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08/06/2022 | FRANCE | N°19/03794

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 08 juin 2022, 19/03794


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 8 JUIN 2022



N° RG 19/03794

N° Portalis DBV3-V-B7D-TQHK



AFFAIRE :



[W] [T]



C/



SARL LG CARBURE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 septembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de CERGY-PONTOISE

Section : I

N° RG : F 19/00137



Co

pies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Jordana ZAIRE



Me Stefan RIBEIRO







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivan...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 8 JUIN 2022

N° RG 19/03794

N° Portalis DBV3-V-B7D-TQHK

AFFAIRE :

[W] [T]

C/

SARL LG CARBURE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 septembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de CERGY-PONTOISE

Section : I

N° RG : F 19/00137

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Jordana ZAIRE

Me Stefan RIBEIRO

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [W] [T]

né le 29 septembre 1973 à Algérie

de nationalité française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Jordana ZAIRE de la SELARL LEJARD ZAÏRE SELTENE AVOCATS, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 112

APPELANT

****************

SARL LG CARBURE

N° SIRET : 785 464 587

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Stefan RIBEIRO de la SELARL ALTILEX AVOCATS, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 80

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 31 mars 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

Par jugement du 24 septembre 2019, le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise (section industrie) a :

- dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail de M. [W] [T] produit les effets d'une démission,

en conséquence,

- condamné M. [T] à payer à la société LG Carbure :

. 4 600,00 euros correspondant au préavis non effectué,

. 200,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les dépens à la charge de M. [T].

Par déclaration adressée au greffe le 17 octobre 2019, M. [T] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 1er mars 2022.

Par dernières conclusions remises au greffe le 24 janvier 2022, M. [T] demande à la cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise dans toutes ses dispositions,

- dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société au paiement de :

. 4 600,00 euros au titre des deux mois de préavis,

. 460,00 euros au titre des congés payés sur préavis,

. 2 472,50 euros à titre d'indemnité de licenciement,

. 15 000,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- ordonner la délivrance de son certificat de travail, son solde de tout compte et son attestation pôle emploi sous peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter du 1er jour du mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, la cour se réservant la liquidation de l'astreinte,

- condamner la société à lui verser 15 000,00 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

- condamner la société à lui verser 3 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société aux entiers dépens de l'instance.

Par dernières conclusions remises au greffe le 25 mars 2020, la société LG Carbure demande à la cour de :

- la recevoir en ses écritures,

y faisant droit,

- confirmer purement et simplement le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions,

en conséquence,

- débouter purement et simplement M. [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- dire que la prise d'acte s'analyse en une démission,

- condamner M. [T] à lui verser la somme de 4 600 euros au titre du préavis de démission non exécuté,

- condamner M. [T] aux entiers dépens,

y ajoutant,

- condamner M. [T] à lui verser la somme de 3 500 euros en cause d'appel au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LA COUR,

La société LG Carbure a pour activité principale la fabrication d'outillage.

M. [W] [T] a été engagé par la société LG Carbure, en qualité de tourneur, le 4 juin 2014 par contrat à durée déterminée qui s'est poursuivi en contrat à durée indéterminée le 8 juillet 2014.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective de la métallurgie région parisienne.

M. [T] percevait une rémunération brute mensuelle de 2 300 euros.

L'effectif de la société était de moins de 10 salariés.

Par lettre du 25 septembre 2017, M. [T] a fait l'objet d'un avertissement, suite ' au débordement abusif de non pointage relevé sur plusieurs jours'. M. [T] a contesté cet avertissement.

Par lettre du 9 octobre 2017, M. [T] a demandé l'annulation de l'avertissement.

Le 12 octobre 2017, M. [T] a été placé en arrêt maladie, ensuite prolongé jusqu'au 24 septembre 2018, avec mention sur chaque prolongation d'arrêt de travail par le médecin d'un syndrome anxiodépressif réactionnel.

Le 20 octobre 2017, la société LG Carbure a maintenu sa position, refusant d'annuler l'avertissement et a demandé à M. [T] de se conformer à ses obligations.

Par lettre du 7 novembre 2017, l'inspectrice du travail a indiqué à la société LG Carbure « qu'elle est dans l'obligation de permettre au salarié d'effectuer le travail convenu dans le contrat »

M. [T] l'ayant informé qu'« aucun travail ne lui était confié du fait qu'aucun outil n'était réparé ».

Par lettre du 17 novembre 2017, le salarié a réitéré sa demande d'annulation de l'avertissement.

Par lettre du 7 décembre 2017, la société LG Carbure a répondu à l'inspectrice du travail.

Le 19 mars 2018, le médecin traitant de M. [T], envisageant une reprise du salarié à mi-temps thérapeutique pendant un ou deux mois, a demandé au médecin du travail de prendre en charge la situation de M. [T].

Le médecin du travail a reçu M. [T] le 20 mars 2018 lors d'une visite de pré-reprise, aucune préconisation n'ayant été mentionnée sur le compte-rendu.

Par nouveau certificat du 29 août 2018, le médecin traitant de M. [T] a demandé à nouveau au médecin du travail de programmer une visite de pré-reprise de travail en vue de l'organisation d'un mi-temps thérapeutique.

Le médecin du travail a reçu de nouveau M. [T] le 30 août 2018 pour une visite de pré-reprise, sans suite donnée à cet examen.

M. [T] a repris son activité professionnelle le 25 septembre 2018.

Le médecin traitant de M. [T] a ensuite prescrit un arrêt de travail à temps partiel, soit 50%, du 25 septembre au 25 octobre 2018, M. [T] étant de fait en arrêt maladie à temps complet à compter du 1er octobre 2018, le temps partiel n'ayant pas été mis en place.

Lors de la visite de reprise du 3 avril 2019, M. [T] a été déclaré apte à reprendre son poste de travail.

Par lettre de la veille, le 2 avril 2019, l'employeur a placé le salarié en congés payés pour une durée de 22 jours ouvrés jusqu'au 3 mai 2019 inclus.

Par lettre du 4 avril 2019, M. [T] a pris acte de la rupture de son contrat.

Le 10 avril 2019, M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise aux fins d'obtenir la requalification de sa prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et le paiement d'indemnités de licenciement.

Sur la prise d'acte :

Le salarié fait valoir que les premiers juges ont fondé leur décision uniquement sur les conditions de mise en place d'un mi-temps thérapeutique et ont fait abstraction des autres griefs qu'il a soulevé. Il indique que sa prise d'acte de la rupture du contrat n'a pas été 'précipitée' et qu'elle est la conséquence du comportement fautif de l'employeur qui a perduré pendant de nombreux mois.

En réplique, l'employeur indique que la prise d'acte est totalement artificielle. Il explique que les griefs opportunément découverts par le salarié dans le cadre de la procédure prud'homale, et qui n'ont jamais été discutés en amont, doivent être examinés avec beaucoup de circonspection. Il affirme n'avoir jamais tenu les propos qui lui sont prêtés par le salarié et qu'il n'a jamais failli à l'une quelconque de ses obligations.

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués étaient d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; que la charge de la preuve des faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur à l'appui de sa prise d'acte pèse sur le salarié.

A l'inverse de la lettre de licenciement, l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige.

Au cas présent, le salarié fonde sa prise d'acte sur plusieurs manquements reprochés à l'employeur.

- la mise en congés d'office par l'employeur en lui indiquant ' dégage je ne veux plus te voir'

M. [T] ne justifie par aucune pièce versée au dossier que l'employeur a tenu les propos qu'il lui prête.

Par ailleurs, l'employeur qui a certes placé le salarié en congé par lettre du 2 avril 2019 pour une durée de 22 jours, a exercé son droit à organiser les congés payés du salarié et a pu, à juste titre, lui demander de solder ses congés avant sa reprise effective.

Les griefs reprochés ne sont pas établis.

- l'absence de fourniture de travail et intervention ignorée de l'inspection du travail

L'employeur a sanctionné le salarié d'un avertissement pour ' débordement abusif de pointage ' le 25 septembre 2017.

Dans sa lettre du 29 octobre 2017, l'employeur a refusé d'annuler la sanction et a indiqué notamment que le comportement du salarié avait changé, en lui rappelant qu'il lui était interdit d'amener des objets personnels à affuter ou rectifier à l'aide de l'outillage appartenant à l'entreprise.

M. [T] a saisi l'inspection du travail qui a rappelé à l'employeur le 7 novembre 2017 qu'il devait respecter les dispositions contractuelles et fournir du travail au salarié.

Le 17 novembre 2017, en réponse à l'envoi de l'employeur du 20 octobre 2017, le salarié a notamment expliqué qu'il apportait son outillage personnel pour réaliser les pièces LG Carbure,

'personne ne me fournit les outillages nécessaires.'.

En réponse, le 7 décembre 2017, la société LG Carbure a indiqué à la Direccte que la machine sur laquelle intervenait le salarié avait fait l'objet d'une panne majeure empêchant son utilisation et qu'elle était en cours de réparation, la panne du tour sur lequel M. [T] travaillait ne rendant pas impossible la réalisation de pièces sur d'autres machines-outils de plus petit gabarit, ce qui a été demandé au salarié qui a refusé de collaborer à la réalisation de différentes pièces sur les autres machines.

Toutefois, l'employeur ne communique aucune pièce pour confirmer ses dires et n'a pas mis en demeure le salarié d'effectuer son travail dans de nouvelles conditions dans l'attente de la réparation de la machine sur laquelle il travaillait habituellement.

Sur cette période, le salarié établit également que l'employeur a sous-traité son travail auprès d'un prestataire, l'employeur ne contestant pas que les commandes produites au dossier d'ébauche de cisailles au mois de septembre 2017 ont eu un autre usage que celui d'effectuer le travail accompli auparavant par le salarié sur la machine en panne (19 S).

La société LG Carbure ne réfute pas davantage que le salarié a voulu reprendre son travail le 30 octobre 2017, après l'arrêt maladie, et qu'elle ne lui a alors fourni aucun travail.

Par la suite, le salarié a tenté de reprendre son activité professionnelle au mois de septembre 2018 mais a été « renvoyé » par l'employeur, qui l'a déclaré au médecin du travail (pièce 17S) et le salarié a été mis en congé payé d'office en avril 2019, avec demande de l'employeur de signer une rupture conventionnelle, comme indiqué également par le gérant au médecin du travail (pièces 13 +17 S).

Le 14 décembre 2018, l'inspecteur du travail a indiqué au salarié s'être rendu au sein de la société et avoir auparavant par lettre du 10 octobre 2018, rappelé à l'employeur son obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi et de fournir du travail à M. [T] compatible avec sa qualification.

L'inspecteur du travail a également relaté par lettre du 18 octobre 2019 à M. [T] s'être rendu dans l'entreprise le 12 mars 2019 et avoir constaté que les tours à métaux qui présentaient des non- conformités lors d'une précédente visite, n'avaient pas été mis en conformité, justifiant les difficultés d'outillage alléguées par le salarié.

Dans ce contexte, la volonté de l'employeur de rompre le lien contractuel s'est manifestée lors de la visite de reprise quand il a tenu informé le médecin du travail qu'il avait proposé au salarié le jour même une rupture conventionnelle, refusée.

La société LG Carbure ne pouvait sérieusement ensuite adresser au salarié une lettre le 8 avril 2019, après la prise d'acte de la rupture, affirmant que la société faisait suite à la sollicitation de M. [T] de mettre fin au contrat dans le cadre d'une rupture conventionnelle, ce qu'a contesté le salarié et qui est confirmé par le compte rendu du médecin du travail.

La mise en congés payés dès le 2 avril 2019, respectant certes les dispositions légales, participe de cette volonté affichée de l'employeur d'écarter le salarié du lieu de travail en reportant encore la reprise effective et ce sans concertation alors que le salarié n'était pas 'animé par la volonté de ne pas reprendre son poste', ayant accepté une reprise à temps plein devant le médecin du travail en dépit de l'arrêt à temps partiel prescrit par le médecin traitant, prouvant ainsi son souhait de reprendre son activité professionnelle.

L'ensemble des éléments du dossier conduit donc à retenir que l'employeur n'a pas fourni de travail au salarié en septembre 2017 puis en septembre 2018 et en avril 2019.

Le grief reproché d'absence de fourniture de travail est donc établi.

- le refus de mise en place d'un mi-temps thérapeutique

Aux termes de l'article L. 4624-6, l'employeur est tenu de prendre en considération l'avis et les propositions émis par le médecin du travail en application des articles L. 4624-2 à L.4624-4 du code du travail. En cas de refus, l'employeur fait connaître par écrit au travailleur et au médecin du travail les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite.

En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail.

La mise en place du mi-temps thérapeutique exige la validation du médecin-conseil de la sécurité sociale pour l'indemnisation et il appartient ensuite au médecin du travail de fixer la durée du travail ainsi que la répartition du temps de travail sur la semaine.

En cas de difficultés ou de désaccord sur l'état de santé du salarié, l'employeur ou le salarié peut saisir le conseil de prud'hommes qui peut confier toute mesure d'instruction au médecin inspecteur territorialement compétent pour l'éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence. L'affaire est portée devant la formation de référé. Le demandeur en informe le médecin du travail conformément aux dispositions de l'article L. 4624-7.

Au cas présent, le médecin traitant de M. [T] a prescrit une reprise du travail à mi-temps du 25 septembre au 25 octobre 2018.

La fiche de reprise du médecin du travail comprend des notes prises pendant l'examen du 25 septembre 2018 et il en ressort que l'accord de l'employeur n'a pas été obtenu pour une reprise à mi-temps proposée par le médecin traitant, l'employeur n'apportant pas de réponse aux sollicitations du médecin du travail.

Le médecin du travail indique également sur cette fiche avoir joint le gérant qui lui a dit avoir renvoyé le salarié le 25 septembre 2018 quand il s'est présenté sur son lieu de travail comme indiqué précédemment et qu'il était opposé à une reprise du salarié à temps partiel.

Le médecin du travail note qu'il n'est pas lui-même opposé à une reprise à temps complet du salarié sous réserve de l'accord du médecin traitant, M. [T] lui indiquant être en mesure de reprendre à temps complet.

L'inspectrice du travail dans une lettre adressée au salarié le 14 décembre 2018 indique que le médecin du travail a contacté son secrétariat lors d'une visite de pré-reprise et a fait mention du refus de l'employeur pour la mise en place de ce mi-temps thérapeutique.

Le refus de l'employeur d'organiser la reprise du salarié à temps partiel est donc établi.

Toutefois, le médecin du travail a rendu un avis d'aptitude sans restriction ni recommandation, de sorte que l'employeur n'était pas obligé de mettre en place le mi-temps thérapeutique recommandé par le médecin traitant.

Le salarié n'a pas exercé de recours devant l'inspecteur du travail de la décision du médecin du travail et n'a pas saisi le conseil de prud'hommes pour contester la position de l'employeur qui n'avait donc aucunement la nécessité d'organiser la reprise de M. [T] en mi-temps thérapeutique, le salarié étant déclaré apte à son poste.

Dès lors, aucun manquement de l'employeur ne saurait être retenu à ce titre.

- le paiement du salaire à mi-temps

Le 9 octobre 2018, le salarié a demandé la rectification de sa fiche de paye de septembre 2018 alors qu'il y est indiqué qu'il a travaillé du 25 au 30 septembre 2018 à mi-temps thérapeutique et a demandé le paiement à temps plein en raison de sa présence à l'atelier à temps complet.

La société LG Carbure a refusé la mise en place d'un mi-temps thérapeutique et ne pouvait donc pas rémunérer le salarié sur cette base.

Elle a d'ailleurs pris en compte cette situation en la régularisant le mois suivant sur le bulletin de paye d'octobre au titre du rappel de salaire de septembre 2018.

Lors de la prise d'acte du salarié, le manquement reproché à l'employeur, qui a perduré très peu de jours, n'existait plus.

- affichage des réclamations auprès de l'inspection du travail dans l'entreprise

M. [T] soutient que l'employeur a affiché au sein des locaux de la société afin de l'humilier les réclamations qu'il a formulées auprès de l'inspection du travail.

Il résulte des courriers de l'inspecteur du travail des 9 octobre et 14 décembre 2018 que le courrier de l'inspection du travail faisant état des réclamations du salarié était affiché et a été maintenu en dépit des demandes de retrait.

L'affichage des demandes de M. [T] auprès de la Direccte dans l'atelier sur le panneau d'affichage obligatoire est de nature à déstabiliser le salarié auprès de ses collègues de travail et il a pu s'en ressentir blessé, aucune obligation n'étant faite à l'employeur de communiquer à l'ensemble des salariés cette information.

Le manquement est donc avéré.

En définitive, plusieurs griefs ont été retenus à l'encontre de l'employeur en ce qu'il a principalement cessé de fournir du travail au salarié et a également maintenu l'affichage de la lettre de l'inspection du travail relayant ses réclamations.

Ces faits empêchaient la poursuite du contrat de travail. Par conséquent, la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

Il sera également infirmé en ce qu'il a condamné le salarié à payer à l'employeur une indemnité de préavis et, statuant à nouveau, l'employeur sera débouté de sa demande à ce titre.

Le salarié peut dès lors prétendre à ses indemnités de rupture, dont le quantum n'est pas discuté de sorte que la société LG Carbure sera condamnée à lui payer l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents ainsi que l'indemnité de licenciement.

En application du barème fixé à l'article L. 1235-3 du code du travail, M. [T] qui a été licencié alors que la société LG Carbure employait habituellement moins de onze salariés, et qui avait 4 années d'ancienneté, a droit à une indemnité brute minimale d'un mois de salaire et maximale de cinq mois.

Au regard de son âge au moment du licenciement, 45 ans, de son ancienneté dans l'entreprise, du montant de la rémunération moyenne de 2 300 euros qui lui était versée, de ce qu'il indique ne pas avoir retrouvé d'emploi en raison de son état de santé, des difficultés d'ordre psychologiques établies en fin d'année 2019 et de ce qu'il a été inscrit à Pôle Emploi en mai 2019 puis a perçu à compter du mois de novembre 2020 une pension d'invalidité de catégorie 2, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral subi la somme de

3 000 euros.

Dès lors, infirmant le jugement, la société LG Carbure sera condamnée à payer à M. [T] les sommes de 4 600 euros à titre indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés, de 2 472,50 euros à titre d'indemnité de licenciement et de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

M. [T] indique qu'il résulte de l'ensemble des griefs qu'il développe que l'employeur a volontairement tenté d'échapper à ses responsabilités en ne respectant pas les engagements pris auprès de l'inspection du travail et les préconisations médicales liées à son état de santé, sans motif, ce que conteste totalement la société LG Carbure.

La loi prescrit que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Il n'a pas été retenu un manquement de l'employeur relatif à l'état de santé du salarié.

En revanche, plusieurs griefs ont été précédemment retenus.

Il est également justifié que l'employeur n'a pas respecté ses engagements auprès de l'inspection du travail à la suite d'une conversation téléphonique du 22 octobre 2018 au cours de laquelle le gérant a proposé un poste compatible avec les qualifications de M. [T] et assorti d'une formation dans le cadre d'un temps partiel pendant le rétablissement du salarié.

La société LG Carbure n'a pas donné suite à cette proposition en dépit d'une lettre de rappel de l'inspection du travail.

Quand bien même la société LG Carbure n'était pas tenue par les dispositions légales à mettre en place ce dispositif, le fait qu'elle le propose puis ensuite ne diligente aucune action, confirme le manque de respect de ses engagements.

L'ensemble des manquements précédemment allégués et dont la preuve est rapportée par le salarié est constitutif d'une exécution déloyale du contrat de travail.

Le préjudice subi par le salarié, qui a été privé de travail et contraint à prendre acte de la rupture du contrat et à qui l'imputation de la rupture a été entièrement prétextée, sera réparé par l'allocation d'une somme de 1 000 euros.

Il convient, infirmant le jugement, de condamner la société LG Carbure à payer à M. [T] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Sur la remise des documents :

Il conviendra de donner injonction à la société LG Carbure de remettre à M. [T] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il est inéquitable de laisser à la charge de M. [T] les frais par lui exposés en première instance et en cause d'appel non compris dans les dépens à hauteur de 3 500 euros.

Pour le même motif, le jugement sera également infirmé en ce qu'il a alloué de ce chef la somme de 200 euros à la société LG Carbure.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

DIT que la prise d'acte de M. [W] [T] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DÉBOUTE la SARL LG Carbure de sa demande de paiement pour préavis inexécuté,

CONDAMNE la SARL LG Carbure à payer à M. [W] [T] les sommes suivantes :

. 4 600 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

. 460 euros bruts au titre des congés payés afférents,

. 2 472,50 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

. 3 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

ORDONNE à la SARL LG Carbure de remettre à M. [W] [T] les documents de rupture rectifiés conforme au présent arrêt,

REJETTE la demande d'astreinte,

DÉBOUTE la société LG Carbure de sa demande de condamnation de M. [W] [T] au paiement de la somme de 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,

CONDAMNE la SARL LG Carbure à payer à M. [W] [T] la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de la SARL LG Carbure au titre des frais irrépétibles,

CONDAMNE la SARL LG Carbure aux dépens.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Clotilde Maugendre, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 19/03794
Date de la décision : 08/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-08;19.03794 ?
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