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08/06/2022 | FRANCE | N°20/01644

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 08 juin 2022, 20/01644


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 08 JUIN 2022



N° RG 20/01644 - N° Portalis DBV3-V-B7E-T7GD



AFFAIRE :



[J] [C]





C/

SAS NICOLLIN











Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Juillet 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section : Commerce

N° RG :

F17/00971



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Nathalie PRUNET LE BELLEGO



la SELARL BVK AVOCATS ASSOCIES







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La co...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 JUIN 2022

N° RG 20/01644 - N° Portalis DBV3-V-B7E-T7GD

AFFAIRE :

[J] [C]

C/

SAS NICOLLIN

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Juillet 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section : Commerce

N° RG : F17/00971

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Nathalie PRUNET LE BELLEGO

la SELARL BVK AVOCATS ASSOCIES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [J] [C]

né le 03 Mars 1954 à [Localité 5] (GUINEE-BISSAO)

de nationalité bissao-guinéenne

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Nathalie PRUNET LE BELLEGO, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 272

APPELANT

****************

SAS NICOLLIN

N° SIRET : 775 644 149

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Michèle DE KERCKHOVE de la SELARL BVK AVOCATS ASSOCIES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.26

Représentant : Me Pascal ADDE de la SCP GRAPPIN - ADDE - SOUBRA, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

substitué à l'audience par Me Thelma PROVOST, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Avril 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Anne-Sophie CALLEDE,

M. [J] [C] a été embauché par la société Nicollin SAS, entre le 1er septembre 1998 et le 12 juillet 2000, en qualité de ripeur par plusieurs contrats de travail à durée déterminée entrecoupés de périodes intercalaires.

À compter du 1er novembre 2000, M. [C] a été embauché par la société Nicollin SAS selon contrat de travail à durée indéterminée pour le même emploi.

Il a occupé en dernier lieu les fonctions d'équipier de collecte.

Le 4 juillet 2016, M. [C] a été victime d'un accident du travail au niveau costal lors d'opérations de collecte des déchets à raison du basculement d'un container à ordures à partir de la trémie du camion de ramassage.

M. [C] a été placé en arrêt de travail pour ce motif jusqu'au 19 juillet 2017.

Le 23 août 2017, il a été victime d'une rechute d'accident du travail et a été placé en arrêt de travail pour ce motif jusqu'au 20 septembre suivant.

À l'issue d'une visite de reprise du 21 septembre 2017, le médecin du travail a déclaré M. [C] inapte à son poste en précisant que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Par lettre du 12 octobre 2017, la société Nicollin SAS a notifié à M. [C] son licenciement pour inaptitude physique d'origine professionnelle et impossibilité de reclassement.

Le 4 décembre 2017, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles pour notamment contester le bien-fondé de son licenciement, demander la requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, la fixation d'une ancienneté au 3 août 1998 ainsi que la condamnation de la société Nicollin SAS à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité de requalification en contrat de travail à durée indéterminée et un rappel d'indemnité spéciale de licenciement.

Par un jugement du 16 février 2020, le conseil de prud'hommes (section commerce) a :

- dit que le licenciement de M. [C] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

- fixé l'ancienneté de M. [C] au 3 août 1998 ;

- condamné la société Nicollin SAS à payer à M. [C] les sommes suivantes :

* 1 601,78 euros à titre de rappel d'indemnité spéciale de licenciement ;

* 2 078,09 euros à titre d'indemnité de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté M. [C] du surplus de ses demandes ;

- dit que les sommes allouées porteront intérêts légaux à compter de 15 jours après la notification du jugement ;

- condamné la société Nicollin SAS aux dépens.

Le 24 juillet 2020, M. [C] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions du 16 octobre 2020, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, M. [C] demande à la cour de :

- confirmer le jugement attaqué sur l'ancienneté et les condamnations prononcées à son profit ;

- infirmer le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau, dire son licenciement dépourvu de cause et sérieuse et condamner la société Nicollin SAS à lui payer les sommes suivantes :

* 31 171, 35 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure.

Aux termes de ses conclusions du 10 août 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société Nicollin SAS demande à la cour de confirmer le jugement sur le licenciement et le débouté des demandes de M. [C], de l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau de :

- déclarer irrecevable la demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et la demande d'indemnité de requalification et à titre subsidiaire ordonner la requalification à compter du 18 avril 2000 ;

- débouter M. [C] de sa demande relative à la fixation d'une ancienneté, fixer l'ancienneté au 1er novembre 2000 ou subsidiairement au 26 juin 2000 ou plus subsidiairement au 18 avril 2000 ;

- débouter M. [C] de ses demandes ;

- condamner M. [C] à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure.

Par un arrêt du 28 janvier 2021, la cour d'appel de céans (cinquième chambre) a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Versailles du 23 septembre 2019 déboutant M. [C] de sa demande de reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur au titre de l'accident du travail du 4 juillet 2016.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 13 avril 2022.

SUR CE :

Sur la prescription de l'action en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et l'indemnité de requalification afférente :

Considérant que, selon le II de l'article 26 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, les dispositions de cette loi qui réduisent le délai de la prescription de trente ans à cinq ans s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ;

Qu'en l'espèce, M. [C], qui soutient à tort que le point de départ de la prescription est la rupture du contrat à durée indéterminée, a connu le 12 juillet 2000, au terme du dernier de ses contrats à durée déterminée, l'irrégularité qu'il invoque, tirée de ce que ces contrats étaient destinés à pourvoir un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, étant précisé qu'il n'établit pas l'existence de contrats à durée déterminée au-delà de cette date ; qu'ayant saisi le conseil de prud'hommes le 4 décembre 2017, son action en requalification, qui courait jusqu'au 19 juin 2013 par application des dispositions mentionnées ci-dessus, est donc prescrite ; qu'il y a ainsi lieu de déclarer irrecevables les demandes du salarié formées au titre de la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et de l'indemnité subséquente ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences :

Considérant que M. [C] soutient, au visa notamment des articles L. 4541-4 du code du travail et R. 4541-1 et suivants du même code relatifs à la manutention manuelle de charges, que son licenciement pour inaptitude physique consécutive à l'accident du travail du 4 juillet 2016 est dépourvu de cause réelle et sérieuse aux motifs que cette inaptitude résulte d'un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité, ce dernier ne lui ayant pas donné d'autre solution, à la suite du blocage du bouton permettant de manoeuvrer mécaniquement le container à ordures en cause pesant plus de 100 kg, que de descendre seul et manuellement ce container ; qu'il ajoute qu'il lit très mal le français et que la mention lu et approuvé sur la notification du livret d'accueil et de formation à la sécurité n'est pas de sa main ; qu'il fait valoir également qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve du caractère étranger de l'accident à tout manquement à l'obligation de sécurité ; qu'il réclame en conséquence l'allocation d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Considérant que la société Nicollin SAS conclut au débouté en faisant valoir notamment qu'elle a rempli son obligation de sécurité en donnant au salarié les consignes de sécurité et les moyens nécessaires pour réagir face au blocage du container et que l'accident du travail résulte d'un non-respect de M. [C] des règles de sécurité ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail dans sa version applicable au litige : ' L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs .

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes';

Considérant que l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité envers ses salariés en application de l'article L. 4121-1 du code du travail qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer de manière effective la sécurité et protéger la santé des travailleurs ; que ne méconnaît cependant pas son obligation légale l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;

Qu'est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée ;

Qu'en l'espèce, il ressort des débats et des pièces versées, et notamment de l'enquête interne menée par la société Nicollin SAS après l'accident du travail de M. [C], qui a été signée par ce dernier à partir de ses propres déclarations, qu'à la suite du blocage du mécanisme de levage du container à ordures en cause, M. [C] a tiré manuellement le container qui se trouvait dans la trémie du camion de ramassage et que cet objet a alors chuté sur ses côtes ;

Que ce geste de récupération d'objet dans la trémie était pourtant proscrit par le livret de sécurité établi par l'entreprise dont il a eu connaissance ainsi que le montre la notification de ce document qui a été signée par M. [C] en février 2012, laquelle précise de surcroît qu'il lui en a été fait lecture préalable ;

Que ce livret interdit également, et en tout état de cause, aux équipiers de collecte de tirer des containers et oblige ces derniers à prendre les charges lourdes à deux et en cas de problème, à utiliser le dispositif d'arrêts d'urgence et à prévenir le conducteur du camion, règles de sécurité mises en place par l'employeur que M. [C] n'a pas non plus respectées ;

Qu'il résulte de ce qui précède que l'employeur justifie ainsi avoir pris toutes les mesures de sécurité prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;

Qu'aucun manquement à l'obligation de sécurité à l'origine de l'inaptitude n'est donc établi ;

Que le licenciement est donc fondé sur une cause réelle et sérieuse, ce qui conduit à débouter M. [C] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le jugement attaqué sera confirmé sur ce point ;

Sur la fixation de l'ancienneté au 3 août 1998 et le rappel d'indemnité spéciale de licenciement :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1243-11 du code du travail : 'Lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit après l'échéance du terme du contrat à durée déterminée, celui-ci devient un contrat à durée indéterminée./ Le salarié conserve l'ancienneté qu'il avait acquise au terme du contrat de travail à durée déterminée' ;

Qu'en l'espèce, M. [C] ne verse pas aux débats de contrat à durée déterminée conclu à partir du 3 août 2008, la fiche d'inaptitude établie par le médecin du travail mentionnant cette ancienneté étant insuffisante à établir l'existence d'un tel contrat ; que de plus, il est constant que les contrats à durée indéterminée conclus entre les parties ont été entrecoupés de périodes intercalaires ; qu'en outre, M. [C] n'établit pas que le dernier contrat à durée déterminée a été immédiatement poursuivi par le contrat à durée indéterminée ;

Qu'il y a donc lieu de débouter M. [C] de sa demande de fixation de l'ancienneté au 3 août 1998;

Qu'il ne pourra qu'être fait droit à la fixation de l'ancienneté au 26 juin 2000, ainsi que mentionné sur les bulletins de salaire, comme le reconnaît l'employeur ;

Que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Que cette reprise d'ancienneté de quelques mois n'a toutefois pas d'incidence sur le rappel d'indemnité spéciale de licenciement selon la formule de calcul présentée par M. [C], laquelle est établie sur la base d'années complètes ; qu'il convient donc de débouter M. [C] de cette demande ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il statue sur ces deux points ; que M. [C], qui succombe majoritairement, sera condamné à payer à la société Nicollin SAS une somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement attaqué, sauf en ce qu'il statue sur l'ancienneté de M. [J] [C], le rappel d'indemnité spéciale de licenciement, l'indemnité de requalification de contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, les intérêts légaux,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare irrecevables les demandes de requalification de contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et d'indemnité de requalification,

Dit que l'ancienneté de M. [J] [C] au sein de la société Nicollin SAS remonte au 26 juin 2000,

Déboute M. [J] [C] du surplus de ses demandes,

Condamne M. [J] [C] à payer à la société Nicollin SAS une somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,

Condamne M. [J] [C] aux dépens de première instance et d'appel,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Anne-Sophie CALLEDE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 20/01644
Date de la décision : 08/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-08;20.01644 ?
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