référence aux dispositions de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique.

Elle exerçait des mandats de membre du comité d'entreprise titulaire et de déléguée syndicale au sein de la société Servier France.

Le 3 décembre 2015, la société Servier France a informé les salariés d'un projet de réorganisation afin de sauvegarder sa compétitivité et celle du groupe, impliquant la suppression de 615 emplois.

A l'issue des négociations, ont été signés entre la société Servier France et des organisations syndicales, le 28 janvier 2016 un accord de départs anticipés de salariés et le 31 mars 2016, un Plan de Sauvegarde de l'Emploi (Pse) comportant des mesures d'accompagnement des salariés.

Par lettre datée du 3 octobre 2016, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 18 octobre 2016.

Après consultation du comité d'entreprise sur ce projet de licenciement, la société Servier France a, par lettre datée du 18 novembre 2016, sollicité auprès de l'inspecteur du travail une autorisation de licenciement pour motif économique de la salariée. Par décision datée du 16 février 2017, celui-ci a accordé cette autorisation de licenciement.

Par lettre datée du 6 mars 2017, la société Servier France a notifié à la salariée son licenciement pour motif économique.

La salariée a adhéré au congé de reclassement économique.

En septembre 2017, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre. En dernier lieu, elle a demandé un sursis à statuer au titre des conséquences de l'annulation de l'autorisation de licenciement dans l'attente de la décision définitive de la juridiction administrative, des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et un rappel d'indemnité de congés payés.

Par jugement mis à disposition le 31 octobre 2019, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

- ordonné le sursis à statuer portant sur le licenciement pour motif économique et sur les recherches de reclassement dans l'attente de la décision du tribunal administratif de Cergy-Pontoise,

- dit qu'il appartiendra à la partie la plus diligente de communiquer au conseil de prud'hommes de Nanterre la copie de la décision du tribunal administratif de Cergy-Pontoise pour que l'affaire soit réinscrite au rôle,

- débouté la salariée de toutes ses demandes,

- débouté la société de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la salariée aux dépens.

Le 17 décembre 2019, la salariée a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 22 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la salariée demande à la cour d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a sursis à statuer sur une partie des demandes, et, statuant à nouveau, de condamner la société Servier France à lui verser les sommes suivantes :

* 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale,

* 4 152,68 euros bruts à titre de rappel de salaire à titre d'indemnités de congés payés,

avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et aux dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 25 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société Servier France demande à la cour de débouter la salariée de ses demandes et de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de condamner celle-ci au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

MOTIFS

Après avoir constaté l'accord des parties à l'audience, la cour a ordonné la clôture de la procédure.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

La salariée soutient que la société a manqué à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail en n'accompagnant pas les salariés notamment sur un plan psychologique à la suite du scandale du médicament Médiator ayant entraîné la mort de plus de mille patients, en annonçant de façon brutale et inique la suppression de la visite médicale en ville après avoir fait croire à la pérennité de l'emploi des visiteurs médicaux et en ne mettant pas en place une politique de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ce qui a entravé les possibilités de reconversion des salariés.

La société réplique qu'elle n'a pas manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail des salariés ; qu'elle a déployé un accompagnement spécifique, prévoyant notamment l'assistance d'un cabinet spécialisé dans la prévention des risques psycho-sociaux, présenté aux salariés le 15 mars 2011 ; que la situation du groupe et de la société a évolué depuis les précédentes réorganisations de la société en 2011 et 2014 ; qu'elle a développé un plan de formation ambitieux pour les salariés, mesures qui ont été reprises et amplifiées dans le cadre du Pse, prévoyant des actions de formations, d'adaptation ou de reconversion dont la salariée a bénéficié.

L'article L. 1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

La société justifie avoir mis en oeuvre des mesures d'accompagnement des salariés à la suite de la découverte du scandale du Médiator, passant par la mise en oeuvre d'un espace d'écoute et d'expression pour les salariés par le cabinet Alter Ego, la mise en place d'un site intranet 'infomédiator' dédié et avoir informé les salariés de leur possibilité d'échanger avec leur supérieur hiérarchique et leurs responsables Rh, l'assistante sociale, le service de santé au travail ou les représentants du personnel, ainsi qu'avoir veillé à la formation des salariés, ce qui résulte du bilan de la formation professionnelle 2014-2015 transmis à l'expert-comptable du comité d'entreprise de la société faisant ressortir que les salariés de la société ont suivi plus de 800 formations entre le 1er octobre 2004 et le 31 mars 2015 et plus de 350 entre le 1er avril et le 1er octobre 2015, et du procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 13 janvier 2016 faisant ressortir que dix projets de validation des acquis et de l'expérience ont été initiés par des salariés de la société.

En outre, l'évolution de la situation économique du groupe et de la société depuis les derniers plans de réorganisation en 2011 et 2014, qui a conduit à la modifiation des orientations stratégiques et la mise en oeuvre de la réorganisation en cause n'établit pas la déloyauté alléguée, le caractère 'brutal' et 'inique' de cette réorganisation ressortant de l'appréciation de la salariée, qui n'est étayée par aucun élément concret et précis.

Alors qu'il incombe à la salariée qui l'invoque de rapporter la preuve que la société a exécuté de manière déloyale le contrat de travail, force est de constater que cette preuve n'est pas rapportée.

Enfin, la salariée ne justifie pas d'un préjudice causé par les manquements allégués de l'employeur à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail.

Celle-ci sera par conséquent déboutée de sa demande de ce chef et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le rappel de salaire à titre d'indemnités de congés payés

Faisant valoir que la société aurait dû inclure la prime bimestrielle dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés, la salariée demande un rappel de salaire calculé sur la base du dixième de la rémunération variable versée au cours des trois années précédant la rupture du contrat de travail.

La société réplique que la demande n'est pas fondée au motif que la prime bimestrielle ne rétribue pas un travail individuel du salarié et n'est pas affectée par la prise des congés ; qu'elle est par conséquent exclue de l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés.

Au-delà du salaire de base, les primes, commissions et rémunérations variables sont incluses dans l'assiette de calcul du salaire de référence annuel pris en compte pour la détermination de l'indemnité de congés payés dès lors que d'une part, leur versement est lié à l'activité personnelle du salarié et que d'autre part, elles sont susceptibles d'être affectées par le départ du salarié en congé.

Il ressort du document intitulé 'systèmes de primes 2015-2016" produit par la société en cause d'appel que les primes bimestrielles sont calculées selon les volumes de ventes dépendant de prescriptions médicales, du seul ressort des médecins, que les résultats sont appréciés au niveau d'un secteur géographique couvert par plusieurs délégués médicaux et que les ventes de médicaments dans les pharmacies ne sont pas impactées par les absences des délégués médicaux, ce dont il s'ensuit que la société démontre que le versement de ces primes n'est pas lié à l'activité personnelle du salarié et que ces primes ne sont pas affectées par le départ du salarié en congé.

C'est par conséquent à bon droit que la société n'a pas inclus les primes bimestrielles dans l'assiette de calcul du salaire de référence annuel pris en compte pour la détermination de l'indemnité de congés payés.

La salariée sera déboutée de sa demande de ce chef et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ce qu'il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

La salariée sera condamnée aux dépens exposés en appel et à payer à la société la somme de 100 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Après clôture de la procédure, la cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition des parties au greffe,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE [W] [Y] à payer à la société Servier France la somme de 100 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE [W] [Y] aux dépens d'appel,

Prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Anne-Sophie CALLÈDE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 19/04744
Date de la décision : 15/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-15;19.04744 ?
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