COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 78F
16e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 02 JUIN 2022
N° RG 21/07449 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U4RT
AFFAIRE :
S.A.S. EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES - CLEMESSY SERVICES
C/
PLASTICON COMPOSITES INTERNATIONAL CONTRACTING BV
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Décembre 2021 par le Juge de l'exécution de VERSAILLES:
N° RG : 21/04001
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 02.06.2022
à :
Me Michèle DE KERCKHOVE de la SELARL BVK AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.S. EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES - CLEMESSY SERVICES
Anciennement dénommée Eiffel Industriel
N° Siret : 330 730 771 (RCS Versailles)
[Adresse 2]
[Localité 3]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Michèle DE KERCKHOVE de la SELARL BVK AVOCATS ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.26 - N° du dossier 19427 - Représentant : Me James DUPICHOT de la SELARL DLBA AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J149, substitué par Me Claire PERRET, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
PLASTICON COMPOSITES INTERNATIONAL CONTRACTING BV
Société de droit néerlandais Immatriculée à la Chambre du Commerce sous le n°58039856 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 7] (PAYS-BAS)
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire 619 - N° du dossier 20220057 - Représentant : Me Hélène DREUX-KIEN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0284
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Avril 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence MICHON, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Fabienne PAGES, Président,
Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,
Madame Florence MICHON, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant jugement contradictoire en date du 13 avril 2021, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a, notamment, condamné la SAS Clemessy services ( anciennement dénommée Eiffel Industrie) à payer à la société SDE Plasticon composites international contracting BV la somme de 1 456 396,87 euros au titre du solde des travaux réalisés pour son compte sur le chantier de la société Kem One, condamné solidairement la SAS Clemessy services ( anciennement dénommée Eiffel Industrie), la SA Clemessy ( anciennement dénommée Eiffage Energie Systèmes) et la SAS Amperis industrie ( anciennement dénommée Game Energie) à payer à la société SDE Plasticon composites international contracting BV la somme de 60 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ordonné l'exécution provisoire, condamné solidairement la SAS Clemessy services ( anciennement dénommée Eiffel Industrie), la SA Clemessy ( anciennement dénommée Eiffage Energie Systèmes) et la SAS Amperis industrie ( anciennement dénommée Game Energie) aux entiers dépens de l'instance liquidés à la somme de 105,60 euros dont TVA 17,60 euros.
Le jugement susvisé a été signifié le 21 mai 2021 à la société Eiffage énergie systèmes - Clemessy services.
Le 26 mai 2021, agissant en vertu du dit jugement, la société Plasticon composites international contracting BV a fait pratiquer une saisie attribution entre les mains de la société BNP Paribas sise à [Localité 8], à l'encontre de la société Eiffage énergie systèmes - Clemessy services, pour avoir paiement de la somme de 1 519 066, 90 euros, en principal, intérêts et frais.
La saisie a été dénoncée à la société Eiffage énergie systèmes - Clemessy services le 2 juin 2021.
Par acte d'huissier en date du 1er juillet 2021, cette dernière a saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Versailles en contestation de cette mesure.
Par jugement contradictoire rendu le 15 décembre 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Versailles a':
débouté la société Eiffage énergie systèmes-Clemessy services de l'intégralité de ses demandes';
débouté les parties du surplus de leurs demandes';
condamné la société Eiffage énergie systèmes-Clemessy services aux dépens';
condamné la société Eiffage énergie systèmes-Clemessy services à payer à la société Plasticon composites international contracting BV la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile';
rappelé que les décisions du juge de l'exécution bénéficient de l'exécution provisoire de droit.
Le 16 décembre 2021, la société Eiffage énergie systèmes-Clemessy services a relevé appel de cette décision.
La clôture de l'instruction est intervenue le 22 mars 2022, avec fixation de la date des plaidoiries au 14 avril 2022.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 7 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société Eiffage énergie systèmes ' Clemessy services, appelante, demande à la cour de :
infirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Versailles le 15 décembre 2021 en ce qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes, a débouté les parties du surplus de leurs demandes, en ce que lesdites demandes ont été formées par la société Eiffage énergies systèmes-Clemessy Services, l'a condamnée aux dépens, l'a condamnée à payer à la société Plasticon composites international contracting BV la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
En conséquence, statuant à nouveau,
dire et juger nulle et, en tout état de cause, abusive la saisie-attribution du 26 mai 2021 pratiquée à la demande de la société Plasticon CIC sur les comptes détenus par la société Clemessy services à la société BNP Paribas, [Adresse 1]';
ordonner la mainlevée de la saisie-attribution précitée ;
A titre subsidiaire,
dire et juger que la saisie-attribution du 26 mai 2021 est suspendue jusqu'au jour où le juge saisi de l'appel de la décision du 13 avril 2021 aura statué sur le fond et qu'en conséquence aucun paiement effectif ne peut intervenir au bénéfice de la société Plasticon CIC ensuite de la saisie pratiquée ;
ordonner la libération des fonds entre les mains de la société Clemessy services des sommes consignées en exécution de l'ordonnance du premier président du 26 novembre 2021 ;
En tout état de cause,
condamner la société Plasticon CIC au paiement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel';
condamner la société Plasticon CIC au règlement des entiers dépens d'appel, dont distraction faite au profit de BVK associés, prise en la personne de Maître Michèle de Kerckhove, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 1er mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la Société Plasticon composites international contracting BV, intimée, demande à la cour de :
confirmer en toutes ses dispositions le jugement du juge de l'exécution de Versailles en date du 15 décembre 2021 ;
rejeter toutes les demandes de la société Eiffage énergie systèmes ' Clemessy services';
condamner la société Eiffage énergie systèmes ' Clemessy services à lui payer une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société Eiffage énergie systèmes ' Clemessy services' aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Minault Teriitehau agissant par Maître Stéphanie Teriitehau, avocat et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
A l'issue de l'audience, l'affaire a été mise en délibéré au 2 juin 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les conséquences de la consignation du montant des condamnations
Se prévalant d'une ordonnance rendue le 26 novembre 2021 par laquelle le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, saisi d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire attachée à la décision du tribunal de commerce, et qui a statué précise-t-elle en pleine connaissance de la saisie attribution pratiquée à hauteur du montant total des condamnations et de la contestation dont elle faisait l'objet, l'a autorisée à consigner le montant des condamnations pécuniaires mises à sa charge, la société Eiffage énergie systèmes ' Clemessy services soutient que la consignation ordonnée, et effectivement réalisée, fait obstacle à la poursuite de l'exécution du jugement rendu sur le fond, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le mérite de l'appel formé contre celui-ci. Elle fait valoir :
que dès lors qu'en vertu des pouvoirs qui lui sont dévolus par les articles 524 et 521 du code de procédure civile, le premier président décide d'aménager l'exécution provisoire en autorisant la consignation pour éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie, et qu'il est bien procédé à la consignation ordonnée, le créancier ne peut plus prétendre par ailleurs à l'exécution de la décision, le titre dont il entendait se prévaloir s'étant trouvé modifié en conséquence de l'ordonnance du premier président, et le créancier ne détenant dès lors plus de titre au sens de l'article L.111-10 du code des procédures civiles d'exécution ;
que le juge de l'exécution ne pouvait valider la saisie attribution litigieuse et autoriser la continuation des poursuites sans anéantir les effets attachés à l'ordonnance du premier président ;
que le premier président a motivé sa décision par le risque de non restitution des fonds par la société intimée en cas d'infirmation de la décision du tribunal de commerce; que le juge de l'exécution ne peut ignorer les termes de cette décision sans méconnaître ses droits, alors qu'il existe un risque grave, établi et non contestable de non restitution des fonds ;
que le juge d'appel ne saurait ignorer les termes de l'ordonnance rendue par le premier président sans porter une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge et en particulier à son droit à un double degré de juridiction au sens de l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme, dès lors qu'en cas de validation de la saisie-attribution litigieuse, la situation financière précaire de la société Plasticon CIC pourrait aboutir à l'impossibilité de restituer les fonds par elle perçus, dans l'hypothèse d'une infirmation du titre exécutoire, de sorte que le recours formé contre le jugement du tribunal de commerce perdrait toute utilité ;
que la saisie pratiquée par la société Plasticon CIC s'avère inutile, ce qui autorise le juge de l'exécution à en donner mainlevée, dès lors qu'elle a procédé à la consignation des fonds et que l'intégralité du montant des condamnations est aujourd'hui séquestré, de sorte qu'il n'y a pas lieu de maintenir un blocage supplémentaire des sommes dans le cadre de la saisie, dont les effets se trouvent arrêtés puisque l'exécution provisoire de la décision du 13 avril 2021 est elle-même arrêtée ;
que la poursuite de la saisie-attribution et la libération des fonds au profit de la société Plasticon CIC serait abusive, dès lors que le titre exécutoire dont elle entend se prévaloir a été modifié par la décision du premier président, et que la société intimée bénéficie de garanties amplement suffisantes.
La société intimée rétorque :
que le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, qui avait le pouvoir d'arrêter l'exécution provisoire, a expressément rejeté la demande en ce sens de la société appelante,
que le premier président n'a pas le pouvoir de suspendre les effets d'une saisie en ordonnant une consignation des fonds saisis, mais seulement celui d'arrêter l'exécution provisoire d'une décision de première instance; qu'à défaut d'arrêter l'exécution provisoire, il ne peut agir sur une saisie en cours; qu'au demeurant, il n'a pas autorisé la consignation des fonds saisis, mais la consignation du montant des condamnations pécuniaires,
que l'ordonnance du premier président n'a d'effet que pour l'avenir, pour le cas notamment où la saisie serait invalidée par le juge de l'exécution, et ne saurait conduire à la suspension d'une saisie qui lui est antérieure,
que compte tenu de l'effet attributif immédiat attaché à la saisie-attribution réalisée le 26 mai 2021, les fonds saisis ont été transférés dans son patrimoine à cette date, et ne sont plus à la libre disposition de la société appelante, qui ne peut en conséquence prétendre empêcher le paiement des causes de la saisie.
Par ordonnance en date du 26 novembre 2021, le premier président de la cour d'appel d'Aix- en-Provence a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence du 13 avril 2021, présentée, notamment, par la société Eiffage énergie systèmes - Clemessy Services, et a, sur le fondement de l'article 521 du code de procédure civile, aménagé l'exécution provisoire, en autorisant la consignation du montant des condamnations pécuniaires mises à sa charge par le dit jugement.
Cette décision n'entraîne en rien la disparition du titre dont dispose la société Plasticon composites international contracting BV ; elle empêche, le cas échéant, son exécution forcée.
Le pouvoir conféré au premier président d'arrêter ou d'aménager l'exécution provisoire de la décision fondant les poursuites est toutefois sans effet sur la saisie-attribution pratiquée antérieurement, en raison de l'effet attributif immédiat de cette voie d'exécution.
Ni le dispositif de cette ordonnance, ni, a fortiori ses motifs, qui en toute hypothèse n'ont pas autorité de la chose jugée, ne sont susceptibles, rétroactivement, de produire effet sur la saisie attribution qui a été pratiquée le 26 mai 2021.
L' exécution forcée poursuivie en vertu d'un titre exécutoire à titre provisoire aux risques et périls du créancier n'est pas contraire aux exigences de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et il n'apparaît pas qu'en l'espèce, la validation par la présente cour de la mesure d'exécution forcée litigieuse porterait une atteinte disproportionnée au droit de la société appelante de contester, sur le fond, la décision du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence.
Enfin, le caractère inutile ou abusif d'une mesure d'exécution, qui permet au juge de l'exécution d'ordonner la mainlevée de toute mesure qui en est affecté, s'apprécie à la date de mise en oeuvre de la mesure. Or, la société appelante, sous réserve de ses autres contestations qui seront examinées dans un second temps, n'établit pas que, à la date du 26 mai 2021, la saisie-attribution diligentée par la société Plasticon composites international contracting BV, qui disposait d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, était inutile pour permettre le recouvrement de sa créance, ou abusive.
La décision du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, postérieure à la saisie attribution litigieuse, n'a pas pour effet d'entraîner la nullité de celle-ci, ni ne justifie sa mainlevée.
Le moyen est donc écarté.
Sur le caractère exécutoire du jugement du tribunal de commerce
Selon la société Eiffage énergie systèmes ' Clemessy services, il n'est pas démontré que l'expédition du jugement qui lui a été prétendument signifiée comportait la formule exécutoire. En outre, le jugement n'a pas non plus été notifié, avant la mise en oeuvre de la mesure d'exécution, dans les formes prescrites par les articles 651 et suivants du code de procédure civile. Le juge de l'exécution, pour dire régulière la signification du jugement, a considéré que l'huissier de justice avait satisfait aux conditions énoncées aux articles 655 et 656 du code de procédure civile, mais il s'est contenté de relever que l'huissier avait pris soin de relater les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une signification à personne et les diligences entreprises en vue d'y parvenir, en omettant de se prononcer sur le moyen par elle invoqué tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 658, résultant du fait que l'huissier n'a envoyé que le 25 mai 2021 ( le lundi 24 mai 2021 étant un jour férié) la lettre simple prévue par ce texte, alors qu'il aurait dû le faire le samedi 22 mai 2021 au plus tard, le samedi étant un jour ouvrable. Or, du fait du caractère tardif de la remise de la lettre simple, l'exercice de sa défense s'est trouvé perturbé, puisqu'elle n' a pas pu exercer les recours propres à préserver ses droits, et notamment n'a pas pu saisir le premier président d'une demande d'arrêt ou d'aménagement de l'exécution provisoire avant la mise en oeuvre de la saisie-attribution. Enfin, l'acte de signification du 21 mai 2021 comporte une mention erronée relative au siège social de la société intimée, en violation des dispositions de l'article 648 du code civil (sic), que le premier juge a estimé à tort ne pas pouvoir lui causer de grief.
La société intimée, pour conclure au rejet du premier moyen, se prévaut d'une copie, qu'elle verse aux débats, de l'expédition de l'acte de signification du jugement, contenant 11 feuilles, l'une valant procès-verbal de signification et 10 autres correspondant au jugement revêtu de la formule exécutoire. S'agissant de la violation alléguée des dispositions de l'article 658 du code de procédure civile, elle oppose à l'appelante que l'acte de signification mentionne que la lettre prévue par l'article 658 du code de procédure civile a été adressée dans le délai prévu par la loi, et que cette mention fait foi jusqu'à inscription de faux. En toute hypothèse, ajoute-t-elle, la société appelante a bien été destinataire d'un avis de passage dès le 21 mai 2021, et en outre, l'irrégularité alléguée de la signification du jugement ne lui a causé aucun grief : d'une part, elle n'a eu aucune incidence sur la possibilité pour elle de saisir le premier président avant la réalisation de la saisie, puisqu'elle avait connaissance du jugement depuis le 16 avril 2021, date à laquelle elle en a relevé appel, et d'autre part, quand bien même la société Eiffage énergie systèmes - Clemessy services aurait saisi le premier président dès le 22 mai 2021, cela ne faisait pas obstacle à une saisie, dès lors que la procédure devant le premier président n'est pas suspensive de l'exécution. Enfin, si l'acte de signification comporte effectivement une mention erronée relative à son siège social, cela n'a pu causer aucun grief à l'appelante, dans la mesure où son siège social est identifiable sans le moindre effort, et où l'appelante connaissait sa nouvelle adresse puisqu'elle l'a elle-même mentionnée dans sa déclaration d'appel du 16 avril 2021.
A titre liminaire, il y a lieu de préciser que le fait que le premier juge ait, le cas échéant, omis de répondre à l'un des moyens soutenus par l'une ou l'autre partie est sans incidence sur une éventuelle infirmation ou réformation de sa décision, les motifs du présent arrêt se substituant, si nécessaire, à ceux du jugement déféré.
L'acte de signification du 21 mai 2021 que verse l'intimée ( sa pièce n°3), indique que l'acte ' comporte 11 feuilles sur la copie'. Le jugement extrait des minutes du greffe du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence joint en copie comporte effectivement 10 feuilles, incluant sur 1 feuille, la formule exécutoire, suivie de la mention ' Pour expédition revêtue de la formule exécutoire, Aix-en-Provence le 14 avril 2021' . Le moyen manque donc en fait, et doit être en conséquence écarté.
Pour juger régulière la signification du jugement du 13 avril 2021, le premier juge, après avoir rappelé les termes des articles 655, 656 et 658 du code de procédure civile, a ainsi motivé sa décision :
' Il est constant que l'huissier de justice a, le 21 mai 2021, signifié le jugement contradictoire rendu par le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence en date du 13 avril 2021, en l'absence de personne habilitée à recevoir l'acte, la signification est intervenue selon les modalités de l'article 656 du code de procédure civile, l'huissier ayant énoncé au procès-verbal de signification que « les hôtesses d'accueil présentes confirment l'adresse exacte mais déclarent ne pas être habilitées à recevoir l'acte et que l'ensemble du personnel concerné est absent ou en télétravail ». Il s'ensuit que dès lors que l'huissier de justice a accompli les diligences nécessaires en se rendant à l'adresse du siège social de la société mais a constaté qu'aucune personne n'était habilitée à recevoir l'acte, seule la carence de la société Eiffage énergie systèmes- Clemessy services (...) a rendu impossible la signification à personne et il ressort des propres pièces de la société Eiffage énergie systèmes - Clemessy services (...) que l'avis de signification d'un acte à l'étude a été par ailleurs délivré le 25 mai 2021 le tout, en conformité avec les prescriptions du dernier alinéa de l'article 655 du code de procédure civile et de l'article 656 du même code. Dans ces conditions, la signification du jugement rendu le 13 avril 2021 est par conséquent régulière.'
L'appelante ne développe aucune critique de cette motivation en ce qu'elle retient que les articles 655 et 656 du code de procédure civile ont été effectivement respectés.
En ce qui concerne l'envoi de la lettre prévue par l'article 658 du code de procédure civile, le procès-verbal de signification mentionne qu'elle a été adressée 'dans le délai prévu par la loi'.
Il résulte des énonciations du jugement du juge de l'exécution, de même que de la copie de la lettre en question, qui est produite aux débats, et qui porte la date du 25 mai 2021, que la lettre prévue par l'article 658 du code de procédure civile a été envoyée le 25 mai 2021. Ce constat ne contredit pas les mentions de l'acte, qui n'indique aucune date.
Toutefois, la société appelante n'apporte pas la preuve du grief qu'elle prétend avoir subi, la cour observant que l'assignation aux fins d'arrêt de l'exécution provisoire qu'elle a fait délivrer, avec les autres sociétés condamnées, à la société intimée, n'a été délivrée que le 8 juin 2021, soit bien après la signification du jugement du tribunal de commerce qui sert de fondement aux poursuites, et l'appelante n'établit pas que si la lettre prévue par l'article 658 du code de procédure civile avait été déposée à la poste le samedi 22 mai 2021 au lieu du mardi 25 mai 2021, elle aurait fait délivrer son assignation aux fins d'arrêt de l'exécution provisoire antérieurement à cette date du 8 juin 2021 ; et elle établit encore moins que le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence aurait statué sur sa demande, qui en elle-même ne suspendait pas l'exécution du jugement, avant la mise en oeuvre de la mesure d'exécution forcée objet du présent litige. Au demeurant, comme le remarque l'intimée, l'appelante avait nécessairement connaissance du jugement du tribunal de commerce depuis bien avant sa signification, puisqu'elle en a relevé appel dès le 16 avril 2021. Ainsi, faute de prouver le grief que lui cause l'irrégularité de l'acte, la société Eiffage énergie systèmes - Clemessy services n'est pas fondée à obtenir l'annulation de l'acte de signification du jugement du 13 avril 2021.
De la même manière, s'agissant de l'irrégularité de l'acte résultant de la mention du siège social de la société Plasticon composites international contracting BV dans l'acte de signification du jugement du tribunal de commerce, que l'intimée confirme être erronée, en indiquant que la société est domiciliée depuis 2020 [Adresse 5] - Pays-Bas, et non plus à l'adresse [Adresse 4], Pays-Bas qui figure dans l'acte de signification, aucun grief n'est démontré par la société appelante, dès lors qu'elle connaissait la nouvelle adresse de son adversaire, puisque celle-ci figure sur sa déclaration d'appel du jugement du 13 avril 2021, antérieure à la signification querellée.
Il n'y a pas lieu en conséquence de faire droit à la demande de nullité de la saisie-attribution du 26 mai 2021 sur le fondement d'un défaut de signification préalable du titre exécutoire.
Sur la régularité de la saisie et de sa dénonciation
La société Eiffage énergie systèmes - Clemessy services, qui critique le jugement déféré en ce qu'il a considéré que le procès-verbal de saisie attribution était conforme aux dispositions de l'article R.211-1 du code de procédure civile et permettait une vérification des créances poursuivies, et notamment des frais réclamés, lesquels sont à la charge du débiteur, soutient que certaines sommes figurant dans le décompte contenu dans l'acte de saisie n'étaient pas dues, en vertu de la décision fondant les poursuites, ce qui aurait dû conduire le juge de l'exécution à réduire, à tout le moins, l'assiette de la saisie attribution. Elle estime que le décompte détaillé prescrit à l'article R.211-1 du code des procédures civiles d'exécution doit permettre au débiteur supposé de vérifier la réalité et l'exigibilité des sommes qui y figurent, et que tel n'est pas le cas en l'espèce. Enfin, elle soutient que l'acte de saisie et la dénonciation de la saisie sont irréguliers, au regard de l'article 648 du code de procédure civile, pour comporter une mention erronée s'agissant du siège social du prétendu créancier, ce dont il résulte pour elle un grief évident.
La société intimée objecte que l'acte de saisie comporte bien un décompte conforme aux exigences de l'article R.211-1 du code des procédures civiles d'exécution, et qu'en toute hypothèse, la circonstance que l'un des postes prévus au décompte s'avère injustifié n'affecte que la portée de la saisie attribution, et non sa validité.
L'article R.211-1 du code des procédures civiles d'exécution n'exige à peine de nullité que la mention d'un décompte distinguant le principal des frais et intérêts échus ainsi qu'une provision sur les intérêts à échoir dans le délai de contestation d'un mois. Tel est le cas du procès-verbal de saisie du 26 mai 2021, lequel comporte un décompte distinct des sommes réclamées en principal, intérêts et frais, de sorte qu'aucune nullité n'est encourue de ce chef.
Par ailleurs, si tant dans l'acte de saisie du 26 mai 2021 que dans sa dénonciation du 2 juin 2021 il est mentionné l'ancienne adresse de la société Plasticon composites international contracting BV, soit [Adresse 4], Pays-Bas, il a été relevé ci-dessus que la société Eiffage énergie systèmes - Clemessy services connaissait sa nouvelle adresse, de sorte que cette mention erronée ne lui fait pas grief.
En dernier lieu, la contestation liée au quantum de la créance n'est pas susceptible d'entraîner la nullité de l'acte, dès lors qu'il n'est pas prétendu ni soutenu qu'aucune somme n'est due (indépendamment de la contestation de fond qui n'est pas du ressort de la présente cour).
Il n'y a pas lieu en conséquence de faire droit à la demande de nullité de la saisie-attribution du 26 mai 2021 sur le fondement d'irrégularités affectant l'acte et sa dénonciation.
La société Eiffage énergie systèmes - Clemessy services sollicitant la mainlevée de la mesure de saisie-attribution, et non pas uniquement sa nullité, il revient cependant à la cour d'examiner sa contestation du quantum de la créance ayant donné lieu à cette mesure.
La société Eiffage énergie systèmes - Clemessy services conteste la créance alléguée en ce qu'elle porte sur les provisions pour frais de dénonce, frais de signification de la non contestation, frais de CNC, et frais de mainlevée.
Si le coût de la dénonciation de l'acte de saisie est bien à sa charge, pour la somme de 91,18 euros qui figure sur cet acte, et qui correspond au montant de la provision, les autres frais contestés, qui ne se justifient qu'en l'absence de contestation de la mesure, doivent en effet être déduits du montant de la créance.
En conséquence, les effets de la saisie seront limités à la somme de 1 518 907,35 euros en principal, intérêts et frais.
Sur les demandes subsidiaires
A titre subsidiaire, la société appelante sollicite de la cour :
- qu'elle constate que la saisie se trouve suspendue dans ses effets, et qu'aucun paiement ne peut intervenir au bénéfice de la société Plasticon CIC, l'ordonnance du premier président aménageant l'exécution provisoire suspendant pour l'avenir les procédures d'exécution, y compris la saisie-attribution pratiquée préalablement à l'introduction du recours formé aux fins d'arrêt ou d'aménagement de l'exécution provisoire ;
- qu'elle ordonne la libération entre ses mains des sommes consignées en exécution de l'ordonnance du premier président du 26 novembre 2021, la suspension de la saisie emportant consignation des sommes saisies de fait.
La société Plasticon composites international contracting BV lui oppose que le juge de l'exécution n'est pas compétent pour suspendre l'exécution de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, et que l'effet attributif immédiat résultant de l'article L.211-2 du code des procédures civiles d'exécution s'oppose à toute suspension du paiement des sommes dues, dès lors que la saisie est validée par le juge de l'exécution.
Comme rappelé ci-dessus, la saisie-attribution a un effet attributif immédiat.
Le paiement de la créance est certes différé en cas de contestation de la mesure devant le juge de l'exécution, mais il ne l'est que jusqu'à ce qu'il ait été statué sur cette contestation. La circonstance que, postérieurement à la saisie, l'exécution provisoire de la décision servant de fondement à la mesure de saisie fasse l'objet d'un aménagement, qui est sans effet sur la saisie comme dit ci-dessus, est sans plus d'effet sur le paiement, une fois cette contestation tranchée. La consignation par la société appelante des sommes au paiement desquelles elle a été condamnée ne fait donc pas obstacle au paiement des sommes saisies-attribuées au profit de la société Plasticon composites international contracting BV, et le juge de l'exécution, qui n'a pas le pouvoir de suspendre l'exécution des décisions de justice, ne peut suspendre les effets d'une saisie-attribution qu'il a jugée régulière.
Il n'a par ailleurs pas le pouvoir d'ordonner la libération des fonds consignés en exécution de l'ordonnance du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 26 novembre 2021, qui ne constitue pas une mesure d'exécution forcée.
Les demandes subsidiaires de la société Eiffage énergie systèmes - Clemessy services sont donc rejetées.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant en son appel, la société Eiffage énergie systèmes - Clemessy services devra en supporter les dépens.
Aucune considération d'équité, ni tirée des situations économiques respectives des parties ne justifie de faire application, au profit de l'une ou l'autre, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,
CONFIRME, en toutes ses dispositions frappées d'appel, le jugement rendu le 15 décembre 2021 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Versailles, sauf à cantonner les effets de la saisie-attribution du 26 mai 2021 à la somme de 1 518 907,35 euros en principal, intérêts et frais ;
Y ajoutant,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes en cause d'appel ;
Condamne la société Eiffage énergie systèmes - Clemessy services aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés par le conseil de la société Plasticon composites international contracting BV dans les conditions prévues par l'article 699 alinéa 2 du code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,