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01/06/2022 | FRANCE | N°19/03814

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 01 juin 2022, 19/03814


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 01 JUIN 2022



N° RG 19/03814 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TQLU



AFFAIRE :



[O] [E]





C/

S.A.S. MM CONSEIL









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Août 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : AD

N° RG : 18/00271




Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Stéphane MARTIANO



Me Karine ROUSSELOT-WEBER







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE UN JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 01 JUIN 2022

N° RG 19/03814 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TQLU

AFFAIRE :

[O] [E]

C/

S.A.S. MM CONSEIL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Août 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : AD

N° RG : 18/00271

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Stéphane MARTIANO

Me Karine ROUSSELOT-WEBER

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE UN JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [O] [E]

né le 07 Mars 1981 à [Localité 6] (MAROC)

de nationalité française

[Adresse 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Stéphane MARTIANO, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1459

substitué à l'audience par Me Isabelle BENAZETH-GREGOIRE, avocat au barreau de MELUN, vestiaire : M79

APPELANT

****************

S.A.S. MM CONSEIL

N° SIRET : 401 048 186

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Karine ROUSSELOT-WEBER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 301

substitué à l'audience par Me Mathilde BAUDIN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 351

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Avril 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Anne-Sophie CALLEDE,

M. [O] [E] a été embauché à compter du 2 mai 2011 selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité de 'technicien hotline informatique' par la société MM Conseil.

Par avenant du 30 avril 2016, une part variable de rémunération a été ajoutée à la rémunération fixe, sous forme de prime quadrimestrielle sur objectifs.

Par lettre du 12 mai 2017, la société MM Conseil a convoqué M. [E] à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Par lettre du 7 juillet 2017, la société MM Conseil a notifié à M. [E] son licenciement pour cause réelle et sérieuse, tirée d'un refus de réaliser ses tâches, avec exécution d'un préavis de deux mois.

À compter du 8 août 2017, M. [E] a été dispensé de l'exécution de son préavis.

Le 8 février 2018, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre pour contester la validité et subsidiairement le bien-fondé de ce licenciement et demander la condamnation de la société MM Conseil à lui payer notamment des dommages-intérêts pour licenciement nul ou une indemnité pour licenciement sans cause et sérieuse ainsi que des dommages-intérêts pour harcèlement moral et des rappels de salaire.

Par jugement du 8 août 2019, le conseil de prud'hommes (section activités diverse) a :

- dit que le licenciement de M. [E] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société MM Conseil à payer à M. [E] une somme de 472,52 euros brut à titre de prime de vacances et une somme de 47,25 euros brut au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 8 août 2019 ;

- condamné la société MM Conseil à payer à M. [E] une somme de 950 euros au titre des frais irrépétibles, avec intérêts au taux légal à compter du 8 août 2019 ;

- débouté M. [E] de ses autres demandes ;

- débouté la société MM Conseil de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

- condamné la société MM Conseil aux dépens.

Le 18 octobre 2019, M. [E] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions du 16 décembre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, M. [E] demande à la cour d'infirmer le jugement attaqué sur le débouté de ses demandes de nullité du licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement d'indemnité pour licenciement sans cause et sérieuse, de dommages-intérêts pour harcèlement moral, de rappel de primes d'objectifs et de congés payés afférents et, statuant à nouveau sur les chefs infirmés, de :

- dire son licenciement nul ou à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société MM Conseil à lui payer les sommes suivantes :

* 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

* 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement à titre d'indemnité pour licenciement sans cause et sérieuse ;

* 1 200 euros à titre de prime d'objectif et 120 euros au titre des congés payés afférents ;

* 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Aux termes de ses conclusions du 11 mars 2020, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société MM Conseil demande à la cour de :

- confirmer le jugement sur le licenciement et le débouté des demandes de M. [E] ;

- débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner M. [E] à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 20 octobre 2021.

SUR CE :

Sur les dommages-intérêts pour harcèlement moral :

Considérant que M. [E] soutient qu'il a été victime d'un harcèlement moral de la part de son employeur, ayant dégradé sa santé physique et mentale, et constitué par :

- une surcharge de travail ;

- l'envoi d'une lettre de recadrage le 22 juillet 2014 destinée à le destabiliser ;

- des pressions constantes pour accepter un changement de poste ;

- des agressions verbales, des critiques, des brimades, des convocations régulières, des entretiens stériles ;

Qu'il réclame en conséquence une somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Considérant que la société MM Conseil conclut au débouté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l'application de l'article L. 1152-1, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement dans la rédaction applicable au litige (pour les faits antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016) ou présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement (pour les faits postérieurs à l'entrée en vigueur de la loi sus-mentionnée), et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Qu'en l'espèce, s'agissant d'une surcharge de travail, M. [E] se borne à verser aux débats un bref courriel de son employeur recensant le nombre d'appels téléphoniques qu'il a reçus annuellement, insuffisant à caractériser une telle surcharge ;

Que s'agissant de pressions pour accepter un changement de poste, M. [E] verse aux débats des courriels accusant son employeur de pressions qui ne sont corroborés par aucun élément objectif ; que de plus, M. [E] n'allègue pas que le changement de poste en cause constituait une modification unilatérale de son contrat de travail de travail ;

Que s'agissant des agressions verbales, critiques et brimades alléguées, M. [E] verse aux débats deux attestations, l'une émanant d'une salariée licenciée en conflit avec la société intimée, et l'autre émanant d'une salariée ne travaillant pas dans l'entreprise mais dans une filiale au Maroc, qui sont donc dénuées de valeur probante et qui en tout état de cause ne contiennent aucun élément précis et circonstancié sur les faits en cause ;

Que s'agissant de la lettre du 22 juillet 2014, il s'agit d'un simple rappel adressé par l'employeur à M. [E] relativement au respect de ses obligations horaires et comportementales, rédigé en des termes neutres et dans le cadre du pouvoir de direction, sans que n'en ressorte une volonté de destabilisation ;

Que s'agissant de convocations régulières à 'des entretiens stériles', un seul courriel de convocation à un entretien pour le 22 février 2017 est versé aux débats, sans indication quant au contenu de cet entretien ;

Que les pièces médicales versées aux débats soit ne font aucun lien entre l'état de santé de M. [E] et ses conditions de travail dans l'entreprise, soit reprennent ses dires quant à l'existence d'un tel lien, soit encore font abusivement état d'un tel lien en l'absence de toute constatation personnelle des praticiens relativement à ses conditions de travail ;

Qu'il résulte de ce qui précède que M. [E] n'établit pas des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, ni ne présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement ;

Qu'il convient donc de débouter l'appelant de sa demande de dommages-intérêts à ce titre ; que le jugement attaqué sera confirmé sur ce point ;

Sur la validité du licenciement et les dommages-intérêts pour licenciement :

Considérant qu'en l'absence de harcèlement moral, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. [E] n'est pas fondé à invoquer la nullité de son licenciement à ce titre ; qu'il sera donc débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul ; que le jugement attaqué sera confirmé sur ce point ;

Sur le bien-fondé du licenciement et l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Considérant que la lettre de licenciement notifiée à M. [E] est ainsi rédigée : '(...) En date du 10 mars 2017 (mail du directeur général Pierre aux équipes), le directeur général vous expliquait que sur le dossier EFFICOM, il était nécessaire de répartir les tâches différemment et vous confiait notamment l'analyse des performances de l'application, les tests, la description des nouveaux développements à faire.

La raison en est que nous sommes à court de chef de projet de façon globale pour la société MM Conseil et que votre collègue [N] [L] est submergé par les demandes sur EFFICOM et simultanément sur tous les dossiers Renault qu'il gère, ce qui conduisait le directeur général à assurer lui-même une partie de la gestion de projet, cumulant ainsi les rôles de directeur général, directeur commercial et directeur de projet.

Votre réponse a été que non seulement vous ne vouliez pas assurer ses tâches mais en plus vous souhaitiez une augmentation de salaire.

Votre refus réitéré à plusieurs reprises de réaliser ces tâches du projet EFFICOM qui entre pleinement dans vos attributions, compétences, caractérise le refus d'accomplir votre travail au sein de la société, remettant ainsi en cause les directives qui vous sont données. Cela nuit gravement au bon fonctionnement de notre société.

L'entretien préalable aurait été l'occasion de vous expliquer sur ce refus mais ne vous y êtes pas présenté. Dans ces conditions, nous vous notifions par la présente votre licenciement en raison de votre refus réitéré d'exécution de votre travail (...)' ;

Considérant que M. [E] soutient que les faits reprochés ne sont pas établis, que le courriel du 10 mars 2017 n'est pas versé aux débats, que l'employeur n'a jamais expliqué les tâches qu'il aurait refusé d'exécuter et que l'employeur cherchait à délocaliser la 'hotline' en Tunisie ; qu'il réclame en conséquence l'allocation d'une indemnité pour licenciement sans cause et sérieuse ;

Considérant que la société MM Conseil soutient que les faits reprochés sont établis et que le licenciement est ainsi fondé sur une cause réelle et sérieuse ; qu'elle conclut donc au débouté de la demande d'indemnité pour licenciement sans cause et sérieuse ;

Considérant qu'en application de l'article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; que, si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué ;

Qu'en l'espèce, il ressort des débats et des pièces versées que si le courriel collectif du 10 mars 2017 n'est effectivement pas produit par la société MM Conseil, d'autres courriels adressés par M. [E] lui-même à son employeur et notamment un courriel du 21 avril 2017, ayant pour objet 'abandon de hotline', indiquent clairement que M. [E] a refusé à plusieurs reprises l'évolution de son poste, consistant en un arrêt des fonctions de traitement des appels de clients (hotline) relativement à l'application EFFICOM et en un recentrage sur les fonctions d'analyse de cette application dont il avait déjà la charge ; que M. [E] n'établit ni même n'allègue que cette évolution entraînait une modification unilatérale du contrat de travail ;

Que dans ces conditions, le refus réitéré par l'appelant d'un simple changement de ses conditions de travail, décidé par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, est établi, étant précisé par ailleurs que M. [E] ne soutient pas que son licenciement est en réalité fondé sur un motif économique prévu par l'article L. 1233-3 du code du travail ;

Qu'il résulte de ce qui précède que le licenciement de M. [E] repose sur une cause réelle et sérieuse et qu'il convient de le débouter de sa demande d'indemnité à ce titre ; que le jugement attaqué sera confirmé sur ce point ;

Sur le rappel de prime sur objectifs :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1234-5 du code du travail : 'Lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice. / L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise. / L'indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l'indemnité de licenciement et avec l'indemnité prévue à l'article L. 1235-2 ' ;

Qu'en l'espèce, M. [E] réclame le paiement de la prime sur objectifs prévue par son contrat de travail pour la période afférente à la dispense de préavis ; que toutefois, seul un complément d'indemnité compensatrice de préavis peut, le cas échéant être sollicité pour cette période par application des dispositions mentionnées ci-dessus, et non le paiement de la prime en elle-même ; qu'il convient donc de débouter M. [E] de cette demande ; que le jugement attaqué sera confirmé sur ce point ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il statue sur ces deux points ; qu'en outre, M. [E], qui succombe en son appel, sera condamné à payer à la société MM Conseil une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel ainsi qu'aux dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement attaqué,

Y ajoutant,

Condamne M. [O] [E] à payer à la société MM Conseil une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne M. [O] [E] aux dépens d'appel,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Anne-Sophie CALLEDE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 19/03814
Date de la décision : 01/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-01;19.03814 ?
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