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01/06/2022 | FRANCE | N°20/00791

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 01 juin 2022, 20/00791


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 01 JUIN 2022



N° RG 20/00791 - N° Portalis DBV3-V-B7E-TZ7M



AFFAIRE :



Me LEGRAS DE GRANDCOURT agissant en qualité de liquidateur judiciaire





C/

[E] [Z]





L'UNEDIC, DÉLEGATION AGS CGEA IDFO prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité





Décision déféré

e à la cour : Jugement rendu le 16 Janvier 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Chambre :

N° Section : Encadrement

N° RG : 17/01615



Copies exécutoires et certifiées conformes délivr...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 01 JUIN 2022

N° RG 20/00791 - N° Portalis DBV3-V-B7E-TZ7M

AFFAIRE :

Me LEGRAS DE GRANDCOURT agissant en qualité de liquidateur judiciaire

C/

[E] [Z]

L'UNEDIC, DÉLEGATION AGS CGEA IDFO prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Janvier 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Chambre :

N° Section : Encadrement

N° RG : 17/01615

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Marie-Laure ABELLA

la ASSOCIATION BONNERY DUBARRY

la SCP HADENGUE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE UN JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Me Patrick LEGRAS DE GRANDCOURT agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société MOTORSPORT TV FRANCE

N° SIRET : 390 963 668

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Marie-Laure ABELLA,Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 443 - Représentant : Me Jean-Marie GUILLOUX, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0818

APPELANTE

****************

Monsieur [E] [Z]

né le 06 Octobre 1979 à [Localité 7]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentant : Me Bénédicte BONNERY-FOUTER de l'ASSOCIATION BONNERY DUBARRY, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E2101

INTIME

****************

L'UNEDIC, DÉLEGATION AGS CGEA Ile de France Ouest

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE et Associés, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 substitué à l'audience par Me Grégoire FRANCOIS, avocat au barreau de PARIS

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Avril 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Anne-Sophie CALLEDE,

M. [E] [Z] a été embauché selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2009 en qualité de responsable de clientèle (statut de cadre) par la société Motorsport TV France, moyennant une rémunération composée d'une partie fixe et d'une partie variable.

Par jugement du 31 mai 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de sauvegarde judiciaire à l'égard de la société Motorsport TV France.

À compter du 19 juin 2017, M. [Z] a été placé en arrêt de travail pour maladie.

Par lettre du 7 juillet 2017, la société Motorsport TV France a convoqué M. [Z] à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Par lettre du 31 juillet 2017, la société Motorsport TV France, qui employait alors habituellement au moins onze salariés, a notifié à M. [Z] son licenciement pour motif personnel.

Le 18 décembre 2017, M. [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt pour contester le bien-fondé de son licenciement et demander la condamnation de la société Motorsport TV France à lui payer diverses sommes à titre notamment de rappel de salaire pour heures supplémentaires, de rappel de commissions et de dommages-intérêts.

Par un jugement du 16 janvier 2020, le conseil de prud'hommes (section encadrement) a :

- fixé le salaire brut mensuel de référence à la somme de 4 507,56 euros ;

- dit que le licenciement de M. [Z] est sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société Motorsport TV France à payer à M. [Z] les sommes suivantes :

* 40 000 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause et sérieuse ;

* 5 000 euros net à titre de dommages-intérêts en réparation des conditions vexatoires entourant le licenciement ;

* 12 135,53 euros brut à titre de rappel de salaire sur commissions et 1 213,55 euros brut au titre des congés payés afférents ;

* 30 955,42 euros brut à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et 3 095,54 euros brut au titre des congés payés afférents ;

* 5 827,08 euros brut au titre de la contrepartie obligatoire en repos et 582,70 euros brut au titre des congés payés afférents ;

- dit que les intérêts légaux commencent à courir à compter de la date de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation soit le 18 décembre 2017 ;

- condamné la société Motorsport TV France à payer à M. [Z] une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Motorsport TV France à verser à Pôle emploi les indemnités perçues par M. [Z] dans la limite de trois mois ;

- débouté M. [Z] du surplus de ses demandes ;

- prononcé l'exécution provisoire de droit ;

- débouté la société Motorsport TV France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Motorsport TV France aux dépens.

Le 13 mars 2020, la société Motorsport TV France a interjeté appel de ce jugement.

Par jugement du 15 avril 2020, le tribunal de commerce de Boulogne-Billancourt a prononcé la liquidation judiciaire de la société Motorsport TV France et a désigné Me Legras de Grandcourt en qualité de liquidateur judiciaire.

Aux termes de ses conclusions du 11 juin 2020, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, Me Legras de Grandcourt, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Motorsport TV France, demande à la cour de :

- confirmer le jugement attaqué sur le débouté des demandes de M. [Z] ;

- infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau de dire que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouter M. [Z] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner M. [Z] à lui payer une somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

- à titre subsidiaire, limiter le montant de la créance d'indemnité pour licenciement sans cause et sérieuse à la somme de 24 407,04 euros.

Aux termes de ses conclusions du 11 mai 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, M. [Z] demande à la cour de :

- confirmer le jugement attaqué sur le licenciement et fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Motorsport TV France les créances suivantes :

* 40 000 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause et sérieuse ;

* 5 000 euros net à titre de dommages-intérêts en réparation des conditions vexatoires entourant le licenciement ;

* 12 135,53 euros brut à titre de rappel de salaire sur commissions et 1 213,55 euros brut au titre des congés payés afférents ;

* 30 955,42 euros brut à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et 3 095,54 euros brut au titre des congés payés afférents ;

* 5 827,08 euros brut au titre de la contrepartie obligatoire en repos et 582,70 euros brut au titre des congés payés afférents ;

- infirmer le jugement sur le débouté de ses demandes et le montant des dommages-intérêts pour circonstances vexatoires entourant le licenciement et statuant à nouveau, fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Motorsport TV France les créances suivantes :

* 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des conditions vexatoires entourant le licenciement ;

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison de la remise tardive des documents de fin de contrat et du paiement tardif du solde de tout compte ;

* 27 045,36 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Motorsport TV France une somme de 4 000 euros titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- à titre subsidiaire, si le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Motorsport TV France une créance d'un montant de 4 507,56 euros à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement.

Aux termes de ses conclusions du 17 février 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, l'AGS CGEA Île-de-France Ouest demande à la cour de :

- confirmer le jugement sur les déboutés ;

- infirmer le jugement sur le licenciement et les condamnations et débouter M. [Z] de l'ensemble de ses demandes ;

- subsidiairement, limiter à la somme de 27 045 euros la créance d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- en tout état de cause :

* mettre hors de cause l'AGS s'agissant des frais irrépétibles de la procédure ;

* dire que l'ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts légaux ;

* déclarer que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-17 et L. 3253-19 à 21 du code du travail et déclarer que l'obligation de faire l'avance de la somme à laquelle est évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 29 mars 2022.

SUR CE :

Sur le rappel de salaire pour heures supplémentaires de novembre 2014 à juin 2017 , la contrepartie obligatoire en repos et l'indemnité pour travail dissimulé :

Considérant sur le rappel de salaire pour heures supplémentaires et la contrepartie obligatoire en repos, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 3171-2 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés ; que selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'administration du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié et que la nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire ; que selon l'article L. 3171-4 du code du travail : 'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable' ; qu'il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées ; qu'après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant ;

Qu'en l'espèce, M. [Z] indique qu'il commençait ses journées de travail à 10 heures et produit notamment un décompte faisant apparaître jour par jour l'horaire de fin de journée et le nombre d'heures de travail revendiquées ainsi que le nombre d'heures de travail hebdomadaire réclamées, et des courriels professionnels horodatés afférents à ses horaires de fin de journée ;

Qu'il présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ;

Que pour leur part, le liquidateur judiciaire de la société Motorsport TV France et l'AGS ne produisent aucun élément sur les heures de travail accomplies par M. [Z] ;

Qu'ils ne démontrent pas non plus que la rémunération versée pour la période en litige correspondait à 39 heures de travail mensuelles, les bulletins de salaire mentionnant seulement l'accomplissement de 151,67 heures mensuelles, soit 35 heures mensuelles ;

Qu'enfin, les courriels professionnels versés aux débats par M. [Z] démontrent que les heures supplémentaires en litige ont été rendues nécessaires par la nature des tâches qui lui ont été confiées par son employeur ;

Que par suite, en premier lieu, il y a lieu de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Motorsport TV France une créance d'un montant de 30 955,42 euros brut à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et une créance d'un montant de 3 095,54 euros brut au titre des congés payés afférents ; que le jugement attaqué, qui condamne la société Motorsport TV France désormais liquidée, sera donc infirmé sur ce point ;

Qu'en second lieu, eu égard aux dépassements du contingent annuel d'heures supplémentaires en 2015, à hauteur de 196 heures, il sera fixé au passif de la liquidation judiciaire une créance d'un montant de 5 827 ,08 euros brut à titre d'indemnité pour la contrepartie obligatoire en repos non prise et une créance d'un montant de 582,70 euros brut à titre d'indemnité pour les congés payés afférents ;

Considérant, sur l'indemnité pour travail dissimulé, qu'aux termes de l'article L.8221-5 du code du travail, 'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales' ;

Qu'en l'espèce, M. [Z] ne démontre pas le caractère intentionnel du défaut de mention sur ses bulletins de salaire d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui accompli comme l'a justement estimé le conseil de prud'hommes ; que le débouté de la demande d'indemnité pour travail dissimulé sera donc confirmé ;

Sur le rappel de commissions :

Considérant qu'il appartient à l'employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable d'un salarié et, lorsqu'il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation ;

Qu'en l'espèce, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont reconnu une créance de M. [Z] à ce titre, étant précisé que le liquidateur judiciaire ne démontre ni les défauts d'encaissement de facturation, ni le montant des marges qu'il invoque pour dénier cette créance ou encore produit des documents comptables incompréhensibles ou illisibles à cette fin ;

Que le jugement, qui condamne la société Motorsport TV France elle-même, sera infirmé pour ce motif, et les créances de 12 135,53 euros brut à titre de rappel de salaire sur commission et 1 213,55 euros brut au titre des congés payés afférents, reconnues par les premiers juges, seront fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société Motorsport TV France ;

Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences :

Considérant que la lettre de licenciement pour 'motif personnel' notifié à M. [Z] qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée : '(...) Malgré le soutien que nous a apporté notre nouvelle actionnaire le groupe Motorsport Network et la mise en 'uvre d'une nouvelle organisation commerciale, nous sommes au regret de constater une chute vertigineuse du chiffre d'affaire qui ne peut s'expliquer que par vos seules carences.

Nous vous rappelons que vous avez contribué à la réalisation d'un chiffre d'affaires à peu près constant de 2013 à 2015 pour une moyenne annuelle de 535 000 euros hors-taxes. En 2016, dans un contexte très difficile lié à l'ouverture d'une procédure de sauvegarde et à l'adoption d'un plan de continuation fin 2016, vous avez réalisé un chiffre d'affaires de 410 224 euros, tout en améliorant la marge nette.

Alors que nous attendions un développement ou à tout le moins au minimum une stabilisation du chiffre d'affaires pour 2017, nous déplorons une chute aussi importante qu'imprévisible de votre activité commerciale, puisque vous n'avez réalisé qu'un chiffre d'affaires de 73 510 euros hors-taxes sur une période courant de janvier à fin juin 2017, soit le plus faible montant jamais enregistré depuis le lancement de notre chaîne en septembre 2000.

Ni la conjoncture économique, ni les difficultés passées de Motorsport TV France ne justifient l'extrême faiblesse du chiffre d'affaires réalisé.

Vous n'avez à l'évidence pas tenu compte de nos alertes ni souhaité vous inscrire dans la nouvelle organisation commerciale impulsée par notre actionnaire malgré les efforts notables et répétés du nouveau directeur commercial.

Votre nouveau responsable hiérarchique n'a pas pu obtenir de votre part le minimum d'informations nécessaires pour pouvoir vous aider. Vous avez clairement adopté une attitude négative à son égard dès son arrivée alors que rien dans ses propositions ne venait limiter vos prérogatives ou réduire votre rémunération.

Il ressort de toutes ses constatations un manque d'investissement et de rigueur de votre part dans votre action commerciale et dans la gestion de vos dossiers qui mettent en péril le fonctionnement normal de nos opérations commerciales et qui ne nous permet plus de poursuivre notre collaboration (...)' ;

Considérant que le liquidateur judiciaire de la société Motorsport TV France soutient que l'insuffisance de résultats de M. [Z] résulte de son attitude négative à l'égard de sa hiérarchie, caractérisée par une rétention volontaire d'informations et une contestation récurrente des décisions prises dans l'objectif avoué de mettre à mal son autorité ; qu'il en déduit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et que M. [Z] doit être débouté de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Considérant que M. [Z] soutient que ni l'insuffisance de résultats, ni l'existence d'une attitude négative ne sont établies ; qu'il réclame en conséquence la fixation au passif de la liquidation judiciaire d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Considérant qu'en application de l'article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; que, si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué ; que l'insuffisance de résultats ne constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement que si elle procède, soit d'une insuffisance professionnelle, soit d'une faute imputable au salarié ;

Qu'en l'espèce, les échanges de courriels invoqués par le liquidateur judiciaire ne font pas ressortir l'existence d'une attitude négative de M. [Z] à l'égard de son supérieur mais seulement des critiques à l'encontre du salarié, sans que des éléments objectifs viennent les corroborer ; que par ailleurs, les éléments comptables versés aux débats par le salarié contredisent les accusations de l'employeur quant à un effondrement total de son chiffre d'affaires ; qu'enfin, il ressort des pièces versées que les difficultés économiques de la société Motorsport TV France étaient anciennes et non imputables à M. [Z] comme le montre son placement sous sauvegarde judiciaire dès mai 2016 ;

Qu'il s'ensuit que le licenciement de M. [Z] est dépourvu de cause réelle et sérieuse comme l'ont justement estimé les premiers juges ;

Qu'en conséquence, M. [Z] est fondé à réclamer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige ; qu'eu égard à son âge (né en 1979), à son ancienneté (six années), à sa rémunération des six derniers mois (6 x 4 507,56 euros eu égard aux rappels de salaire mentionnés ci-dessus), à l'absence d'explication du salarié sur sa situation postérieure au licenciement, il y a lieu de fixer au passif de la liquidation judiciaire une créance d'un montant de 35 000 euros net à ce titre ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Sur les dommages-intérêts pour circonstances vexatoires entourant le licenciement :

Considérant qu'en toute hypothèse, M. [Z] ne justifie pas d'un lien de causalité entre la dégradation de son état de santé qu'il invoque à ce titre et les circonstances du licenciement, les pièces médicales versées aux débats ne faisant pas ressortir l'existence d'un tel lien ; qu'ainsi, il y a lieu de débouter M. [Z] de cette demande de dommages-intérêts ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Sur les dommages-intérêts pour remise tardive de documents de fin de contrat et paiement tardif du solde de tout compte :

Considérant qu'en toute hypothèse, M. [Z] ne justifie pas d'un préjudice à ce titre ; qu'il y a donc lieu de confirmer le débouté de cette demande ;

Sur les intérêts légaux :

Considérant qu'il y a lieu de rappeler qu'en application des dispositions de l'article L. 622-28 du code du commerce, le jugement du tribunal de commerce du 31 mai 2016 qui a prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Motorsport TV France a arrêté le cours des intérêts légaux ; que seules les créances de M. [Z] nées antérieurement au 31 mai 2016 portent donc intérêts légaux jusqu'à cette date ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Sur la garantie de l'AGS :

Considérant qu'il y a lieu de déclarer le présent arrêt opposable à l'AGS CGEA d'Ile de France Ouest qui ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-17 et L. 3253-19 à 21 du code du travail et de déclarer que l'obligation de l'AGS de faire l'avance de la somme à laquelle est évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement ;

Sur l'application de l'article L. 1235-4 du code du travail :

Considérant qu'eu égard la solution du litige et à la liquidation judiciaire de la société Motorsport TV France, il y a lieu d'ordonner à Me Legras de Grandcourt, ès qualités de liquidateur judiciaire, de rembourser aux organismes concernés, les indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à M. [Z] du jour de son licenciement au jour du jugement attaqué et ce dans la limite d'un mois d'indemnités ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu'eu égard à la liquidation judiciaire de la société Motorsport TV France, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il statue sur ces deux points ; qu'eu égard à la solution du litige Me Legras de Grandcourt, ès qualités de liquidateur judiciaire, sera condamné à payer à M. [Z] une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement attaqué, en ce qu'il dit le licenciement de M. [E] [Z] dépourvu de cause réelle et sérieuse et déboute ce dernier de ses demandes de dommages-intérêts en raison de la remise tardive des documents de fin de contrat et du paiement tardif du solde de tout compte, et d'indemnité pour travail dissimulé,

Infirme le jugement attaqué pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Motorsport TV France la créance de M. [Z] aux sommes suivantes :

- 35 000 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause et sérieuse,

- 12 135,53 euros brut à titre de rappel de salaire sur commission et 1 213,55 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 30 955,42 euros brut à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et 3 095,54 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 5 827,08 euros brut au titre de la contrepartie obligatoire en repos et 582,70 euros brut au titre des congés payés afférents,

Rappelle que seules les créances de M. [Z] nées antérieurement au 31 mai 2016 portent intérêts légaux jusqu'à cette date,

Ordonne à Me Patrick Legras de Grandcourt, ès qualités de liquidateur judiciaire, de rembourser aux organismes concernés, les indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à M. [Z] du jour de son licenciement au jour du jugement attaqué, et ce dans la limite d'un mois d'indemnités,

Déclare le présent arrêt opposable à l'AGS CGEA d'Ile de France Ouest qui ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-17 et L. 3253-19 à 21 du code du travail et déclare que l'obligation de l'AGS de faire l'avance de la somme à laquelle est évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne Me Legras de Grandcourt, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Motorsport TV France, à payer à M. [Z] une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,

Condamne Me Legras de Grandcourt, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Motorsport TV France aux dépens de première instance et d'appel,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Anne-Sophie CALLEDE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 20/00791
Date de la décision : 01/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-01;20.00791 ?
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