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15/06/2022 | FRANCE | N°19/04703

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 15 juin 2022, 19/04703


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80B



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 15 JUIN 2022



N° RG 19/04703 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TUPN



AFFAIRE :



[Y] [D]





C/

SARL SERVIER FRANCE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Octobre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : 17/02776



Copies e

xécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SCP LBBA



la SELARL CAPSTAN LMS







le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUINZE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80B

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 JUIN 2022

N° RG 19/04703 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TUPN

AFFAIRE :

[Y] [D]

C/

SARL SERVIER FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Octobre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : 17/02776

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SCP LBBA

la SELARL CAPSTAN LMS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [Y] [D]

née le 30 Octobre 1961 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentant : Me Thomas HOLLANDE de la SCP LBBA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P469

APPELANTE

****************

SARL SERVIER FRANCE

N° SIRET : 402 23 2 1 69

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Sandrine LOSI de la SELARL CAPSTAN LMS, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0020

Représentant : Me Thomas SALOMÉ de la SELARL CAPSTAN LMS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0020

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 9 Novembre 2021, Madame Isabelle MONTAGNE, Président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Marie-Laure BOUBAS, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Monsieur Mame NDIAYE

FAITS ET PROCEDURE,

Filiale du groupe Servier qui exerce des activités de recherche et développement, de production chimique et pharmaceutique, de promotion et de commercialisation de médicaments, la société Servier France exerce une activité de promotion, principalement, de médicaments protégés par des brevets, dits princeps, et de délivrance d'informations médicales et scientifiques en France métropolitaine.

[Y] [D] a été engagée par la société Therval Médical, désormais la société Servier France, suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er avril 1997 en qualité d'attachée à l'information.

En dernier lieu, la salariée occupait le poste de déléguée médicale, en référence aux dispositions de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique.

Le 3 décembre 2015, la société Servier France a informé les salariés d'un projet de réorganisation afin de sauvegarder sa compétitivité et celle du groupe, impliquant la suppression de 615 emplois.

A l'issue des négociations, ont été signés entre la société Servier France et des organisations syndicales, le 28 janvier 2016 un accord de départs anticipés de salariés prévoyant notamment un dispositif de Cessation Anticipée d'Activité (Caa) au bénéfice de salariés notamment âgés d'au moins 55 ans visés par la réorganisation, et le 31 mars 2016, un Plan de Sauvegarde de l'Emploi (Pse) comportant des mesures d'accompagnement des salariés.

Le 26 septembre 2016, la salariée a adhéré au dispositif de Caa.

En septembre 2017, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin d'obtenir la condamnation de la société Servier France à lui payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la perte injustifiée de son emploi et pour exécution déloyale du contrat de travail, ainsi qu'un rappel de salaire à titre d'indemnités de congés payés.

Par jugement mis à disposition le 31 octobre 2019, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

- jugé les demandes fondées sur la remise en cause du motif économique ayant présidé à la suppression du poste ainsi que des recherches de reclassement, irrecevables du fait de l'adhésion de la salariée au dispositif de Caa,

- débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Servier France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la salariée aux dépens.

Le 16 décembre 2019, la salariée a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 22 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la salariée demande à la cour d'infirmer le jugement, de :

- juger ses demandes recevables,

- condamner la société Servier France à lui verser les sommes suivantes :

* 135 606,79 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la perte injustifiée de son emploi,

* 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 3 178,43 euros bruts à titre de rappel de salaire à titre d'indemnités de congés payés,

avec intérêts légaux à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 27 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société Servier France demande à la cour de débouter la salariée de ses demandes et de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de condamner celle-ci au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

MOTIFS

Après avoir constaté l'accord des parties à l'audience, la cour a ordonné la clôture de la procédure.

Sur la recevabilité de la contestation de la cause économique de la perte d'emploi en cas d'adhésion à un dispositif de cessation anticipée d'activité (Caa)

La salariée soutient que sa contestation du motif économique de la rupture est recevable dans la mesure où son adhésion au dispositif de Caa prévu par le Pse ne relevait pas d'un véritable volontariat et doit s'analyser comme un départ contraint ; que de plus, elle est recevable à contester le non-respect de l'obligation de reclassement dans la mesure où le dispositif de Caa cohabitant avec les licenciements contraints, la société était tenue de rechercher un reclassement préalablement à son adhésion au dispositif de Caa.

La société réplique que la salariée qui a adhéré au dispositif de Caa, n'est pas recevable à se prévaloir des dispositions légales et jurisprudentielles relatives au licenciement pour motif économique, à contester le motif économique ayant mené à la suppression de son poste et à critiquer les recherches de reclassement menées préalablement à son adhésion irrévocable au dispositif de Caa, étant rappelé que celle-ci a reçu des propositions de reclassement ; que le jugement doit par conséquent être confirmé sur ce point.

L'accord signé le 31 mars 2016 relatif au plan de sauvegarde de l'emploi accompagnant le projet de réorganisation de la société Servier France prévoit la mise en oeuvre d'un dispositif de cessation anticipée d'activité ouvert aux salariés volontaires pour quitter l'entreprise :

- non éligibles à une retraite à taux plein au 1er octobre 2016,

- justifiant, au terme de la durée du dispositif, qui ne pourra être supérieure à sept ans, soit de pouvoir liquider leur retraite à taux plein, soit, à défaut, d'avoir atteint l'âge légal d'ouverture des droits à la retraite du régime général de la sécurité sociale,

dont le licenciement pour motif économique est envisagé ou qui, par leur départ, peuvent permettre d'éviter le licenciement économique d'un autre salarié, étant précisé que le salarié concerné s'engage alors à liquider l'ensemble de ses droits à retraite dès l'obtention de ses droits à bénéficier de la retraite du régime général ou, à défaut, au terme de la durée du dispositif de sept ans.

Le salarié ayant adhéré au dispositif bénéficie de la phase préalable de reclassement interne prévue au Pse et signe un avenant au contrat de travail, qui est suspendu pendant la durée du dispositif, prévoyant le principe d'une dispense d'activité et le versement d'une allocation correspondant à 70 % de la rémunération brute de référence, dont le montant ne peut être inférieur à 2 500 euros bruts mensuels, ni supérieur à 12 000 euros bruts mensuels. A la sortie du dispositif, le salarié percevra une indemnité de départ volontaire à la retraite correspondant à l'indemnité conventionnelle de licenciement calculée selon les modalités et plafonds prévus par la convention collective applicable.

Lorsque la rupture d'un contrat de travail pour motif économique résulte d'un accord de rupture amiable conforme aux prévisions d'un accord collectif soumis aux représentants du personnel et intégré dans un plan de sauvegarde de l'emploi, la cause de la rupture ne peut être contestée, sauf fraude ou vice du consentement.

Force est de constater que la salariée, dont le poste était concerné par le projet de réorganisation mis en place, a manifesté son intention d'adhérer au dispositif de Caa, que la société lui a proposé des postes de repositionnement et de reclassement interne conformément aux dispositions de l'accord du 31 mars 2016, propositions auxquelles celle-ci n'a pas donné suite, et que les parties ont signé un avenant au contrat de travail le 26 septembre 2016 aux termes duquel la salariée est entrée dans le dispositif de Caa à compter du 30 octobre 2016, ce qui a entraîné la suspension du contrat de travail jusqu'à la liquidation des droits à retraite du régime général de la sécurité sociale à taux plein, et au plus tard jusqu'au 29 octobre 2023, la salariée s'engageant à entamer toutes les démarches utiles pour faire liquider ses droits à la retraite à la date prévisible de ses droits à retraite de base à taux plein et les liens contractuels se trouvant alors rompus à cette date par le départ à la retraite.

La salariée fait valoir que son adhésion au dispositif de Caa doit s'analyser comme un départ contraint dans la mesure où son poste était supprimé, de sorte que si elle n'avait pas adhéré à ce dispositif, elle aurait été licenciée pour motif économique.

Toutefois, celle-ci ne démontre par aucun élément l'existence d'un vice du consentement à son adhésion au dispositif de Caa et n'invoque pas de fraude.

Il en résulte que celle-ci n'est pas recevable à contester le motif économique ayant présidé à la suppression de son poste, pas plus que les recherches de reclassement menées par la société avant son adhésion au dispositif de Caa. Le jugement sera confirmé sur ces points.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

La salariée soutient que la société a manqué à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail en n'accompagnant pas les salariés notamment sur un plan psychologique à la suite du scandale du médicament Médiator ayant entraîné la mort de plus de mille patients, en annonçant de façon brutale et inique la suppression de la visite médicale en ville après avoir fait croire à la pérennité de l'emploi des visiteurs médicaux et en ne mettant pas en place une politique de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ce qui a entravé les possibilités de reconversion des salariés.

La société réplique qu'elle n'a pas manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail des salariés ; qu'elle a déployé un accompagnement spécifique, prévoyant notamment l'assistance d'un cabinet spécialisé dans la prévention des risques psycho-sociaux, présenté aux salariés le 15 mars 2011 ; que la situation du groupe et de la société a évolué depuis les précédentes réorganisations de la société en 2011 et 2014 ; qu'elle a développé un plan de formation ambitieux pour les salariés, mesures qui ont été reprises et amplifiées dans le cadre du Pse, prévoyant des actions de formations, d'adaptation ou de reconversion.

L'article L. 1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

La société justifie avoir mis en oeuvre des mesures d'accompagnement des salariés à la suite de la découverte du scandale du Médiator, passant par la mise en place d'un espace d'écoute et d'expression pour les salariés par le cabinet Alter Ego, et d'un site intranet 'infomédiator' dédié, et avoir informé les salariés de leur possibilité d'échanger avec leur supérieur hiérarchique et leurs responsables Rh, l'assistante sociale, le service de santé au travail ou les représentants du personnel, ainsi qu'avoir veillé à la formation des salariés, ce qui résulte du bilan de la formation professionnelle 2014-2015 transmis à l'expert-comptable du comité d'entreprise de la société relevant que les salariés de la société ont suivi plus de 800 formations entre le 1er octobre 2014 et le 31 mars 2015 et plus de 350 entre le 1er avril et le 1er octobre 2015, et du procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 13 janvier 2016 faisant ressortir que dix projets de validation des acquis et de l'expérience ont été initiés par des salariés de la société.

L'évolution de la situation économique du groupe et de la société depuis les derniers plans de réorganisation en 2011 et 2014, qui a conduit à la modification des orientations stratégiques et la mise en oeuvre de la réorganisation en cause, n'établit pas la déloyauté alléguée, le caractère 'brutal' et 'inique' de cette réorganisation ressortant d'une appréciation de la salariée qui n'est étayée par aucun élément concret et précis.

Alors qu'il incombe à la salariée qui l'invoque de rapporter la preuve que la société a exécuté de manière déloyale le contrat de travail, force est de constater que cette preuve n'est pas rapportée.

En tout état de cause, la salariée ne justifie pas d'un préjudice causé par les manquements allégués de l'employeur à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail.

Celle-ci sera par conséquent déboutée de sa demande de ce chef et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le rappel de salaire à titre d'indemnités de congés payés

Faisant valoir que la société aurait dû inclure la prime bimestrielle dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés, la salariée demande un rappel de salaire calculé sur la base du dixième de la rémunération variable versée au cours des trois années précédant la rupture du contrat de travail.

La société réplique que la demande n'est pas fondée au motif que la prime bimestrielle ne rétribue pas un travail individuel du salarié et n'est pas affectée par la prise des congés ; qu'elle est par conséquent exclue de l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés.

Au-delà du salaire de base, les primes, commissions et rémunérations variables sont incluses dans l'assiette de calcul du salaire de référence annuel pris en compte pour la détermination de l'indemnité de congés payés dès lors que d'une part, leur versement est lié à l'activité personnelle du salarié et que d'autre part, elles sont susceptibles d'être affectées par le départ du salarié en congé.

Il ressort du document intitulé 'systèmes de primes 2015-2016" produit par la société en cause d'appel que les primes bimestrielles sont calculées selon les volumes de ventes dépendant de prescriptions médicales, du seul ressort des médecins, que les résultats sont appréciés au niveau d'un secteur géographique couvert par plusieurs délégués médicaux et que les ventes de médicaments dans les pharmacies ne sont pas impactées par les absences des délégués médicaux, ce dont il s'ensuit que la société démontre que le versement de ces primes n'est pas lié à l'activité personnelle du salarié et que ces primes ne sont pas affectées par le départ du salarié en congé.

C'est par conséquent à bon droit que la société n'a pas inclus les primes bimestrielles dans l'assiette de calcul du salaire de référence annuel pris en compte pour la détermination de l'indemnité de congés payés.

La salariée sera déboutée de sa demande de ce chef et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ce qu'il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

La salariée sera condamnée aux dépens exposés en appel et à payer à la société la somme de 100 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Après clôture de la procédure, la cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition des parties au greffe,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE [Y] [D] à payer à la société Servier France la somme de 100 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE [Y] [D] aux dépens d'appel,

Prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Anne-Sophie CALLÈDE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 19/04703
Date de la décision : 15/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-15;19.04703 ?
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