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08/06/2022 | FRANCE | N°20/01337

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 08 juin 2022, 20/01337


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 08 JUIN 2022



N° RG 20/01337 - N° Portalis DBV3-V-B7E-T5OV



AFFAIRE :



[B] [W]





C/

S.A. SAP FRANCE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Mars 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : Encadrement

N° RG : 18/

00105



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la AARPI DE BUSSY GIANCARLI



Me Caroline LUCHE-ROCCHIA







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'ap...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 JUIN 2022

N° RG 20/01337 - N° Portalis DBV3-V-B7E-T5OV

AFFAIRE :

[B] [W]

C/

S.A. SAP FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Mars 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : Encadrement

N° RG : 18/00105

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la AARPI DE BUSSY GIANCARLI

Me Caroline LUCHE-ROCCHIA

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [B] [W]

né le 10 Novembre 1967 à [Localité 5] ([Localité 5])

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Claire DE BUSSY de l'AARPI DE BUSSY GIANCARLI, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0384

APPELANT

****************

S.A. SAP FRANCE

N° SIRET : 379 821 994

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Caroline LUCHE-ROCCHIA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : P0014 substitué à l'audience par Me Cécile DIDOLOT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Avril 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Monsieur [B] BABY, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Anne-Sophie CALLEDE,

M. [B] [W] a été embauché à compter du 28 février 2012 selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité de 'vice président LOB Ventes Cluster Continental Europe' (statut de cadre, position 3.3, coefficient 270) par la société SAP France.

La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils, sociétés de conseils dite Syntec.

A compter de 2013, M. [W] a porté le titre de 'General Manager Consumer Industries, EMEA' et a été placé sous l'autorité d'un 'General Manager Industries EMEA'.

Par lettre du 27 mars 2017, la société SAP France a proposé à M. [W] un poste de directeur des ventes, qu'il a refusé.

En juillet 2017, une réorganisation interne de la société SAP France a été mise en place.

Par lettre du 5 janvier 2018, M. [W] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société SAP France, en invoquant notamment une réduction de ses responsabilités et une rétrogradation hiérarchique.

Le 17 janvier 2018, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre pour demander la requalification de sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de la société SAP France à lui payer notamment des indemnités de rupture, des dommages-intérêts pour préjudice moral et pour perte d'un plan d'attribution d'actions ainsi qu'un complément d'indemnité compensatrice de congés payés.

Par jugement du 6 mars 2020, le juge départiteur a :

- dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail formée par M. [W] s'analyse en une démission ;

- fixé la moyenne mensuelle brute des salaires à la somme de 42 696,68 euros ;

- condamné la société SAP France à payer à M. [W] une somme de 20 572,05 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de congés payés, avec intérêts au taux légal à compter du 9 février 2018 ;

- ordonné la capitalisation des intérêts échus ;

- ordonné à la société SAP France de remettre à M. [W] un bulletin de salaire et une attestation pour Pôle emploi rectifiée, dans le mois de la notification de la décision, sans astreinte ;

- condamné M. [W] à payer à la société SAP France une somme de 49 188,99 euros au titre du préavis non effectué ;

- ordonné la compensation entre les sommes auxquelles les parties sont condamnées ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- laissé à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles ;

- condamné M. [W] aux dépens.

Le 3 juillet 2020, M. [W] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions du 1er avril 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, M. [W] demande à la cour de :

- dire que sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail du 5 janvier 2018 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société SAP France à lui payer les sommes suivantes :

* 128 478,42 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 12 847,78 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts de droit depuis la saisine du conseil de prud'hommes et capitalisation ;

* 87 227,48 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, avec intérêts de droit depuis la saisine du conseil de prud'hommes et capitalisation ;

* 300 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause et sérieuse ;

* 128 478,42 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

* 60 365,13 euros à titre de dommages-intérêts pour perte du plan d'attribution d'actions, avec intérêts légaux depuis la saisine du conseil de prud'hommes et capitalisation (ou subsidiairement une somme de 84 260 euros à ce titre pour tenir compte de l'évolution du cours de l'action SAP) ;

- confirmer le jugement en ce qu'il lui a alloué une somme de 20 572,05 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de congés payés et y ajouter une somme de 24 208,20 euros, avec intérêts de retard depuis la saisine du conseil de prud'hommes et capitalisation ;

- débouter la société SAP France de ses demandes ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à payer une somme de 49 188,99 euros à titre d'indemnité de préavis ;

- ordonner à la société SAP France de lui remettre des bulletins de salaire et une attestation pour Pôle emploi rectifiée conformes au présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par document et par jour à compter de la signification ;

- condamner la société SAP France à lui payer une somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions du 4 janvier 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société SAP France demande à la cour de :

- confirmer le jugement attaqué sur la requalification de la prise d'acte en démission, le débouté des demandes de M. [W] et la condamnation de ce dernier à lui payer une indemnité pour le préavis non effectué ;

- infirmer le jugement sur la condamnation à payer un complément d'indemnité compensatrice de congés payés et la compensation entre les sommes et par conséquent débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes ;

- à titre subsidiaire, limiter le montant de l'indemnité compensatrice de congés payés à la somme de 19 056,36 euros ;

- condamner M. [W] à lui payer une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 5 avril 2022.

SUR CE :

Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur et ses conséquences :

Considérant qu'au soutien de sa demande de requalification de sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [W] impute à la société SAP France les manquements suivants :

- un appauvrissement de ses fonctions et responsabilités à raison de sa rétrogradation du poste de directeur général pour les industries de consommation de la zone EMEA (c'est à dire Europe, Moyen-Orient et Afrique) dans un poste de simple directeur des ventes pour la seule région Europe du Nord avec réduction du nombre de collaborateurs ;

- une baisse subséquente de rémunération variable ;

Qu'il réclame en conséquence l'allocation d'indemnités de rupture, d'une indemnité pour licenciement sans cause et sérieuse et de dommages-intérêts pour perte d'un plan d'attribution d'actions ;

Considérant que la société SAP France conclut au débouté et demande l'allocation de dommages-intérêts pour le préavis non effectué ;

Considérant que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements invoqués sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; que la charge de la preuve des faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur à l'appui de sa prise d'acte pèse sur le salarié ;

Qu'en l'espèce, s'agissant du premier grief, il ressort des débats et des pièces versées, et notamment des organigrammes de la société SAP France avant et après la réorganisation du 1er juillet 2017, que la zone EMEA à laquelle M. [W] était affecté a été divisée en deux parties et qu'il a été affecté à la zone de l'Europe du Nord, sans que M. [W] ne produise d'autres éléments sur les tâches qui lui ont été alors allouées en tant que directeur des ventes permettant de conclure à un appauvrissement de ses fonctions et à une perte de responsabilité ; que par ailleurs, aucun élément ne vient démontrer que le titre de directeur général qu'il a porté à compter de 2013, qui ne figurait ni dans son contrat de travail ni sur les bulletins de salaire, lesquels ont toujours mentionné l'emploi de 'vice président LOB Ventes Cluster Continental Europe', correspondait effectivement à un quelconque niveau de responsabilité au sein de l'entreprise et que la suppression de ce titre a effectivement diminué ses responsabilités ; qu'en outre, il y a lieu de rappeler que l'ajout d'un échelon hiérarchique intermédiaire entre le directeur pour la zone EMEA et lui-même ne constitue pas à elle-seule une modification du contrat de travail ; qu'enfin, M. [W] ne démontre pas une perte de responsabilités en matière d'encadrement de collaborateurs, aucun élément précis sur le nombre de subordonnés avant et après la réorganisation n'étant fourni et sa qualité de 'manager de managers' ressortant seulement d'un tableau Excel réalisé par son ancien supérieur à son propre usage sans être corroboré par d'autres documents internes à l'entreprise ;

Que s'agissant du second grief, il ressort seulement des pièces versées que la rémunération variable a été maintenue jusqu'à la prise d'acte, sans qu'aucun élément objectif ne vienne établir une diminution à venir ;

Qu'il résulte de ce qui précède qu'aucune modification unilatérale du contrat de travail n'est démontrée par M. [W] ;

Que l'appelant n'établit donc pas l'existence de manquements suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail ;

Que sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail s'analyse dès lors en une démission, comme l'a justement estimé le premier juge ;

Qu'il y a ainsi lieu de débouter M. [W] de ses demandes subséquentes d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'indemnité pour licenciement sans cause et sérieuse et de dommages-intérêts pour perte d'un plan d'attribution d'actions ;

Que le jugement attaqué sera confirmé sur ces points ;

Qu'en revanche, s'agissant de la demande formée par la société SAP France de condamnation de M. [W] à lui payer des dommages-intérêts pour le préavis non effectué, il ressort de la lettre de prise d'acte que M. [W] a indiqué à son employeur qu'il restait 'à sa disposition pour traiter les modalités de fin de contrat' ; qu'en réponse la société SAP France lui a indiqué par courrier du 15 janvier 2018 que le contrat de travail était rompu au 8 janvier 2018 'sans exécution d'un quelconque préavis', et ce après avoir signé le reçu pour solde de tout compte à cette dernière date ; qu'il s'en déduit que la société SAP France a dispensé de manière non équivoque M. [W] de l'exécution de son préavis et que, par suite, elle n'est pas fondée à réclamer une indemnité pour le préavis non effectué ; qu'il y a donc lieu de débouter la société SAP France de cette demande; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point et en ce qu'il ordonne subséquemment une compensation entre les condamnations pécuniaires ;

Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral :

Considérant que M. [W] n'invoque aucune pièce à ce titre pour établir son allégation de manquements de l'employeur à l'obligation de loyauté ; que de plus et en toute hypothèse, il ne justifie d'aucun préjudice moral à ce titre ; qu'il y a donc lieu de confirmer le débouté de cette demande ;

Sur le complément d'indemnité compensatrice de congés payés :

Considérant en l'espèce que l'indemnisation de jours acquis au titre de la réduction du temps de travail et non pris au moment de la rupture n'entre pas dans le champ de l'indemnité compensatrice de congés payés ; que M. [W] n'est donc pas fondé à réclamer un complément d'indemnité compensatrice de congés payés en invoquant l'existence de tels jours au moment de la rupture du contrat de travail ;

Que par ailleurs, la société SAP France ne produit aucun calcul compréhensible permettant d'établir qu'elle s'est déchargée de ses obligations à ce titre, ni de faire droit à sa demande subsidiaire tendant à limiter le complément dû à ce titre à la somme de 19 056,36 euros ;

Que dans ces conditions il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il statue sur le complément d'indemnité compensatrice de congés payés ;

Sur la remise de documents sociaux et l'astreinte :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement sur ces points ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu'eu égard aux demandes des parties, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il statue sur ces deux points ; qu'en outre, chacune des parties conservera, pour la procédure suivie en appel, la charge de ses propres dépens et de ses frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il condamne M. [B] [W] à payer à la société SAP France une somme de 49 188,99 euros au titre du préavis non effectué et ordonne la compensation entre les condamnations pécuniaires,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute la société SAP France de sa demande de condamnation de M. [B] [W] à lui payer une indemnité pour le préavis non effectué,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'appel,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Anne-Sophie CALLEDE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 20/01337
Date de la décision : 08/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-08;20.01337 ?
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