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02/06/2022 | FRANCE | N°19/02257

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 02 juin 2022, 19/02257


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 02 JUIN 2022



N° RG 19/02257 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TGTF



AFFAIRE :



[N] [F]





C/

S.A.S. SFR DISTRIBUTION





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Avril 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : F17/02126



Copies exécutoires et

certifiées conformes délivrées à :



Me Aïcha CONDE



Me Antoine VIVANT





le : 03 Juin 2022



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt s...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 JUIN 2022

N° RG 19/02257 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TGTF

AFFAIRE :

[N] [F]

C/

S.A.S. SFR DISTRIBUTION

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Avril 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : F17/02126

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Aïcha CONDE

Me Antoine VIVANT

le : 03 Juin 2022

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [N] [F]

née le 09 Octobre 1980 à [Localité 5] (75)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par : Me Aïcha CONDE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0023

APPELANTE

****************

S.A.S. SFR DISTRIBUTION

N° SIRET : 410 358 865

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par : Me Antoine VIVANT de la SELEURL Vivant Avocat SELARL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1063,substitué par Me CURNIER-CRIBEILLET Pauline ,avocate au barreau de Paris.

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 29 Mars 2022, devant la cour composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SAS SFR Distribution intervient sur l'ensemble des activités de distribution du marché Grand Public au sein du Pôle Telecom du groupe SFR Group. Dans ce cadre, elle est en charge de l'exploitation des boutiques Espace SFR, du réseau Grandes enseignes, des circuits de proximité et de la vente à domicile.

En 2016, SFR Group a fait l'objet d'une réorganisation de ses activités de distribution. Il a été engagé le 9 septembre 2016 un processus d'information-consultation du comité d'entreprise sur ce projet et ses mesures d'accompagnement.

Un accord collectif majoritaire relatif à un projet de licenciement collectif pour motif économique a été signé le 19 octobre 2016 et validé par la Direccte le 17 novembre 2016.

Cet accord prévoyait un plan de mobilité professionnelle contenant des mesures de mobilité interne et externe (plan de départs volontaires) ainsi qu'un dispositif de transition de carrière.

Mme [N] [F], née le 5 octobre 1980, a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée par la société SFR le 18 mai 2006 avec effet au 12 juin 2006 en qualité d'ingénieur commercial.

La convention collective applicable est celle des télécommunications.

Le 29 août 2016, le contrat de travail de Mme [F] a été transféré au sein de la société SFR Distribution. 

Par courrier du 24 novembre 2016, la salariée a été informé par la société SFR Distribution de son éligibilité au plan de mobilité professionnelle en sa qualité de responsable de zone de vente / région IDF.

Un protocole de rupture d'un commun accord a été signé entre les deux parties le 24 janvier 2017.

Par requête reçue au greffe le 28 juillet 2017, Mme [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin de voir dire que le protocole de rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et voir prononcer des condamnations en paiement à son bénéfice au titre de créances de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement rendu le 18 avril 2019, le conseil de prud'hommes de Nanterre, section encadrement, a :

- ordonné la clôture de la mise en état de l'affaire,

- débouté Mme [F] de l'ensemble de ses demandes,

- dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

Mme [F] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 16 mai 2019.

Par conclusions adressées par voie électronique le 11 février 2020, Mme [F] demande à la cour de :

- la recevoir en ses demandes,

- l'en déclarer bien fondée,

Ce faisant :

- infirmer le jugement querellé,

Statuant à nouveau :

- dire et juger que le protocole de rupture d'un commun accord pour motif économique signé le 24 janvier 2017, produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- fixer la moyenne de salaire à la somme de 3 988,79 euros avant rappel de salaire, et à 4 119,25 euros après rappel de salaire,

En conséquence :

- condamner la société SFR Distribution à payer à Mme [F]:

' 2 419,28 euros, à titre de rappel de commissions au titre des années 2015 et 2016,

' 241,92 euros de congés payés afférents,

' 386,70 euros à titre de solde d'indemnité compensatrice de préavis,

' 38,67 euros de congés payés afférents,

' 1 243,75 euros à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés,

' 479,53 euros à titre de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement,

' 1 546,92 euros titre de solde d'indemnité complémentaire de licenciement,

' 38 103 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des accords d'entreprise,

' 8 530,44 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la priorité de réembauche,

' 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance d'incident rendue le 2 septembre 2021, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions adressées le 24 décembre 2019 par la société SFR Distribution.

Par ordonnance rendue le 9 mars 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 29 mars 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS

Sur l'obligation de reclassement

La salariée retient que si l'accord majoritaire portant sur les mesures sociales d'accompagnement du projet de réorganisation de la société SFR Distribution comprenait l'engagement de cette dernière de ne recourir qu'au volontariat et de ne procéder à aucun licenciement, il n'en demeure pas moins qu'afin d'atteindre la réorganisation cible de la société au sein du groupe, cet accord prévoyait des suppressions de postes déterminés et non un simple objectif global de réduction d'effectif.

Elle fait valoir qu'aux termes de la lettre d'éligibilité qui lui a été adressée le 24 novembre 2016, il lui a été notifié que la société entendait supprimer 17 postes relevant de la catégorie des responsables de vente/Ile de France , que dès lors, la société SFR Distribution était tenue d'une obligation de reclassement interne à son égard.

Elle retient qu'elle aurait été en droit de refuser la modification induite de son contrat de travail au cas où il lui aurait été proposé un repositionnement ce qui aurait nécessité son reclassement.

Elle observe que cette obligation de reclassement interne découle de la décision de la Direccte elle même et des textes applicables. Elle énonce que cette obligation, préalable à la signature du protocole de rupture amiable découle du courrier même de l'employeur énonçant son éligibilité au plan de mobilité professionnelle en raison de la suppression de son poste étant relevé qu'à aucun moment, l'employeur n'indique dans sa lettre que faute d'acceptation du plan de départs volontaires, il n'y aurait pas de licenciement et qu'ainsi son emploi serait préservé.

Elle fait également valoir que l'obligation de reclasser un salarié avant la signature du protocole de rupture amiable découle de l'accord majoritaire dont l'article 1.1 visait la possibilité pour chaque salarié éligible de candidater en interne ce qui impliquait son information sur les postes disponibles correspondant à son profil laquelle n'a pas été donnée, qu'en l'espèce l'employeur s'est contenté d'inviter les salariés éligibles au plan de mobilité professionnelle, en raison de la suppression de postes, à consulter la bourse de l'emploi , qu'elle n'a bénéficie d'aucune mesure destinée à favoriser son maintien dans le groupe, ce alors même que l'employeur ne justifie pas qu'il n'existait pas en son sein, dans les sociétés du groupe, des emplois disponibles de la même catégorie que la sienne ou de catégorie équivalente ou à défaut et sous réserve de son accord, d'une catégorie inférieure, que la société ne peut se prévaloir du fait qu'elle ait candidaté au plan de départ volontaire pour échapper à son obligation, qu'elle n'a eu d'autre choix que d'accepter la rupture du 24 janvier 2017.

L'intéressée fait état d'une violation de l'accord majoritaire soit plus précisément de ses articles 4.1 , 4.2 et 4.3.1.

Elle retient également que si elle avait été informé de ce qu'elle bénéficiait sur son bassin d'emploi d'un emploi sans modification de rémunération et de même qualification, elle n'aurait jamais souscrit au plan de départs volontaires.

Sur ce,

L'accord majoritaire portant sur les mesures sociales d'accompagnement du projet de réorganisation de la société SFR Distribution du 19 octobre 2016 mentionne en en- tête qu'il est conclu en application des dispositions de l'article L 1233-24-1 du code du travail.

Ce dernier énonce , dans sa version applicable en l'espèce, que dans les entreprises de cinquante salariés et plus, un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 ainsi que les modalités de consultation du comité d'entreprise et de mise en 'uvre des licenciements.

L'article L.1233-57-2 1° du code du travail, dans sa version applicable en l'espèce, vise que l'autorité administrative valide l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 dès lors qu'elle s'est assurée de sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3 , ces articles déclinant les obligations de reclassement de l'employeur.

Selon l'article L.1235-7-1 du code du travail, l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1, le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-4. Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux.

Il s'en déduit que le juge judiciaire ne saurait ici examiner la question de savoir si l'accord majoritaire du 19 octobre 2016 comprenait un plan de reclassement interne valable au regard des critères retenus par la Cour de cassation dans sa jurisprudence citée par la salariée laquelle répondait à la question de savoir dans quels cas un plan de reclassement interne devait être intégré au plan de sauvegarde de l'emploi lorsqu'un projet de réduction d'effectifs de l'employeur impliquait la suppression de l'emploi de salariés ne voulant ou ne pouvant quitter l'entreprise dans le cadre d'un plan de départs volontaires.

Sans soulever précisément la question de la validité du plan de départs volontaires ici conclu , Mme [F] fait valoir qu'elle aurait du bénéficier d'un reclassement interne régulier avant de signer le protocole de rupture d'un commun accord pour motif économique du 24 janvier 2017.

La question ainsi posée a trait à la mise en oeuvre des mesures de l'accord majoritaire et la décision du conseil de prud'hommes a lieu d'être confirmée en ce qu'elle a décidé de statuer sur le fond..

A cet égard, la cour observe à titre liminaire que l'accord vise distinctement les mesures favorisant la mobilité interne et externe des salariés de celles relatives à leur 'repositionnement', la direction s'engageant alors à 'garantir au salarié sur son bassin d'emploi (...), un emploi de même qualification, sans modification de sa rémunération lorsque la Direction n'aura pu maintenir l'emploi du salarié qui aura été supprimé par l'effet de la réorganisation et que le salarié n'aura ni souhaité candidater à un départ volontaire ni accepté une mobilité interne'.

Cette clause exclut le licenciement de la salariée du fait de la suppression de son emploi mais retient la proposition qui lui sera alors faite de la repositionner à défaut d'une mobilité interne ou externe.

Si l'intéressée énonce , dans ce cadre, que ce 'repositionnement' aurait inéluctablement conduit à une modification de son contrat de travail en raison de la suppression de la totalité des postes de distribution dans la région Ile de France' ce qui aurait abouti à son licenciement économique du fait de son refus de la modification de son contrat de travail en lien avec la réorganisation de l'entreprise, son moyen reste conditionnel , sans lien avec les faits soumis à la cour laquelle ne saurait déduire l'obligation de reclassement de l'employeur d'un cas juridiquement distinct de celui se déduisant des faits de l'espèce.

En tout état de cause, il ressort de ses termes que l'accord tout en visant la suppression de 868 postes visait aussi la création de 588 autres et que la proposition de repositionnement susvisée , qui dépendait également du nombre de départs volontaires effectifs, ne pouvait être anticipée, n'ayant vocation à intervenir que si la salariée, à terme, n'avait pas souhaité candidater à un départ volontaire ou à une mobilité interne ou si sa candidature n'avait pas été retenue ce qui ressort clairement des termes de l'accord majoritaire transmis aux salariés par les partenaires sociaux.

S'agissant de la proposition de 'reclassement' dont la salariée retient qu'elle aurait du lui être présentée avant la rupture d'un commun accord du 24 janvier 2017, il est rappelé qu'aux termes de l'article L.1233-24-3 du code du travail , l'accord prévu à l'article L 1233-24-1 ne peut en effet déroger à l'obligation de reclassement incombant à l'employeur en application de l'article L 1233-4 du même code.

Il est rappelé à cet égard que l'accord majoritaire du 19 octobre 2016 signé après la conclusion de l'accord collectif New Deal du 3 août 2016 prévoit la mise en place d'un plan de mobilité professionnelle dont l'objet est défini par référence à l'article L.1233-24-2 et suivants du code du travail ( page 5) lequel retient l'obligation de reclassement.

La cour observe que dans sa décision du 17 novembre 2016, la Direccte des Hauts de Seine a fait porter son contrôle 'sur le contenu du plan de sauvegarde mentionné aux articles L 1233-61 à 63 du code du travail ' ce qui induit son examen des actions visées à l'article L.1233- 62 du code du travail.

Ainsi qu'il l'a été rappelé, il n'appartient pas au juge judiciaire de procéder à ce même contrôle soit notamment d'examiner les conditions dans lesquelles la société et les organisations syndicales représentatives ont entendu, en l'espèce, décider des modalités d'accès, par les salariés éligibles, aux postes à pourvoir en interne ( page 14 de l'accord), des délais accordés pour candidater sur ces derniers et des mesures d'accompagnement pour ce faire.

A cet égard, il sera uniquement constaté que le plan énonce qu'une lettre d'information sera adressée à chaque collaborateur éligible, chacun pouvant ainsi choisir de préparer ou de formaliser un projet pour présenter sa candidature à une mobilité interne ou externe, les départs volontaires ou ceux s'inscrivant dans le cadre du dispositif de transition de carrière ainsi que les mobilités internes s'échelonnant sur toute la durée du plan, une mise à jour quotidienne des catégories d'emplois éligibles étant disponible auprès de l'espace conseil mobilité.

Le plan décline, s'agissant plus précisément de la mobilité intra groupe (articles 4.1 à 4.3 dont le salarié invoque la violation), les moyens spécifiques mis à la disposition des collaborateurs éligibles soit le recensement des postes disponibles en interne, l'aide à la préparation des candidatures et à la mobilité géographique, les formations possibles, la prise en charge des frais induits, ces candidatures pouvant être présentées pendant une période de huit semaines pour les postes à pourvoir au sein de SFR Distribution et SFR Business Distribution et de quatre semaines pour les postes à pourvoir au sein des autres entités du groupe, les collaborateurs éligibles restant cependant prioritaires à compétence égale par rapport à tout autre collaborateur du groupe passé ce délai. Il est également mentionné que lorsque la candidature du collaborateur est retenue, il dispose d'un délai de huit jours calendaires pour accepter et signer l'avenant à son contrat de travail.

Les mobilités externes sont fondées, pour leur part, sur des projets individuels des salariés volontaires accompagnés de pièces justificatives permettant l'analyse et la validation du projet par la commission de validation des projets, des mesures d'accompagnement étant déclinées dont une indemnité de différentiel de rémunération ou un accompagnement d'un projet finalisé de création/reprise d'entreprise.

La cour observe que dans les termes du courrier du 24 novembre 2016 de la société, il est fait état à Mme [F] de son éligibilité tant au projet de mobilité interne qu'au projet de mobilité externe sur la base du volontariat et de son bénéfice, dans chacun des cas, des mesures d'accompagnement susvisées.

Il résulte des échanges menés avec la société SFR Distribution ainsi qu'avec la société Alixio qu'après examen de sa situation de la salariée, Mme [F] a validé la rupture et énoncé le 27 janvier 2017 souhaiter bénéficier d'un congé de reclassement en ces termes : ' c'est parfait pour moi . J'apporterai l'ensemble des documents que j'ai signés dans le protocole de départ. Dites moi si je dois fournir d'autres documents'

La rupture d'un commun accord du 24 janvier 2017 s'inscrit dans ce cadre. Elle fait état de ce que le projet de la salariée a été validé par la commission de validation des projets selon les termes d'un courriel notifié le 18 janvier 2017 et que Mme [F] a confirmé le maintien de son projet et de la rupture à cette même date .

Sachant ainsi qu'il ressort des éléments en présence que l'intéressée a été informée de sa possibilité de candidater à des postes en interne par le courrier du 24 novembre 2016, qu'elle a eu accès à ces postes dans les termes déclinés dans l'accord du 19 octobre 2016, qu'elle ne justifie pas de candidatures en interne , qu'en tout état de cause, aucun élément ne vient justifier d'un refus systématique et non fondé de telles candidatures avant la validation de son projet et son acceptation de la rupture, les manquements opposés à la société SFR Distribution relativement à son obligation de reclassement en interne ne seront pas retenus.

- Sur la violation des accords d'entreprise,

La salariée fait observer que l'employeur était tenu d'une garantie d'emploi dans le cadre de l'accord sur la garantie d'emploi du 25 juin 2014 et de l'accord de New Deal du 3 août 2016 ce, jusqu'au 1er juillet 2017 et que cette obligation prévalait jusqu'à la signature du protocole de rupture d'un commun accord signé le 8 février 2017.

Elle oppose également à l'employeur la violation de l'accord du 17 décembre 2015 relatif aux mesures d'accompagnement dans le cadre de la transformation au sein de NC Numéricable et de l'accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences GPEC du 1er février 2017

S'agissant de l'accord du 25 juin 2014 , il est ici observé que Mme [F] était salariée de la société SFR Distribution et que celle-ci ne figure pas parmi la liste des sociétés (annexe 1 de l'accord du 25 juin 2014) entrant dans le champ d'application de cet accord sur les garanties au titre de l'emploi dans le cadre du projet de rapprochement de Numericable Group et de SFR conclu entre la société Numericable Group et les organisations syndicales représentatives.

L'accord constitutif d'un 'New deal' pour le pôle Télécoms de SFR Group du 3 août 2016 a trait pour sa part au projet de réorganisation de la distribution et l'accord du 19 octobre 2016 est conclu à sa suite.

Si cet accord du 3 août 2016 étend jusqu'au 1er juillet 2017 la garantie d'emploi déclinée dans

l' accord du 25 juin 2014 au sein de Numericable Group à la société SFR Distribution ( annexe1), la cour observe qu'il y est mentionné ( article 1.2) que cette garantie n'empêche pas la mise en place de plan de départs volontaires au sein de cette société, que ( article 1.3) jusqu'au 30 juin 2019, la direction s'engage sauf exceptions, à ce que les ruptures pour motif économique s'effectuent uniquement sur la base du volontariat, que ( article 1.4) si les sociétés parties du pôle Télécoms s'engagent à ce qu'aucun plan de départs volontaires pour motif économique ne soit mis en place avant le 1er juillet 2017, les filiales de la Distribution sont exclues de ce dispositif, la direction s'engageant ( article 1.5) à ce que les mesures d'indemnisation et d'accompagnement des plans de départs volontaires pour motif économique mis en 'uvre en 2016 et 2017 soient celles prévues au titre III de l'accord-cadre de méthode et de garanties sociales de SFR du 29 mars 2013 (ou PDV SFR 2013).

Il s'en déduit que l'accord majoritaire du 19 octobre 2016 n'ayant traité que de l'accompagnement à la mobilité interne et externe du plan de réduction des effectifs consécutif au projet de réorganisation des activités de distribution, ce dans les termes exhaustifs ici retenus, les accords sur la garantie d'emploi du 25 juin 2014 et de New Deal du 3 août 2016 n'ont pas été violés, la cour relevant en outre que dans le protocole de rupture d'un commun accord du 24 janvier 2017, la salariée énonce, sans justifier d'un vice de son consentement à cet égard, renoncer en tout état de cause à toute garantie d'emploi qu'elle tient d'accords collectifs en vigueur.

S'agissant de l'accord du 17 décembre 2015 , la cour relève que ce dernier , antérieur à celui du 3 août 2016, signé entre la société NC Numéricable et les organisations syndicales représentatives, a trait à un socle de mesures d'accompagnement devant être mises en 'uvre dans le cadre des projets prioritaires faisant l'objet d'une procédure d'information/consultation du comité d'entreprise de la société NC Numéricable.

Il y est d'ailleurs à cette époque envisagé la possibilité pour les salariés de la société NC Numéricable d'accepter une proposition de poste au sein d'un espace SFR des filiales de distribution (page 15) .

Le champ d'application et l'objet de cet accord ne permettent en tout état de cause pas de l'opposer dans les présents débats.

L'accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences GPEC pour le pôle Télécoms de SFR Group du 1er février 2017 est pour sa part applicable à la société SFR Distribution sous réserve cependant de son titre 9 'modalités spécifiques de la GPEC de février au 30 juin 2017"ce, étant tenu compte de ce qu'il n'est plus prévu de plan de départs volontaires s'agissant de la société SFR Distribution à compter du 1er juillet 2017 ( page 8).

Cet accord du 1er février 2017 est entré en vigueur à compter de l'accomplissement de ses formalités de dépôt tandis que la rupture d'un commun accord du contrat de travail de Mme [F] était régi par les dispositions de l'accord majoritaire du 19 octobre 2016 selon un dispositif dont le protocole du 24 janvier 2017 , antérieur au 1er février, a été la dernière étape.

Mme [F] fait de nouveau valoir à ce stade que les articles 4.1, 4.2, 4.3.1 de l'accord majoritaire du 19 octobre 2016 n'ont pas été respectés.

Cependant, il a d'ores et déjà été retenu par la cour que la salariée a bénéficié, dans les formes négociées par les partenaires sociaux, de l'information requise sur les postes disponibles en interne, que sa situation a fait l'objet d'un examen circonstancié et a débouché sur un nouveau projet professionnel , la cour observant que le plan prévoyait la possibilité de formation et d'adaptation en cas de nécessité.

Ces éléments conduiront à confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation en paiement de l'employeur pour non-respect des accords d'entreprise.

- sur le rappel de salaire au titre des commissions non perçues

Mme [F] fait ici valoir que durant l'année 2015, le service de vente SFR a été désorganisé en raison de la restructuration en cours du fait de son rachat par la société Numéricable, que de ce fait, les ingénieurs commerciaux ont connu des difficultés pour atteindre leurs objectifs. Elle ajoute que les objectifs 2015 et 2016 lui ont été assignés tardivement voire pas du tout. Elle fait état des rattrapages opérés partiellement.. Elle sollicite un rappel de commissions pour les années 2015 et 2016.

Le contrat de travail de Mme [F] retient que celle-ci , en sa qualité d'ingénieur commercial, perçoit une rémunération mensuelle forfaitaire fixe d'un montant de 1750 € par 12 mois soit une rémunération annuelle brute forfaitaire fixe de 21'000 € outre, le cas échéant, une rémunération variable dès lors qu'elle aura atteint pleinement au cours de l'année de référence les objectifs qui lui auront été fixés se décomposant de la façon suivante : une partie variable quantitative mensuelle de 1036 € et une partie variable qualitative quadrimestrielle de 820 €.

Il est rappelé que les objectifs définis unilatéralement par l'employeur doivent être portés à la connaissance du salarié en début d'exercice. Les objectifs doivent également correspondre à des normes sérieuses et raisonnables, compatibles avec les moyens donnés.

Or en l'espèce, il découle des courriels produits aux débats que le 15 avril 2015, Mme [F] n'avait toujours pas reçu ses objectifs du deuxième trimestre 2015 tandis que dans un courriel du 6 mai 2015, la salariée a demandé communication de ses objectifs pour le mois de mai ainsi que ceux du deuxième trimestre 'au global', son supérieur l'informant de la communication de ces objectifs le 5 mai. Il se déduit également du courriel de la direction du 5 mai 2015 qu'est alors à l'étude une évaluation des résultats/objectifs commerciaux pour le premier trimestre et la décision de revoir les grilles de rémunération de la prime de ce trimestre.

S'agissant de l'année 2016, il se déduit d'un courriel de la direction que les objectifs relatifs au mois de juillet 2016 ont été modifiés tandis que le 21 décembre 2016, la salariée faisait état de sa difficulté à 's'y retrouver parmi les objectifs donnés du fait des nombreux changements et des 'annule et remplace'des objectifs'

Etant observé qu'il se déduit de ces éléments que la société SFR Distribution n'a pas donné à sa salariée et dans les délais requis la pleine information nécessaire afin d'atteindre des objectifs clairs et précis, l'employeur sera condamné à lui régler un rappel de commissions sur la base de celles antérieurement perçues et étant tenu compte de ses arrêts de travail pour maladie soit au titre de l'année 2015, la somme de 872,36 euros et au titre de l'année 2016 une somme de 1546,92 euros soit une somme totale d'un montant de 2419,28 euros outre 241,92 euros au titre des congés payés afférents.

- sur le rappel d'indemnités de rupture

L'article 12.2.2 de l'accord majoritaire retient que le salaire brut utilisé pour calculer le montant de l'indemnité complémentaire est le salaire brut moyen versé sur les douze derniers mois précédant la rupture, primes, bonus, heures supplémentaires , astreintes et variable inclus et exclusion faite de tout élément perçu qui ne correspond pas à la contrepartie du travail du salarié sans tenir compte des périodes d'indemnisation maladie et à l'exclusion des remboursements de frais.

La période de référence s'étend en l'espèce de janvier à décembre 2016.

Sur la base de la rémunération visée à l'article 12.2.2 perçue sur ces douze mois et après ajout du rappel de commissions durant la période de référence, la société SFR Distribution sera condamnée à régler à Mme [F] les sommes suivantes sur la base d'un salaire de référence de 4117,70 euros par mois

- 386,70 euros à titre de solde d'indemnité compensatrice de préavis et 38,67 euros au titre des congés payés afférents,

- 479,53 euros à titre de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 1546,92 euros à titre de solde d'indemnité complémentaire de licenciement,

- sur le solde d'indemnité compensatrice de congés payés,

Dans les termes déclinés par la salariée, il ressort des mentions portées sur les bulletins de salaire du mois d'août et septembre 2016, que tandis que Mme [F] n'avait posé que 13 jours de congés payés au mois d'août 2016, elle disposait d'un solde de congés payés acquis de 13 jours et non de huit jours dans les termes retenus par l'employeur.

La rectification afférente n'étant pas déclinée dans le bulletin de salaire du mois d'avril relatif au solde de tout compte, la société SFR Distribution sera condamnée à payer à Mme [F] la somme de 1243,75 euros de ce chef.

- sur la violation de la priorité de réembauche

Mme [F] fait ici valoir qu'elle a écrit à son employeur le 27 avril 2017 afin de lui indiquer qu'elle souhaitait bénéficier de la priorité de réembauche, que si par lettre du 25 septembre 2017, l'employeur lui a adressé une liste d'une trentaine de postes de conseiller de vente, aucune proposition ne lui a été apportée concernant des postes d'ingénieur commercial, d'ingénieur technico-commercial pourtant disponibles. Elle observe qu'elle n'a plus été destinataire d'aucune offre, que le 9 mai 2018, elle a adressé sa candidature pour un poste d'ingénieur commercial PME

qui a fait l'objet d'un rejet dans des termes contestables.

L'article L.1233-45 du code du travail retient que le salarié, licencié pour motif économique, bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai.

Dans ce cas, l'employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification. En outre, l'employeur informe les représentants du personnel des postes disponibles.

Le salarié ayant acquis une nouvelle qualification bénéficie également de la priorité de réembauche au titre de celle-ci, s'il en informe l'employeur.

L'article 5 du protocole de rupture amiable vise que l'intéressé bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date à laquelle cesseront toutes les relations contractuelles entre les parties à condition d'avoir informé la société , dans ce délai, de son désir d'user de cette priorité.

Or, en l'espèce, les pièces produites conduisent à constater que l'employeur a uniquement proposé le 25 septembre 2017 à Mme [F] un poste de conseiller de vente.

La société a décliné le 17 mai 2018 sa candidature au poste d'ingénieur commercial PME du 9 mai 2018 ce alors même qu'il est justifié aux débats de postes d'ingénieur commercial publiés en interne courant 2018 lesquels avaient vocation à être proposés à la salariée eu égard à sa demande opérée , alors, dans le respect des délais susvisés.

Ces éléments conduiront à condamner la société SFR Distribution à payer à Mme [F] la somme de 8235,40 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la priorité de réembauche.

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

Il sera statué sur les dépens et frais irrépétibles dans les termes du dispositif.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de la salariée au titre du rappel de commissions, du solde d'indemnités de rupture, du solde d'indemnité compensatrice de congés payés et de l'indemnité pour violation de la priorité de réembauche;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la société SFR Distribution à payer à Mme [N] [F] les sommes suivantes:

:-2419,28 euros à titre de rappel de commissions 2015 et 2016 et 241,92 euros au titre des congés payés afférents

- 386,70 euros à titre de solde d'indemnité compensatrice de préavis et 38,67 euros au titre des congés payés afférents,

- 479,53 euros à titre de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 1546,92 euros à titre de solde d'indemnité complémentaire de licenciement,

-1243,75 euros à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés,

-8235,40 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la priorité de réembauche,

DIT que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société SFR Distribution de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société SFR Distribution à payer à Mme [N] [F] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

CONDAMNE la société SFR Distribution aux dépens .

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code procédure civile et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président, et par Madame BOUCHET-BERT Elodie,Greffière,auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 19/02257
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;19.02257 ?
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